II. UNE POLITIQUE À CONTRE-TEMPS

A. LE CRÉDIT D'IMPÔT SUR LE PREMIER ABONNEMENT : HISTOIRE D'UN CRASH PAS ANNONCÉ

Le crédit d'impôt sur le revenu accordé au titre du premier abonnement à un journal, à une publication périodique ou à un service de presse en ligne d'information politique et générale a suscité de très grands espoirs dans la profession lors de sa création par l'article 2 de la loi de finances rectificative pour 2020 du 30 juillet 2020. Le contexte était alors celui de la pandémie, et une mesure rapide apparaissait alors de nature à rassurer la profession et susciter de nouvelles vocations de lecteur.

Dans sa version initiale, le crédit d'impôt était borné dans le temps au 31 décembre 2022 et n'était ouvert qu'aux foyers fiscaux dont le montant des revenus n'excédait pas, pour une part de quotient familial, 24 000 euros, limite majorée de 25 % par demi-part supplémentaire. Le crédit visait un seul abonnement et couvrait 50 % du montant, dans la limite de 50 euros.

Lors de son examen, le Sénat avait simplifié le dispositif en ne retenant pas la condition de ressource qui alourdissait le mécanisme.

Le gouvernement avait choisi de communiquer sur un montant de 26 millions d'euros sur l'année 2020, et de 60 millions d'euros en année pleine. Sur la durée prévue, le montant affiché et largement relayé était donc d'environ 150 millions d'euros . Le rapporteur s'en était fait l'écho dans l'examen des précédentes lois de finances.

Cependant, le dispositif retenu nécessitait l'accord de la Commission européenne , qui ne l'a rendu que le 15 avril 2021 : l'année 2020 et une partie de 2021 se sont donc trouvées exclues. Ensuite, par un amendement porté par le groupe LREM à l'Assemblée nationale dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022, un article 78 a, d'une part, prorogé d'une année, soit jusqu'en 2023 le crédit d'impôt, mais d'autre part a rétabli la condition de ressource supprimé par le Sénat en 2020. Ce second mécanisme a également été soumis à la Commission européenne.

Résultat de ce cheminement complexe, où une forme de réticence institutionnelle n'est pas à exclure, seuls trois millions d'euros figurent dans les documents budgétaires pour l'année 2022 et 2023.

LE LOURD ÉCHEC DU CRÉDIT D'IMPÔT

montant initialement prévu
entre 2020 et 2022

montant finalement envisagé
en 2022 et 2023 avant l'annonce
de la suppression

En réalité, les éditeurs n'ont jamais été en mesure de communiquer et de s'approprier ce dispositif , annoncé puis retardé, redimensionné et devenu trop complexe pour le public visé. Il apparaît donc aujourd'hui très largement comme « mort-né », et aucun éditeur entendu par le rapporteur ne semble décidé à en profiter. La conclusion de cet épisode a été l'annonce de la suppression probable du crédit d'impôt, le gouvernement ayant retenu dans le cadre de l'utilisation de l'article 49-3 à l'Assemblée nationale un amendement y mettant un terme au 31 décembre 2022.

Cet état de fait est extrêmement regrettable et ce, pour trois raisons :

Ø il oppose cruellement les annonces faites publiquement et une réalité juridique qu'il était certainement possible de mieux anticiper ;

Ø il prive la filière d'une aide nécessaire et qui n'a finalement jamais pu être perçue ;

Ø il laisse un goût amer aux éditeurs comme aux lecteurs qui n'ont jamais pu profiter d'un dispositif destiné à promouvoir la presse écrite.

Il n'est donc pas possible d'opposer aux demandes de la filière une pure logique budgétaire pour lui dénier une aide ponctuelle dans une situation qui met en jeu la survie d'une partie des titres .

Page mise à jour le

Partager cette page