Avis n° 120 (2022-2023) de Mme Nathalie DELATTRE , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 17 novembre 2022

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Synthèse du rapport (1 Moctet)


N° 120

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 novembre 2022

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l' éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances , considéré comme adopté par l'Assemblée nationale
en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour
2023 ,

TOME III

Fascicule 2

ENSEIGNEMENT SCOLAIRE

Enseignement technique agricole

Par Mme Nathalie DELATTRE,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon , président ; M. Max Brisson, Mme Laure Darcos, MM. Stéphane Piednoir, Michel Savin, Mme Sylvie Robert, MM. David Assouline, Julien Bargeton, Pierre Ouzoulias, Bernard Fialaire, Jean-Pierre Decool, Mme Monique de Marco , vice-présidents ; Mmes Céline Boulay-Espéronnier, Else Joseph, Marie-Pierre Monier, Sonia de La Provôté , secrétaires ; MM. Maurice Antiste, Jérémy Bacchi, Mmes Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, Toine Bourrat, Céline Brulin, Samantha Cazebonne, M. Yan Chantrel, Mme Nathalie Delattre, M. Thomas Dossus, Mmes Sabine Drexler, Laurence Garnier, Béatrice Gosselin, MM. Jacques Grosperrin, Jean Hingray, Jean-Raymond Hugonet, Claude Kern, Mikaele Kulimoetoke, Michel Laugier, Pierre-Antoine Levi, Jean-Jacques Lozach, Jacques-Bernard Magner, Jean Louis Masson, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Philippe Nachbar, Olivier Paccaud, Damien Regnard, Bruno Retailleau, Mme Elsa Schalck, M. Lucien Stanzione, Mmes Sabine Van Heghe, Anne Ventalon, M. Cédric Vial.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 16 ème législ.) : 273 , 285 , 286 rect., 292 , 337 , 341 , 364 , 369 , 374 , 386 et T.A. 26

Sénat : 114 et 115 à 121 (2022-2023)

AVANT-PROPOS

Les crédits du programme 143 consacré à l'enseignement technique agricole s'élèvent à 1,59 milliard d'euros dans le projet de loi de finances pour 2023, soit une hausse de 67,8 millions d'euros (4,44 %) par rapport à la loi de finances initiale pour 2022 .

En réponse aux recommandations formulées par la Cour des comptes en 2020 dans le cadre de son rapport sur les coûts et la performance du programme 143, la maquette budgétaire a été sensiblement modifiée par rapport au projet de loi de finances pour 2022 . Les diverses mesures de périmètre et de transferts ainsi que la modification de l'un des indicateurs du programme ont cependant tendance à altérer la lisibilité de cette hausse des crédits au sein du programme.

Après une légère progression en 2021, les effectifs scolarisés au sein de l'enseignement agricole sont à nouveau en baisse pour la rentrée 2022. Si la diminution du nombre d'élèves à la rentrée 2020 était justifiée par les conséquences de la crise sanitaire, cette nouvelle baisse des effectifs souligne avec force la nécessité d'agir sans délai pour mieux faire connaître l'enseignement agricole .

Enfin, la conjoncture économique, caractérisée par un fort taux d'inflation, inquiète quant à la situation financière des établissements de l'enseignement technique agricole à court terme. Face au contexte énergétique tendu et à la hausse globale des coûts de production, la rapporteure appelle le Gouvernement à mettre en place un plan d'urgence en faveur des établissements de l'enseignement technique agricole public et privé pour leur permettre d'amortir le choc inflationniste et préserver leur trésorerie .

I. UN BUDGET EN PROGRESSION À HAUTEUR DE 67,8 MILLIONS D'EUROS, RÉPARTIS AU SEIN D'UNE MAQUETTE BUDGÉTAIRE RENOUVELÉE

A. UNE HAUSSE DE 4,44 % DES CRÉDITS DU PROGRAMME 143

Les crédits du programme 143 progressent de 67,8 millions d'euros par rapport à 2022.

Actions

LFI 2022 (CP)

millions €

PLF 2023 (CP) millions €

Évolution

millions €

Évolution (%)

Mise en oeuvre des enseignements dans les établissements publics

809,04

854,68

+ 45,64

+ 5,64 %

Mise en oeuvre des enseignements dans les établissements privés

598,79

628,54

+ 29,75

+ 4,97 %

Aide sociale aux élèves

108,48

81,56

- 26,92

- 24,82 %

Mise en oeuvre dans les territoires

4,63

8,03

+ 3,4

+ 73 %

Moyens communs

6,21

22,13

+ 15,92

+ 256,36 %

Total

1 527,14

1 594,94

+ 67,8

+ 4,44 %

Les dépenses de personnel s'élèvent en 2023 à plus d'1 milliard d'euros , en hausse de 73 millions d'euros (+ 7,34 %) par rapport à 2022, en raison notamment de la revalorisation du point d'indice pour 46 millions d'euros, du financement du glissement vieillesse technicité pour 12,64 millions d'euros et de diverses mesures de transfert.

Les crédits hors dépenses de personnel diminuent de 5,37 millions d'euros (- 1 %) , principalement du fait d'une part d'un ajustement à la baisse des crédits dédiés au financement des bourses sur critères sociaux (- 4,6 millions d'euros) que le ministère justifie par la diminution du nombre d'élèves, et d'autre part de diverses mesures de transfert vers d'autres programmes. En revanche, les crédits en faveur de l'inclusion des élèves en situation de handicap sont en hausse (+ 10,3 millions d'euros).

Lors de son audition, la DGER est revenue sur l'absence de traduction automatique pour les élèves de l'enseignement agricole , dans le budget, des annonces par le ministre de l'éducation nationale de revalorisation des aides sociales . Si le ministère a confirmé, dans les faits, que l'ensemble des élèves, quel que soit leur établissement d'études, bénéficie de ces augmentations , la rapporteure regrette cette absence d'automaticité qui est source d'inquiétude pour les parents des élèves de l'enseignement agricole, et de manque de clarté budgétaire pour les services du ministère . C'est notamment le cas, cette année de l'annonce d'une augmentation de 50 % du fonds social lycéen de l'éducation nationale : pour l'enseignement agricole, le projet budgétaire ne l'intègre pas, bien que ces crédits supplémentaires seront versés, en gestion, en cours d'année .

La rapporteure rappelle le caractère essentiel de ces aides pour de très nombreuses familles : les catégories socio-professionnelles de parents d'élèves les plus représentées dans l'enseignement technique agricole sont les ouvriers et les salariés .

1. Le renforcement des moyens des établissements et la mise en oeuvre des enseignements dans les territoires parmi les principaux bénéficiaires de la hausse du budget pour 2023

• Mise en oeuvre des enseignements dans les établissements publics et privés de l'enseignement technique agricole

Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit une augmentation des crédits destinés à la mise en oeuvre de l'enseignement agricole dans les établissements public pour 45,63 millions d'euros, ainsi qu'une hausse de 29,75 millions d'euros destinés à la mise en oeuvre de l'enseignement agricole dans les établissements privés.

S'agissant de l'enseignement agricole public, les crédits en augmentation hors dépenses de personnel (2,5 millions d'euros supplémentaires par rapport à la loi de finances initiale pour 2022) sont destinés à la prise en charge des assistants d'éducation, avec une prévision de 3,5 ETPT supplémentaires pour 2023. Le taux de prise en charge du coût des assistants d'éducation est également augmenté pour se rapprocher du taux de prise en charge du ministère de l'éducation nationale.

S'agissant de l'enseignement agricole privé, le projet de loi de finances pour 2023 prévoit une hausse hors dépenses de personnels de 4,55 millions d'euros, pour mettre en oeuvre le nouveau protocole qui encadre le montant de la subvention de fonctionnement allouée aux fédérations des établissements privés du temps plein. Une enveloppe maximale de crédits par an de 141,3 millions d'euros en 2022 et de 146,3 millions d'euros pour les quatre années suivantes (2023-2026) était prévue par ce protocole.

La rapporteure salue cette augmentation des crédits, mais s'interroge encore quant à l'asymétrie des dotations, les établissements de l'enseignement agricole public bénéficiant de 53,6 % du budget, pour 40 % des effectifs accueillis .

• Mise en oeuvre de l'enseignement technique agricole dans les territoires

La hausse des crédits pour 2023 est également due à :

• la mise en oeuvre progressive depuis avril 2022 du Pass Culture dans les établissements d'enseignement agricole pour un coût de 2,8 millions d'euros en 2023 (contre 1,2 million d'euros en 2022) ;

• la montée en charge de la rénovation massive des titres et diplômes en vue de leurs réinscriptions au répertoire national des certifications professionnelles avant le 1 er janvier 2024 (pour renforcer l'insertion professionnelle des élèves en veillant à l'adéquation des diplômes aux besoins des filières) pour 250 000 euros ;

• le financement du plan « Enseigner à produire autrement, pour les transitions et l'agroécologie » pour 300 000 euros supplémentaires.

2. Une augmentation bienvenue des crédits en faveur de l'école inclusive

Durant l'année scolaire 2021-2022, 4 669 élèves en situation de handicap scolarisés dans des lycées d'enseignement agricole ont bénéficié d'un accompagnement conformément à une notification de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH), contre 3 714 pour l'année scolaire 2020-2021, soit une augmentation de 26 % . En 2022, 6 407 apprenants ont bénéficié d'un projet personnalisé de scolarisation (PPS), contre 3 820 en 2021.

Face à l'augmentation du nombre d'élèves bénéficiaires, continue depuis 2018 (+ 126 %), et des ETP d'accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) sur la même période (+ 78 %), la dotation en faveur de l'accompagnement et de l'inclusion de ces élèves progresse de 10,28 millions d'euros pour 2023 .

Outre une amélioration de l'accompagnement des élèves en situation de handicap, cette hausse de 50 % du budget vise à traduire les engagements du gouvernement envers les AESH : en effet, une revalorisation des salaires est prévue, et pour ceux provenant du ministère de l'éducation nationale, il sera tenu compte lors de leur recrutement de l'indice antérieur et des services accomplis dans le cadre de la transformation de leur contrat en CDI.

La rapporteure se réjouit de cette augmentation conséquente, indispensable pour permettre la scolarisation dans les meilleures conditions, en milieu ordinaire, des élèves et étudiants de l'enseignement technique agricole en situation de handicap .

Pour autant, la rapporteure renouvelle son inquiétude face au faible nombre des personnes ressources venant en appui aux services déconcentrés et aux établissements pour animer un réseau et coordonner les actions de formation en matière d'inclusion. Ces effectifs semblent sous-dimensionnés face à l'évolution croissante des besoins, puisque cette année encore, seules deux personnes à temps plein sont dédiées à cette tâche, alors qu'on dénombre 806 établissements d'enseignement agricole (publics et privés inclus).

B. UNE MAQUETTE BUDGÉTAIRE SENSIBLEMENT MODIFIÉE DANS LE CADRE DU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2023

1. De nombreuses mesures de transferts ont été effectuées

Si la hausse générale des crédits du programme doit être saluée, sa lisibilité est parfois altérée, eu égard à l'ampleur des mesures de périmètre et de transferts opérés au sein de la maquette budgétaire. À compter de 2023, certains moyens auparavant compris dans l'action 1 consacrée aux établissements du public sont transférés vers d'autres actions du programme 143 :

ð les moyens dédiés à la réparation des accidents du travail des étudiants et aux visites médicales des élèves en stage sont transférés vers l'action 3 « Aide sociale et santé scolaire », commune au public et au privé, pour 3,55 millions d'euros pour 2023 ;

ð les moyens pour la rénovation des systèmes d'information sont transférés sur l'action 5 « Moyens communs à l'enseignement technique agricole public et privé », pour 10,92 millions d'euros pour 2023.

Un transfert est réalisé du programme 143 vers le programme 142 « Enseignement et recherche agricoles » pour les bourses de l'enseignement supérieur court pour 25,87 millions d'euros. 4,7 millions d'euros sont également transférés vers le programme 143 depuis le programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l'aquaculture » pour la formation et l'information des syndicats agricoles.

2. Un nouvel indicateur, peu éclairant, a été introduit dans la maquette

L'indicateur « Coût unitaire de formation d'un élève pour l'État » (CUFE) qui était spécifique à l'enseignement agricole public et présentait selon le ministère des difficultés méthodologiques importantes, a été modifié dans le projet de loi de finances pour 2023.

Un nouvel indicateur, nommé « Dépense moyenne de l'État pour la formation d'un élève de l'enseignement agricole technique » rend désormais compte de ce coût à la fois pour le secteur public et le secteur privé, conformément aux recommandations de la Cour des comptes dans son rapport de 2020 sur les coûts et la performance du programme 143.

La rapporteure regrette le manque de clarté de ce nouvel indicateur, qui obscurcit le calcul du cout moyen pour l'État d'un élève dans le public, sans permettre de connaître clairement ce coût pour un élève issu du privé .

Parmi les autres adaptations de la maquette, un sous-indicateur a également été introduit pour identifier, parmi les dépenses de l'enseignement agricole public, l'équivalent de ce que la subvention couvre pour les établissements privés et simplifier le calcul de la subvention destinée aux établissements privés. Cela fait suite à un accord avec les fédérations nationales de l'enseignement agricole privé, pour s'affranchir du recours à une enquête quinquennale établissant le coût moyen d'un élève scolarisé dans l'enseignement public.

C. UNE HAUSSE DES ETP OPPORTUNE MAIS DONT LE FLÉCHAGE INTERROGE

Pour 2023, le schéma d'emplois prévoit + 15 ETP sur le programme 143 , pour renforcer les équipes médico-sociales de l'enseignement agricole. Ces professionnels, en priorité des médecins mais aussi des psychologues scolaires et des assistants sociaux, seront placés auprès des autorités académiques et assureront des permanences au sein des établissements.

Si la rapporteure se félicite de cette hausse des ETP après une baisse conséquente l'année dernière, le faible nombre d'ETP supplémentaires prévus - environ 1 ETP par région -, pose question quant à l'efficacité et à la pertinence de ce dispositif sur le terrain .

Au cours de son audition, Marc Fesneau, ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, a également affirmé que ces 15 postes médico/sociaux seraient renforcés de 15 ETP en 2024 et 15 en 2025, sans faire plus d'annonces à ce stade sur le schéma pluriannuel 2023-2026. La rapporteure s'en réjouit et sera attentive au fléchage de ces nouveaux ETP à partir de l'année prochaine .

En effet, pour former davantage de jeunes dans ses filières en devenir qui perdent en attractivité, l'enseignement agricole doit impérativement maintenir de petits effectifs, ouvrir davantage de classes et élargir l'éventail d'options proposées dans les établissements.

La rapporteure alerte sur la nécessité de se donner les moyens d'agir en augmentant avant tout les ETP à destination des enseignants pour les années à venir et en donnant davantage de souplesse aux directeurs d'établissements pour répartir les emplois nouvellement créés en fonction des besoins sur le terrain .

Suite à l'allègement du schéma d'emplois négatif en 2022, ramenant à 16 les suppressions d'ETP (au lieu de 110 prévus initialement), 23 classes ont ouvert dans le public et 25 dans le privé, avec succès, 84 % des 829 places ouvertes ayant été pourvues .

Il est indispensable de redynamiser l'enseignement agricole en lui donnant les moyens d'ouvrir davantage de formations correspondant à ses objectifs et aux besoins locaux.

II. L'URGENCE D'AGIR CONCRÈTEMENT POUR RENFORCER DURABLEMENT L'ATTRACTIVITÉ DE L'ENSEIGNEMENT AGRICOLE

A. UNE TENDANCE À LA BAISSE DU NOMBRE D'ÉLÈVES QUI SEMBLE SE CONFIRMER

À la rentrée 2022, les établissements de l'enseignement technique agricole ont accueilli 153 877 élèves et étudiants par la voie scolaire ou l'apprentissage. Le nombre d'élèves est donc en baisse de 1,1 % soit une diminution de 1 743 élèves . Cette baisse est visible aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé.

Cette diminution s'inscrit dans une tendance de plus long terme :

Évolution des effectifs scolarisés dans l'enseignement agricole

Rentrée scolaire

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Variation du nombre d'élèves

165 662

166 028

164 774

162 066

156 755

157 787

154 376

155 620

153 877

Variation annuelle

- 3,6 %

+ 0,5 %

- 0,8 %

- 1,7 %

- 3,4 %

+ 0,8 %

-2,2 %

+ 0,8 %

- 1,1 %

Source : commission de la culture, de l'éducation et de la, communication du Sénat

Si la diminution du nombre d'élèves à la rentrée 2020 s'expliquait par les conséquences de la crise sanitaire, cette nouvelle baisse des effectifs inquiète et souligne avec force la nécessité d'agir sans délai pour mieux faire connaître l'enseignement agricole .

La diminution des effectifs d'élèves concerne l'ensemble des niveaux d'enseignement, à l'exception notable des classes de collège. Ce sont surtout les effectifs de brevets de technicien supérieur agricole (BTSA) qui diminuent fortement (12,8 % soit 2 372 élèves en moins).

L'inquiétante situation des BTSA

Après deux années de forte baisse des effectifs scolarisés au sein des BTSA, la question de l'attractivité de ce type de diplôme doit être posée. Selon la DGER, ces chiffres en baisse continue s'expliquent principalement par deux facteurs : la préférence de l'apprentissage à la voie scolaire, et la volonté pour certains élèves d'entrer directement dans le monde du travail avec un bac professionnel. L'évolution, depuis la rentrée 2021, du DUT (diplômes universitaires de technologie) qui se préparait en quatre semestres, en BUT (bachelor universitaire de technologie), d'une durée de six semestres, pourrait également avoir une influence sur les diminutions des effectifs du BTSA.

Si la réforme de la semestrialisation du BTSA a permis de mieux inscrire ce diplôme dans l'architecture européenne LMD (licence, master, doctorat), la perte d'attractivité continue de ce niveau d'études inquiète. À l'instar des DUT qui ont su s'adapter aux nouvelles attentes des étudiants, et alors que les recrutements à bac+ 2 se raréfient, la rapporteure juge nécessaire de mettre en place au plus vite un groupe de travail pour revaloriser le BTSA et lui redonner une perspective claire dans une dynamique Bac+ 3.

Par ailleurs, et alors qu'une réforme de l'enseignement professionnel a été amorcée, les bac professionnels perdent eux aussi 3 % de leurs effectifs soit 1 334 élèves en moins . Or, 45 % des élèves de l'enseignement agricole sont scolarisés en baccalauréat professionnel, dont les résultats et les taux d'insertion professionnelle sont plus que satisfaisants.

À partir de la rentrée 2022, le tronc commun du baccalauréat professionnel est profondément rénové. L'enseignement des matières générales évolue : selon la DGER, l'approche pédagogique est davantage centrée sur l'acquisition de compétences transversales à partir de mises en situations sociales et professionnelles concrètes. Cette réforme doit aussi permettre de mieux en compte la sécurité dans les référentiels de formation, avec la mise en place d'une semaine de stage collectif sous l'angle de la santé et de la sécurité au travail.

La réforme à venir de la voie professionnelle devra prendre en compte les spécificités de l'enseignement technique agricole

Le Président de la République a annoncé en septembre dernier une réforme de la voie professionnelle, portée par Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'Enseignement et de la Formation professionnels. La réforme envisagée est à un stade préliminaire de concertation avec l'esquisse de quelques orientations, notamment la gratification des périodes de stages ou l'augmentation du temps en milieu professionnel pour les élèves.

Une concertation associant l'ensemble des acteurs de l'enseignement agricole a été lancée autour de quatre thématiques, chacune traitée dans un groupe de travail piloté par un recteur :

- comment réduire le nombre de décrocheurs dans la voie professionnelle ;

- comment améliorer la poursuite d'étude et sécuriser les parcours ;

- comment améliorer les taux d'accès à l'emploi après le diplôme ;

- comment donner plus de marges de manoeuvre aux établissements tout en garantissant une cohérence à l'échelle nationale.

La rapporteure salue cette concertation et sera attentive aux propositions qui en découleront, pour valoriser les atouts et les spécificités de l'enseignement agricole.

La rapporteure souligne également l'importance du maintien des baccalauréats généraux au sein des établissements de l'enseignement agricole, qui contribuent à la visibilité de ces derniers. Elle rappelle toutefois que des efforts doivent être fournis pour remédier à la forte limitation qui existe dans les choix de formation, puisque les lycées agricoles proposent généralement bien moins de spécialités que les lycées de l'éducation nationale.

S'agissant de l'apprentissage, l'augmentation du nombre d'apprentis se poursuit. Sur l'année scolaire 2021/2022, 57 000 apprentis ont suivi une formation dans un établissement de l'enseignement agricole, technique ou supérieur, soit 11 000 de plus que l'année précédente. C'est une hausse de 25 %, qui fait suite à une augmentation de 22 % (+ 9 000) l'année précédente, tendance également visible du côté des effectifs du ministère de l'Éducation nationale.

B. UN EFFORT DE COMMUNICATION À AMPLIFIER POUR VALORISER L'ENSEIGNEMENT AGRICOLE SUR LE LONG TERME

Plusieurs facteurs expliquent la poursuite de la baisse des effectifs, parmi lesquels un manque d'information persistant des élèves sur l'offre de formation de l'enseignement agricole. Or, à l'heure où plus de la moitié des exploitants agricoles ne seront plus en activité dans 10 ans et où le besoin de services dans les territoires augmente, l'enseignement agricole se doit de faire connaître ses formations et ses débouchés porteurs d'emploi par des actions concrètes sur le temps long.

1. Améliorer la visibilité des campagnes de promotion en faveur de l'enseignement agricole

Dans le cadre du Plan de relance, le ministère avait bénéficié pour 2022 d'une enveloppe de 10 millions d'euros en faveur de la communication sur les formations et les métiers du vivant. 8 millions d'euros ont permis de déployer la campagne « Les entrepreneurs du vivant » sur l'ensemble du territoire, 1,5 million d'euros ont été confiés aux DRAAF/DAAF pour décliner certaines des actions nationales et 0,5 million d'euros a bénéficié à l'enseignement agricole pour une campagne de communication sur les formations lancée depuis 2019, « L'Aventure du vivant », via les réseaux sociaux et via un site internet dédié.

Une présence physique se matérialisait par un camion « L'Aventure du vivant : le tour » qui se déplaçait dans les territoires pour valoriser l'enseignement agricole et les dynamiques locales de recrutement. Interrompu après deux étapes par la crise sanitaire, le tour a repris en septembre 2021 et en février 2022. Une nouvelle tournée a débuté le 2 septembre dernier et s'achèvera le 17 décembre prochain.

Malgré ces efforts notables, nombre d'acteurs représentant l'enseignement technique agricole public et privé déplorent le manque de visibilité en 2022 des campagnes de communication . Comme l'a constaté la mission d'information sénatoriale sur l'enseignement agricole, le camion du vivant, destiné aux jeunes en cours d'orientation, a tendance à attirer des jeunes déjà convaincus, et pose donc la question de l'adéquation entre le dispositif choisi et le public ciblé.

S'agissant du budget, la rapporteure pour avis s'étonne qu'après avoir ouvert une enveloppe de 9,7 millions d'euros au service de la communication sur le Plan de relance pour 2022, les crédits ne soient pérennisés qu'à hauteur de 1,9 million d'euros sur le programme 143 .

Un schéma de communication pluriannuel est essentiel pour faire connaître ces formations auprès du grand public et redynamiser durablement les effectifs. Il est indispensable de mieux cerner les attentes des jeunes et d'encourager les établissements, au niveau local, à se saisir à leur échelle de ces enjeux, en y associant leurs élèves.

2. Valoriser l'enseignement agricole au sein du système d'orientation

Malgré des résultats et des taux d'insertion excellents, l'enseignement agricole demeure pénalisé par le système d'orientation qui ne le met pas suffisamment en valeur . Les enseignants des collèges, qui jouent un rôle essentiel dans l'orientation, méconnaissent généralement les filières de l'enseignement technique agricole.

Les enjeux de l'orientation scolaire nécessitent ainsi une information systématique des élèves et de leurs parents sur les cursus offerts par l'enseignement agricole et le renforcement de l'information du relai que constituent les professeurs principaux.

La rapporteure encourage le Gouvernement à rendre obligatoire, en 5 ème et en 3 ème , dans le cadre des heures annuelles d'orientation, la venue d'un proviseur de lycée agricole et d'un directeur de maison familiale et rurale devant les élèves des collèges relevant de l'Éducation nationale pour présenter l'enseignement agricole .

L'Onisep (Office national d'information sur les enseignements et les professions), opérateur de l'État destiné à informer les étudiants sur les formations et les métiers existants, a intégré les formations de l'enseignement agricole au sein de ses supports. Pour autant, cet opérateur relève à ce jour du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse et du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation. Par ce rattachement, l'Onisep est contraint par les processus et objectifs de recrutement de l'éducation nationale , qui ne prennent pas forcément toujours en compte les spécificités de l'enseignement agricole.

Pour la rapporteure, il est essentiel que l'Onisep soit également rattaché au ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, afin de permettre à l'enseignement technique agricole de mieux être associé au travail de l'opérateur .

III. UN ENSEIGNEMENT PERFORMANT, EN PRISE AVEC LES ENJEUX DE DEMAIN, QU'IL CONVIENT DE PROTÉGER

A. UN ENSEIGNEMENT INNOVANT, DONT LES RÉSULTATS SONT TOUJOURS TRÈS SATISFAISANTS

En 2022, le taux de réussite était de 97 % pour le bac technologique contre 90,6 % pour les bac technologiques relevant de l'éducation nationale, 86 % pour le bac professionnel contre 82,3 % pour ceux relevant de l'Éducation nationale et 96 % pour les certificats d'aptitude professionnelle (CAP) agricole, contre 83,6 % ceux de l'Éducation nationale. Quant au brevet de technicien supérieur agricole (BTSA), 78 % des étudiants l'ont obtenu en 2022.

Les taux d'insertion sont également très satisfaisants : en post-bac, trois ans après l'obtention de leurs diplômes, 86 % des titulaires d'un bac professionnel de l'enseignement agricole et 92 % des titulaires d'un BTSA sont titulaires d'un emploi.

Au-delà de ces résultats, l'enseignement agricole se distingue par son caractère innovant reconnu, en prise avec les défis auxquels fait face le monde agricole, et s'engage pleinement dans des pratiques plus durables. Les établissements participent à la mise en oeuvre du plan 2020-2024 « Enseigner à produire autrement, pour les transitions et l'agroécologie » .

Le plan 2020-2024 « Enseigner à produire autrement, pour les transitions et l'agroécologie »

Pour amplifier la dynamique du premier plan « Enseigner à produire autrement », le ministère chargé de l'agriculture a impulsé un nouveau plan « Enseigner à produire autrement, pour les transitions et l'agro-écologie », dit « Enseigner à Produire Autrement 2 » (EPA2), qui a vocation à mobiliser l'ensemble des acteurs de l'enseignement agricole technique et supérieur, publics et privés, aux niveaux national, régional et local sur la période 2020-2024.

Articulé autour de quatre axes, il avait notamment pour objectifs durant ses deux premières années de mise en oeuvre :

- fin 2021, avoir 90 % des exploitations ayant arrêté l'utilisation du glyphosate et pour les 10 % restantes avoir une stratégie pour l'arrêter : 87 % l'avaient arrêté en décembre 2021 ;

- fin 2022, avoir 100 % des établissements engagés dans une démarche éco-responsable : 70 % des établissements l'étaient en septembre 2021 ;

- fin 2022, avoir deux partenariats ou projets par établissement avec les acteurs du secteur : réalisé à 77 % en septembre 2021 ;

- fin 2022, 100 % des établissements ont défini un plan d'action local EPA 2 : 70 % des établissements l'avaient fait en juin 2022.

Ce plan vise ainsi à adapter les formations dispensées par chaque établissement, et ainsi rendre les élèves pilotes de leur projet professionnel en agroécologie, renforcer la formation de tous les enseignants et faire évoluer le contenu des formations, pratiquer au quotidien l'agroécologie dans les fermes et ateliers de transformation des établissements, support technique des formations de tous les élèves, et montrer, échanger et expérimenter les innovations pour et avec les agriculteurs de chaque territoire.

Source : DGER

Face aux enjeux climatiques, environnementaux et de souveraineté alimentaire, de nouvelles compétences sont nécessaires pour préparer aux métiers du monde agricole et les besoins en recrutement sont de plus en plus importants. Il s'agit d'un défi de taille pour l'enseignement technique agricole dans les années à venir.

Un pacte et une loi d'orientation et d'avenir pour relever le défi du renouvellement des générations en agriculture et celui du changement climatique

Début septembre 2022, le président de la République a annoncé les axes de la future loi d'orientation et d'avenir agricole : orientation et formation, transmission et installation des agriculteurs, et innovation pour assurer la transition et l'adaptation face au changement climatique.

Une large concertation devrait être engagée avant la fin de l'année 2022 par le ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire en lien avec les Régions afin de construire ce pacte avec l'ensemble des parties prenantes y compris les établissements d'enseignement agricole. Plusieurs orientations ont déjà été données pour soutenir ce pacte.

- La création d'un fonds de 20 M€ pour l'enseignement agricole dans le cadre du fonds compétence de France 2030 pour soutenir l'innovation pédagogique.

- L'augmentation des moyens budgétaires pour l'enseignement agricole dès 2023.

- La création un fonds entrepreneur du vivant France 2030, qui sera doté de 400 millions d'euros, pour soutenir le portage du foncier agricole et les installations de transition.

- La création d'un réseau France Installation agricole pour que chaque personne qui souhaite s'installer puisse trouver des conseils et une orientation vers la structure adéquate, et mettre en place un réseau d'incubateurs d'entrepreneurs, d'entreprises agricoles innovantes.

Source : DGER

B. POUR FAIRE FACE À LA CRISE, LES ÉTABLISSEMENTS DE L'ENSEIGNEMENT AGRICOLE DOIVENT ÊTRE SOUTENUS

L'inflation engendrée par la crise énergétique s'impose comme l'un des sujets pour les établissements de l'enseignement agricole, en raison du contexte énergétique tendu et de la hausse globale des coûts de production, notamment dans l'alimentaire.

Les représentants des établissements s'inquiètent de la hausse des coûts de fonctionnement des écoles et des fermes pédagogiques, particulièrement énergivores, l'enseignement agricole étant également caractérisé par un fort taux d'élèves en internat (57 % des élèves de l'enseignement technique agricole sont internes). Cette augmentation des coûts de l'énergie ne pouvant être répercutée sur les familles, la situation financière des établissements risque d'être fortement mise à mal si la crise venait à perdurer.

Alors qu'une aide aux établissements en difficulté du fait de la crise covid avait été mobilisée en 2020 et en 2021, la DGER a indiqué lors de son audition qu'aucun plan d'urgence n'était envisagé à ce jour. Chaque établissement est invité à s'engager dans un plan de sobriété, sans prendre de dispositions portant atteinte au volet pédagogique (fermeture exceptionnelle des bâtiments en dehors des périodes de vacances scolaires, recours au 100 % distanciel...).

La rapporteure invite le gouvernement à mettre en place un plan d'urgence à destination de ces établissements . En outre, les critères d'attribution doivent être clairs : la rapporteure rappelle les critiques formulées en 2021 par les acteurs de l'enseignement agricole privé qui ont eu le sentiment d'avoir été désavantagés : alors qu'ils accueillent 60 % des jeunes de l'enseignement agricole, ils n'ont été bénéficiaires que de 30 % des aides d'urgence.

A minima , la rapporteure appelle le ministère à autoriser les maisons familiales et rurales et les fédérations de l'enseignement agricole privé du temps plein à utiliser le plafond maximal prévu pour 2022 et 2023 dans le protocole qui encadre leur fonctionnement.

Une enveloppe de 210 millions d'euros est en effet prévue pour l'aide à l'élève dans le cadre du protocole encadrant le montant de la subvention des MFR, et ne devrait être utilisée qu'à hauteur de 95 % pour 2022 . La rapporteure souhaiterait que les 10 millions d'euros restant soient tout de même débloqués en faveur des MFR et redistribués pour les élèves internes. Ce « coup de pouce » permettrait, sans dépasser l'enveloppe initiale prévue par le protocole, d'aider ces maisons à absorber une partie des retombées de l'inflation, qui met gravement en péril leur trésorerie pour les mois à venir.

De même, au regard de la tendance baissière des effectifs des fédérations de l'enseignement agricole privé du temps plein, il est probable que les 5 millions d'euros supplémentaires prévus par le protocole sur le montant de la subvention de fonctionnement qui leur est allouée ne soient pas consommés. Cette somme pourrait également être débloquée et redistribuée aux fédérations pour prendre en compte l'impact très négatif de l'inflation sur leurs établissements.

Encourager la pratique de l'agrivoltaïsme auprès des établissements de l'enseignement technique agricole pour répondre aux enjeux de demain

Selon l'Ademe, une installation agrivoltaïque « est une installation de production d'électricité utilisant l'énergie radiative du soleil, dont les modules sont situés sur une parcelle agricole où ils permettent de maintenir ou de développer durablement une production agricole ».

Installés en hauteur, les panneaux solaires sont moins denses que pour les centrales posées au sol, et n'entravent pas la production agricole en dessous. Plus encore, orientables et pilotables, ils peuvent apporter de l'ombre quand il fait trop chaud, limiter l'évaporation de l'eau, garder la chaleur en hiver, ou encore protéger de la grêle. Ils permettent également aux exploitants de bénéficier des revenus générés par l'électricité produite.

Pour la rapporteure, encourager les exploitations agricoles à vocation pédagogique gérées par des établissements publics ou privés sous contrat de formation agricole à pratiquer l'agrivoltaïsme s'inscrirait parfaitement dans les objectifs assignés à l'enseignement agricole. Ces établissements qui exercent des missions essentielles de formation aux réalités de l'exercice du métier d'agriculteur et de ses évolutions devraient pouvoir se saisir de ces pratiques nouvelles et innovantes. Enfin, les compléments de revenus issus de la mise en oeuvre d'installations agrivoltaïques au sein des établissements de l'enseignement technique agricole permettraient de renforcer leur trésorerie à long terme et de mieux pouvoir anticiper les crises à venir.

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La commission de la culture, de l'éducation et de la communication, lors de sa réunion plénière du 17 novembre 2022, a émis un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 143 « Enseignement technique agricole » au sein de la mission « Enseignement scolaire » du projet de loi de finances pour 2023 .

EXAMEN EN COMMISSION

JEUDI 17 NOVEMBRE 2022

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M. Laurent Lafon, président . - Nous examinons les crédits du rapport pour avis de notre collègue Nathalie Delattre sur le programme « Enseignement technique agricole » du projet de loi de finances (PLF) 2023.

Mme Nathalie Delattre, rapporteure pour avis sur les crédits de l'Enseignement technique agricole . - Le programme 143 « Enseignement technique agricole » est doté, dans le PLF 2023, de 1,59 milliard d'euros. Les crédits connaissent une augmentation de 67,8 millions d'euros, soit de plus de 4 % par rapport à l'année dernière.

Cette augmentation bienvenue des crédits s'explique principalement par la hausse à hauteur de 73 millions d'euros des dépenses de personnel, sous l'effet notamment, de la revalorisation du point d'indice et du financement du glissement vieillesse technicité (GVT).

Les crédits hors dépenses de personnel diminuent quant à eux de 5,37 millions d'euros. Cette baisse s'explique d'une part du fait d'un ajustement à la baisse des crédits dédiés au financement des bourses sur critères sociaux que le ministère justifie par la diminution du nombre d'élèves, et d'autre part de diverses mesures de transfert vers d'autres programmes.

Il faut souligner aussi le bel effort effectué en faveur de l'école inclusive. Durant l'année scolaire 2021-2022, le nombre de jeunes en situation de handicap accueillis dans l'enseignement agricole a encore progressé de 26 % ! Je me réjouis que la dotation en faveur de l'accompagnement et de l'inclusion de ces élèves progresse de 10,28 millions d'euros pour 2023. L'année dernière, je m'interrogeais sur la pleine adéquation des moyens, face à la hausse continue des besoins. Une augmentation conséquente me paraissait indispensable pour permettre la scolarisation dans les meilleures conditions, en milieu ordinaire, des élèves et étudiants de l'enseignement technique agricole en situation de handicap. Je suis donc rassurée, mais reste vigilante.

Je souhaiterais toutefois renouveler mon inquiétude quant au faible nombre de personnes ressources venant en appui aux services déconcentrés et aux établissements.

Aujourd'hui encore et malgré la hausse indéniable des besoins, ce sont seulement deux personnes à temps plein qui sont chargées d'animer le réseau national et de coordonner les actions de formation des 806 établissements de l'enseignement agricole.

S'agissant du schéma d'emplois, 15 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires sont prévus sur le programme 143. Ces ETP viendront renforcer les équipes médico-sociales. Si je me félicite de cette hausse des ETP après une baisse conséquente les années précédentes, je m'interroge sur l'efficacité et la pertinence de ce dispositif sur le terrain, puisque cette hausse ne représente qu'environ 1 ETP par région !

Le ministre Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, nous a indiqué hier que ces 15 postes médico-sociaux seraient renforcés de 15 ETP en 2024 et 15 en 2025, sans faire plus d'annonces à ce stade sur le schéma pluriannuel 2023-2026. Nous reviendrons donc vers lui.

Il me paraît cependant nécessaire de se donner les moyens d'agir en augmentant avant tout les ETP d'enseignants pour les années à venir. L'enseignement agricole doit impérativement oeuvrer pour maintenir de petits effectifs, ouvrir davantage de classes et élargir l'éventail d'options proposées dans les établissements.

Pour clore cette première analyse budgétaire, je voudrais saluer à nouveau la hausse des crédits sur l'ensemble du programme, mais en soulignant toutefois son manque de lisibilité en raison des nombreuses modifications qu'a subies la maquette cette année.

De multiples mesures de périmètre et de transferts ont en effet été opérées au sein du projet de loi de finances pour 2023 ; un nouvel indicateur nommé « dépense moyenne de l'État pour la formation d'un élève de l'enseignement agricole technique », concernant tant le public que le privé, est venu remplacer l'indicateur de coût unitaire de formation d'un élève pour l'État (Cufe), spécifique à l'enseignement agricole public.

La direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER) a indiqué que la modification de la maquette devait permettre de se conformer aux recommandations de la Cour des comptes dans son rapport de 2020 sur les coûts et la performance du programme 143. En effet, la DGER fait son possible pour nous fournir les informations et je m'engage à vous les transmettre avant le 1 er décembre 2022.

Au-delà de ces considérations budgétaires, je vous propose maintenant d'aborder plus largement la situation du secteur de l'enseignement technique agricole et ses perspectives d'avenir.

À la rentrée 2022, les établissements de l'enseignement technique agricole ont accueilli 153 877 élèves et étudiants.

Le nombre d'élèves est donc en baisse de 1,1 %, soit une diminution de 1 743 élèves. Cette baisse est visible aussi bien dans le secteur public que dans le secteur privé.

La situation des brevets de technicien supérieur agricole (BTSA) est particulièrement inquiétante. Les effectifs dans ces formations, qui ont pourtant fait leurs preuves, ont diminué de 12,8 % par rapport à la rentrée précédente, soit une perte de 2 372 élèves à la rentrée 2022 !

Il m'apparaît indispensable de mettre en place au plus vite un groupe de travail pour revaloriser le BTSA et lui redonner une perspective claire dans une dynamique de bac+ 3. Le ministre nous a indiqué hier être celui qui saura mettre en place cette mutation.

Plus généralement, si la diminution du nombre d'élèves à la rentrée 2020 s'expliquait par les conséquences de la crise sanitaire, cette nouvelle baisse des effectifs souligne avec force la nécessité d'agir pour mieux faire connaître l'enseignement agricole.

À l'heure où plus de la moitié des exploitants agricoles ne seront plus en activité dans dix ans et où le besoin de services dans les territoires augmente, il est urgent de renforcer la communication autour des formations de l'enseignement agricole et redynamiser les effectifs sur le long terme.

Depuis 2019, le « Camion du Vivant » et la campagne de communication #CestFaitPourMoi, lancée dans le cadre du plan de relance, s'efforcent de faire connaître l'enseignement technique agricole dans les territoires et sur les réseaux sociaux.

Si ces campagnes de communication ont bien fonctionné à leur lancement, nombre d'acteurs représentant l'enseignement technique agricole public et privé déplorent leur manque de visibilité en 2022, ce que ne percevait malheureusement pas le ministre jusqu'à ce que nous l'en informions hier. Il est indispensable de mieux cerner les attentes des jeunes et d'encourager les établissements, au niveau local, à se saisir à leur échelle ces enjeux, en y associant leurs élèves.

Plus encore, après avoir ouvert une enveloppe de 9,7 millions d'euros au service de la communication sur le plan de relance pour 2022, je déplore que ces crédits ne soient pérennisés qu'à hauteur de 1,9 million d'euros sur le programme 143 pour l'année prochaine. Face au manque d'information persistant en direction des élèves sur l'offre de formation de l'enseignement agricole, seule la mise en place d'un schéma de communication pluriannuel permettra véritablement, à mon sens, d'inverser la tendance.

Aussi, il me semble primordial de mieux valoriser l'enseignement agricole au sein du système d'orientation. Les enseignants des collèges, qui jouent un rôle essentiel dans l'orientation, méconnaissent encore trop les filières de l'enseignement technique agricole.

La mission d'information du Sénat avait fait plusieurs propositions très concrètes pour renforcer l'information des élèves. Je regrette que celles-ci n'aient pas encore été suffisamment entendues.

C'est pourquoi j'aimerais réitérer mon appel à rendre systématique la présentation de l'enseignement agricole dans les collèges. J'avais déjà formulé ce voeu l'année dernière. Plus que jamais, je suis convaincue que les cursus offerts par l'enseignement agricole doivent être mieux connus par les collégiens pour redynamiser durablement le secteur.

D'autant plus que l'enseignement technique agricole se distingue encore cette année par ses résultats toujours très satisfaisants, et ses taux d'insertion professionnelle très élevés : en situation post-bac, trois ans après l'obtention de leurs diplômes, 86 % des titulaires d'un bac professionnel de l'enseignement agricole et 92 % des titulaires d'un BTSA occupent un emploi !

Le caractère innovant de l'enseignement agricole est également reconnu. Les formations proposées se veulent en prise avec les défis auxquels fait face le monde agricole.

Face aux enjeux climatiques, environnementaux et de souveraineté alimentaire, de nouvelles compétences sont nécessaires pour préparer aux métiers du monde agricole et les besoins en recrutement sont de plus en plus importants. Cette qualité d'enseignement doit être préservée.

Aussi, je souhaiterais terminer mon intervention en attirant votre attention sur la nécessité plus que jamais d'accompagner les établissements de l'enseignement technique agricole face au contexte énergétique tendu et à la hausse globale des coûts de production, notamment dans l'alimentaire.

Lors de leurs auditions respectives, les représentants des établissements se sont dits particulièrement inquiets de la hausse des coûts de fonctionnement des écoles et des fermes pédagogiques, tout comme le disent les collectivités.

Ces établissements sont particulièrement énergivores, d'autant plus que l'enseignement agricole est également caractérisé par un fort taux d'élèves en internat - pour rappel, 57 % des élèves de l'enseignement technique agricole sont internes.

Or, tandis qu'une aide aux établissements en difficulté du fait de la crise du Covid avait été mobilisée en 2020 et en 2021, la DGER et le ministre ont indiqué lors de son audition qu'aucun plan d'urgence n'était envisagé à ce jour. Ce dernier a en effet précisé qu'il était encore au stade l'état des lieux. Cette augmentation des coûts de l'énergie ne pouvant être répercutée sur les familles, la situation financière des établissements risque d'être fortement mise à mal si la crise venait à perdurer.

Il m'apparaît donc essentiel de venir au plus vite soutenir les établissements de l'enseignement technique agricole publics et privés, pour leur permettre d'absorber les retombées de l'inflation, qui mettent gravement en péril leur trésorerie pour les mois à venir.

A minima , les maisons familiales rurales (MFR) et les fédérations de l'enseignement agricole privé du temps plein pourraient être autorisées à utiliser le plafond maximal prévu pour 2022 et 2023 dans le protocole qui encadre leur fonctionnement. Ces sommes, représentant environ 10 millions d'euros pour les maisons familiales rurales et 5 millions d'euros pour les fédérations de l'enseignement agricole privé du temps plein, pourraient ainsi ne pas être rendues, mais conservées dans leurs budgets pour prendre en compte l'impact très négatif de l'inflation sur leurs établissements. Il suffirait pour ce faire d'une autorisation du ministère.

En conclusion, et en raison d'une augmentation satisfaisante du budget consacré à l'enseignement technique agricole, et des propos très impliqués du ministre de l'agriculture auditionné hier, je vous propose de donner un avis favorable aux crédits du programme 143, tout en restant vigilants sur l'évolution des crédits et des ETP de l'enseignement agricole à moyen terme.

Mme Marie-Pierre Monier . - Les examens des crédits alloués à l'enseignement agricole dans le cadre du PLF se suivent et se ressemblent. Nous souhaitons tous préserver cet enseignement vecteur de richesses pour nos territoires, d'autant plus crucial dans un contexte de transition agroécologique et de renouvellement des générations : il faudrait atteindre le chiffre de 20000 nouvelles installations agricoles annuelles et nous n'en sommes qu'à 14 000 à ce jour. Pourtant, comme l'avait souligné notre mission d'information sur l'enseignement agricole, on constate un manque de volontarisme budgétaire pour répondre à la situation matérielle dégradée de l'enseignement agricole. Ainsi, 316 emplois ont été supprimés entre 2017 et 2022 : derrière l'apparente stabilité des effectifs que montre le PLF se cachent en réalité des conditions d'enseignement mises à mal, et une mise en danger de la singularité pédagogique de ces enseignements.

Si le pacte de loi d'orientation agricole promis par le Président de la République retient tout notre intérêt, celui-ci doit être réellement mis en oeuvre. De même, la hausse globale du budget de 4,4 % n'est pas à la hauteur de l'inflation ni des impacts de la crise sanitaire et énergétique qui pèsent sur les établissements.

Je salue la hausse de 10 ,3 millions d'euros des crédits pour l'inclusion scolaire, soit une hausse de 28 %. Je souhaite toutefois émettre une alerte sur la situation des personnels, et notamment des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) qui ont parfois du mal à trouver suffisamment de missions et à parvenir à une quotité travaillée, et donc de rémunération, satisfaisante, en raison de la faible densité d'établissements dans certains départements.

S'agissant de la baisse des crédits en direction des bourses sur critères sociaux évoquée par le ministre, je souhaiterais avoir des explications. Quelles en sont les raisons ?

Pour finir, j'attire votre attention sur l'importance de communiquer dans les collèges, afin d'attirer les élèves en nombre dans l'enseignement agricole. Il faut donc avoir un budget consacré à cette dimension.

Mme Annick Billon . - Si nous pouvons nous réjouir de l'augmentation de 6,5 % des crédits de la mission « Enseignement scolaire », leur ventilation n'en est pas moins déséquilibrée. Ainsi, le programme 143 ne représente que 1,9 % des dépenses de la mission, alors que le programme 141 « Enseignement scolaire public du second degré » est 25 fois supérieur.

L'enjeu est de taille : 55 % des agriculteurs ont plus de 50 ans et un agriculteur sur deux partira à la retraite dans les cinq prochaines années. Or nombre d'installations annuelles ne sont pas suffisantes pour compenser ces départs.

Le secteur agricole est une voie d'excellence tant pour l'enseignement, que l'insertion professionnelle et l'épanouissement des élèves.

L'agriculture fait face à de nombreuses mutations économiques, environnementales et sociétales qui sont autant de défis obligeant les métiers du secteur à se transformer. Pour les relever, la profession doit continuer à conjuguer performance et innovation. Nous serons donc attentifs aux efforts réalisés pour renforcer l'attractivité de la filière, avec la plateforme Horizons 21 par exemple. Un projet de loi d'orientation agricole est aussi annoncé pour le premier semestre 2023.

Par ailleurs, on peut saluer les efforts réalisés pour féminiser certaines professions et pour briser les stéréotypes. Nous serons attentifs à la réforme de l'enseignement professionnel qui aura des conséquences sur l'enseignement agricole. Comme notre rapporteure, nous sommes réservés quant au bilan du « Camion du Vivant » au regard des investissements consentis.

Enfin, je conclus en évoquant plusieurs points de vigilance : la situation des MFR - nous soutenons la proposition de notre rapporteure à cet égard - ; les conditions de travail et de rémunération des AESH, la place des filles dans les filières d'enseignement agricole et la réforme de l'enseignement professionnel à venir.

Mme Céline Brulin . - Ce budget met fin à une spirale délétère qui prévaut depuis plusieurs années, mais il n'enclenche pas pour autant une nouvelle dynamique si l'on pense à la nécessité de recruter de nouveaux enseignants. Le programme 143 est celui dont les crédits progressent le moins au sein de la mission, alors que la baisse des effectifs ces dernières années a été considérable. En outre, plus qu'ailleurs, le secteur nécessite un fort taux d'encadrement et un travail organisé en petits groupes.

Nous rejoignons les propositions de notre rapporteure, afin de mieux faire connaître l'enseignement agricole. Le taux d'insertion dans l'emploi de cette filière est en effet exceptionnel et sa réussite pourrait d'ailleurs éclairer la réflexion générale sur l'insertion professionnelle.

Pour finir, nous soutenons la proposition de notre rapporteure visant à ce que les MFR puissent être autorisées à utiliser le plafond maximal de crédits prévu pour 2022 et 2023 dans le protocole qui encadre leur fonctionnement.

Nous nous abstiendrons sur le vote de ces crédits.

M. Stéphane Piednoir . - Nous pouvons nous féliciter de la hausse des crédits, même si celle-ci est financée par de la dette...

J'ai une question à propos du manque de lisibilité des transferts de crédits. Est-il possible d'avoir des précisions ? Ce n'est jamais un bon signal quand on n'y voit pas clair...

Notre rapporteure nous incite à la vigilance sur le maintien des ETP. L'enseignement technique agricole constitue une spécificité précieuse de notre système éducatif. L'enseignement agricole conserve de petits effectifs dans ses classes. Il s'agit d'un véritable modèle. Lors du récent débat sur l'enseignement professionnel, Carole Grandjean a d'ailleurs pris pour référence l'enseignement technique agricole. Le taux d'insertion après le brevet de technicien supérieur agricole (BTSA) est exceptionnel. Marie-Pierre Monier et Annick Billon ont insisté sur la nécessité de soutenir la création de nouvelles installations agricoles. Il s'agit d'un modèle d'enseignement concret. L'orientation se fait au collège. Les élèves déjà ancrés dans le milieu agricole ne rencontrent aucune difficulté d'accès à l'information. En revanche, comment donner envie aux élèves de collège de rejoindre cette formation quand ils ne la connaissent pas ? On mesure là l'importance de l'orientation et de la charte d'information du professeur. Les professeurs ne connaissent pas toujours ces filières.

En ce qui concerne l'impact de la hausse de l'énergie, notamment pour les internats, l'état des lieux préliminaire du ministre me laisse quelque peu perplexe. Nous manquons de chiffres provenant directement des établissements, afin de pouvoir évaluer les compensations à envisager.

Le groupe Les Républicains suivra l'avis de la rapporteure.

M. Max Brisson . - Je souhaite saluer l'implication du ministre. C'était également le cas lors du récent débat sur Parcoursup de Mme Sylvie Retailleau, qui s'est montrée d'une grande disponibilité.

Nous suivrons l'avis de notre rapporteure puisque ces crédits présentent une situation relativement stabilisée, moins dégradée que par le passé.

Néanmoins, je tiens à souligner une ambivalence. Cela a été dit, notre système est performant, diversifié et très inscrit dans nos territoires ; mais il se caractérise aussi par sa marginalité. Sur le terrain, nous constatons dans les établissements une gestion sous forme de bricolage, qui n'est à la hauteur ni des performances ni, comme le relevait Stéphane Piednoir, du remarquable taux d'insertion qui tient beaucoup au lien avec les professions du secteur. Alors que nous constatons le bon équilibre entre l'enseignement et la formation sur le terrain, nous sommes parfois surpris d'entendre que les équipes pédagogiques doivent gérer, avec beaucoup d'ingéniosité et quelques bouts de ficelle, leurs établissements.

Un budget devrait traduire une politique. Notre rapporteure souligne l'enjeu de l'orientation, or nous aimerions voir la transcription budgétaire des ambitions exprimées. Cela concerne au premier chef le ministère de l'éducation nationale. C'est bien beau de dire que l'orientation est une cause nationale, nous sommes tous d'accord sur le constat, mais concrètement, nous aimerions en voir la transcription budgétaire ; sinon, il ne s'agit que de discours, d'incantations. Nous pourrions, par exemple, inscrire dans le budget des crédits pour accompagner les établissements agricoles dans leur communication, car en la matière, ils doivent agir seuls. Ce serait là une volonté politique traduite par des inscriptions budgétaires.

Enfin je tiens à appeler à la vigilance. L'éducation nationale va entamer la réforme de la voie professionnelle, mais il est à craindre qu'elle la mènera en interne et pour répondre à ses finalités. Je sais comment se conçoivent les règles au sein du ministère de l'éducation nationale, et nous devrons rappeler l'existence de l'enseignement agricole. On pourrait dire la même chose des lycées maritimes rattachés au ministère de la mer : ces voies professionnelles qui ne dépendent pas de l'éducation nationale vont être impactées par la réforme de l'enseignement professionnel. Nous devrons être vigilants pour que ces établissements ne soient pas oubliés.

Mme Sabine Drexler . - Nous devons porter une attention particulière à ces filières, il faut mieux les faire connaître. L'enseignement agricole permet ainsi de mieux répondre aux enjeux de souveraineté alimentaire. Le secteur offre des opportunités à des jeunes qui ne sont pas faits pour l'enseignement classique. Il peut leur éviter de devenir des décrocheurs sans formation, et à terme, sans travail.

Mme Sonia de La Provôté . - Une réforme du contenu des enseignements généraux de l'enseignement professionnel et agricole avait été menée afin d'inclure l'enseignement de disciplines générales et de faciliter les passerelles entre filières. Ces passerelles sont-elles toujours d'actualité ?

Mme Nathalie Delattre, rapporteure pour avis . - La constance de votre implication dans ce dossier fait plaisir. L'attachement du Sénat à l'enseignement agricole fait chaud au coeur des directeurs d'établissements.

Je partage les interrogations de Marie-Pierre Monier en ce qui concerne les crédits de transferts. Dans un de ses rapports, la Cour des comptes avait demandé des clarifications sur la codification. La maquette budgétaire a été sensiblement modifiée par rapport au projet de loi de finances pour 2022 pour répondre à ces recommandations.

La question est de connaître la table de conversion de Bercy pour passer du coût unitaire de formation d'un élève (Cufe) au nouvel indicateur. Nous ne disposions pas du montant du Cufe privé, seulement de celui du Cufe public, aux environs de 10000 euros. Or aujourd'hui, le nouvel indicateur donnerait en moyenne un montant de 8000 euros. On en déduit que le Cufe privé était de 6000 euros... On a l'impression que Bercy fait en sorte que l'on ne découvre pas que le Cufe était très bas...

Sachez toutefois que notre avis défavorable de 2019 a permis au Conseil national de l'enseignement agricole privé (Cneap) de négocier de meilleures conditions dans le dernier protocole. Je continuerai à soutenir les maisons familiales et rurales (MFR) dans la discussion pour signer un nouveau protocole qui aura lieu en 2023. Ces chiffres nous fournissent des arguments en faveur d'une augmentation de la participation de l'État. L'enseignement public bénéficie de 50,3 % des subventions alors qu'il représente seulement 40 % des effectifs de l'enseignement agricole, tandis que le privé représente 60 % des effectifs, perçoit moins de subventions et participe largement au succès de la filière.

En ce qui concerne les bourses, il y a un transfert de 25,87 millions d'euros vers le programme 142 pour des raisons de lisibilité de la maquette budgétaire. Mais la baisse parallèle constatée sur les crédits du programme 143 est de 26,92 millions d'euros. Le Gouvernement justifie cet écart par une baisse des effectifs des élèves. Or, il faut mettre en rapport cette baisse avec l'augmentation exponentielle de l'apprentissage. C'est un effet d'aubaine pour l'instant, car, dans la filière apprentissage, les établissements récupèrent 8 000 euros, une somme bien supérieure au Cufe de 6 000 euros.

Le ministre, Marc Fesneau, s'est engagé à ce qu'il ne manque aucun fonds pour financer les bourses des lycéens. Les établissements font une avance remboursée ensuite par le ministère. Le ministre est très impliqué. C'est un signe encourageant. Nous devons le soutenir face à Bercy pour obtenir des arbitrages favorables.

Ce budget met fin à la spirale de la baisse des crédits. Nous pouvons émettre un avis favorable, mais nous devons rester vigilants.

En ce qui concerne la hausse de l'énergie, nous n'avons pas de chiffres précis des établissements. On estime que le coût est multiplié par quatre. Le ministre s'efforce de faire un état des lieux, mais il n'a guère de marge de manoeuvre. C'est ce qui explique la proposition que nous formulons. Il convient aussi que les établissements privés, qui ont beaucoup moins profité des fonds de compensation covid que les établissements publics, ne soient pas oubliés.

Je soutiens la proposition de Max Brisson sur un budget consacré à l'orientation. Ce serait une très bonne idée. D'ores et déjà, nous faisons une proposition qui ne coûte rien : rattacher également l'Office national d'information sur les enseignements et les professions (Onisep) au ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire, et non plus seulement au ministère de l'éducation nationale. Comme le relevait Stéphane Piednoir, ses personnels sont issus de la filière générale et ne connaissent pas toujours bien les autres filières. Un élargissement de la tutelle de l'Onisep pourrait permettre de travailler dans l'orientation de façon plus coordonnée. Il serait sans doute possible d'aller plus loin dans le budget d'orientation de l'éducation nationale.

Notre mission d'information sur l'enseignement agricole a montré que des enfants en situation d'exclusion scolaire ont été sauvés par la découverte de l'enseignement agricole. Mais il y a aussi des enfants dans la filière générale qui aimeraient intégrer l'enseignement agricole et qui sont confrontés à un parcours du combattant. J'ai recueilli le témoignage de parents d'élèves. Ils nous ont raconté que leurs enfants étaient de bons élèves de la filière générale, qu'ils souhaitaient se tourner vers la formation agricole, mais que l'éducation nationale ne voulait pas les lâcher. Or l'enseignement agricole a aussi besoin des bons élèves. Il faut donc souligner que si la filière agricole sauve certains enfants, elle peut également dynamiser la carrière d'élèves déjà brillants.

Enfin, madame de La Provôté, je n'ai pas d'éléments de réponse à votre question. Je la transmettrai à la direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER).

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 143 « Enseignement technique agricole » au sein de la mission Enseignement scolaire du projet de loi de finances pour 2023.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Jeudi 13 octobre 2022

Conseil national de l'enseignement agricole privé : MM. Jean SALMON , président, et Philippe POUSSIN , secrétaire général.

Jeudi 20 octobre 2022

• Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire - Direction générale de l'enseignement et de la recherche : MM. Benoît BONAIMÉ , directeur général, Luc MAURER , directeur général adjoint, chef du service de l'enseignement technique agricole, Cédric MONTESINOS , sous-directeur des établissements, des dotations et des compétences, et Denis DEBAT , chargé de la cellule d'appui au pilotage.

• Table ronde des acteurs de l'enseignement public agricole :

- SEA-UNSA : M. Stéphane ROBILLARD , secrétaire général adjoint ;

- SNETAP FSU : Mmes Laurence DAUTRAIX , secrétaire générale adjointe, secteur politique scolaire et laïcité, et Clémentine MATTEI , co-secrétaire générale, et M. Olivier BLEUNVEN , secrétaire général adjoint Pédagogie Vie Scolaire ;

- SGEN-CFDT : MM. Alexis TORCHET , secrétaire national, et Jean-Philippe LACHAIZE , délégué syndical.

Mercredi 26 octobre 2022

Union nationale des maisons familiales rurales d'éducation et d'orientation : MM. Dominique RAVON , président, et Roland GRIMAULT , directeur.

ANNEXE

Audition de M. Marc Fesneau, ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire

MERCREDI 16 NOVEMBRE 2022

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M. Laurent Lafon, président . - Monsieur le Ministre, nous vous recevons aujourd'hui en vue de l'examen, par le Sénat, des crédits consacrés à l'enseignement agricole dans le projet de loi de finances pour 2023. Je vous remercie d'avoir accepté notre invitation qui nous permet de renouer avec un rendez-vous que nous avions quelque peu mis entre parenthèses depuis 2019, date à laquelle l'un de vos prédécesseurs, Didier Guillaume, était venu nous présenter les contours de ce budget.

Vous savez que notre commission est très attachée à la place de l'enseignement agricole et particulièrement attentive à l'évolution des crédits qui lui sont alloués. Notre commission s'est ainsi fortement mobilisée, avec un certain succès, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2021, pour dénoncer les risques qu'encourrait l'enseignement agricole si le schéma de rationalisation des moyens envisagé et la trajectoire budgétaire retenue par le gouvernement n'étaient pas amendés.

Certains de mes collègues ont par ailleurs activement participé aux travaux de la mission d'information lancée l'an dernier par groupe RDSE, dont Nathalie Delattre était rapporteure, qui a formulé 45 propositions visant à préserver un enseignement agricole de qualité, dans l'intérêt des filières agricoles et alimentaires, au nom de la cohésion des territoires.

Vous aurez sans doute l'occasion de nous indiquer dans quelques instants si les difficultés identifiées à l'occasion de cette mission, parmi lesquelles la concurrence que se livrent les établissements entre eux ou qu'ils rencontrent avec des formations de l'éducation nationale, la diminution continue des ETP qui a perturbé la mise en oeuvre de la réforme du baccalauréat ou encore les pertes financières enregistrées par certains d'entre eux du fait de la crise sanitaire, demeurent toujours d'actualité.

Monsieur le ministre, je vous laisse à présent la parole !

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - Monsieur le président, je tenais tout d'abord à vous remercier pour votre invitation car cette audition va nous permettre, je l'espère, d'échanger de manière approfondie sur les enjeux de l'enseignement agricole, qui est selon moi une des spécificités et une des fiertés de notre politique éducative.

Plus encore, l'enseignement agricole est un puissant vecteur de reconquête de notre souveraineté alimentaire. Il est un atout inestimable pour que l'impératif de lutte contre le dérèglement climatique irrigue notre société toute entière et que les secteurs agricole, alimentaire et forestier accélèrent encore les transitions dans lesquels ils se sont engagés.

Ceci est d'autant plus vrai que notre enseignement agricole bénéficie d'un véritable enracinement local. C'est d'ailleurs l'une de ses spécificités, avec 800 établissements présents partout en France, dans l'hexagone et en outre-mer. Ces établissements sont en lien étroit et quotidien avec le monde agricole et rural, les collectivités territoriales, ainsi que les organismes de recherche. Cet ancrage territorial est une vraie force pour expérimenter, innover, inventer l'agriculture de demain. Pour ce faire, l'enseignement agricole dispose de 250 exploitations agricoles ou ateliers technologiques dans des établissements divers. Il s'agit de supports concrets de formation et de diffusion de pratiques innovantes.

Je voudrais commencer par évoquer la rentrée 2022 pour saluer la dynamique remarquable de notre enseignement agricole dont l'attractivité grandissante ne se dément pas, avec une large palette de formations, un taux de réussite et d'insertion professionnelle particulièrement élevé, un accueil et un accompagnement de qualité qui séduisent des jeunes aux profils de plus en plus variés. Nous ne le dirons jamais assez : aujourd'hui 44 % des élèves de l'enseignement agricole sont des filles et 90 % des élèves de l'enseignement agricole ne sont pas issus d'une famille agricole. L'année scolaire 2022-2023 est marquée par une augmentation globale du nombre de jeunes suivant une formation de l'enseignement agricole, de la quatrième au diplôme d'ingénieur et de vétérinaire, en formation initiale scolaire ou par la voie de l'apprentissage. Dans la démographie globale que nous connaissons, il s'agit d'un élément à souligner, bien que cette augmentation soit disparate selon les filières.

Ces évolutions témoignent d'une véritable prise de conscience de notre jeunesse pour laquelle l'agriculture est essentielle, au sens premier du terme. Elle est essentielle par sa vocation productive et nourricière - la crise sanitaire et la guerre en Ukraine l'ont souligné, s'il était besoin de le faire. Mais elle l'est également parce qu'elle est source de solutions dans un contexte de changement climatique, qu'elle est porteuse de sens pour beaucoup de jeunes et d'une manière de voir la société et par conséquent d'une possibilité de la changer. Tout en préservant ce qui fait la compétitivité et l'excellence de notre agriculture, nous devons aussi faire notre cette vision que porte notre jeunesse. Un agriculteur ou un forestier n'est pas un acteur économique tout à fait comme les autres. Par la relation singulière qu'il entretient avec la terre, la nature, le vivant le végétal, la forêt, le bois et par sa capacité à réinventer des pratiques séculaires, il est avant tout un entrepreneur du vivant et un acteur des grands défis de notre temps qu'ils soient climatiques ou sociétaux.

À cet égard l'enseignement agricole est, avec les investissements massifs portés dans le cadre de France Relance et de France 2030, l'une des pièces maîtresses pour anticiper les profonds bouleversements à l'oeuvre. Il permet de penser les futures installations dans une perspective de transition écologique et énergétique en formant des agriculteurs passionnés qui seront en même temps des citoyens éclairés. Je voudrais dire ma profonde reconnaissance au personnel du ministère. Plus de 18 000 fonctionnaires oeuvrent au service de notre enseignement agricole. Je souhaite devant vous les remercier pour leur engagement sans faille au service de l'avenir de nos jeunes et de celui de notre agriculture et de nos forêts.

Avant d'évoquer les éléments budgétaires du programme stricto-sensu, je voudrais partager avec vous mes priorités politiques pour l'enseignement agricole.

En premier lieu, l'enseignement agricole sera un outil majeur au service et au coeur du projet de pacte et de loi d'orientation d'avenir pour l'agriculture. Sa modernité, la capacité d'évolution permanente dont il a su faire preuve en font l'un des leviers les plus pertinents pour avancer en ce domaine. Cela suppose qu'une mobilisation conjointe de tous les acteurs de l'orientation des jeunes soit assurée pour que chaque élève de collège connaisse les opportunités de formation et de métiers qui existent dans l'enseignement agricole.

Le deuxième enjeu important à mes yeux est celui de la formation des vétérinaires. Il nous faut en former davantage. Aujourd'hui, plus de 50 % des vétérinaires exerçant en France sont formés à l'étranger. Aussi, pour consolider le maillage territorial vétérinaire - élément déterminant pour améliorer la condition d'exercice de la profession mais aussi pour continuer à assurer la sécurité sanitaire - mon ministère continuera à augmenter le nombre de places au concours véto. À l'horizon 2030, avec cette nouvelle augmentation des promotions et l'ouverture à la rentrée de 2022 de l'école vétérinaire privée d'intérêt général de Rouen, 840 vétérinaires seront formés par an en France, soit 75 % de plus qu'en 2017. L'objectif est que ces nouveaux recrutements d'étudiants soient adaptés aux réalités du métier de vétérinaire. Mon ministère amplifiera le concours véto post-bac, qui répond pleinement aux préoccupations de jeunes générations notamment celles issues de milieux ruraux ou moins favorisés qui hésitent de plus en plus à s'inscrire dans un cursus généraliste de classes préparatoires, préférant dès le bac s'orienter dans des cursus intégrés conduisant en 6 ans au métier de vétérinaire praticien notamment en rural. Cette avancée s'inscrit dans un contexte plus global de feuille de route pour lutter contre la désertification vétérinaire, qui fait d'ailleurs singulièrement écho à la désertification médicale. J'aurai l'occasion d'y revenir lors de la journée nationale vétérinaire avec l'ensemble des parties prenantes.

Le troisième enjeu est celui du projet de réforme de la voie professionnelle, porté par ma collègue Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnelle. L'enseignement agricole pourra bénéficier de pistes évoquées dans le cadre de la concertation en cours, notamment la mise en place dès la 5 ème d'une demi-journée intitulée « Avenir », dédiée à la découverte des métiers, notamment techniques manuels ou relationnels. Tous les métiers auxquels l'enseignement agricole prépare devront être mises en avant. Il s'agit d'une opportunité majeure pour faire connaître l'enseignement agricole et recruter davantage d'élèves dans des métiers qui en ont besoin. La perspective potentielle que les moyens soient réorientés sur les métiers en tension permettrait de valoriser l'enseignement agricole qui, de fait, prépare à des métiers en tension (dans la production et dans la transformation) mais aussi aux services aux personnes en milieu rural.

C'est dans ce contexte, afin de préfigurer ces orientations et à l'aune des enjeux que j'ai évoqués, qu'il convient d'examiner le budget des programmes 142 et 143 dont je voudrais vous présenter les axes forts.

En 2023, ce sont 2,02 milliards d'euros de budget qui seront consacrés à l'enseignement agricole, avec 1,6 milliard d'euros pour l'enseignement technique et 0,42 milliard d'euros pour l'enseignement supérieur. À ces moyens budgétaires s'ajoutent ceux du compte d'affectation spéciale au développement agricole et rurale (CASDAR), qui représentent 660 millions d'euros. Sans présenter toutes les évolutions budgétaires, je me permettrai d'insister sur trois points qui me semblent devoir être valorisés.

Le premier point est la poursuite du plan pluriannuel de renforcement de la capacité d'accueil des quatre écoles nationales vétérinaires engagé en 2022. La taille des promotions de chacune des quatre écoles nationales d'Alfort, de Lyon, de Nantes et de Toulouse sera portée à 180 étudiants formés, recrutés sur concours, en favorisant la diversité sociale et géographique des lauréats. Afin de maintenir des conditions de formation de qualité, les écoles nationales vétérinaires bénéficieront d'une dotation d'État de 8 ETPT supplémentaires d'enseignants ou praticiens hospitaliers par an sur 2023-2025. Elles pourront renforcer leurs équipes pédagogiques et techniques en ayant les moyens de recruter 12 agents supplémentaires par an sur 2023-2025.

Le deuxième point concerne les 10,3 millions d'euros supplémentaires consacrés à l'accueil des élèves en situation de handicap, qui participent à la hausse substantielle des moyens de l'enseignement technique agricole. Cela fait écho à la nature même de l'enseignement agricole qui porte une attention particulière au cheminement de chaque apprenant et qui s'est toujours distingué par son caractère inclusif. 4 377 jeunes sont ainsi aidés en 2021-2022. 1 252 ETP sont prévus pour les assistants d'éducation (AED), 1 007 pour les accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH). Il s'agit d'un élément de progrès majeur que je tenais à souligner en cette semaine du handicap, dont la clôture se déroulera d'ailleurs au ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire. En outre, 3,4 millions d'euros supplémentaires seront alloués à l'amélioration de l'encadrement et de la surveillance des élèves, notamment pour l'internat qui est l'autre grande spécificité de l'enseignement agricole par rapport à la filière générale. Je souhaite rappeler également que les enseignants bénéficieront de mesures pour revaloriser leur métier.

Enfin, avec 3,69 millions d'euros supplémentaires, le budget 2023 renforce le dispositif médico-social au bénéfice des élèves et étudiants de l'enseignement agricole technique. Il s'agissait d'une nécessité, notamment au regard de l'épreuve de la crise sanitaire et du confinement. Il convient plus largement de répondre aux besoins d'information des jeunes, d'écoute, de repérage de leurs éventuelles difficultés. Je continuerai de porter une attention toute particulière à ce sujet dans le cadre du dialogue social, en lien avec les équipes éducatives, comme je l'ai rappelé aux organisations syndicales du ministère.

Au-delà de ces avancées, je voudrais également évoquer brièvement le sujet de la recherche, sur lequel je sais que votre commission est attentive. Le plafond du CASDAR est maintenu à 126 millions d'euros, mais j'ai obtenu de bénéficier de l'excédent de recettes 2022, qui devrait représenter 17 millions d'euros. Cela permettra de renforcer le financement des actions entreprises par les organismes impliqués dans la recherche appliquée et le développement pour favoriser l'adoption d'innovations et de changements de pratiques soutenant en particulier les transitions agro-écologiques.

En conclusion, je souhaiterais évoquer devant vous le pacte d'avenir et le projet de loi d'orientation et d'avenir agricole annoncé par le président de la République le 9 septembre dernier, sur lequel nous aurons l'occasion de travailler ensemble. Trois des quatre axes de travail en effet annoncés concernent votre commission au premier plan : l'orientation et la formation ; la transmission et l'installation ; et la transition et l'adaptation face aux changements climatiques, notamment par la recherche et l'innovation.

Je voudrais tout d'abord vous faire part d'une conviction : je crois profondément que réussir le défi du renouvellement des générations nous impose collectivement de valoriser la vocation d'agriculteurs et de salariés en agriculture ou en agro-alimentaire. Il s'agit d'une question d'image de la profession et d'attractivité. Il faut que nous disions ensemble à ces jeunes qu'ils vont exercer des métiers qui ont du sens, qui vont leur permettre de jouer un rôle déterminant dans les transitions à l'oeuvre en faveur des pratiques agricoles plus résilientes et plus durables, de nouveaux modèles alimentaires ou de la préservation de nos ressources, de la biodiversité, de nos forêts et de leur permettre de s'inscrire dans une démarche citoyenne de long terme. L'enseignement agricole peut et doit participer à tous ces défis.

Au-delà des moyens supplémentaires accordés à l'enseignement agricole par ces programmes, plusieurs orientations importantes ont déjà été esquissées dans la perspective de ce texte important. Il a d'abord été annoncé la création d'un fonds de 20 millions d'euros pour l'enseignement agricole, dédié à l'innovation pédagogique et au développement de formations nécessaires aux compétences de demain. Une autre orientation concerne la création d'un fonds entrepreneurs du vivant France 2030, doté de 400 millions d'euros pour soutenir le portage du foncier agricole et les installations en transition. À mon sens, la question n'est pas tant la transmission-reprise mais la transmission-transition pour faire en sorte d'installer des jeunes dans des systèmes agricoles résilients face aux dérèglements climatiques en particulier. Enfin, ce texte devrait comprendre la création d'un réseau France installations agricoles pour mieux accompagner chaque personne souhaitant s'installer en agriculture et pour mettre en place un réseau d'incubateurs d'entrepreneurs et d'entreprises agricoles innovantes. Comme je l'ai déjà rappelé, beaucoup de jeunes s'inscrivant dans nos établissements scolaires ne sont pas issus du monde agricole. Cela est une gageure importante pour nous en matière d'ouverture et d'adéquation avec ces attentes nouvelles. Pour assurer le défi du renouvellement, il y a là un vivier qu'il nous faudra évidemment explorer.

Enfin, je voudrais terminer en vous présentant le calendrier de la large concertation qui sera engagée sur le pacte. La préparation de la concertation est en cours. Elle se déroulera jusqu'au 7 décembre, date à laquelle je lancerai formellement la concertation, en lien notamment avec les organisations professionnelles agricoles et les chambres d'agriculture, avec tous les acteurs, les ONG, les interprofessions et la distribution. Le but est de construire un diagnostic consensuel et partagé sur les grandes tendances de fond liées à l'enjeu de renouvellement des générations. Les régions seront également associées. Compte tenu des compétences qui leur sont conférées dans la réforme de la PAC, elles auront un rôle éminent à jouer tant sur la formation que sur l'installation ou l'accompagnement par les investissements des agriculteurs ou des entreprises agro-alimentaires.

S'en suivra jusqu'en avril 2023 un deuxième temps de concertation que j'ai souhaité de niveau national mais aussi de niveau régional car nombre de nos enjeux agricoles sont liés à des spécificités régionales (zones de plaine, zones de montagne, zones impactées par le dérèglement climatique et celles qui le seront moins). Nous avons besoin d'instaurer un dialogue entre les chambres d'agriculture, les régions et l'État pour affiner la planification au niveau régional. Nous travaillerons avec les conseils régionaux sur la déclinaison des enjeux et des outils dans une logique de planification et d'adaptation locales. À la fin du 1 er semestre 2023, nous aurons bâti ensemble le pacte d'avenir entre les générations. Le projet de loi sera la traduction de ce pacte s'agissant des éléments législatifs nécessaires.

Le pacte et le projet de loi auront pour objectifs d'orienter, de former en nombre et en compétence, de rendre possible la transmission et l'installation, le tout en s'assurant que ces femmes et ces hommes salariés et exploitants, cédants et entrepreneurs, disposent de l'accompagnement, des innovations et des moyens pour répondre aux grandes évolutions de l'agriculture. Il s'agit bien d'un enjeu de souveraineté dont l'enseignement agricole est une clé de voûte.

Je voudrais avoir un dernier mot pour les enseignants qui jouent un rôle éminent pour réussir ces transitions. Ils seront les acteurs mais aussi parfois les inspirateurs des décisions que nous devrons prendre.

Mme Nathalie Delattre, rapporteure pour avis sur les crédits de l'enseignement technique agricole . - Je présenterai demain à notre commission le rapport pour avis sur les crédits relatifs à l'enseignement agricole du projet de loi de finances 2023. Je saluerai l'augmentation des crédits. Pour compléter mon avis, j'ai néanmoins encore plusieurs questions.

Je suis assez inquiète de la baisse drastique des crédits en faveur des aides sociales aux élèves. Certes, le nombre d'élèves a diminué. Mais ces élèves ne sont-ils pas plus en difficulté compte tenu de l'éloignement de ces établissements ? Un fonds lycéen existe dans l'éducation nationale. Ne serait-il pas possible de créer un fonds semblable dans l'enseignement agricole ?

Ma deuxième question porte sur la communication. Une ligne budgétaire de presque 10 millions d'euros était prévue dans le dernier PLF pour lancer le camion « l'aventure du vivant ». On ne sait plus désormais où est ce camion : il est toujours orange mais reste beaucoup plus discret. Les spots publicitaires sont beaucoup moins nombreux. Vous inscrivez dans le PLF 2023 des crédits de seulement 2 millions. Alors que nous avions salué cette hausse de la communication, il faut maintenir celle-ci sur la durée car c'est en persévérant dans la communication que nous en aurons des retombées. Quelles sont donc vos axes de propositions ? Une de nos propositions, qui n'est pas très chère mais qui est attendue depuis longtemps, consisterait à rendre obligatoire une présentation de l'enseignement agricole à tous les collégiens et pas seulement à quelques collégiens triés sur le volet.

Ma troisième question porte sur les ETP. Je salue le fait qu'il n'y ait pas de diminution d'ETP mais même une hausse. Avec une augmentation de 15 postes, cela implique pour le médico-social environ une personne par région. Or, compte tenu de la taille de nos régions - je pense notamment à la Nouvelle-Aquitaine - un poste ou même deux postes pour 12 départements paraissent très faibles. Je m'interroge aussi sur le statut sous lequel seront recrutés ces ETP. Dès que cela vous sera possible, pourrez-vous nous communiquer les éléments anticipés sur les recrutements futurs ?

Nous perdons beaucoup de jeunes dans les formations pour le brevet de technicien supérieur agricole (BTSA). Il s'agit du seul brevet en France se déroulant sur 2 ans. Nos jeunes sont désormais bien intégrés dans le système LMD (licence, master, doctorat) en trois ans. L'évolution en trois années du BTSA paraît donc aujourd'hui une évidence. Il faut cependant se mettre autour de la table pour commencer à travailler sur cette évolution. Monsieur le ministre, serez-vous le ministre de l'engagement de ce travail sur le BTSA ?

Enfin, quand nous débattons du programme 143, est présent au banc le ministre de l'éducation nationale, qui peut certainement comprendre nos interrogations mais qui n'a pas toujours les éléments pour y répondre. Nous avions obtenu des ministres Blanquer et Denormandie qu'ils soient présents au banc tous les deux pour le prochain PLF. Pouvez-vous nous confirmer que Pap Ndiaye et vous serez tous les deux au banc pour la présentation de notre avis sur l'enseignement agricole ?

Mme Laure Darcos . - Je remercie Nathalie Delattre pour l'important travail qui a été fourni.

En tant que rapporteure sur la recherche, je connais le travail réalisé avec l'institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE). Il faut le poursuivre. Dans le cadre de la loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2023, nous avions voté le 1 % pour la culture scientifique. Vous pouvez aussi agir de votre côté avec l'INRAE en faveur de la culture scientifique. Or, nous nous sommes rendu compte lors de nos auditions que l'éducation nationale ne fait pas son travail pour développer ce 1 % pour la culture scientifique. J'espère que, s'agissant du ministère de l'agriculture, ce travail sera fait.

J'ai des remontées d'agriculteurs qui estiment que les jeunes sortant de l'enseignement agricole ne connaissent que le modèle d'agro-écologie, alors que les modèles sont pluriels, à commencer par ceux orientés vers la production et la productivité. Il ne faudrait pas que ces jeunes soient idéologisés. Il faut pouvoir réfléchir à tous les modèles, en permettant à ces élèves d'acquérir une formation pluridisciplinaire. Pouvez-vous nous éclairer sur ce sujet ? Je ne crois pas avoir entendu dans vos propos la notion de productivité. Or cette notion doit figurer dans nos enseignements agricoles.

M. Marc Fesneau, ministre . - S'agissant de la question des bourses, nous pourrons vous donner des éléments détaillés pour vous éclairer avant les débats budgétaires. Une revalorisation de plus de 4 % des bourses est prévue. Comme vous l'avez dit, il y a une légère diminution du nombre d'élèves boursiers. Nous couvrirons donc mieux les besoins de ceux qui en feront la demande. Par ailleurs, il y a un transfert du programme 143 vers le programme 142 qui explique la baisse constatée.

Le fonds lycéens n'a en effet pas été revalorisé pour cette année. Je note votre observation. Comme je l'ai dit, il s'agit d'un élément d'accrochage pour les jeunes qui ont parfois mal traversé la période de la crise Covid.

Nous constatons une dynamique positive en termes d'apprentis, avec une hausse qui se poursuit. Les effectifs ne seront connus qu'en janvier mais plusieurs milliers de jeunes supplémentaires devraient suivre une formation par apprentissage. En 2021-2022, 57 000 apprentis ont suivi une formation dans un établissement de l'enseignement agricole, soit 11 000 de plus que l'année précédente. Cette hausse de 25 % fait suite à une hausse de 22 % en 2020-2021. C'est dire combien l'enseignement agricole prend une part importante dans cette dynamique de renforcement de l'apprentissage. Nous connaitrons au mois de janvier les derniers chiffres mais nous serons probablement dans les mêmes ordres de grandeur.

Je soutiens votre proposition d'évolution du BTSA en trois années. Je ne sais pas si je serai le ministre qui fera cette réforme mais, en tout cas, je suis le ministre qui veut la faire ! Il nous faut en effet renforcer l'attractivité de cette voie, compte tenu de la baisse légère des effectifs. Doivent notamment être posées la question du niveau et celle de la durée du diplôme - deux ou trois ans. Il faut trouver un système qui soit plus attractif mais également plus adapté à la diversité de métiers de plus en plus exigeants. Nous lancerons bientôt des travaux de réflexion et de concertation sur ce sujet.

S'agissant de la campagne de communication, il est difficile de juger par rapport à l'étiage du plan de relance. Les crédits du plan avaient permis à l'époque de lancer le dispositif « l'aventure du vivant », qui, je crois, a très bien fonctionné. Je rappelle que nous avions confié des moyens aux services déconcentrés de l'État, à savoir aux directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (DRAF), aux directions départementales des territoires (DDT) et aux directions agricoles en région pour leur permettre de décliner elles-mêmes des actions locales. 0,5 million d'euros ont été consacrés à l'enseignement agricole pour une campagne de communication sur les formations elles-mêmes. J'entends ce que vous dites sur le manque actuel de communication. Ce n'est cependant pas le sentiment que j'ai. Le camion itinérant se déplace de ville en ville pour faire connaître les métiers agricoles et rencontre à ma connaissance un succès grandissant. J'entends cependant votre inquiétude et nous serons vigilants sur ce sujet. Le pari que nous avons fait est celui de l' « aller vers », en allant au sein des villes chercher des jeunes qui ne viennent pas du milieu rural.

S'agissant des schémas d'emplois, nous avons stabilisé les emplois alors qu'il ne s'agissait pas de la tendance retenue par le passé. Vous évoquez la création de 15 ETP supplémentaires pour l'enseignement technique agricole à travers le renforcement des équipes médico-sociales. Nous allons désormais travailler pour déterminer comment ils seront déployés. Il a bien été acté, lors des discussions avec Bercy, qu'il s'agirait d'une même augmentation sur trois années : 15 en 2023, 15 en 2024 et 15 en 2025.

S'agissant du lien entre l'éducation nationale et l'enseignement agricole, j'entends votre invitation à venir au banc. Si je peux, je le ferais volontiers. Nous avons engagé un bon dialogue avec le ministre de l'éducation nationale Pap Ndiaye, notamment sur le sujet de la formation professionnelle. L'éducation nationale est intéressée de savoir ce qui se fait dans l'enseignement agricole pour s'en inspirer pour les autres voies professionnelles. Vous pouvez compter sur moi pour que nous travaillions ensemble. Ce n'est pas qu'une question d'intention nationale, il s'agit aussi d'intentions locales. Ce dialogue entre l'éducation nationale et le ministre de l'agriculture par la voie de l'enseignement agricole doit aussi être renforcé au niveau local.

Vous avez évoqué la nécessité de développer la culture scientifique et la recherche. Vous avez raison de souligner l'action de l'INRAE, qui est un des meilleurs instituts de recherche du monde. Il est reconnu mondialement sur des dizaines, pour ne pas dire des centaines, de sujets qui touchent à des défis majeurs. Dans le cadre de France 2030, plusieurs projets de recherche sur l'alimentation, sur la forêt, sur l'agriculture sont en train d'aboutir pour tenter de relever par l'innovation les nombreux défis auxquels nous sommes confrontés.

Nous avons grandement besoin de développer une culture des faits et de la science. Il est assez paradoxal que dans le pays de Louis Pasteur et de Marie Curie nous ayons une culture scientifique aussi chahutée. Nous avons un travail à réaliser, à la fois à l'intérieur mais aussi à l'extérieur de nos établissements, pour convaincre de la nécessité de se reposer sur les faits scientifiques pour prendre des décisions politiques.

Je regardais, pendant vos questions, la définition dans le dictionnaire du terme d'agro-écologie. L'agroécologie n'est pas autre chose que la combinaison de la capacité à produire et du respect des cycles et des écosystèmes à préserver pour continuer à produire. L'agroécologie est « l'utilisation intégrée des ressources et des mécanismes de la nature, pour mieux produire ». Ce n'est pas l'un sans l'autre mais l'un avec l'autre. En réalité - et l'INRAE le dit très bien - à facteurs de production identiques, sauf dérèglement climatique, nous perdons en production. Pour ne citer qu'un seul exemple, il nous faudra travailler sur les sols pour y remettre de la matière organique afin de résoudre une partie des difficultés liées à l'eau mais aussi pour répondre aux difficultés de productivité. Des terres aujourd'hui se sont appauvries et ne sont plus capables de produire ce qu'elles étaient capables de produire il y a 20 ou 30 ans. L'agroécologie est au service de la mission première de l'agriculture qui est de produire. Il me semble que c'est ce que nous essayons d'enseigner dans nos établissements, avec des sensibilités différentes. Je pense que la production et la souveraineté françaises ont grandement besoin d'aller chercher dans l'agroécologie, tout comme dans la recherche et l'innovation, une partie de leurs solutions. Les jeunes qui rejoignent les professions agricoles, y compris des jeunes issus du milieu agricole, sont souvent plus sensibles à ces questions que ne l'étaient leurs parents ou leurs grands-parents. Je considère plutôt comme une bonne nouvelle que le souci de la transmission soit si important pour ces jeunes générations.

M. Laurent Lafon, président . - Je précise pour vos collaborateurs que les crédits seront débattus dans l'hémicycle le 1 er décembre dans la soirée.

Mme Marie-Pierre Monier . - Je reprendrai tout à fait vos propos : l'enseignement agricole est un très bel exemple à suivre, qui maille tout le territoire et se révèle souvent innovant et de grande qualité.

Vous avez appelé à l'amélioration de l'accueil des élèves en situation de handicap. Est-ce pour répondre aux élèves qui ont des notifications de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) mais qui n'ont pas d'AESH ? Est-ce pour augmenter le salaire des AESH ? Les AESH de l'enseignement agricole seront-ils concernés par la hausse de 10 % à partir de la rentrée 2023 ? Avez-vous des éléments chiffrés concernant la progression des élèves nécessitant une aide humaine par rapport à l'année précédente ? Le cas échéant, l'augmentation du nombre d'AESH prévue dans le cadre du PLF sera-t-elle suffisante pour y répondre ? De plus en plus d'élèves ont des handicaps et ont besoin d'aide.

Une alerte enfin. Comme l'a rappelé la rapporteure, il est très important qu'il y ait une information sur l'enseignement agricole dans l'ensemble des collèges. Lors de notre mission d'information sur l'enseignement agricole, nous avions rencontré des jeunes qui pour certains étaient arrivés par hasard dans ce domaine mais qui s'y épanouissaient complètement.

Je formule aussi une autre alerte sur la suppression des postes. Entre 2017 et 2021, 300 emplois ont été supprimés auxquels se sont ajoutés 16 nouveaux ETP en 2022. Cela a un impact sur la qualité de l'enseignement. Nous avions ainsi notamment été alertés sur le fait que certains travaux pratiques ne pouvaient plus se faire en groupe réduit. Des groupes plus importants doivent être constitués, ce qui peut nuire à la sécurité des élèves.

Avez-vous avez prévu de renforcer l'attractivité de l'enseignement agricole en général mise à mal à la rentrée par la récente réforme du lycée, alors qu'il est le seul à offrir une spécialité biologie écologie qui est particulièrement précieuse au regard des enjeux actuels de transition écologique ?

S'agissant de la réforme de l'enseignement professionnel, l'enseignement agricole bien sûr est concerné. Je sais qu'actuellement il y a des concertations mais je m'interroge. L'allongement de la durée des stages prévus dans ce cadre ne risque-t-il pas de se faire au détriment de l'apprentissage des connaissances générales et techniques que les élèves ne peuvent acquérir qu'en classe et non en entreprises ? Par ailleurs, les exploitations seront-elles en mesure d'accueillir ses élèves sur des périodes aussi étendues ?

Enfin, la réforme de l'apprentissage, actée dans la loi du 5 septembre 2018, impose à l'enseignement agricole public (et seulement public) une démarche de double certification coûteuse et chronophage pour les personnels. Elle est un facteur de stress, aussi bien au moment de la demande que du renouvellement. Avez-vous fait un bilan de l'impact de cette réforme pour l'enseignement agricole et de la double certification, particulièrement en termes financiers et de gestion des équipes ?

Mme Céline Brulin . - Monsieur le ministre, je me retrouve assez bien dans les objectifs que vous avez dessinés : renouvellement des générations, transmission-transition, agro-écologie dans la définition que vous venez d'en donner, lutte contre la désertification vétérinaire. Malheureusement je constate que les crédits que vous nous présentez ne permettent pas vraiment d'atteindre ces objectifs ambitieux.

Certes, il faut reconnaître qu'il a été mis fin à la saignée que nous avons connue ces dernières années dans l'enseignement agricole et qui avait d'ailleurs conduit le Sénat à rejeter les crédits et à engager la mission d'information rapportée par Nathalie Delattre. Mais il s'agit davantage d'une stabilisation de l'existant. J'ai bien relu les propos du président de la République en septembre dernier dans la présentation du pacte : il appelait à l'enclenchement d'une nouvelle dynamique. Or ce n'est pas la direction aujourd'hui suivie. Nous sommes face à un très faible niveau de création de postes, aussi bien dans l'enseignement agricole que dans les écoles nationales vétérinaires. Nous voyons d'ailleurs se développer des écoles vétérinaires privées, la nature ayant horreur du vide. Si nous voulons lutter efficacement contre la désertification médicale, nous devons réarmer la puissance publique et l'enseignement public.

La saignée dans les effectifs de l'enseignement agricole a conduit à rendre impossibles les dédoublements alors qu'ils sont nécessaires pour ces types d'enseignement. Des filières ou des formations n'ont pas pu être ouvertes, ce qui handicape l'attractivité de certains territoires. Si les objectifs sont légitimes, les crédits ne sont pas complètement au rendez-vous pour y répondre.

Je me réjouis que vous évoquiez la voie professionnelle avec votre collègue Pap Ndiaye. Je pense effectivement que l'enseignement agricole peut être une voie à suivre pour faire évoluer l'enseignement professionnel. À l'inverse, il ne faudrait pas que les inquiétudes que nous pouvons avoir sur le devenir de la voie professionnelle se transmettent à l'enseignement agricole car nous perdrions alors sur tous les plans.

Vous avez évoqué le fonds d'innovation pédagogique, qui sera doté de 20 millions d'euros. J'ai l'impression qu'il s'agit du pendant de ce qui se fait dans l'éducation nationale. Cela suscite beaucoup d'interrogations. Nous ne savons pas comment ces fonds vont être attribués entre établissements. D'autant qu'il y a beaucoup d'innovations dans l'enseignement agricole : de nombreux établissements pourraient donc y prétendre. Il existe aussi la crainte d'une mise en concurrence des établissements qui se disputeraient ces crédits.

Mme Annick Billon . - Concernant le camion du vivant, quelques éléments ont déjà été rappelés par la rapporteure Nathalie Delattre. Avez-vous envisagé une évaluation des millions investis dans ce camion du vivant ? Ses débuts avaient été difficiles dans le contexte de la pandémie. Nous avons du mal à percevoir l'efficacité de ces investissements.

Concernant les élèves en situation de handicap, des crédits supplémentaires ont été décidés ainsi qu'une hausse importante des postes. Cependant, la situation reste difficile pour tous les AESH, avec des contrats assez précaires, du travail à temps partiel bien souvent, des salaires qui stagnent. S'il est évidemment nécessaire de recruter davantage d'AESH, qu'en est-il de la formation, de la revalorisation de ces métiers et de l'augmentation qui devrait être substantielle voire identique à celle de l'enseignement scolaire ?

Sur le sujet des infirmières scolaires, le manque de temps de concertation et d'absence de formation spécifique et le pourcentage élevé d'élèves avec des besoins très particuliers dans ces classes font que ce métier est assez peu attractif. Quelles mesures pourriez-vous prendre pour rendre le métier d'infirmière scolaire plus attractif ?

Concernant l'attractivité des lycées agricoles, la plateforme Horizons 21 permet à un jeune de voir le spectre des métiers possibles en fonction des spécialités qu'il souhaite choisir. Cette plateforme avait été instaurée par le ministre Jean-Michel Blanquer. L'année dernière notre rapporteure Nathalie Delattre se félicitait de l'intégration de l'outil numérique à des baccalauréats professionnels de l'enseignement agricole, ainsi que la spécialité biologie /écologie du baccalauréat général propre à l'enseignement agricole. Néanmoins, nous soulignions que cette plateforme portait préjudice à l'attractivité des lycées agricoles puisque trois spécialités sont proposées en lycée agricole, le panel des spécialités étant plus large dans un lycée d'éducation nationale. Le ministère envisage-t-il d'élargir encore plus les spécialités proposées aux élèves pour éviter cette concurrence « déloyale » ?

Concernant le renouvellement des générations, je rappelle que 55 % des agriculteurs ont plus de 50 ans et qu'1 agriculteur sur 2 partira en retraite dans 5 ans. La hausse constante des effectifs depuis 2010 dans les lycées professionnels est-elle anticipée au niveau des effectifs des enseignants et des équipes pédagogiques ? En mars 2022, le conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux, présidé par le ministre de l'agriculture, avait fait un certain nombre de recommandations. Envisagez-vous de toutes les reprendre à votre compte ? Il s'agissait notamment de recruter des ingénieurs de l'agriculture et de l'environnement sur des postes d'enseignants et de faciliter l'accès des professionnels aux fonctions d'enseignants.

Vous ne serez pas étonné que je vous interroge sur l'égalité femmes-hommes. La féminisation des effectifs s'améliore : 45 % des élèves sont désormais des filles. Cependant l'orientation reste toujours extrêmement stéréotypée puisque le domaine de la production animale reste un domaine masculin alors que les services et les formations dédiées aux services à la personne restent des formations assez féminines. Quelles mesures comptez-vous mettre en oeuvre pour plus de mixité, plus d'égalité et moins de stéréotypes ?

S'agissant de la réforme du pacte professionnel, le Gouvernement avait annoncé qu'à partir de la rentrée 2022 le tronc commun du bac professionnel agricole serait rénové. Sachant que 45 % des élèves de l'enseignement agricole sont en bac professionnel, cette réforme est d'une importance toute particulière. Des conséquences négatives sont identifiées, notamment l'augmentation du nombre de semaines de stage et évidemment la diminution du temps scolaire, qui percutera aussi les enseignements de matières professionnelles. Estimez-vous suffisante la rémunération pour une valorisation de ces métiers ?

S'agissant des heures supplémentaires effectives (HSE), une enveloppe de HSE a été accordée en plus par le ministère de l'agriculture pour cette rentrée. Comment encouragez- vous les établissements scolaires de l'enseignement agricole à s'en emparer ?

M. Bernard Fialaire . - Je salue moi aussi tous les points positifs que vous nous avez présentés. J'ai entendu que l'enseignement agricole devait presque servir de modèle pour l'enseignement général. Face au manque de vétérinaires, vous indiquez qu'une des réponses passe par l'ouverture d'une école privée, pour pallier le manque de places en école publique. Ce n'est pas forcément le modèle que je souhaite pour notre enseignement...

Je m'associe à ce qu'a dit Nathalie Delattre sur le BTSA, qui pourrait se faire en trois ans. Il est nécessaire d'ajouter des enseignements de culture générale et des matières supplémentaires. Je suis élu d'une zone viticole où les besoins de commercialisation sont importants, tout comme les compétences en matière d'accueil et de tourisme.

Je voudrais également savoir où nous en sommes s'agissant de la coopération internationale. Nous recevions la semaine dernière, avec le groupe d'amitié France-Moldavie, le ministre des affaires étrangères moldave. Des pays comme la Moldavie ont besoin de former leurs populations agricoles et souhaiteraient que soient mis en place des partenariats avec notre pays. S'ils reposent sur le système de l'alternance, ces échanges permettent également de disposer d'une main-d'oeuvre importante dans des secteurs où nous en manquons. Il faut aussi aider les pays africains qui connaitront dans les années à venir des difficultés climatiques majeures. Il faut les accompagner pour les aider à faire évoluer leurs techniques agricoles. À défaut, nous assisterons à la propagation des déserts et à la multiplication des flux migratoires.

M. Pierre Ouzoulias . - Merci monsieur le ministre pour la clarté de vos propos et pour certaines définitions de concepts que vous avez pu donner.

Je m'exprime en tant que sénateur des Hauts-de-Seine, c'est-à-dire un département où il y a 2 vaches et aucun établissement d'enseignement agricole. Mais ce département est sans doute l'un des plus gros donneurs d'ordres en matière d'alimentation - il compte notamment 100 collèges. Il serait très utile de nouer des partenariats forts entre les collectivités et les lycées agricoles sur la restauration, et notamment sur le développement d'une offre de légumerie.

Il est bien sûr nécessaire de développer la culture agricole dans les terroirs agricoles. Cependant, pour éviter de creuser le fossé entre les citadins (qui ne voient la campagne qu'à travers les vitres du TGV) et les ruraux, il faut aussi enseigner l'agriculture aux urbains. Cela leur éviterait des réactions irrationnelles. Des correspondances croisées entre les collectivités et les lycées agricoles permettraient de rappeler aux jeunes qu'il y a des paysans et des techniques agricoles derrière ce qu'ils consomment.

M. Max Brisson . - Je suis très heureux de vous voir car cela n'a pas toujours été le cas. J'ai le souvenir amer d'une séance dans l'hémicycle où le ministre de l'éducation nationale était bien en peine de répondre aux questions que nous posions sur l'enseignement agricole. Au Sénat, l'enseignement agricole est apprécié pour la manière avec laquelle il crée - avec peu de moyens - de vrais parcours permettant à des élèves en difficulté de raccrocher avec les chemins de la réussite. C'est là un travail remarquable et qui n'est pas assez mis en avant.

J'aurai trois questions.

Les particularismes de l'enseignement agricole seront-ils pris en compte dans la réforme de l'enseignement professionnel qui sera portée par Madame Grandjean ? La liberté et le caractère propre de l'enseignement agricole seront-ils bien considérés dans cette réforme ? Se dirige-t-on à l'inverse vers un alignement sur le droit commun ? Quel mot aurez-vous à dire pour protéger, préserver, nourrir et amplifier ce caractère propre de l'enseignement agricole dans la réforme engagée de l'enseignement professionnel ?

À la suite du discours du Président de la République, avez-vous commencé à élaborer des pistes de travail sur l'autonomie des établissements agricoles ? Je connais l'attente forte des équipes pédagogiques et des chefs d'établissement sur ce sujet.

Ma dernière question sera davantage locale. J'aurais quelques difficultés à revenir dans mon département si je ne la posais pas. L'enseignement bilingue en langue régionale est très développé dans les Pyrénées-Atlantiques. Or, je connais des chefs d'établissement agricole - à Hasparren par exemple - qui souhaiteraient pouvoir également expérimenter un enseignement bilingue en langue régionale dans leurs établissements. Ayant joué un rôle important dans le passé pour la transmission des langues étrangères, les établissements agricoles vous demandent de connaitre ce que connaissent les autres filières de l'enseignement.

Mme Sabine Drexler . - Je connais personnellement de nombreux jeunes, qui ne sont pas issus du monde agricole, qui voudraient se lancer dans la filière agricole. Beaucoup font face à des difficultés d'accès au foncier agricole et ces difficultés sont souvent décourageantes. Que pouvez-vous proposer à ces jeunes pour leur permettre de disposer de leur propre outil de travail pour développer leur activité ?

Mme Nathalie Delattre, rapporteure pour avis . - Je voudrais apporter des précisions avec quelques chiffres supplémentaires. On constate bien la disparité entre le financement par élève entre le public et le privé. 53,6 % de ce budget est consacré au public alors qu'il ne représente que 40 % de l'enseignement agricole au total contre 60 % pour l'enseignement privé. Nous sommes très attachés à ce qu'un équilibre puisse être trouvé entre public et privé, et à ce que l'enseignement privé ne soit pas désavantagé.

Les établissements agricoles, public et privé, font face à d'importants coûts énergétiques. Beaucoup de ces établissements sont des internats, restant également ouverts le week-end. L'enseignement privé loue souvent ses bâtiments pour obtenir des financements supplémentaires, conduisant les établissements à continuer de consommer de l'énergie le week-end. Réfléchissez-vous à la mise en place de compensations pour aider ces établissements face aux lourdes charges de l'énergie ?

Je n'ai pas pu présenter mon amendement sur l'agrivoltaïsme. Laure Darcos rappelait que nous avions d'excellentes fermes pédagogiques. Pour permettre l'installation de l'agrivoltaïsme dans les fermes pédagogiques, est-il possible de passer par la voie réglementaire ou faudrait-il déposer un nouvel amendement ?

M. Marc Fesneau, ministre . - Nous constatons une augmentation assez constante des jeunes en situation de handicap dans nos établissements agricoles. Pour l'année 2021-2022, 4 669 jeunes en situation de handicap étaient scolarisés dans l'enseignement agricole, soit 1 000 de plus que l'année précédente. Ceux-ci ont bénéficié d'une aide, conformément à une notification de la MDPH. Les AESH bénéficieront bien de la revalorisation de 10 % des salaires. En 2019, on comptait 718 ETP AESH contre environ 1 000 en 2022. Nous essaierons de poursuivre cette tendance.

S'agissant de la réforme de l'enseignement professionnel, j'ai rappelé aux organisations syndicales que l'enseignement agricole était plutôt considéré par l'éducation nationale comme un modèle de réussite, ce qui doit nous rendre fier. Cette réforme vise à permettre que plus d'élèves s'engagent dans la voie professionnelle et que le taux de réussite soit plus élevé. Or, sur ces deux sujets, l'enseignement agricole est en pointe. Nous pouvons donc nous nourrir mutuellement de nos expériences. L'idée n'est pas de se calquer en tous points sur le modèle de l'enseignement agricole. Nous n'avons pas tout à fait les mêmes cohortes d'élèves, en nombre, ce qui rend les enjeux tout de même assez différents.

Sur la question des stages, rien n'est encore décidé. J'ai conscience de la difficulté à concilier allongement de la durée des stages et maintien de l'ensemble des enseignements. Nous devons mettre en place des groupes de concertation pour tenir compte des spécificités de l'enseignement agricole, s'agissant notamment des capacités d'accueil des exploitations agricoles.

Sur la double certification apprentissage, nous n'avons pas fait d'évaluation en tant que telle. Mais la direction générale de l'enseignement et de la recherche (DGER) essaie de travailler à sortir de cette double certification.

S'agissant de l'adéquation entre les moyens et les objectifs, je voudrais rappeler plusieurs éléments. Je me réjouis d'abord que nous ayons stoppé la tendance structurelle à la baisse des effectifs. Par ailleurs, lors des discussions avec mon collègue Gabriel Attal, j'ai insisté sur la nécessité de mettre en adéquation les moyens avec les besoins. Il faut aussi reconnaitre qu'il y a des domaines de l'enseignement agricole où le nombre d'élèves baisse et qu'il n'y a donc pas de raison d'augmenter les effectifs. J'assume de prioriser sur certains sujets, à savoir sur l'inclusion et sur les vétérinaires.

Sur l'enjeu des vétérinaires, je n'ai peut-être pas été assez explicite. L'augmentation des effectifs n'est pas due qu'à la création de l'école vétérinaire privée de Rouen. Elle s'explique surtout par le renforcement des effectifs dans les quatre écoles vétérinaires existantes. Par ailleurs, je voudrais rappeler qu'une structure privée peut assumer des missions d'intérêt général. Tout l'enseignement agricole dans sa diversité (public ou privé), sous ses différentes formes (associative ou autre), contribue à l'épanouissement des élèves. La véritable difficulté réside dans le fait qu'une grande partie des vétérinaires ne se destinent plus à des métiers ruraux et se tournent vers le privé, quand bien même ils ont été formés par le public. La médecine vétérinaire se dirige de plus en plus vers une médecine de l'animal de compagnie. Nous devons donc travailler à l'attractivité du métier en milieu rural. Le regroupement de cabinets peut constituer une réponse.

S'agissant du fonds d'innovation, il ne s'agit pas d'un appel à projets. Nous essayons de travailler avec les équipes des établissements pour trouver des formations pour les métiers de demain. C'est véritablement un fonds d'innovation pédagogique, au sens premier du terme.

S'agissant de l'évaluation du camion « l'aventure du vivant », vous avez rappelé que cette initiative a été lancée peu de temps avant la crise Covid. 2022 est donc la première année « normale » pour nous permettre de faire une évaluation. Il faut donc se laisser encore un peu de temps.

Il nous faut en effet trouver des pistes pour renforcer l'attractivité des métiers d'infirmiers dans les établissements d'enseignement agricole. Ce n'est pas qu'une affaire de revalorisation salariale. Il nous faut travailler sur tous les leviers.

Nous lancerons en 2022 une étude avec la DGER pour travailler sur la lutte contre les stéréotypes de genre. L'objectif est notamment de déterminer finement les raisons pour lesquelles les femmes se dirigent moins vers l'élevage. Il me semble également que les métiers sont mal décrits, ce qui dissuade les jeunes à les rejoindre.

S'agissant de la place des professionnels dans l'enseignement agricole, l'idée n'est pas de substituer les enseignants par des professionnels. L'objectif est de faire venir des professionnels en appui du parcours pédagogique, à l'intérieur des établissements. Il n'y aura pas de mécanisme de substitution.

Je vous propose de vous répondre par écrit sur la question des heures supplémentaires.

Les enjeux de coopération sont très particuliers au ministère de l'agriculture. Nous avons des coopérations en matière d'enseignement agricole avec des pays africains mais aussi des coopérations en matière de recherche, au travers des établissements comme l'INRAE. Nous coopérons également sur les questions de sécurité sanitaire au travers de la direction générale de l'alimentation. Nous pourrons vous communiquer un état des lieux précis sur le sujet. Il faut par ailleurs noter que la filière agricole est celle qui mobilise le plus Erasmus.

Nous devons expliquer ce qu'est le cycle du vivant et rappeler que les temporalités sont courtes ou longues suivant les productions. J'ai été désespéré d'entendre certains propos sur la forêt la semaine dernière. Nous avons perdu ce rapport au cycle du vivant et ce n'est pas qu'une affaire d'opposition entre urbains et ruraux. Sur l'eau, sur la forêt, sur l'élevage, nous butons sur la compréhension du cycle du vivant. Cela rejoint la question de l'éveil à la science.

L'autonomie des chefs d'établissement est déjà une réalité pour les établissements d'enseignement agricole. C'est d'ailleurs une de leurs spécificités. Les équipes pédagogiques, qui sont à l'origine de nombreuses innovations, peuvent en témoigner.

Sur l'enseignement des langues régionales, nous sommes attentifs à la nécessité de promouvoir le patrimoine immatériel, la diversité culturelle et donc les langues régionales. La demande concernant 200 élèves sur les 154 000 est à ma connaissance satisfaite. Je voudrais saluer le travail du lycée d'Hasparren, qui est bien connu de nos équipes au ministère. Nous avons avec ce lycée des relations de confiance, qui nous permettent d'avancer sur le sujet.

Il n'y a pas d'un côté des jeunes venant du monde urbain voulant plutôt faire du maraîchage et du circuit court et de l'autre la cohorte importante de ceux qui souhaiteraient faire de la production à plus grande échelle.

Il y a en effet un problème d'accès au foncier. Il faut à ce sujet saluer les initiatives portées par les collectivités pour les établissements publics fonciers pour essayer de mettre à disposition des terrains. Cette question du portage foncier sera intégrée au pacte et au projet de loi que nous préparons. Ce n'est cependant pas le seul problème. Se pose également celui de l'accès à l'eau et des conflits d'usage qui peuvent en découler. Se pose aussi celui du manque de main d'oeuvre.

Vous avez eu raison de saluer la grande diversité de l'enseignement agricole. Je salue tout particulièrement le respect réciproque entretenu entre public et privé, qui constitue une des grandes forces de cet enseignement.

S'agissant des défis énergétiques, nous sommes en train de regarder établissement par établissement. Il est vrai qu'il y a une spécificité de l'enseignement agricole, compte tenu du modèle internat qui est très développé. Certains établissements ont des contingences que d'autres n'ont pas. Nous devons donc regarder au cas par cas. Cette hausse des coûts de l'énergie peut mettre en défaut financier un certain nombre d'établissements.

S'agissant de l'agrivoltaïsme dans les exploitations des établissements d'enseignement agricole, il n'y a pas à ce jour de règles dérogatoires. Nous devons voir si nous devons mettre en place une disposition ad hoc ou passer par la voie de l'expérimentation. Je pense qu'un certain nombre d'établissements seraient intéressés. À titre personnel, je trouve qu'il serait intéressant d'essayer. Nous verrons ce qui sera décidé au cours de la navette parlementaire de cette proposition de loi. Il nous faut certes tenir compte des spécificités des exploitations agricoles des établissements d'enseignement scolaire. Mais ces exploitations ne sont pas des zones de non-droit agricole.

M. Laurent Lafon, président . - Je vous remercie monsieur le ministre. Vous avez vu l'intérêt de notre commission pour l'enseignement agricole : mes collègues étaient nombreux à intervenir. Ceci démontre bien que l'enseignement agricole est un élément extrêmement important pour la vitalité des territoires que nous représentons. Merci pour le temps que vous avez pris à nous répondre, avec beaucoup d'application et surtout avec un souci du dialogue.

M. Marc Fesneau, ministre . - Merci monsieur le président. J'ai compris qu'il fallait que je réserve ma soirée du 1 er décembre !

M. Laurent Lafon, président . - Et vous êtes aussi le bienvenu au lycée d'Hasparren !

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