C. L'ÉCOLE INCLUSIVE : UNE AUGMENTATION RÉGULIÈRE DU NOMBRE D'ÉLÈVES EN SITUATION DE HANDICAP ; DES MOYENS INSUFFISANTS MALGRÉ DE RÉELS EFFORTS

À la rentrée de 2021, on comptait 409 409 élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire 20 ( * ) (dont 7 800 élèves présentant des troubles de la fonction auditive) :

- 212 441 dans le premier degré (en 2021, le handicap concernait 3,4 % des élèves du premier degré) ;

- 196 968 dans le second degré .

De plus, 90 100 jeunes malades ou en situation de handicap ont été accueillis et scolarisés en 2021-2022 dans des structures médico-sociales ou hospitalières, dont 79 772 de manière durable.

Le nombre des élèves en situation de handicap était de 430 000 à la rentrée de 2022 , soit une augmentation très nette par rapport aux 225 653 élèves scolarisés en milieu ordinaire en 2012-2013 (185 000 en 2006).

Les effectifs d'élèves en situation de handicap scolarisé en milieu ordinaire (classe ordinaire ou unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS) 21 ( * ) croissent en effet régulièrement :

- + 6,9 % par an environ en moyenne depuis 2012 ;

- + 81,5 % entre 2012 et 2021, soit + 183 846 élèves pendant la période .

Malgré des prévisions démographiques à la baisse, en lien avec le déclin de la natalité, les projections font état d'un besoin croissant en ULIS : + 2 % par an (1 100 élèves au moins à accueillir en plus chaque année) .

Des moyens substantiels sont consacrés à l'école inclusive :

- près de 1 300 nouveaux dispositifs ULIS ont été créés depuis 2017 (300 dans le premier degré ; 1 000 dans le second degré) ;

- 10 272 dispositifs ULIS étaient opérationnels à la rentrée de 2022 (303 de plus qu'en 2021) ; l'effort porte principalement sur le second degré (224 nouveaux dispositifs ULIS) ;

- dans le PLF 2023, 2,475 milliards d'euros 22 ( * ) sont dédiés, au sein du programme 230, à l'inclusion des élèves en situation de handicap (en AE et CP), dont 1,35 milliard au titre des dépenses de personnel (titre 2) ;

- l'effort global est estimé par le ministère à 3,86 milliards d'euros , en intégrant la rémunération des personnels spécialisés.

Malgré ces efforts, les besoins ne sont pas couverts : le taux de couverture des notifications d'affectation en ULIS était de 85 % en 2021 dans le premier degré ; de 86 % dans le second degré, en lien non seulement avec l'augmentation régulière du nombre d'élèves en situation de handicap, mais aussi avec la hausse (+ 8,6 % entre 2019 et 2021) des notifications d'affectation en ULIS par les commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) , qu'illustre le tableau ci-dessous. Selon le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, entendu par la commission le 8 novembre 2022, cette hausse appelle une « remise à plat » des critères de notification.

Notifications d'affectation en ULIS par les CDAPH

Notifications d'affectation

2019

2020

2021

Augmentation 2019/2021

Premier degré

53 380

53 948

54 734

+ 2,5 %

Second degré

49 716

54 988

57 303

+ 15,2 %

Total

103 096

108 936

112 037

+ 8,6 %

Source : commission de la culture d'après le PAP 2023

De plus, certains élèves ne pouvant être accueillis en établissements médico-sociaux , faute de places disponibles, sont affectés en ULIS, ce qui réduit le nombre de places en ULIS pour les élèves qui devraient en bénéficier, mais que l'on est contraint de scolariser en classe ordinaire. Ce constat, qui vaut pour le premier et le second degrés, complique l'anticipation des besoins au moment de la préparation de la carte scolaire.

Se pose en outre le manque d'AESH , qui affecte la scolarité des élèves en condition de handicap : 56 % seulement en moyenne des élèves en situation de handicap bénéficient d'un accompagnement humain (67 % dans le premier degré ; 45 % dans le second degré).

Ainsi, 44 % des élèves en situation de handicap ne disposent pas accompagnement : un tiers dans le premier degré ; plus de la moitié dans le second degré.

À titre d'exemple, pour la seule académie de Versailles, le besoin en AESH était estimé à 700 à la rentrée de 2022. Lors de l'audition de M. Pap Ndiaye, notre collègue Marie-Pierre Monier a évoqué la question du recours de certaines familles à des accompagnants privés recrutés notamment dans le cadre associatif, faute de pouvoir disposer de l'accompagnement d'un AESH, et a noté à juste titre, entre autres conséquences, le risque d'une rupture d'égalité entre les élèves.

4 000 postes d'AESH sont créés dans le PLF pour 2023. Ces nouveaux postes seront financés sur le titre 2. En ETPT, les effectifs passeront donc de 78 835 23 ( * ) (LFI 2022) à 82 835 24 ( * ) (PLF 2023) ; en 2022, 123 874 personnes physiques exerçaient en tant qu'AESH 25 ( * ) .

Des efforts récents ont certes été entrepris pour améliorer les conditions d'exercice des AESH et revaloriser leur statut et leur rémunération 26 ( * ) . Ainsi, à la rentrée de 2023, les AESH exerçant en REP et REP+ bénéficieront de l'extension de l'indemnité versée aux personnels affectés en éducation prioritaire (coût de la mesure : 43 millions d'euros). De plus, 261 millions d'euros seront consacrés à la « CDIsation » des AESH qui seront ainsi rémunérés sur le titre 2. En outre, le Gouvernement souhaite réduire les temps partiels contraints qui amplifient la faiblesse de la rémunération de ces personnels .

En effet, cette profession reste marquée par une précarité certaine , qui la rend peu attractive et contribue à l'insuffisance de l'accompagnement des élèves en situation de handicap, alors même que l'on constate une augmentation régulière des prescriptions d'accompagnement humain par les CDAPH (+ 12,6 % entre décembre 2020 et décembre 2021).

L'amélioration de l'accompagnement des élèves en situation de handicap et de la situation des AESH passe, entre autres questions, par la résolution des difficultés liées à la prise en charge du temps périscolaire et à l'accès aux services de restauration scolaire pendant la pause méridienne , qui n'est pas sans conséquence sur les conditions de la scolarisation des élèves dont l'accompagnement est nécessaire toute la journée.

Selon le Conseil d'État, la prise en charge des AESH relève des collectivités territoriales lorsqu'elles organisent un service de restauration ou des activités complémentaires des activités de formation. En revanche, il incombe à l'État de déterminer avec la collectivité territoriale qui organise ce service et ces activités « si et, le cas échéant, comment cette même personne peut intervenir auprès de l'enfant durant ce service et ces activités, de façon à assurer, dans l'intérêt de l'enfant, la continuité de l'aide qui lui est apportée » 27 ( * ) .

Notons que les AESH peuvent être recrutés conjointement par l'État et par la collectivité territoriale , ainsi que le prévoient les dispositions de l'article L. 917-1 du code de l'éducation, dans leur rédaction issue de la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance.

La question du financement et de la mise à disposition des AESH sur le temps de restauration et d'accueil périscolaire fera l'objet, au cours de la présente session, d'une mission d'information de la commission de la culture qui ne manquera pas d'éclairer un aspect essentiel de l'école inclusive.

Par-delà cette réflexion sur l'organisation de la prise en charge du travail des AESH, l'ampleur des besoins d'accompagnement non satisfaits souligne la nécessité de poursuivre l'effort de revalorisation de la rémunération des accompagnants au-delà du budget de 2023.

Dans cet esprit, l'augmentation de 80 millions inscrite dans le projet de loi de finances transmis par l'Assemblée nationale , qui résulte d'un amendement validé par le Gouvernement, devrait permettre une augmentation de 10 % environ de la rémunération de ces personnels en année pleine, en incluant les primes REP et REP+.


* 20 Dans les écoles et établissement publics et privés sous contrat. L'enseignement privé sous contrat accueillait en 2021-2022 52 771 élèves en situation de handicap (20 327 élèves dans le premier degré - 16 917 en classes ordinaires et 3 410 en ULIS écoles ; 32 444 dans le second degré - 26 909 dans les classes ordinaires et 5 535 en ULIS). Entre 2020-2021 et 2021-2022, le nombre d'élèves en situation de handicap accueillis dans le privé a augmenté de 7,2% (3 567 élèves).

* 21 La scolarisation en milieu ordinaire (classe ordinaire ou ULIS), tous degrés confondus, concerne 86 % des élèves en situation de handicap ; au sein du milieu ordinaire, la scolarisation en classe ordinaire concerne 73 % de ces élèves. La scolarisation en ULIS concerne 25 % des élèves en situation de handicap dans le premier degré ; 28 % dans le second degré.

* 22 Auxquels s'ajoutent, à l'initiative de l'Assemblée nationale validée par le Gouvernement, 80 millions d'euros au titre des rémunérations des AESH.

* 23 Dont titre 2 : 37 229.

* 24 Dont titre 2 : 47 127.

* 25 56 965 étaient rémunérées sur le titre 2 ; 66 909 hors titre 2.

* 26 À titre d'exemple, 56 millions d'euros ont été mobilisés en 2021 et 2022 pour améliorer la rémunération des AESH (hors hausse de l'indice minimum de la fonction publique et du point de la fonction publique) avec un gain moyen de 612 euros bruts par an.

* 27 Conseil d'État, 20 novembre 2020, Ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

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