B. LA DÉMOCRATISATION CULTURELLE SOUS LE PRISME CROISSANT DU PASS CULTURE

1. Des moyens supplémentaires uniquement destinés à l'accès des jeunes à la culture

En matière de démocratisation et d'accès aux pratiques culturelles, les revalorisations des crédits concernent essentiellement les dispositifs destinés aux jeunes :

? Les crédits du Pass culture progressent de 9,5 millions d'euros pour s'établir à 208,5 millions d'euros en 2023 pour le volet financé par le ministère de la culture 1 ( * ) . Cette augmentation des moyens apparait néanmoins cohérente avec le niveau de consommation des crédits par la SAS en 2022. Son président a indiqué que l'intégralité des 199 millions d'euros de crédits alloués au titre de l'année 2022 seraient consommés et n'a pas exclu la possibilité d'un déficit de l'ordre de 6 à 8 millions d'euros. Les besoins de financement de la part individuelle des jeunes de 15 à 17 ans devraient par ailleurs s'accroître en 2023, dans la mesure où ce dispositif n'a été mis en place qu'au début de l'année 2022 et connaît depuis une montée en puissance progressive.

? Les crédits destinés au financement de l'éducation artistique et culturelle sont revalorisés à hauteur de 3,9 millions d'euros (dont 0,9 million en faveur du développement des contrats-territoire-lecture), pour un montant total de 104 millions d'euros en 2023.

À l'exception de l'enveloppe d'un million d'euros destinée à la préparation des Olympiades culturelles en 2024, les mesures destinées à réduire les fractures territoriales et sociales dans l'accès à la culture restent stables . Le programme ne comporte aucun crédit spécifique pour la mise en oeuvre de l'été culturel, même si le ministère de la culture indique son intention de poursuivre l'opération en 2023.

Le fonds d'innovation territoriale , créé en cours d'année 2022 par la nouvelle ministre de la culture afin de renforcer la coopération entre l'État et les collectivités territoriales autour de projets culturels, en réponse à une proposition formulée par la commission de la culture 2 ( * ) , conservera en 2023 une dotation de 3,5 millions d'euros . La rapporteure se félicite de la création de ce nouvel outil permettant de soutenir des initiatives culturelles décloisonnées et adaptées aux contextes locaux. Elle regrette que sa conception ne permette pas de répondre à un autre enjeu poursuivi par la proposition qu'elle avait initialement formulée avec Sonia de La Provôté : le renforcement de la contractualisation entre l'État et les collectivités territoriales dans le but de prévenir le désengagement de celles-ci.

Le fonds d'innovation territoriale

Inspiré du fonds d'intervention culturelle ayant existé entre 1971 et 1985, le fonds d'innovation territoriale vise à soutenir, si possible en partenariat avec une collectivité territoriale (mais pas nécessairement afin de ne pas pénaliser les territoires ruraux), des initiatives et des projets originaux dans le domaine de la culture associant à la fois un acteur culturel et un acteur non culturel (EHPAD, association de quartier...).

Chaque DRAC est libre dans la sélection des projets sur son territoire sur la base d'orientations très générales de l'administration centrale. Les crédits octroyés ne sont pas des subventions de fonctionnement, mais des aides à l'accompagnement de projets, susceptibles de se poursuivre sur une période de deux à trois ans.

En 2022, les crédits de ce fonds (3,2 millions d'euros) ont été complétés par une enveloppe d'un million d'euros destinée à soutenir des tiers lieux.

2. Pass culture : un moyen et non une fin

Dès l'annonce du lancement de l'expérimentation sur le Pass culture fin 2017, la commission avait exprimé le souhait que ce dispositif ne se résume pas à un simple « chèque en blanc », mais devienne un nouvel instrument au service des politiques culturelles et de l'EAC. Les évolutions intervenues depuis sa création, en particulier la mise en place de la part collective en 2022, ont profondément modifié la philosophie initiale du Pass culture. Le regard porté par les acteurs culturels sur le dispositif a, lui aussi, évolué favorablement au cours des deux dernières années.

La réouverture des lieux culturels et l'enrichissement de l'offre disponible ont conduit à faire évoluer la répartition des réservations des jeunes au titre de la part individuelle en 2022 .

Même si le livre reste en tête, sa part s'est légèrement tassée au profit de la musique « live », qui a enregistré la plus forte progression parmi les différents secteurs. La répartition des réservations des jeunes de 15 à 17 ans diffère légèrement en raison du montant très inférieur de crédits à leur disposition 3 ( * ) : le livre et le cinéma concentrent l'essentiel de leurs réservations. En dépit d'une certaine amélioration, l'objectif de diversification des pratiques ne semble pas encore atteint . La part du spectacle vivant, des musées et des bibliothèques n'est pas satisfaisante. Il apparait essentiel que la société du Pass culture agisse pour obtenir l'inscription d'un plus grand nombre d'offreurs de ces secteurs sur le Pass et pour mieux promouvoir leurs offres auprès des jeunes, afin que les crédits ne se traduisent pas par de simples effets d'aubaine .

En revanche, les réservations effectuées dans le cadre de la part collective portent majoritairement sur les catégories les moins réservées de la part individuelle.

La mise en place de la part collective se justifie donc pleinement dans un souci de meilleure diversification des pratiques culturelles des jeunes, les deux parts agissant en complémentarité.

Ces résultats démontrent une nouvelle fois l'importance de la médiation pour atteindre l'objectif d'une réelle diversification des pratiques. La rapporteure estime qu'il s'agit d'un axe d'amélioration dans les années à venir.

Si la création de la part collective a permis de mieux inscrire
le Pass culture dans le parcours d'EAC, la rapporteure demeure préoccupée par l'articulation entre ces deux dispositifs
.

Leur bonne articulation est cruciale, alors que le Pass culture absorbe désormais deux fois plus de crédits que l'EAC en tant que telle. La rapporteure identifie deux points de vigilance :

? l'effet d'éviction induit par la mise en place de la part collective sur les actions traditionnelles menées par les établissements au titre de l'EAC

Un certain nombre d'établissements culturels (conservatoires, structures publiques du spectacle vivant) ont observé en 2022 une réduction de leurs partenariats avec les collèges. Or, la réservation par une classe d'une offre du Pass culture ne saurait constituer à elle seule un projet d'EAC . Si la part collective est un moyen, pour un établissement scolaire, d'enrichir son projet d'EAC, elle ne le dispense pas d'élaborer un tel projet et de poursuivre les actions qu'ils menaient auparavant à ce titre. Les offres du Pass culture ne correspondent pas au même format que les actions traditionnelles d'EAC. Il est essentiel que les budgets de l'EAC doivent être, a minima, maintenus à leurs niveaux antérieurs.

La société du Pass culture a une action forte à mener en direction des collectivités territoriales pour garantir un bon usage de la part collective, au-delà du vademecum , et s'assurer que les partenaires traditionnels des établissements en matière d'EAC bénéficient rapidement de l'agrément pour proposer des offres dans le cadre de la part collective.

? le possible creusement des inégalités territoriales en matière d'EAC

Les offres proposées par le Pass culture dépendant de la présence d'acteurs culturels au niveau local, la mise en place de la part collective ne résout pas le problème de l'offre culturelle disponible en zones rurales. Le bilan de l'année 2022 montre qu'une moindre part de collèges l'a activé en zones rurales (39 %) qu'en zones urbaines (55 %) et que la nature des offres sélectionnées diffère (sorties en zones urbaines, accueil d'intervenants en zones rurales).

Devenue, en l'espace de cinq ans, le deuxième plus gros opérateur du ministère de la culture, il est indispensable que la société du Pass culture renforce désormais sa médiation au niveau territorial pour faire du Pass culture un outil véritablement efficace au service de l'éducation artistique et culturelle et de la diversité culturelle.

*

* *

La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a émis, lors de sa réunion plénière du 23 novembre 2022, un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes 131 « Création » et 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » du projet de loi de finances pour 2023 .


* 1 Le ministère de la culture prend en charge les frais de fonctionnement et d'investissement de la SAS, ainsi que le financement de la part individuelle. Le ministère de l'éducation nationale finance, via la mission « Enseignement scolaire », à hauteur de 51 millions d'euros, la part collective qui sera étendue à compter de 2023 aux élèves de 6 e et de 5 e .

* 2 Dans leur rapport d'information n° 126 (2021-2022) consacré au plan de relance dans le domaine de la création, Sonia de La Provôté et Sylvie Robert avaient recommandé, au nom de la commission de la culture, la mise en place d'un fonds « 10 % territoires » pour favoriser la co-construction des politiques culturelles entre l'État et les collectivités territoriales. Elles proposaient que soient réservés chaque année 10 % des crédits d'intervention déconcentrés à des projets choisis avec les collectivités, sous réserve que ces dernières s'engagent à maintenir le niveau global de leurs subventions à la création.

* 3 Les crédits varient en fonction de l'âge : d'un montant de 20 euros à 15 ans, ils passent à 30 euros à 16 ans puis de nouveau à 17 ans. Les jeunes ont la possibilité de les cumuler sur les trois années.

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