B. ... QUI NE DISSIPE PAS LES INQUIÉTUDES

1. L'inflation : une nouvelle donne douloureuse pour le secteur dans un contexte de reprise encore fragile

Alors que le secteur de la création subit encore les conséquences de la crise sanitaire, l'explosion de l'inflation ouvre déjà une nouvelle période d'incertitudes .

Les effets encore sensibles de la crise sanitaire sur les publics

-15%

de fréquentation
par rapport à 2019

À l'exception des publics scolaires, la fréquentation des lieux du spectacle vivant et des arts visuels reste en moyenne inférieure de 15 % à son niveau de 2019, même si elle se révèle très contrastée selon les lieux et selon les spectacles et les expositions. Le ministère de la culture n'anticipe pas de retour à la normale avant 2025 compte tenu des nouveaux effets de l'inflation.

Les modèles économiques des acteurs culturels sont par ailleurs bouleversés par les nouveaux comportements des publics (achats de dernière minute, désintérêt marqué pour les abonnements, stratégie d'optimisation des dépenses et de limitation des prises de risque).

Au-delà d'affecter le niveau de leurs dépenses, l'inflation a un impact sur les principales recettes des établissements. Ceux-ci anticipent une réduction du budget consacré par les Français aux loisirs préjudiciable au niveau de leur fréquentation. Ils constatent une stagnation voire une baisse des recettes tirées du mécénat. Les établissements à la charge ou subventionnés par les collectivités territoriales s'inquiètent également de l'évolution du soutien de celles-ci après la baisse des subventions culturelles accordées par plusieurs régions au cours de l'année 2022 et la décision de certaines communes d'adapter les périodes et les horaires d'ouverture de leurs établissements pour réduire la facture énergétique. Au-delà de l'impact sur la programmation de ces établissements, ces décisions freineront sans doute la possibilité de résidences d'artistes.

La situation actuelle appelle un dialogue régulier entre l'État,
les collectivités territoriales et les acteurs culturels, ainsi qu'un renforcement de la contractualisation entre l'État et les collectivités
.

Le directeur général de la création artistique, Christopher Miles, n'a pas caché que les montants octroyés aux opérateurs, labels et réseaux en compensation de l'inflation avaient été calculés sur la base de chiffres de fréquentation supérieurs à ceux actuellement constatés. Les effets de l'inflation ne seront donc que très partiellement compensés, même pour les établissements qui bénéficient d'une aide à ce titre . Dans ce contexte, il pourrait être opportun que le ministère transmette aux établissements sous sa tutelle des instructions pour les aider à prioriser temporairement leurs missions.

En effet, les marges de manoeuvre des établissements pour faire face à cette équation budgétaire apparaissent extrêmement réduites , dans la mesure où la réduction de la programmation ou l'augmentation du prix des places auraient des effets mécaniques sur la fréquentation. La rapporteure exhorte le ministère de la culture à la plus grande vigilance pour empêcher que des fermetures définitives d'établissement, évitées pendant la crise sanitaire, ne surviennent en 2023 . Elle veut voir dans le fait qu'une enveloppe de 10 millions d'euros ait été débloquée dans la deuxième loi de finances rectificative pour 2022 (LFR2) aux fins de compenser l'inflation subie par les opérateurs du programme au titre de 2022 le signe que le Gouvernement restera attentif à ces questions.

2. Festivals : des clarifications nécessaires

L'année 2022 a vu le retour à un format normal des festivals. Le bilan de cette saison apparait dans l'ensemble positif, même si les niveaux de fréquentation ont été contrastés, avec de fortes disparités entre les festivals de grande et de petite jauges ainsi qu'entre les festivals organisés dans les grandes villes et ceux situés en zones rurales.

L'avenir de ces manifestations est néanmoins terni par l'explosion de l'ensemble de leurs coûts (dépenses énergétiques, cachets des artistes, prestations extérieures), ainsi que par des pénuries de matériel et des difficultés de recrutement de personnels et de bénévoles.

Malgré les États généraux des festivals, le nouvel engagement de l'État en direction des festivals reste modeste et la coordination avec les collectivités territoriales demeure faible. La dotation du fonds festivals, créé pendant la crise sanitaire, n'est pas revalorisée en 2023 pour tenir compte de l'inflation. L'enveloppe de 10 millions d'euros est répartie à parts égales entre les festivals musicaux, dont les crédits sont gérés par le CNM, et les autres types de festivals, dont l'accompagnement est opéré par les DRAC. Ses modalités de mise en oeuvre restent floues. Les critères d'attribution des subventions, ainsi que les compétences respectives du CNM et des DRAC, mériteraient d'être précisés.

La commission souhaiterait disposer d'un bilan complet du fonds festivals avant l'examen du projet de loi de finances pour 2024 .

L'annonce par le ministre de l'intérieur, au détour d'une audition au Sénat le 25 octobre 2022, de possibles annulations et reports de festivals en 2024 en lien avec l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques , sans aucune concertation préalable avec les organisateurs de festivals, est venue assombrir encore davantage les perspectives de ces manifestations. La commission de la culture est extrêmement inquiète de cette décision , qui aurait pour effet d'opposer l'Ile-de-France aux autres territoires, le sport à la culture, à rebours de la mise en place des Olympiades culturelles dont la préparation est financée par le ministère de la culture à hauteur de 1 million d'euros dans le cadre du présent budget. Elle souhaite qu'un dialogue s'instaure avec les festivals pour les maintenir autant que faire se peut et leur offrir rapidement davantage de visibilité .

3. Arts visuels : un rééquilibrage progressif des crédits qui appelle à être complété sur le plan des politiques

La rapporteure salue les efforts réalisés pour revaloriser les crédits destinés aux arts visuels . Après avoir longtemps représenté moins de 10 % des crédits destinés au spectacle vivant, ils atteignent désormais près de 15 %.

Les nouveaux crédits sont principalement destinés à la mise en place d'un plan de soutien aux métiers d'art (5,5 M€), confié aux manufactures du Mobilier national et de la Cité de la céramique - Sèvres et Limoges, et à l'ouverture de la nouvelle phase du dispositif « Mondes nouveaux » (5 M€).

Si ces crédits sont évidemment bienvenus, la rapporteure regrette de ne pas disposer d'une réelle évaluation de la mise en oeuvre de la première phase de « Mondes nouveaux » ni d'informations précises relatives aux conditions de mise en oeuvre de la seconde phase afin de pouvoir apprécier le bien-fondé de l'affectation de ces nouveaux crédits à cette seconde phase plutôt qu'à d'autres dispositifs de soutien existants. Les représentants des FRAC ont ainsi alerté la rapporteure sur la stagnation des crédits d'acquisition alloués à leurs établissements depuis quinze ans, au risque de paralyser leur capacité à remplir l'une de leurs principales missions, celle de soutenir la création contemporaine et, en particulier les jeunes artistes.

Le programme « Mondes nouveaux » 2021-2022
financé par le plan de relance

Chiffres clés :

- 3 200 candidatures

- 264 projets sélectionnés, dont 80 émanant de collectifs

- 430 artistes soutenus avec une volonté de mettre en avant des jeunes artistes

- 92 % des 30 millions d'euros de crédits consacrés à la création (1,63 million d'euros au titre des allocations de recherche aux artistes et 26,8 millions au titre de la production des projets)

Malgré une répartition territoriale équilibrée des artistes sélectionnés, une part importante de la production des projets sélectionnés a été réalisée par des agences installées à Paris. Les représentants des arts visuels soulignent par ailleurs les effets limités de ce dispositif sur la relance du secteur du fait du faible nombre d'artistes bénéficiaires. Il s'agit, à leurs yeux, d'un dispositif de soutien à l'émergence.

Les règles de la nouvelle phase ne devraient être définies que d'ici la fin de l'année 2023. Dans un souci de meilleure valorisation de la création artistique, la rapporteure jugerait souhaitable la mise en place d'une médiation culturelle autour des projets sélectionnés .

Les progrès en matière de structuration du secteur des arts visuels restent minces . À l'exception d'un contrat de filière conclu en Nouvelle-Aquitaine, les schémas d'orientation pour le développement des arts visuels (Sodavi) n'ont débouché sur aucune contractualisation formelle entre l'État, les collectivités territoriales et les professionnels du secteur, malgré la croissance des crédits de cette ligne budgétaire depuis plusieurs années.

L'observation fait toujours défaut . Le Centre national des arts plastiques (CNAP), faisant office de centre de ressources pour les artistes et professionnels du secteur, serait sans doute la structure la plus pertinente pour développer un observatoire de la profession. Si ses crédits sont revalorisés en 2023 pour renforcer ses ressources professionnelles (+ 0,6 M€), ses moyens humains, stables, ne lui permettent pas aujourd'hui d'assurer cette mission.

Page mise à jour le

Partager cette page