N° 120

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 novembre 2022

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l' éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances , considéré comme adopté par l'Assemblée nationale
en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour
2023 ,

TOME II

Fascicule 2

CULTURE

Création et Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

Par Mme Sylvie ROBERT,Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon , président ; M. Max Brisson, Mme Laure Darcos, MM. Stéphane Piednoir, Michel Savin, Mme Sylvie Robert, MM. David Assouline, Julien Bargeton, Pierre Ouzoulias, Bernard Fialaire, Jean-Pierre Decool, Mme Monique de Marco , vice-présidents ; Mmes Céline Boulay-Espéronnier, Else Joseph, Marie-Pierre Monier, Sonia de La Provôté , secrétaires ; MM. Maurice Antiste, Jérémy Bacchi, Mmes Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, Toine Bourrat, Céline Brulin, Samantha Cazebonne, M. Yan Chantrel, Mme Nathalie Delattre, M. Thomas Dossus, Mmes Sabine Drexler, Laurence Garnier, Béatrice Gosselin, MM. Jacques Grosperrin, Jean Hingray, Jean-Raymond Hugonet, Claude Kern, Mikaele Kulimoetoke, Michel Laugier, Pierre-Antoine Levi, Jean-Jacques Lozach, Jacques-Bernard Magner, Jean Louis Masson, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Philippe Nachbar, Olivier Paccaud, Damien Regnard, Bruno Retailleau, Mme Elsa Schalck, M. Lucien Stanzione, Mmes Sabine Van Heghe, Anne Ventalon, M. Cédric Vial.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 16 ème législ.) : 273 , 285 , 286 rect., 292 , 337 , 341 , 364 , 369 , 374 , 386 et T.A. 26

Sénat : 114 et 115 à 121 (2022-2023)

AVANT-PROPOS

Encore en croissance en 2022, les crédits des programmes 131 « Création » et 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » ont enregistré une progression importante en l'espace de trois ans, supérieure à 20 % pour le programme 131 et à 40 % pour le programme 361. Cette nouvelle augmentation des crédits, qui intervient dans un contexte de forte inflation, ne parvient toutefois pas à dissiper les inquiétudes des acteurs culturels , qui subissent encore les effets de la crise sanitaire et voient désormais leur activité menacée par un effet ciseaux croissant.

Même si les priorités définies par le Gouvernement pour 2023 apparaissent en phase avec les besoins du secteur, celui-ci craint d'être une nouvelle fois la variable d'ajustement dans ce contexte économique perturbé et incertain. La commission de la culture alerte le Gouvernement sur la nécessité d'instaurer un dialogue régulier avec le secteur culturel et de davantage contractualiser avec les collectivités territoriales pour apporter aux acteurs culturels plus de reconnaissance et de visibilité . Elle l'enjoint également à accélérer les réformes nécessaires en matière de formation face aux tensions en matière d'emploi.

I. DE CHARYBDE EN SCYLLA : LA CRÉATION TOUJOURS EN EAUX TROUBLES MALGRÉ LE SOUTIEN ENCORE SUBSTANTIEL DE L'ÉTAT

A. UN EFFORT FINANCIER MAINTENU À LA SUITE DE LA CRISE SANITAIRE...

1. 2023 : l'esquisse d'une hausse pérenne des crédits ordinaires

Après un soutien sans précédent apporté au secteur culturel, l'année 2023 devrait signer la fin des aides d'urgence et des aides exceptionnelles mises en place dans le contexte de la crise sanitaire. À la différence du secteur du patrimoine, celui de la création ne disposera plus de crédits au titre du plan de relance en 2023.

Même si son niveau d'accompagnement sera moindre que pendant la crise sanitaire, l'État devrait maintenir un effort financier important en faveur du secteur de la création en 2023 (+ 7,8 % par rapport à la loi de finances initiale en 2022), compte tenu des tensions inflationnistes et du niveau encore instable de la fréquentation.

+22%

depuis le début

de la crise sanitaire

Le programme 131 devrait, pour la première fois, franchir le seuil symbolique du milliard d'euros en 2023.

Plusieurs des mesures de soutien adoptées pour faire face à la crise sanitaire y sont pérennisées. Une comparaison des montants pour 2023 et des montants votés en décembre 2019 dans le cadre de la loi de finances pour 2020 fait apparaître une augmentation de plus de 22 % des crédits du programme en l'espace de trois ans.

Malgré la fin des aides exceptionnelles, plusieurs mesures fiscales visant à favoriser la reprise d'activité dans le secteur de la création s'appliquent jusqu'en 2024 : le crédit d'impôt pour les représentations théâtrales d'oeuvres dramatiques, créé par la loi de finances pour 2021, ainsi que le crédit d'impôt pour le spectacle vivant (CISV). Lors de l'examen du présent projet de loi, les députés ont d'ailleurs adopté un article additionnel prolongeant jusqu'à la fin de l'année 2023 les mesures temporaires d'assouplissement mises en place en 2021 afin de faciliter l'éligibilité au CISV. Il faudra veiller à ce que ces crédits d'impôt ne soient pas remis en cause dès l'année prochaine, au risque de déstabiliser la filière. La rapporteure souhaiterait que ces crédits d'impôt soient évalués courant 2023 afin de disposer de données objectivées permettant d'apprécier leurs effets sur le secteur.

2. Une priorité budgétaire : consolider la reprise d'activité du secteur

Hors grands projets d'investissement, les mesures nouvelles ont pour principal objectif de consolider la reprise d'activité du secteur de la création en prolongeant les actions amorcées dans le cadre du plan de relance.

Sur un montant total de 71 millions d'euros, plus de 35 % de l'effort financier vise à soutenir les marges artistiques des opérateurs, labels et réseaux dans le domaine de la création artistique , afin de permettre aux établissements de maintenir une programmation ambitieuse pour retrouver progressivement leur niveau de fréquentation d'avant-crise.

Au-delà du soutien aux structures, une proportion similaire de crédits (36 %) vise à accompagner l'emploi dans le secteur de la création, ainsi que les artistes avec notamment la mise en place d'un second programme de commande artistique qui se prolongera jusqu'en 2025 et dont le bénéfice est partagé à parts égales entre le spectacle vivant et les arts visuels (Mondes nouveaux - acte II).

Ces priorités apparaissent adaptées à la nature des menaces qui pèsent aujourd'hui sur le secteur de la création.

La consolidation des marges artistiques constitue un enjeu crucial au regard des difficultés budgétaires exprimées par les établissements culturels dans le cadre des auditions. Qu'ils relèvent du spectacle vivant ou des arts visuels, tous se disent confrontés à un effet ciseaux (hausse importante de leurs différents coûts, baisse des recettes accentuée par la reprise encore timide de la fréquentation) qui pourrait les contraindre à revoir à la baisse leur programmation pour parvenir à équilibrer leurs budgets.

Les difficultés de recrutement observées dans le secteur de la création depuis un an appellent des mesures fortes de soutien à l'emploi. Les établissements culturels constatent une désaffection croissante pour leurs métiers. Au-delà du niveau des rémunérations et de la pénibilité des conditions de travail, la perte de sens provoquée par le déficit de reconnaissance du secteur culturel pendant la crise sanitaire a conduit une partie des effectifs à se réorienter vers d'autres secteurs.

Des dispositifs comme le Fonds pour l'emploi pérenne dans le spectacle vivant ( Fonpeps ) sont indispensables pour mettre fin à l'hémorragie actuelle . La rapporteure regrette qu'aucun dispositif équivalent n'existe dans le secteur des arts visuels . Le niveau de consommation du Fonpeps en 2022 (56 millions d'euros sur 22,4 millions d'euros inscrits en loi de finances initiale) laisse à penser que le montant de son enveloppe pour 2023 (30 M€) pourrait se révéler insuffisant pour répondre aux besoins du secteur en fonction de l'évolution de sa situation.

La mise en oeuvre du plan artistes-auteurs apparait, de son côté, essentielle pour enrayer la dégradation de la condition économique et sociale des créateurs. La rapporteure s'inquiète des conséquences que pourraient avoir sur les artistes les difficultés budgétaires des établissements culturels . Les artistes pourraient en être victimes si elles devaient se traduire par une baisse du nombre de projets ou par une baisse du niveau des rémunérations. Le ministère de la culture doit transmettre des consignes claires pour que la part des subventions de fonctionnement destinée aux projets artistiques ne soit pas consommée à d'autres finalités. Le risque de voir les établissements ayant le statut d'établissement public de coopération culturelle financer les surcoûts de fonctionnement sur leurs budgets artistiques apparait élevé, dans la mesure où leur statut ne leur autorise pas la possibilité d'exercices budgétaires déficitaires.

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