B. UN EFFORT FINANCIER INÉGAL QUI NE PERMET PAS DE CORRIGER CERTAINS DÉSÉQUILIBRES

1. Un effort concentré sur le patrimoine monumental, les opérateurs nationaux et l'archéologie préventive

Montant et évolution des crédits de paiement
du programme 175 en 2023

Mission culture
+ 7,4%

Les crédits du plan de relance en 2023

42 M€

en CP uniquement
pour achever les chantiers lancés à ce titre :

ð Chantier de Villers-Cotterêts (17 M€)

ð Plan « cathédrales »

(10 M€)

ð Chantiers portant sur des monuments historiques n'appartenant pas à l'État et sur des équipements patrimoniaux appartenant aux collectivités (15 M€)

L'effort financier de l'État se concentre sur les trois principales actions du programme : les monuments historiques, les musées et l'archéologie préventive. Ce choix est justifié par la volonté de parachever les mesures engagées dans le cadre du plan de relance .

Des mesures nouvelles en 2023 à hauteur de 50,9 M€ en AE et 38,5 M€ en CP

ð Restaurer les monuments historiques dans les territoires (+ 26,8 M€ en AE et 14,4 M€ en CP)

- mise en sécurité incendie des cathédrales (+ 3 M€ en CP)

- restauration de la cathédrale de Nantes suite à son incendie (3,7 M€ en AE et 5,7 M€ en CP)

- revalorisation du fonds incitatif et partenarial pour les petites communes en difficulté (+ 2 M€)

- restauration du grand cloître de l'abbaye de Clairvaux (15 M€ en AE et 2 M€ en CP)

- contribution au projet de revalorisation du château de Gaillon (5,1 M€ en AE et 0,7 M€ en CP)

- soutien au domaine de Chantilly (1 M€)

ð Conforter le modèle économique des opérateurs (+ 14,5 M€)

- Revalorisation de certaines subventions de fonctionnement (10 M€) : musée du Louvre (+ 5 M€), Centre des monuments nationaux (+ 4 M€ dans la perspective de l'ouverture du château de Villers-Cotterêts), Musée Guimet (+ 0,5 M€), château de Fontainebleau (+ 0,5 M€)

- Renforcement des capacités d'investissement de certains opérateurs (4,5 M€) : musée d'Orsay (+ 1,5 M€), Centre des monuments nationaux (+ 3 M€)

ð Revaloriser les moyens de l'archéologie préventive (+ 9,6 M€)

- Remise à niveau de la subvention allouée aux collectivités territoriales pour les diagnostics archéologiques effectués par leurs services (+ 2,4 M€, soit 20 % du montant de la subvention)

- Renforcement des moyens des DRAC pour les fouilles programmées et la valorisation scientifique du patrimoine archéologique (+ 5 M€)

- Revalorisation de la subvention de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) au titre des diagnostics (+ 2,2 M€)

En ce qui concerne le patrimoine monumental, on observe un certain rééquilibrage des crédits entre l'Île-de-France et les autres régions . D'une part, l'augmentation des crédits alloués à la restauration des monuments historiques dans les territoires est partiellement couverte par la baisse des crédits alloués aux grands chantiers (- 18,4 M€ en AE et - 5,3 M€ en CP). D'autre part, deux des trois nouveaux grands projets lancés portent sur des monuments qui ne sont pas situés en Île-de-France : la cathédrale de Nantes et la restauration de l'abbaye de Clairvaux.

Même si les crédits du programme 175 continuent donc de profiter majoritairement à l'Île-de-France 1 ( * ) , il faut espérer que ce mouvement de rééquilibrage se poursuive dans les années à venir dans un souci de plus grande équité territoriale .

En ce qui concerne l'archéologie préventive, le rapporteur fera preuve de vigilance afin de s'assurer que les moyens supplémentaires accordés par l'État à l'INRAP et aux collectivités territoriales au titre des diagnostics seront suffisants pour faire face au surcroît d'activité engendré par le dynamisme actuel dans le domaine de la construction. Le cas échéant, il serait important que des crédits puissent être débloqués en gestion pour éviter un allongement des délais de réalisation des diagnostics.

Enfin, en ce qui concerne les opérateurs, beaucoup s'inquiètent de la décorrélation entre l'évolution de leurs missions et les ressources humaines qui leur sont affectées . Selon le Président du Centre des monuments nationaux, cette situation conduit à un recours croissant à l'externalisation pour l'exécution de certaines tâches, au détriment d'une bonne gestion des deniers de l'État.

2. La persistance de déséquilibres
a) La stagnation des crédits destinés à accompagner les collectivités territoriales et les propriétaires privés

Les crédits destinés à la restauration des monuments historiques ou à la rénovation des établissements patrimoniaux qui n'appartiennent pas à l'État en régions ne font l'objet d'aucune revalorisation , alors que les collectivités territoriales, confrontées à un effet ciseaux, ont particulièrement besoin d'accompagnement. Ces dotations apparaissent insuffisantes pour répondre au dynamisme de l'évolution du nombre de chantiers et à leur renchérissement. On peut craindre que l'État ne refuse, l'année prochaine, un certain nombre de demandes de subvention émanant de collectivités ou de propriétaires privés, ou qu'il n'abaisse le niveau du taux de sa subvention afin de satisfaire toutes les demandes.

Seul le fonds incitatif et partenarial pour la restauration des monuments historiques situés dans des communes à faibles ressources (FIP) est revalorisé. Néanmoins, le montant de sa dotation , porté à 18 millions d'euros en 2023, reste très faible au regard des besoins. En outre, l'activation de ce fonds étant conditionnée à la participation de la région au financement de l'opération, il en résulte une inégalité de traitement entre les territoires , dans la mesure où les régions n'ont pas toutes les mêmes critères d'intervention en faveur du patrimoine, la région Normandie n'apportant même aucune aide directe dans ce domaine. Une évolution des critères d'attribution du FIP pourrait être opportune afin d'en accroître l'équité et l'efficacité .

b) Une faible prise en compte des enjeux liés à la protection du patrimoine urbain et paysager

Le rapporteur regrette par ailleurs le faible engagement de l'État sur les questions liées au patrimoine non protégé mais néanmoins remarquable . Même si l'intervention prioritaire de l'État en direction du patrimoine monumental s'explique pour des raisons historiques, le patrimoine ne saurait se résumer aux seuls monuments. La préoccupation croissante des Français pour les enjeux liés à la préservation de leur cadre de vie justifierait une meilleure prise en compte par l'État de ces problématiques.

récoltés pour le patrimoine depuis 2018

Il est vrai que la création du Loto du patrimoine en 2018 a donné de nouvelles marges de manoeuvre en faveur de la restauration du patrimoine, y compris non protégé, qui représente à peu près la moitié des projets sélectionnés dans le cadre de la mission Bern. L'annonce de la prolongation du Loto pour cinq années supplémentaires doit être de ce fait saluée. En revanche, l'État ne peut se prévaloir de financer par ce biais la préservation du patrimoine non protégé , dans la mesure où les crédits alloués par le ministère de la culture aux opérations sélectionnées par la mission « Bern » en retour des taxes perçues par l'État sur les jeux du Loto du patrimoine sont exclusivement fléchés vers des monuments historiques.

À la différence des crédits du patrimoine monumental, les crédits en faveur du patrimoine urbain et paysager (action 2) n'enregistrent aucune progression en 2023 . De l'avis des personnes entendues par le rapporteur, la dotation de l'État dans ce domaine reste pourtant trop faible compte tenu de l'urgence à revitaliser les centres anciens .

Le patrimoine constitue en effet l'un des premiers leviers de revalorisation et de redynamisation des coeurs de bourgs et de villes. Les documents de gestion des sites patrimoniaux remarquables (SPR) - plans de sauvegarde et de mise en valeur ou plan de valorisation de l'architecture et du patrimoine - peuvent constituer des outils pertinents en matière de gestion urbaine. Selon Sites et cités remarquables, de nombreuses communes hésitent pourtant à s'engager dans la création d'un SPR par crainte d'un accompagnement financier et technique insuffisant pour mener à bien le processus.

Comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport relatif à la politique de l'État en faveur du patrimoine monumental du 22 juin 2022, « l'État doit se mobiliser beaucoup plus fortement pour promouvoir des stratégies d'aménagement des quartiers urbains patrimoniaux ». La revalorisation des crédits de l'action 2 apparait comme une priorité pour y contribuer. Une meilleure association du ministère de la culture à l'élaboration des programmes de revitalisation situés dans les SPR est également indispensable pour garantir la bonne prise en compte de la dimension patrimoniale dans cette politique, ceux-ci étant encore peu associés dans la phase amont. Une piste pourrait par exemple consister à affecter un ABF à cet effet.

Face à la faiblesse des crédits destinés à assurer la protection du patrimoine local, les députés ont adopté un amendement, conservé dans le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, majorant d'un million d'euros les crédits de l'action 2 afin de renforcer les moyens des DRAC et des DAC pour leur permettre de mieux accompagner les collectivités territoriales.

Au-delà des dotations de l'État, les outils fiscaux peuvent aussi jouer un rôle primordial pour inciter à la préservation et à la valorisation du patrimoine. Plusieurs de ces dispositifs ont perdu en efficacité avec le temps, à l'instar du dispositif « Malraux » qui n'est pas suffisamment incitatif pour diriger les investissements vers les zones dans lesquelles les besoins de revitalisation sont les plus forts.

Le rapporteur insiste sur la nécessité de lancer un travail interministériel d'évaluation des dispositifs fiscaux dans le domaine du patrimoine, comme l'a recommandé la Cour des comptes dans son rapport précité .


* 1 En 2021, 67 % des crédits du programme ont été exécutés en Île-de-France. Ce chiffre s'explique très largement par le poids des opérateurs dans les crédits du programme et leur concentration en Île-de-France pour des raisons historiques. Moins de 40 % des crédits destinés au patrimoine monumental ont été exécutés en dehors de l'Île-de-France.

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