Avis n° 118 (2022-2023) de Mme Frédérique PUISSAT , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 17 novembre 2022

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N° 118

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 novembre 2022

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet
de
loi de finances , considéré comme a dopté par l'Assemblée nationale
en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution, pour
2023 ,

TOME VI

TRAVAIL ET EMPLOI

Par Mme Frédérique PUISSAT,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Deroche , présidente ; Mme Élisabeth Doineau , rapporteure générale ; M. Philippe Mouiller, Mme Chantal Deseyne, MM. Alain Milon, Bernard Jomier, Mme Monique Lubin, MM. Olivier Henno, Martin Lévrier, Mmes Laurence Cohen, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge , vice-présidents ; Mmes Florence Lassarade, Frédérique Puissat, M. Jean Sol, Mmes Corinne Féret, Jocelyne Guidez , secrétaires ; Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Stéphane Artano, Mme Christine Bonfanti-Dossat, MM. Bernard Bonne, Laurent Burgoa, Jean-Noël Cardoux, Mmes Catherine Conconne, Annie Delmont-Koropoulis, Brigitte Devésa, MM. Alain Duffourg, Jean-Luc Fichet, Mmes Frédérique Gerbaud, Pascale Gruny, MM. Abdallah Hassani, Xavier Iacovelli, Mmes Corinne Imbert, Annick Jacquemet, M. Jean-Marie Janssens, Mmes Victoire Jasmin, Annie Le Houerou, Viviane Malet, Colette Mélot, Michelle Meunier, Brigitte Micouleau, Annick Petrus, Émilienne Poumirol, Catherine Procaccia, Marie-Pierre Richer, Laurence Rossignol, M. René-Paul Savary, Mme Nadia Sollogoub, M. Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Mélanie Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 16 ème législ.) : 273, 285 , 286 rect., 292 , 337 , 341 , 364 , 369 , 374, 386 et T.A. 26

Sénat : 114 et 115 à 121 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

Considérant que le financement du Plan d'investissement dans les compétences (PIC), prolongé jusqu'en 2023, doit s'achever l'an prochain et que les dépenses d'apprentissage et de formation professionnelle doivent être davantage régulées, la commission a proposé de réduire les crédits de la mission de 800 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et de 550 millions d'euros en crédits de paiement (CP) .

Elle a donné un avis favorable à l'adoption des articles 47 et 48 et a proposé, à l'article 49, d'instituer une participation financière des usagers du compte personnel de formation (CPF) pour certaines formations.

*

* *

Les crédits demandés pour 2023 au titre de la mission « travail et emploi » , qui finance principalement des dispositifs concourant à la politique de l'emploi, s'élèvent à 20,9 milliards d'euros (en CP). En nette progression par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2022 (+ 42,6 %), l'enveloppe demandée est toutefois légèrement inférieure à celle ouverte sur l'exercice 2022 en prenant en compte les mouvements de crédits intervenus en gestion et les ouvertures prévues en lois de finances rectificatives (LFR1 et PLFR2).

Crédits de la mission « travail et emploi » (2019-2023)

(en crédits de paiement, en milliards d'euros)

Source : Commission des affaires sociales (données : PAP/RAP 2019 à 2023)

I. UNE HAUSSE DU SOUTIEN À L'INSERTION PROFESSIONNELLE DANS UN CONTEXTE FAVORABLE À L'EMPLOI

A. UNE PROGRESSION DES MOYENS ALLOUÉS À PÔLE EMPLOI MALGRÉ LA BAISSE DES DEMANDEURS D'EMPLOI

1. La baisse du niveau du chômage permettrait de diminuer les dépenses d'indemnisation

Suivant l'amélioration de la situation de l'emploi, les crédits ouverts pour l'indemnisation des demandeurs d'emploi passeraient de 2,34 milliards d'euros en LFI pour 2022 à 1,85 milliard d'euros pour 2023, soit une diminution de 21 %. Ils permettent de financer les allocations de solidarité versées aux demandeurs d'emploi qui ne sont plus éligibles à l'indemnisation par le régime de l'assurance chômage.

Taux de chômage au sens du BIT (2018-2022)

(en %)

Source : Commission des affaires sociales (données Insee)

Les dépenses destinées au versement de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) devraient représenter 1,77 milliard d'euros en 2023 pour l'indemnisation de 280 510 allocataires en moyenne annuelle, alors qu'à fin juin 2022, 307 000 demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi bénéficiaient d'allocations de solidarité financées par le budget de l'État.

2. La subvention versée à Pôle emploi augmenterait malgré l'amélioration de la situation de l'emploi

Les moyens alloués à la coordination du service public de l'emploi atteindraient 1,25 milliard d'euros en 2023, soit une progression de 17 % par rapport à la LFI pour 2022 (1,07 Md€). Ils constituent la subvention pour charge de service public versée à Pôle emploi qui finance à la fois les dépenses de fonctionnement et d'intervention de l'opérateur. Les ressources de Pôle emploi en 2023 proviendront également d'une contribution du régime d'assurance chômage, qui devrait augmenter de 410 millions d'euros, de financements européens et de financements complémentaires de l'État (plan d'investissement dans les compétences, moyens alloués pour le contrat d'engagement jeune).

Ces ressources permettront à Pôle emploi de maintenir des effectifs à un niveau presque identique à celui de 2022 : 52 837 équivalents temps plein annuel travaillés (ETPT) devraient ainsi assurer les missions de l'opérateur en 2023.

Effectifs de Pôle emploi 2021-2023 (en ETPT)

2021

2022

2023

ETPT sous plafond

48 778

48 878

48 847

ETPT hors plafond

3 691

4 050

3 990

Total

52 469

52 928

52 837

Source : Commission des affaires sociales (données transmises par Pôle emploi)

Parmi ces effectifs, 1 000 ETPT sont maintenus en 2023 pour répondre aux difficultés de recrutement des entreprises ainsi que les 900 ETPT destinés à la mise en oeuvre du contrat d'engagement jeune. Sur les 1 500 ETPT supplémentaires accordés à Pôle emploi à compter de l'automne 2020 pour faire face aux conséquences économiques de la crise sanitaire, 700 ETPT ont été maintenus en 2022 et seraient conservés en 2023.

Alors que la situation de l'emploi s'améliore et que la crise sanitaire semble passée, il conviendra d'évaluer la pertinence du maintien, à terme, de ces effectifs exceptionnels .

B. UNE HAUSSE DES CRÉDITS POUR L'INSERTION DANS L'EMPLOI

Les moyens alloués aux dispositifs en faveur de l'emploi des personnes les plus éloignées du marché du travail progresseraient de 15,7 % pour atteindre 4,3 milliards d'euros en 2023.

1. La montée en charge du contrat d'engagement jeune

Successeur de la Garantie jeunes depuis mars 2022, le contrat d'engagement jeune (CEJ) est déployé par les missions locales et Pôle emploi afin de proposer aux jeunes de 16 à 25 ans éloignés de l'emploi un parcours d'accompagnement intensif.

Le bénéficiaire est accompagné pendant au moins 15 heures hebdomadaires par le biais d'actions individuelles et collectives. Dans ce cadre, il peut être orienté vers des dispositifs favorisant son insertion professionnelle (école de la deuxième chance, Epide, service civique). Le titulaire d'un CEJ peut bénéficier d'une allocation d'un maximum de 520 euros par mois, sous conditions de ressources et de respect des obligations fixées dans le contrat. À fin septembre 2022, 193 000 contrats d'engagement jeune ont été conclus dont 82 000 pour Pôle emploi et 110 000 pour les missions locales.

Un objectif de 300 000 CEJ est fixé pour 2023 , avec 200 000 CEJ suivis par les missions locales et 100 000 par Pôle emploi. Pour l'atteindre, 1,68 milliard d'euros sont demandés pour l'an prochain.

Les premières données disponibles sur le déploiement du CEJ sont encourageantes, même s'il est encore trop tôt pour mesurer son effet sur l'insertion professionnelle des jeunes . Les objectifs fixés paraissent cohérents et exigeront d'assurer la bonne articulation des CEJ avec les autres dispositifs d'insertion des jeunes, en particulier dans le cadre du projet « France Travail », dont l'objectif est d'harmoniser les actions d'accompagnement vers l'emploi.

Pour l'accompagnement des jeunes éloignés de l'emploi, il est en outre prévu d'octroyer 30,5 millions d'euros aux écoles de la deuxième chance afin d'accueillir 17 000 jeunes en 2023. L'établissement public d'insertion de la défense (Epide) bénéficierait d'une subvention pour charge de service public d'un montant de 77,8 millions d'euros en 2023.

2. La relative stabilité des autres dispositifs d'insertion dans l'emploi

Le dispositif du contrat aidé avait été modifié en 2018 afin de l'inscrire dans un « parcours emploi-compétences » (PEC) et d'abandonner les contrats aidés dans le secteur marchand (sauf dans les départements d'outre-mer). Selon cette logique, la LFI pour 2021 avait prévu le financement par la mission « travail et emploi » de 100 000 PEC pour un montant de 217 millions d'euros.

À rebours de ces orientations, la mission « plan de relance » avait prévu de financer, outre 60 000 PEC supplémentaires, 50 000 contrats initiative emploi (CIE) dans le secteur marchand pour les jeunes de moins de 26 ans, au regard des conséquences de la crise sanitaire sur l'emploi. La LFI pour 2022 a prolongé ce dispositif en prévoyant de financer 100 000 nouvelles entrées en PEC et 45 000 entrées en CIE jeunes par la mission « travail et emploi ». Au 30 septembre 2022, 58 016 PEC, 38 690 CIE jeunes, et 2 425 CIE tous publics ont été conclus.

Les objectifs sont revus à la baisse pour 2023 avec 80 000 entrées en PEC et 31 150 en CIE jeunes, compte tenu de l'amélioration de la situation de l'emploi. Une enveloppe de 686,4 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 325 millions d'euros en crédits de paiement est demandée à ce titre.

S'il semble justifié de réduire les objectifs d'entrées en contrats aidés pour 2023, ces orientations devraient être appuyées sur une meilleure évaluation de la pertinence de ces dispositifs pour l'insertion dans l'emploi durable.

Le soutien au secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE), qui permet d'associer mise en situation de travail et accompagnement social, devrait s'élever à 1,32 milliard d'euros pour 2023 contre 1,30 milliard d'euros en LFI pour 2022.

Cette relative stabilité des moyens alloués à l'IAE fait suite à une augmentation considérable des crédits octroyés au secteur, qui ont progressé de 57 % sur la période 2018-2023, notamment au profit d'expérimentations . Malgré ce soutien au secteur, qui emploie près de 153 000 salariés à fin juin 2022, il conviendra d'être vigilant sur les besoins des structures de l'IAE face à l'inflation, afin qu'elles puissent mener à bien leur mission.

Les entreprises adaptées sont soutenues par les crédits de la mission par le biais d'aides au poste et d'un soutien à la transformation des structures. Afin de financer des aides au poste pour 30 126 équivalents temps plein (ETP) en 2023, les crédits demandés s'élèveraient à 462,4 millions d'euros soit une hausse de 8,8 % par rapport à la LFI pour 2022.

L' article 47 du PLF, rattaché à la mission, permettra de prolonger jusqu'au 31 décembre 2023 l'application de deux expérimentations instituées par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel et qui arrivent à leur terme fin 2022 :

- l'expérimentation du « CDD tremplin », contrat conclu entre une entreprise adaptée et un travailleur handicapé destiné à accompagner ce travailleur pour faciliter sa transition professionnelle vers d'autres employeurs du milieu ordinaire grâce à la formation et l'expérience acquises pendant l'exécution du CDD ;

- l'expérimentation des entreprises adaptées de travail temporaire (EATT), qui mettent à disposition d'entreprises utilisatrices des travailleurs en situation de handicap dans le cadre de contrats de mission ou de CDI intérimaires.

La commission a émis un avis favorable à l'adoption de l'article permettant de prolonger les expérimentations favorisant l'emploi de travailleurs handicapés par des entreprises adaptées.

II. UNE HAUSSE CONSIDÉRABLE DES MOYENS POUR LE DÉVELOPPEMENT DE L'EMPLOI ET DES COMPÉTENCES

A. LE SOUTIEN AUX ENTREPRISES PAR L'ACTIVITÉ PARTIELLE ET LES EXONÉRATIONS DE COTISATIONS EST EN HAUSSE

1. Le financement par la mission de l'activité partielle contribue à rehausser les crédits demandés pour le soutien aux entreprises face aux mutations économiques

Les crédits alloués à l'anticipation et à l'accompagnement des mutations économiques progresseraient de 53 % en 2023 pour atteindre 956,5 millions d'euros (en CP).

Une enveloppe de 537,97 millions d'euros (en CP) permettrait d' accompagner les TPE-PME par une offre de services relatifs à la gestion des ressources humaines et au développement de l'emploi et des compétences. Elle permettrait en outre de financer le FNE-Formation à hauteur de 305 millions d'euros.

Ces moyens financeraient en outre le dispositif des emplois francs , qui consiste au versement d'une aide à l'embauche pour les demandeurs d'emploi résidant dans un quartier prioritaire de la ville (QPV), qui s'élève à 5 000 euros par an pendant trois ans pour un CDI. Un montant de 161,1 millions d'euros (en CP) est demandé pour 2023 afin de conclure 25 000 nouveaux contrats. Après la signature de 36 000 contrats en 2021 et un objectif de 36 000 nouveaux contrats fixé pour 2022, les objectifs pour 2023 sont revus à la baisse compte tenu de l'amélioration du marché de l'emploi. Là encore, ce dispositif devrait faire l'objet d'une évaluation précise.

Le rapporteur renouvelle ses réserves quant à l'opportunité de maintenir les emplois francs dont les premières évaluations n'ont pas permis de mesurer l'impact sur l'emploi dans les QPV.

Le financement de l'activité partielle et de l'activité partielle de longue durée est intégralement rapatrié au sein de la mission « travail et emploi » pour l'année 2023, alors que ces dispositifs étaient financés, en 2022, par la mission « plan de relance ».

Une enveloppe de 400 millions d'euros est demandée pour l'activité partielle en 2023 , ce montant correspondant au maintien d'une situation économique stable sans bouleversement significatif sur le marché du travail.

À ce titre, l'article 48 du PLF prévoit la pérennisation de deux dispositions de l'ordonnance du 27 mars 2020 portant mesures d'urgence en matière d'activité partielle : l'éligibilité à l'activité partielle pour les salariés d'employeurs publics ayant une activité industrielle et commerciale et pour les salariés d'entreprises n'ayant pas d'établissement en France. Ces pérennisations ont recueilli le soutien de la commission qui a émis un avis favorable à l'adoption de l'article 48 .

2. La hausse des compensations des exonérations de cotisations sociales sur les entreprises

Le financement des exonérations ciblées de cotisations sociales en faveur des entreprises connaîtrait une hausse significative par rapport à la LFI pour 2022 (+ 6,3 %) pour atteindre 3,121 milliards d'euros en 2023. Cette hausse s'explique principalement par l'introduction, à l'initiative du Sénat, de la déduction forfaitaire sur les heures supplémentaires (TEPA) pour les entreprises de 20 à 250 salariés par la loi du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat. 796 millions d'euros seraient ainsi alloués au dispositif TEPA, soit une hausse de 32 % par rapport à la LFI pour 2022.

Pour 2023, les exonérations en faveur des services d'aide à domicile représenteraient une dépense de 927,8 millions d'euros et la déduction forfaitaire pour les particuliers employeurs une dépense de 407,4 millions d'euros. En outre, une dotation de 1,39 milliard d'euros est prévue pour compenser les exonérations de cotisations sociales sur les contrats d'apprentissage dans le secteur public , soit une hausse de 54 % par rapport à 2022, compte tenu de la dynamique de l'apprentissage.

B. UNE DYNAMIQUE DE L'APPRENTISSAGE AUX EFFETS BUDGÉTAIRES NON MAÎTRISÉS

1. France compétences, un établissement en déficit chronique

La dynamique de l'apprentissage , constatée depuis 2019, se poursuit avec une hausse de 38 % du nombre de contrats d'apprentissage conclus entre 2020 et 2021. Pour 2022, le nombre de contrats conclus devrait s'établir entre 750 000 et 800 000.

Nombre de contrats d'apprentissage conclus chaque année

Source : Commission des affaires sociales (données : Dares)

Le financement de l'apprentissage , qui repose sur la prise en charge des contrats selon un niveau déterminé par les branches professionnelles, est assuré par France compétences dont les ressources sont principalement issues des contributions des employeurs à la formation professionnelle et à l'apprentissage (CUFPA). Or, depuis 2020, ces dépenses de guichet dépassent largement le produit des contributions des employeurs : en 2021, le produit de ces contributions s'élève à 8,8 milliards d'euros alors que les dépenses en faveur de l'alternance représentent 9,3 milliards d'euros. À ces dépenses s'ajoutent celles liées au compte personnel de formation estimées à 2,7 milliards d'euros pour 2021.

Pour 2022, les recettes issues des contributions employeurs devraient progresser pour atteindre 9,6 milliards d'euros alors que les dépenses d'alternance pourraient s'élever à 10 milliards d'euros et celles liées au CPF se maintenir autour de 2,7 milliards d'euros.

Face à ce déséquilibre chronique, France compétences doit régulièrement recourir à des emprunts de court terme pour faire face à ses besoins de trésorerie. L'établissement a bénéficié en outre de crédits budgétaires depuis 2021 pour soutenir ses besoins de financements : 2,75 milliards d'euros en 2021 puis 4 milliards d'euros prévus pour 2022 (LFR1 et PLFR). Ces subventions ne sont toutefois pas suffisantes pour combler les déficits de l'établissement .

2020

2021

2022 (p)

Crédits budgétaires alloués à France compétences

0

2,75 Md€

4 Md€

Déficit
de France compétences

4,6 Md€

2,9 Md€

2,6 Md€

Source : Documents budgétaires et réponses aux questionnaires du rapporteur

Alors qu'aucune dotation budgétaire pour France compétences n'était prévue en LFI pour 2022, le PLF pour 2023 demande une enveloppe de 1,68 milliard d'euros pour l'établissement . À cette dotation s'ajoute un ensemble de mesures qui permettraient de limiter les dépenses de l'opérateur , dont la réduction de moitié, à 800 millions d'euros (en AE) en 2023, de la contribution de France compétences au PIC. En outre, une diminution du niveau de prise en charge des contrats d'apprentissage a été engagée à l'occasion de la révision des coûts en 2022 : ces niveaux ont connu une première baisse moyenne de 5 % au 1 er septembre 2022 et une nouvelle diminution est prévue au printemps 2023. Selon le ministère du travail, ces mesures permettraient de générer une économie de 200 millions d'euros sur les dépenses d'apprentissage .

Concernant le CPF, des mesures de régulation de l'offre des formations éligibles ont été engagées par le contrôle des certifications professionnelles. La lutte contre la fraude au CPF, qui serait renforcée par une proposition de loi en cours de discussion, constituerait un levier supplémentaire dont les effets sont toutefois difficiles à évaluer.

En outre, l' article 49 du PLF, introduit à l'Assemblée nationale propose que la mobilisation du CPF par son titulaire pour le financement d'une action de formation fasse l'objet d'un mécanisme de régulation dont les modalités sont définies par décret. Il est souhaitable de réguler les dépenses liées au CPF , afin de recentrer le dispositif sur l'employabilité des utilisateurs et sur le développement des compétences à finalité professionnelle.

La commission a donc approuvé le principe d'une régulation mais a entendu en fixer les principes, en adoptant un amendement qui prévoit d'instaurer un plafonnement de la prise en charge par le CPF du coût de certaines formations . Les modalités de ce plafonnement, les formations concernées et les cas dans lesquels ce plafonnement pourra être supprimé seront déterminés par décret. Ces mesures traduisent les propositions formulées par la commission dans son rapport d'information de juin 2022 intitulé « France compétences face à une crise de croissance » 1 ( * ) .

La commission a approuvé le principe d'une régulation du CPF, en adoptant un amendement qui prévoit d'instaurer un plafonnement de la prise en charge par le CPF du coût de certaines formations.

Malgré ces mesures de régulation et les subventions prévues pour soutenir France compétences, l'établissement risque d'afficher une nouvelle fois un déficit significatif en 2023 . En retenant l'hypothèse de 800 000 contrats d'apprentissage conclus l'an prochain et d'une dépense pour le CPF de 2,6 milliards d'euros, le déficit prévisionnel de France compétences pour 2023 pourrait être de l'ordre de 4 milliards d'euros, appelant ainsi à de nouveaux recours à l'emprunt et à des soutiens complémentaires du budget de l'État.

Une telle situation n'est pas satisfaisante pour le financement de l'apprentissage et de la formation professionnelle . Il est nécessaire que le Gouvernement engage une évolution structurelle du financement de France compétences. Elle doit s'accompagner d'une évaluation de la juste contribution des employeurs, du rôle budgétaire de l'État, compte tenu de la place que prend l'apprentissage dans la formation initiale, des objectifs assignés à la formation professionnelle via l'utilisation du CPF et des outils pour mieux piloter les dépenses. En conséquence, afin de matérialiser la nécessité de renforcer les outils de régulation des dépenses et de réduire la contribution de France compétences au PIC , compte tenu de sa situation financière, la commission a souhaité diminuer la subvention allouée à France compétences de 300 millions d'euros .

La commission a diminué de 300 millions d'euros la subvention allouée à France compétences, sa situation financière appelant à réguler rapidement les dépenses de l'apprentissage et du CPF.

2. Une budgétisation incertaine de l'aide aux employeurs d'apprentis dont les modalités vont être redéfinies

La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a remplacé un ensemble d'aides aux entreprises en faveur de l'apprentissage par une « aide unique » pour les employeurs d'apprentis . Applicable au 1 er janvier 2019, cette aide est attribuée pendant les trois premières années d'exécution du contrat aux entreprises de moins de 250 salariés et pour la préparation d'un diplôme de niveau inférieur ou égal au baccalauréat. Dans le contexte de la crise sanitaire, une aide exceptionnelle a été instituée à compter du 1 er juillet 2020 : elle soutient les employeurs lors de la première année du contrat, quelle que soit la taille de l'entreprise et pour des diplômes de niveau inférieur ou égal à bac+5. Alors qu'elle devait prendre fin en 2021, le Gouvernement a décidé de prolonger l'application de cette aide exceptionnelle pour les contrats d'apprentissage conclus jusqu'au 31 décembre 2022. En conséquence, l'aide unique n'intervient plus qu'à partir de la deuxième année du contrat pour les employeurs éligibles.

En 2021, les dépenses de l'État au titre de ces deux aides se sont élevées à 4,5 milliards d'euros . Compte tenu de la dynamique de l'apprentissage, une enveloppe de 5,6 milliards d'euros (AE) a été ouverte pour l'année 2022, dont une partie par la mission « plan de relance », et sa consommation devrait dépasser le niveau atteint en 2021.

Pour 2023, 2,3 milliards d'euros en AE et 3,5 milliards d'euros en CP sont demandés pour le financement des aides aux employeurs d'apprentis . Ces moyens devraient permettre de poursuivre le versement des aides dues au titre des contrats conclus en 2022 et de soutenir les futurs contrats d'apprentissage par le biais d'aides dont les paramètres sont encore à définir.

En effet, le Gouvernement prévoit d'engager des concertations avec les partenaires sociaux destinées à définir de nouveaux paramètres pour le soutien aux employeurs d'apprentis en 2023 . Les niveaux de formation visés et la taille des entreprises éligibles pourraient être revus afin de limiter de potentiels effets d'aubaine sans freiner la dynamique en faveur de l'apprentissage. Les paramètres qui seront retenus n'étant pas connus à ce stade, il paraît difficile d'évaluer la pertinence de l'enveloppe de crédits demandée pour 2023 . Sa diminution par rapport à 2022 laisse entendre que le champ des nouvelles aides pourrait être plus restreint que celui de l'aide exceptionnelle, ce qui les rapprocherait de ce qui était initialement envisagé en 2018. Le Parlement devra donc assurer un suivi attentif de la budgétisation de ce dispositif lorsque ses paramètres seront connus.

III. LA LISIBILITÉ ET LE DEVENIR DU PLAN D'INVESTISSEMENT DANS LES COMPÉTENCES RESTENT À PRÉCISER

Le plan d'investissement dans les compétences (PIC) a été initié en 2018 afin de favoriser l'insertion professionnelle des jeunes et des demandeurs d'emploi par le rehaussement des qualifications. Doté de 13,6 milliards d'euros sur la période 2018-2022 , le PIC avait pour objectif d'accompagner deux millions de personnes vers l'emploi et d'améliorer le système de formation professionnelle. Le plan se décline en trois niveaux d'intervention : au niveau régional, par des pactes pluriannuels d'investissement dans les compétences ; au niveau national, par le déploiement d'actions pour accompagner vers l'emploi les plus fragiles, répondre aux besoins des secteurs en tension et conduire des démarches prospectives ; par des appels à projets nationaux.

Alors que le PIC devait s'achever en 2022, le Gouvernement a décidé de le prolonger jusqu'en 2023 . Pourtant, les travaux d'évaluation du plan, conduits par le comité scientifique du PIC et par la Cour des comptes, ont pointé les difficultés à mesurer les effets réels du PIC sur les entrées en formation et sur l'insertion ainsi que la complexité de son pilotage. La pertinence de cet outil pour déployer des actions d'insertion et de formation professionnelle est discutable, notamment pour le financement de dispositifs pérennes. Dès lors, s'il permet d'apporter un soutien significatif aux dispositifs de formation professionnelle et d'insertion vers l'emploi dans un cadre pluriannuel donnant de la visibilité aux acteurs, sa lisibilité et son pilotage sont très insuffisants .

La LFI pour 2022 avait ouvert une enveloppe de 3,032 milliards d'euros (en CP) pour le PIC, répartis entre les missions « travail et emploi », « plan de relance » et la contribution de France compétences par fonds de concours.

Pour 2023, les crédits budgétaires demandés proviendraient presque exclusivement du programme 103 de la mission « travail et emploi », ce qui contribue à une meilleure lisibilité budgétaire (1,6 Md€ en AE et 1,35 Md€ en CP). La contribution de France compétences , qui s'élevait à 1,6 milliard d'euros pour 2022 (en AE=CP) serait ramenée à 800 millions d'euros en AE et 400 millions d'euros en CP. Cette réduction est bienvenue, alors que la trésorerie de France compétences est en grande difficulté et qu'une partie des actions du PIC n'a pas vocation à être directement financée par les fonds mutualisés de la formation professionnelle. Les ressources du PIC pour 2023 devraient ainsi s'établir à 2,4 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 1,75 milliard d'euros en crédits de paiement .

Financement du PIC 2019-2023

(en millions d'euros)

2019

2020

LFI

Exécution

LFI

Exécution

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

2 978,7

2 510,8

3 060,6

2 239,0

2 926,0

2 556,8

2 710,4

1 992,4

2021

2022

2023

LFI

Exécution

LFI

LFI

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

3 325,6

3 094,0

3 896,5

2 546,5

2 906,8

3 032,1

2 400,0

1 749,0

Source : Commission des affaires sociales (données : documents budgétaires et ministère du travail)

L'année 2023 devrait donc être marquée par une revue des dispositifs financés par le PIC afin d'évaluer l'opportunité de maintenir leur financement dans un cadre budgétaire de droit commun et d'étudier les moyens de poursuivre la déclinaison régionale des politiques d'insertion et de formation. À ce stade, les annonces du Gouvernement n'ont pas apporté de précisions sur l'avenir de ces dispositifs ni même sur la fin effective du PIC . La trajectoire budgétaire proposée , qui demande 2,4 milliards d'euros en autorisations d'engagement, ne semble d'ailleurs par marquer le fléchissement qui aurait pu être attendu pour la fin de l'exécution du plan .

La commission a considéré qu'il n'était pas opportun d'affecter un tel niveau de dépenses au PIC alors qu'il doit prendre fin prochainement et que son pilotage n'est toujours pas satisfaisant. En outre, le PIC a connu une sous-exécution moyenne de l'ordre de 460 millions d'euros en AE en 2019, 2020 et 2021. Sans freiner les initiatives pouvant être prises en faveur de l'insertion professionnelle dans les régions, la commission a considéré que les dépenses prévues au niveau national au titre du PIC devaient être réduites en 2023. Elle a donc diminué les crédits budgétaires prévus pour le PIC de 500 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 250 millions d'euros en crédits de paiement .

Il n'est pas opportun d'affecter un tel niveau de dépenses au PIC alors qu'il doit prendre fin prochainement, que sa contribution directe à la formation et à l'insertion n'est pas mesurée et que son pilotage n'est toujours pas satisfaisant.

IV. UNE HAUSSE DES MOYENS POUR LA SANTÉ AU TRAVAIL ET POUR LE FONCTIONNEMENT DU MINISTÈRE DU TRAVAIL

A. LES CRÉDITS DESTINÉS À L'AMÉLIORATION DES CONDITIONS DE TRAVAIL ACCOMPAGNENT LA RÉFORME DE LA SANTÉ AU TRAVAIL

Le programme 111 regroupe des crédits consacrés à la santé et à la sécurité au travail, à la qualité et à l'effectivité du droit, et au dialogue social . Ils progressent de 19,5 % par rapport à la LFI 2022 (110,5 M€ pour 2023), principalement en raison de l'affectation de crédits consacrés à la mise en oeuvre de la loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail. L'action 6, créée en 2022 et destinée au renforcement de la prévention en santé au travail , serait dotée de 23,9 millions d'euros en 2023, soit une progression de 103 % par rapport à 2022. Ces crédits permettront d'accompagner la réforme visant à l'intégration des Aract au sein de l'Anact et de soutenir la transformation des services de santé au travail en vue du développement de leur offre de services et de leur certification.

Les moyens alloués à la qualité du droit (18,3 M€) sont en légère augmentation, principalement pour assurer la formation des conseillers prud'hommes qui ont été renouvelés en 2022. Les moyens consacrés au dialogue social (43,9 M€ en CP pour 2023) progressent également en 2023, après une diminution significative en 2021. Ces crédits permettront de contribuer au financement du fonctionnement du paritarisme, à la formation des membres des organisations syndicales et patronales et au développement du dialogue social.

B. L'AUGMENTATION DES DÉPENSES DE PERSONNEL POUR TENIR COMPTE DE LA REVALORISATION DES RÉMUNÉRATIONS

Le programme 155 correspond essentiellement à des dépenses de personnel et de ressources humaines des services de l'État mettant en oeuvre la politique de l'emploi (administrations centrales et déconcentrées du ministère du travail). Il finance également des actions de communication, des outils informatiques ou encore des études pour le fonctionnement du ministère chargé du travail. Les crédits demandés pour 2023 s'élèvent à 681 millions d'euros, soit une progression de 3,8 % par rapport à la LFI pour 2022, en raison de la hausse du coût de la masse salariale liée à la revalorisation des rémunérations publiques. Si le schéma d'emploi du ministère augmenterait de 60 ETP, le plafond d'emploi baisserait de 188 ETPT (7 773 ETPT en 2023) compte tenu notamment de la non-reconduction d'une partie des emplois supplémentaires accordés à titre exceptionnel pour faire face aux conséquences de la crise sanitaire.

Réunie le mercredi 23 novembre 2022 sous la présidence de Catherine Deroche, la commission des affaires sociales a examiné le rapport pour avis de Frédérique Puissat sur les crédits de la mission « travail et emploi » du projet de loi de finances pour 2023. Elle a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission sous réserve de l'adoption d'un amendement de crédits. Elle a donné un avis favorable à l'adoption des articles 47 et 48 et a adopté un amendement à l'article 49.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 23 novembre 2022, sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission examine le rapport pour avis de Mme Frédérique Puissat sur la mission « Travail et emploi » du projet de loi de finances pour 2023.

Mme Catherine Deroche , présidente . - Nous examinons à présent les crédits de la mission « Travail et emploi ».

Mme Frédérique Puissat , rapporteur pour avis de la mission « Travail et emploi » . - Les crédits demandés pour la mission « Travail et emploi » s'élèvent à 20,9 milliards d'euros, soit une progression de plus de 42 % par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2022. Cette hausse considérable est à relativiser, car les crédits ouverts au titre de l'année 2022 s'élèveraient à plus de 21 milliards d'euros, compte tenu des lois de finances rectificatives et des reports de crédits intervenus en cours d'exercice. L'exercice 2023 commencerait donc avec un niveau de crédits proche de celui qui a été ouvert pour 2022.

Il est complexe d'évaluer la pertinence de cette enveloppe budgétaire, car l'année 2023 comporte de nombreuses inconnues pour les politiques de l'emploi et de la formation professionnelle.

Le projet France Travail, dont les contours sont encore à préciser, aura des effets sur les dispositifs d'insertion dans l'emploi. Le plan d'investissement dans les compétences (PIC) devrait arriver à son terme l'an prochain, mais on ignore encore dans quelles conditions. Après une concertation avec les partenaires sociaux, les aides à l'embauche d'apprentis devraient être redéfinies. Quant au financement de l'apprentissage et de la formation professionnelle, il devrait être affecté par des mesures de régulation des dépenses liées au compte personnel de formation (CPF) et par la baisse des « coûts-contrats », dont les effets sont encore difficilement chiffrables. En outre, ce projet de loi de finances (PLF) pour 2023 n'apporte qu'une réponse très partielle au problème du déséquilibre financier de France compétences qu'il faudra à terme, résoudre.

Dans ces conditions, je considère que nous devons aborder l'examen de la mission « Travail et emploi » sous trois angles : évaluer la pertinence des moyens alloués au service public de l'emploi et aux dispositifs d'insertion dans l'emploi, dans un contexte plutôt favorable pour le marché du travail ; assurer un financement lisible et pérenne de l'apprentissage et de la formation professionnelle par l'État et les employeurs et mieux réguler les dépenses associées ; et, plus largement, maîtriser les dépenses publiques de manière partagée entre l'État et les collectivités territoriales.

Tout d'abord, la situation de l'emploi demeure favorable, avec un taux de chômage de 7,4 % au second semestre 2022. Ce niveau est stable depuis la fin de l'année 2021 et permettrait de réduire les dépenses d'indemnisation des chômeurs qui bénéficient d'allocations de solidarité. Les crédits prévus à ce titre diminueraient ainsi de 21 %, pour s'établir à 1,85 milliard d'euros.

Malgré l'amélioration de la situation de l'emploi, la subvention pour charges de service public versée à Pôle emploi atteindrait 1,25 milliard d'euros en 2023, soit une progression de 17 % par rapport à l'année 2022. Ces ressources permettront à Pôle emploi de maintenir des effectifs à un niveau presque identique à celui de 2022, avec 52 837 équivalents temps plein travaillé (ETPT). Parmi ces effectifs, 1 000 ETPT sont maintenus pour répondre aux difficultés de recrutement des entreprises et 900 ETPT sont destinés à la mise en oeuvre du contrat d'engagement jeune (CEJ). Sur les 1 500 ETPT supplémentaires accordés pour faire face aux conséquences de la crise sanitaire, 700 ETPT seraient conservés en 2023. Dans le contexte actuel, il ne me paraît pas pertinent de maintenir ces effectifs exceptionnels. Je vous proposerai donc de réduire la subvention de Pôle emploi du montant correspondant à ces effectifs, soit 50 millions d'euros.

Les moyens alloués aux dispositifs d'insertion dans l'emploi seraient en hausse de 15,7 %. Ils permettraient d'assurer la montée en charge du CEJ, qui a succédé à la Garantie jeunes depuis mars 2022.

Déployé par les missions locales et Pôle emploi, le CEJ propose aux jeunes de 16 à 25 ans éloignés de l'emploi un parcours d'accompagnement intensif d'au moins quinze heures hebdomadaires. Le bénéficiaire peut être orienté vers des dispositifs d'insertion et bénéficier d'une allocation d'un maximum de 520 euros par mois. À la fin du mois de septembre 2022, 193 000 CEJ ont été conclus, dont 82 000 par Pôle emploi et 110 000 par les missions locales. Un objectif de 300 000 CEJ est fixé pour 2023, dont 200 000 suivis par les missions locales et 100 000 par Pôle emploi. Une somme de 1,68 milliard d'euros est demandée pour atteindre cet objectif.

Si les premiers résultats sont encourageants, il est encore trop tôt pour mesurer l'effet du CEJ sur l'insertion professionnelle des jeunes. Néanmoins, les objectifs fixés paraissent cohérents avec la trajectoire observée depuis le mois de mars.

Parmi les autres dispositifs d'insertion, j'évoquerai les contrats aidés. En complément des parcours emploi compétences (PEC) dans le secteur non marchand, le Gouvernement a renoué avec les contrats aidés dans le secteur marchand, les contrats initiative emploi (CIE), dans le contexte de la crise sanitaire. La LFI a prolongé pour 2022 ces dispositifs, en prévoyant de financer 100 000 entrées en PEC et 45 000 entrées en CIE jeunes. Les objectifs sont revus à la baisse pour 2023 avec 80 000 entrées en PEC et 31 150 en CIE jeunes, compte tenu de l'amélioration de la situation de l'emploi.

Une enveloppe de 686,4 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) est demandée à ce titre. S'il me paraît justifié de réduire les objectifs d'entrées en contrats aidés, ces orientations devraient s'appuyer sur une meilleure évaluation de leurs effets sur l'insertion dans l'emploi durable.

Le soutien au secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE) devrait s'élever à 1,32 milliard d'euros en 2023, soit un niveau légèrement supérieur à 2022. Cette relative stabilité fait suite à une augmentation considérable des crédits octroyés au secteur, qui ont progressé de 57 % sur la période 2018-2023. Malgré ce soutien important, il conviendra d'être vigilant sur les besoins des structures de l'IAE face à l'inflation, afin qu'elles puissent mener à bien leur mission.

Afin de financer les aides au poste des entreprises adaptées, les crédits demandés s'élèveraient à 462,4 millions d'euros, soit une hausse de 8,8 %.

L'article 47, rattaché à la mission, permettra de prolonger jusqu'au 31 décembre 2023 l'application de deux expérimentations qui arrivent à leur terme à la fin de l'année 2022 : d'une part, les contrats à durée déterminée (CDD) dits Tremplin, contrats conclus entre une entreprise adaptée et un travailleur handicapé destinés à l'accompagner dans sa transition professionnelle vers le milieu ordinaire ; d'autre part, l'expérimentation des entreprises adaptées de travail temporaire (EATT). Je vous proposerai de soutenir cette mesure.

Les moyens consacrés au développement de l'emploi par le soutien aux entreprises seraient en hausse.

En premier lieu, le financement de l'activité partielle est intégralement rapatrié au sein de la mission « Travail et emploi  » pour l'année 2023, alors qu'elle était partiellement financée par la mission « Plan de relance » en 2022. Une enveloppe de 400 millions d'euros est demandée, ce montant correspondant au maintien d'une situation économique stable, sans bouleversement significatif sur le marché du travail.

À ce titre, l'article 48 prévoit de pérenniser deux dispositions de l'ordonnance du 27 mars 2020 portant mesures d'urgence en matière d'activité partielle : l'éligibilité à l'activité partielle pour les salariés d'employeurs publics ayant une activité industrielle et commerciale et pour les salariés d'entreprises n'ayant pas d'établissement en France. Je vous proposerai d'émettre un avis favorable à l'adoption de cette disposition.

En second lieu, la compensation des exonérations ciblées de cotisations sociales en faveur des entreprises connaîtrait une hausse de 6,3 % par rapport à la LFI de 2022, atteignant ainsi 3,1 milliards d'euros. Cette hausse s'explique principalement par l'introduction, sur l'initiative du Sénat, de la déduction forfaitaire sur les heures supplémentaires pour les entreprises de 20 à 250 salariés par la loi du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat. Ainsi, 796 millions d'euros seraient alloués à ce dispositif, soit une hausse de 32 % par rapport à 2022.

En outre, 1,39 milliard d'euros est prévu pour compenser les exonérations de cotisations sociales sur les contrats d'apprentissage dans le secteur public, soit une hausse de 54 % par rapport à 2022, compte tenu de la dynamique de l'apprentissage.

J'en viens au financement de l'apprentissage et de la formation professionnelle.

La dynamique se poursuit, avec une hausse de 38 % du nombre de contrats d'apprentissage entre 2020 et 2021. En 2022, le nombre de contrats conclus devrait s'établir entre 750 000 et 800 000.

En conséquence, les dépenses d'apprentissage supportées par France compétences, selon un financement au « coût-contrat », dépassent encore largement le montant des contributions des employeurs. En 2022, le produit des contributions employeurs devrait atteindre 9,6 milliards d'euros, alors que les dépenses d'alternance pourraient s'élever à 10 milliards d'euros et celles qui sont liées au CPF se maintenir autour de 2,7 milliards d'euros.

Pour faire face à ses besoins de trésorerie, France compétences doit régulièrement recourir à des emprunts de court terme. L'établissement a également bénéficié de crédits budgétaires depuis 2021 pour soutenir ses besoins de financement : 2,75 milliards d'euros en 2021, puis 4 milliards d'euros prévus en 2022. Ces subventions ne sont toutefois pas suffisantes pour combler les déficits de l'établissement.

Alors qu'aucune dotation budgétaire n'était prévue dans le cadre de la LFI de 2022, le PLF pour 2023 prévoit une enveloppe de 1,68 milliard d'euros pour France compétences. À cette dotation s'ajoute un ensemble de mesures qui permettraient de limiter les dépenses de l'opérateur, dont la réduction de moitié de la contribution de France compétences au PIC, qui restera néanmoins de 800 millions d'euros en 2023. En outre, les niveaux de prise en charge des contrats d'apprentissage ont connu une première baisse moyenne de 5 % au 1 er septembre 2022 et diminueraient de nouveau au printemps 2023. Selon le ministère du travail, ces mesures permettraient d'entraîner une économie de 200 millions d'euros.

Concernant le CPF, des mesures de régulation de l'offre des formations éligibles ont été engagées. La lutte contre la fraude serait renforcée par une proposition de loi que nous examinerons prochainement. Ses effets sont toutefois difficiles à évaluer.

En outre, l'article 49, introduit à l'Assemblée nationale, prévoit que la mobilisation du CPF par son titulaire pour le financement d'une action de formation fasse l'objet d'un mécanisme de régulation dont les modalités sont définies par décret. Il est souhaitable de réguler les dépenses qui lui sont liées, afin de recentrer le dispositif sur l'employabilité des utilisateurs et sur le développement des compétences à finalité professionnelle. Je vous proposerai donc d'approuver ce dispositif, sous réserve de l'adoption d'un amendement visant à en fixer les principes, afin d'instaurer un plafonnement de la prise en charge par le CPF du coût de certaines formations. Les modalités du plafonnement, les formations concernées et les cas dans lesquels le plafonnement pourra être supprimé seront déterminés par décret. Ces mesures, qui sont aussi proposées par la commission des finances, traduiraient les propositions de notre rapport d'information publié en juin 2022 sur France compétences.

Malgré ces mesures de régulation et les subventions prévues pour soutenir France compétences, l'établissement risque d'afficher une nouvelle fois un déficit significatif en 2023. Une telle situation n'est pas satisfaisante pour le financement de l'apprentissage et de la formation professionnelle. Il est nécessaire que le Gouvernement engage une évolution structurelle du financement de cet établissement. Elle doit s'accompagner d'une évaluation de la juste contribution des employeurs, du rôle budgétaire de l'État, compte tenu de la place que prend l'apprentissage dans la formation initiale, des objectifs assignés à la formation professionnelle via l'utilisation du CPF et des outils pour mieux piloter les dépenses.

En conséquence, afin de matérialiser la nécessité de renforcer les outils de régulation des dépenses et de réduire la contribution de France compétences au PIC, je vous proposerai de diminuer de 300 millions d'euros la subvention qui lui est allouée.

Concernant les aides à l'embauche d'apprentis, je rappelle que l'aide unique aux employeurs d'apprentis, créée en 2018, a été complétée par une aide exceptionnelle à compter du 1 er juillet 2020. Alors que l'aide unique ne s'adresse qu'aux entreprises de moins de 250 salariés pour des formations de niveau inférieur ou égal au baccalauréat et pendant les trois premières années du contrat, l'aide exceptionnelle soutient les employeurs lors de la première année du contrat, quelle que soit la taille de l'entreprise et pour des diplômes de niveau inférieur ou égal à bac+5. Le Gouvernement a décidé de prolonger l'application de cette aide exceptionnelle pour les contrats d'apprentissage conclus jusqu'au 31 décembre 2022.

En 2021, les dépenses de l'État au titre de ces deux aides se sont élevées à 4,5 milliards d'euros. Une enveloppe de 5,6 milliards d'euros a été ouverte pour l'année 2022. Pour 2023, 2,3 milliards d'euros en AE et 3,5 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) sont demandés pour le financement des aides. Ces moyens devraient permettre de poursuivre les versements dus au titre des contrats conclus en 2022 et de soutenir les futurs contrats par le biais d'aides dont les paramètres sont encore à définir.

Le Gouvernement va engager des concertations avec les partenaires sociaux destinées à revoir les paramètres. Ces derniers n'étant pas connus, il est difficile d'évaluer la pertinence de l'enveloppe de crédits demandée. Sa diminution par rapport à 2022 laisse entendre que le champ des nouvelles aides pourrait être plus restreint que celui de l'aide exceptionnelle, ce qui les rapprocherait du cadre défini en 2018.

Nous devrons donc assurer un suivi attentif de la budgétisation de ce dispositif lorsque ses modalités seront connues.

J'en viens au PIC.

Ce plan, qui devait s'étaler de 2018 à 2022 avec une dotation de 13,6 milliards d'euros, avait pour objectif de favoriser l'insertion professionnelle des jeunes et des demandeurs d'emploi par le rehaussement des qualifications.

Alors que le PIC devait s'achever en 2022, le Gouvernement a décidé de le prolonger jusqu'en 2023. Pourtant, les travaux d'évaluation du plan, conduits par son comité scientifique et par la Cour des comptes ont pointé les difficultés de son pilotage. La pertinence de cet outil pour déployer des actions d'insertion et de formation professionnelle est discutable, notamment pour le financement de dispositifs pérennes. S'il permet d'apporter un soutien significatif aux dispositifs de formation professionnelle et d'insertion, dans un cadre pluriannuel donnant de la visibilité aux acteurs, sa lisibilité et son pilotage sont très insuffisants.

Une enveloppe de 3 milliards d'euros avait été ouverte en 2022, répartie entre les missions « Travail et emploi », « Plan de relance » et la contribution de France compétences à hauteur de 1,6 milliard d'euros.

Les ressources du PIC en 2023 devraient s'établir à 2,4 milliards d'euros en AE et 1,75 milliard d'euros en CP. Elles proviendraient presque exclusivement du programme 103 de la mission « Travail et emploi », ce qui contribuera à une meilleure lisibilité budgétaire. La contribution de France compétences serait ramenée à 800 millions d'euros en AE et 400 millions d'euros en CP, une réduction bienvenue. Elle devrait même être plus significative, alors que la trésorerie de France compétences est en grande difficulté et qu'une partie des actions du PIC n'a pas vocation à être directement financée par les employeurs.

L'année 2023 devrait donc être celle d'une transition marquée par une revue des dispositifs financés par le PIC, afin d'évaluer l'opportunité de maintenir leur financement et d'étudier les moyens de poursuivre la déclinaison régionale des politiques d'insertion et de formation. À ce stade, les annonces du Gouvernement n'ont pas apporté de précisions sur l'avenir de ces dispositifs ni même sur la fin effective du PIC. La trajectoire proposée ne semble d'ailleurs pas marquer le fléchissement qui aurait pu être attendu pour la fin de l'exécution du plan.

Dans ces conditions, je vous proposerai de réduire les crédits prévus pour le PIC de 500 millions d'euros en AE et 250 millions d'euros en CP. Ainsi, les moyens alloués correspondraient davantage aux besoins d'une dernière année d'exécution du plan, sans freiner les initiatives pouvant être prises dans les régions en faveur de l'insertion professionnelle.

Enfin, je mentionnerai la hausse des moyens alloués à la santé au travail et au fonctionnement du ministère du travail.

Les crédits consacrés à la santé et à la sécurité au travail, à la qualité du droit et au dialogue social progresseraient de 19,5 % par rapport à 2022, pour atteindre 110,5 millions d'euros. Cette enveloppe permettra de poursuivre la mise en oeuvre de la loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail. En particulier, des moyens sont prévus pour accompagner l'intégration des associations régionales pour l'amélioration des conditions de travail (Aract) au sein de l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact) et pour soutenir la transformation des services de santé au travail en vue du développement de leur offre de services et de leur certification.

Les crédits demandés pour les dépenses de personnel et de ressources humaines des services de l'État mettant en oeuvre la politique de l'emploi s'élèvent à 681 millions d'euros, soit une progression de 3,8 % par rapport à 2022, en raison de la revalorisation des rémunérations publiques.

Pour conclure, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission, sous réserve de l'adoption d'un amendement de réduction des crédits à hauteur de 850 millions d'euros en AE et 600 millions d'euros en CP, pour tenir compte de mes observations sur le financement du Pôle emploi, de France compétences et du PIC.

Je vous invite à émettre un avis favorable à l'adoption des articles 47 et 48.

Quant à l'article 49, je vous propose d'y être favorable sous réserve de l'adoption d'un amendement précisant la portée du mécanisme de régulation des dépenses liées au CPF.

Mme Laurence Cohen . - Je remercie le rapporteur pour son travail, même si je ne partage pas ses propositions.

La hausse des crédits de la mission « Travail et emploi » est à relativiser : celle-ci découle surtout de la disparition du programme « Cohésion » de la mission « Plan de relance ».

Dans le cadre de la réforme inquiétante de l'assurance chômage qui risque de provoquer une hausse du nombre de chômeurs en fin de droit, l'amputation de crédits dédiés à Pôle emploi ne peut qu'empirer la situation et ne se justifie pas.

S'agissant de la réforme France Travail, je souhaiterais avoir un complément d'information en ce qui concerne les jeunes qui sont les plus éloignés de l'emploi : des budgets sont-ils prévus en leur faveur ? Il semble que très peu de financements soient fléchés vers les missions locales.

Enfin, je souligne que nous assistons depuis une quinzaine d'années à la casse de l'inspection du travail. Ainsi, les rapports de l'Assemblée nationale, et particulièrement le rapport de Pierre Dharréville, montrent qu'entre la fin de l'année 2017 et le mois de mars de l'année 2022, le nombre d'agents chargés du contrôle des entreprises a diminué de 250 équivalents temps plein (ETP). Avec un taux de vacance de 15 % environ, l'inspection du travail ne pourra pas mener ses missions. Pouvez-vous dans ce contexte justifier davantage les coupes budgétaires proposées ?

Mme Corinne Féret . - Je ne partage pas non plus les préconisations qui ont été formulées.

En effet, il faut rappeler que nous sommes face à changement de périmètre de la mission qui réintègre certains financements qui faisaient partie de la mission « Plan de relance » l'année précédente. Interrogeons-nous donc sur ce que cache précisément l'augmentation globale des crédits.

S'agissant des montants dédiés à Pôle emploi, nous sommes totalement défavorables aux coupes budgétaires proposées. Il n'est pas opportun de réduire les moyens de fonctionnement de Pôle emploi au moment où la réforme de l'assurance chômage risque de mettre beaucoup de personnes en recherche d'emploi en grande difficulté. Entre la complexité des critères d'éligibilité - je n'y comprends moi-même rien ! - et l'incitation pour les demandeurs de passer par la voie du numérique qui n'est pas toujours possible ni maîtrisée, on ne peut que dégrader davantage la situation des agents de Pôle emploi, qui ont déjà du mal à recevoir le public dans de bonnes conditions.

En outre, si l'on considère que l'insatisfaction générale de nos concitoyens est telle qu'elle se transforme parfois en colère, comme le montre l'actualité, nous ne pouvons qu'être défavorables à la réduction de la ligne budgétaire consacrée à Pôle emploi, car nous devons accompagner les demandeurs d'emploi.

Enfin, je veux souligner qu'un quart des crédits de la mission est consacré à des compensations d'exonération de cotisations sociales. Est-ce vraiment ainsi que nous considérons notre société ? Des mesures exceptionnelles ont été prises avec la crise Covid, mais doit-on maintenir un tel niveau d'exonération en 2023 alors même que vous indiquez que la situation économique est meilleure ?

J'insiste également sur la nécessité de renforcer les moyens pour l'IAE qui sont insuffisants. Il faut prendre en compte les effets de l'inflation, autant pour les personnes accompagnées que celles qui travaillent dans ce secteur.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Ce rapport est extrêmement complet, mais permettez-moi de ne pas être d'accord sur les conclusions. Vous proposez de supprimer 850 millions d'euros d'AE, alors que nous avons besoin de davantage de moyens. Il faut favoriser l'insertion des jeunes et des seniors. On sait, par exemple, que 56 % des seniors sont actuellement en poste, contre 66 % au sein de l'OCDE. Il faut donc augmenter les moyens d'accompagnement et de formation pour atteindre ce niveau.

Les 50 millions d'euros enlevés à Pôle emploi pourraient au moins être dédiés à l'IAE ou aux maisons de l'emploi.

De même, la formation professionnelle se voit amputée d'un budget de 300 millions d'euros. Or il faut là encore accompagner les seniors et les jeunes. Vous réduisez le PIC de 500 millions. J'avoue que je ne comprends pas ces coupes brutales, auxquelles je m'opposerai.

Mme Annick Petrus . - Je m'étonne du fait que les premiers résultats du CEJ soient encourageants. En effet, je remarque qu'ils sont sur mon territoire, comme tous les dispositifs mis en place récemment, inefficaces, car trop parcellaires et déconnectés les uns des autres. L'aide financière apportée par le CEJ est trop faible et sa limite dans le temps - dix-huit mois au maximum, douze mois généralement - ne permet pas aux jeunes de faire autre chose que de rester à la maison. À la fin du CEJ, les jeunes n'ont pas pu s'insérer et se retrouvent démunis, car ils ont dépassé la limite d'âge pour bénéficier d'autres dispositifs. Il faudrait donc lier les dispositifs entre eux, de manière à assurer une continuité et créer une vraie progression, quitte à ce que ceux-ci soient pris en charge par les collectivités.

Mme Raymonde Poncet Monge . - Je ne partage pas votre grille de lecture, madame le rapporteur. Nous entendons depuis quelque temps une sorte de rengaine selon laquelle la conjoncture est bonne et tout va bien. Sur ce prétexte, on baisse les crédits alloués aux emplois aidés, on diminue les droits des travailleurs, des chômeurs de catégorie A, et les moyens de Pôle emploi. En revanche, les subventions et les compensations de désocialisation sont maintenues !

La prime d'activité augmente également, alors qu'il s'agit d'un paiement d'une partie des salaires par l'État dans un pays où la déflation salariale a conduit le niveau des salaires au plus bas. La prime d'activité est donc une forme de subvention aux entreprises permettant de réduire les salaires.

Il faudra un jour s'interroger sur ce paradoxe. La conjoncture est-elle aussi bonne qu'on le dit ? L'est-elle pour les salariés ou les entreprises ?

M. Daniel Chasseing . - Je suis globalement favorable à ce rapport.

En effet, les crédits dédiés à l'apprentissage ont doublé, ce qui est un point positif en direction des jeunes. De même, l'augmentation de la prime d'activité permet de garantir le pouvoir d'achat et la compétitivité des entreprises, qui plus est, dans un contexte où l'augmentation du coût de l'énergie en 2023 risque d'entraîner d'importantes difficultés pour certaines entreprises.

En revanche, je souhaite avoir une explication quant à la diminution des crédits proposée pour Pôle emploi. Je pense en effet que l'augmentation des effectifs est vertueuse pour la qualité de l'accompagnement des personnes en recherche d'emploi.

Mme Annick Jacquemet . - Je souhaite également obtenir des précisions quant aux diminutions de crédits, qui pourraient notamment être alloués à l'emploi des seniors.

Par ailleurs, avez-vous des informations quant à l'efficacité du programme 102, « Accès et retour à l'emploi », et particulièrement du dispositif Territoires zéro chômeur de longue durée ? Je salue l'élargissement de cette expérimentation. Ne craignez-vous pas que les difficultés financières des départements, qui sont chargés de la gestion de ce dispositif, puissent nuire à son déploiement ? Pensez-vous que le financement soit bien calibré par rapport à ses ambitions ?

Mme Victoire Jasmin . - « L'oisiveté est la mère de tous les vices. » Les jeunes chômeurs, nombreux, sont entraînés vers la violence, mais également vers la pornographie, comme le montrent les rapports récents et l'actualité de Mayotte notamment. Dans ce contexte, la réduction des budgets me pose un sérieux problème : il faudrait flécher différemment les crédits au lieu de les réduire. Nous devons donc trouver des solutions pérennes pour aider ces jeunes qui vivent une véritable « galère », et sont démotivés, comme inciter Pôle emploi à travailler davantage avec les entreprises, pour aider à l'insertion professionnelle des jeunes comme des seniors. Faisons attention aux choix que nous allons faire !

Mme Frédérique Puissat , rapporteur pour avis . - Je souhaite dans un premier temps justifier ma position. Au regard des contraintes budgétaires que nous vivons tous en tant qu'élus locaux dans nos territoires - hausse du prix de l'énergie, économies à faire en matière de revenu de solidarité activité (RSA), choix en matière de formation professionnelle -, je suis choquée par la hausse du budget de 42 % annoncée, alors que la situation financière du pays est délicate.

J'ai examiné le budget en détail en analysant son périmètre. Le périmètre a en réalité peu évolué : il a intégré l'activité partielle (400 millions d'euros) et les aides exceptionnelles aux employeurs d'apprentis. Or le budget augmente de 6 milliards d'euros si l'on compare la LFI 2022 au PLF 2023 ! En outre, si l'on considère la LFI 2022 associée à la loi de finances rectificative (LFR) du 16 août 2022 et au deuxième PLFR d'octobre, ce sont 4 milliards d'euros qui viennent s'ajouter au budget de France compétences, passant donc de 14 milliards d'euros à presque 21 milliards d'euros. Si nous votons ce budget, France compétences accusera un déficit de 2,6 milliards d'euros à la fin de l'année 2022, et avec les 800 000 apprentis attendus - on espère plutôt 1 million -, il pourrait s'élever à 4 milliards d'euros en 2023. Au fil des années, ce déficit augmentera proportionnellement.

Ce constat m'a donc amenée à examiner les postes bénéficiant d'un surplus de crédits.

Je note que mes propositions concernant Pôle emploi suscitent un certain émoi. Si l'on s'intéresse aux effectifs, on observe une hausse significative des effectifs entre 2019 et aujourd'hui d'environ 3 500 à 4 000 emplois, alors que nous subissons des baisses d'effectifs dans nos collectivités et nos administrations.

Dans le cadre de cette hausse, je rappelle que nous avions décidé de consacrer 1 000 ETP aux secteurs en tension. Je propose de les maintenir, ainsi que les 900 ETP liés au CEJ. Je vous propose seulement d'agir sur les 700 ETP prévus pour aider les demandeurs d'emplois à sortir du système dans le cadre de la crise sanitaire. Cette crise étant passée, je fais porter cet effort de réduction sur ces ETP au sein d'une administration qui, je le rappelle, a connu une hausse de près de 4 000 ETP.

S'agissant de la réforme de France Travail, Monsieur Chasseing, nous n'avons pas encore beaucoup d'informations sur la suite. Il est probable que la jauge permettant d'évaluer le nombre d'ETP nécessaires dans le cadre de cette réforme ne soit pas adaptée, mais nous ne pouvons pas encore le mesurer.

Concernant l'IAE, nous pouvons saluer la progression importante des crédits. Néanmoins, les professionnels de l'IAE s'interrogent sur la hausse d'activité dans le cadre de la gestion des contrats. Philippe Mouiller proposera un amendement afin de soutenir ce secteur, mais nous devons rester de toute façon attentifs sur ce point, auquel nous sommes tous attachés.

L'expérimentation du dispositif Territoires zéro chômeur de longue durée a été récemment étendue à 50 territoires. Or, c'est le cas dans mon département qui compte deux territoires expérimentaux, il est difficile de tenir financièrement, car les contrats augmentent au sein des entreprises à but d'emploi (EBE). Attendons la fin de l'expérimentation, dans cinq ans, pour savoir si elle est probante. Néanmoins, on peut noter que si certains souhaitaient aller au-delà des 50 territoires prévus, il en existe aujourd'hui 35, ce qui laisse encore une marge de manoeuvre pour ceux qui souhaiteraient intégrer le dispositif.

S'agissant du CEJ, il faut effectivement améliorer son articulation avec les autres dispositifs d'insertion professionnelle des jeunes. L'avenir nous dira si le projet France Travail y parviendra. Nous faisons face à une augmentation du nombre d'apprentis et des dépenses associées, sans pour autant que la part du budget allouée à l'Éducation nationale soit réduite. Or cette baisse devrait être proportionnelle.

L'inspection du travail est effectivement un secteur sous tension, comme l'a montré récemment l'actualité. Il faudra approfondir ce sujet.

Par ailleurs, je crois beaucoup aux contrats aidés dans le secteur marchand. Je sais que ce point de vue n'est pas toujours partagé, mais ce secteur a le meilleur taux d'insertion professionnelle. Ce sujet demande donc à être évalué, notamment au regard de la baisse des crédits annoncée.

J'espère que vous avez compris ma démarche : un élu local doit essayer de réduire ses dépenses ; de la même manière, mon objectif était de réduire le budget sur les postes opportuns, c'est-à-dire les crédits sous-exécutés au sein du PIC et ceux qui sont dévolus à France compétences. Au vu de vos remarques, je propose en définitive de rectifier mon amendement en conservant les 700 ETP liés à Pôle emploi, qui équivalent à 50 millions d'euros. Mais gardez à l'esprit que Pôle emploi a connu une hausse de 4 000 ETP, soit 10 % des effectifs et qu'il reviendra à France Travail d'évaluer la pertinence de cette hausse.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Je remercie Mme le rapporteur de son écoute. Il s'agit d'investir pour créer le plein emploi, c'est-à-dire de créer de la richesse permettant d'apporter les services à ceux qui en ont besoin, et pas seulement de dépenser comme c'est le cas pour les secteurs de solidarité.

S'il revient à France compétences, je l'admets, de faire des efforts en matière d'efficacité et de performance, il n'en demeure pas moins que nous comptons à ce jour 800 000 apprentis en activité, avec l'objectif d'en avoir 1 million. Nous ne pouvons donc pas réduire les moyens nécessaires pour l'atteindre.

Mme Catherine Deroche , présidente . - J'entends votre argument, néanmoins il faut rester attentif au budget alloué à France compétences. Il y aura des rallonges budgétaires en cours d'année.

M. René-Paul Savary . - La proposition de Mme le rapporteur est logique, il s'agit de montrer l'exemple, comme l'a demandé le Gouvernement. Néanmoins, ne pourrait-on pas associer une démarche spécifique en direction des seniors ? Il faut en effet que la société change sa vision par rapport au maintien des seniors dans l'emploi.

Je m'interroge à propos de France compétences. Nous devons rester attentifs : il existe derrière France compétences un mouvement économique et des personnes qui ont compris les faiblesses des dispositifs.

M. Martin Lévrier . - J'insiste sur le fait que la baisse du chômage est le fruit d'un combat permanent. Réduire les budgets au moment même où nous enregistrons des succès est une stratégie qui n'a jamais fonctionné.

Monsieur Savary, attention à la fraude liée à l'usage du compte personnel de formation ! Le 8 décembre, nous examinerons une proposition de loi sur ce sujet.

Mme Corinne Féret . - J'entends la proposition et les arguments de Mme le rapporteur. Certes, dans nos collectivités, nous devons réduire nos budgets, mais les choix à opérer relèvent du politique. D'autres sources de recettes sont possibles, afin de maintenir les crédits de la mission « Travail et emploi » et les effectifs de Pôle emploi, qui n'est pas une administration comme une autre. L'objectif d'accompagnement vers l'emploi ou de retour à l'emploi pour les jeunes, les seniors et les personnes en situation de handicap constitue une mission essentielle, de surcroît au sein de la future organisation France Travail.

M. Alain Milon . - Quand aurons-nous le droit d'être nous-mêmes et de voter en adéquation avec nos convictions ? L'évolution de notre pays est parlante : nous avons renoncé au nucléaire contre notre intime conviction et achetons désormais l'électricité à l'Europe ; la France a renoncé à être le premier pays à financer la fusée Ariane 6 en raison des accords d'Espagne et en faveur de l'Allemagne, qui s'est elle-même retirée du projet de l'avion militaire européen, nous laissant quasiment à l'état d'unique financeur.

Par conséquent, je ne voterai pas l'amendement rectifié de notre rapporteur. Celui-ci avait plus de sens dans sa version d'origine.

M. René-Paul Savary . - Sur cet ajustement d'effectifs, quelle est la position des partenaires sociaux qui gèrent l'Unédic ? Ils ont leur mot à dire en ce qu'ils financent, pour moitié, me semble-t-il, Pôle emploi.

Mme Frédérique Puissat , rapporteur pour avis . - Il pourrait être intéressant d'affecter les 700 ETP à l'emploi des seniors et aux secteurs en tension, mais nous n'avons pas la possibilité de le faire dans le cadre du projet de loi de finances.

S'agissant de la position des partenaires sociaux, je rappelle que le pourcentage de financement de l'Unédic est passé de 10 % à 11 % à la suite de la dernière convention tripartite. L'intégration de cette hausse a été difficile. Par ailleurs, nous nous attendions à un résultat de + 2,5 milliards d'euros pour cette année. Celui-ci s'élèverait finalement à + 4 milliards d'euros. L'Unédic permettra donc de combler une dette et d'augmenter l'affectation à Pôle emploi, au moment précis où nous sommes en train de perdre 80 000 allocataires de l'allocation de solidarité spécifique (ASS). Je souscris aux propos de M. Savary, mais il faut trouver un consensus.

Enfin, je considère que l'on souscrit aux objectifs de développement de l'apprentissage en évacuant trop souvent l'aspect financier. Nous devons contribuer à rembourser les intérêts de la dette, qui représente le premier poste de budget de l'État français. Je propose seulement de diminuer les crédits de 800 millions d'euros en AE et de 550 millions d'euros en CP. Ces chiffres restent raisonnables au regard de l'augmentation du budget de 6 milliards d'euros.

Mme Catherine Deroche , présidente . - Nous passons à l'examen des amendements du rapporteur.

Mme Frédérique Puissat , rapporteur pour avis . - Je propose de rectifier l'amendement n° II-377 : 800 millions d'euros en AE ainsi que 550 millions d'euros en CP seraient prélevés sur le programme « accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi ».

L'amendement n° II-377 est adopté.

EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

Article 49 (nouveau)

Mme Frédérique Puissat , rapporteur pour avis . - L'article 49 propose que la mobilisation du CPF par son titulaire pour le financement d'une action de formation fasse l'objet d'un mécanisme de régulation. Dans le prolongement des propositions de la commission des affaires sociales du Sénat, l'amendement n° II-376 prévoit d'instaurer un plafonnement de la prise en charge par le CPF du coût de certaines formations. Cet amendement est également proposé par la commission des finances.

Mme Corinne Féret . - J'ajoute que notre rapport d'information précisait que ces évolutions devaient se faire dans le cadre du dialogue social prenant la forme d'une véritable discussion et non pas par simple voie d'amendement.

Mme Frédérique Puissat , rapporteur pour avis . - Le Gouvernement a effectivement indiqué qu'il engagerait une concertation avec les partenaires sociaux.

L'amendement n° II-376 est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Travail et emploi », sous réserve de l'adoption de son amendement. Elle émet un avis favorable à l'adoption des articles 47 et 48, qui lui sont rattachés, ainsi qu'à l'adoption de l'article 49 qui lui est rattaché, sous réserve de l'adoption de son amendement .

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

• Direction générale du travail (DGT)

Nathalie Vaysse , cheffe de service

• Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP)

Bruno Lucas , délégué général

Nora Mansour , cheffe de mission de la sous-direction du financement et de la modernisation

Cécile Charbaut , adjointe de la sous-direction des parcours d'accès à l'emploi

Boris Supiot , adjoint de la sous-direction du financement et de la modernisation

• Pôle emploi

Jean Bassères , directeur général

Charline Nicolas , directrice générale adjointe en charge de la stratégie et des affaires institutionnelles

• France compétences

Stéphane Lardy , directeur général


* 1 Rapport d'information de Mmes Frédérique Puissat, Corinne Féret et M. Martin Lévrier, fait au nom de la commission des affaires sociales, n° 741 (2021-2022), 29 juin 2022.

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