EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 23 novembre 2022, sous la présidence de M. Christian Cambon, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport de Mme Michelle Gréaume et de M. Olivier Cigolotti, sur les crédits de la préparation et de l'emploi des forces.

M Christian Cambon, président. - Nous poursuivons nos travaux avec l'examen du programme 178 « Préparation et emploi des forces » de la mission « Défense ».

M. Olivier Cigolotti, rapporteur pour avis de la mission « Défense » sur le programme « Préparation et emploi des forces » . - Les crédits de paiements (CP) du programme 178 augmentent de 1,2 milliard d'euros, essentiellement pour financer l'effort en faveur de l'entretien programmé du matériel (EPM). Concernant la disponibilité technique opérationnelle (DTO), 71 % des indicateurs sont en stagnation ou en diminution en 2023.

Pour l'armée de terre, la situation était fragile en 2022, elle se détériore en 2023, avec désormais cinq des sept indicateurs en diminution ; il s'agit de ceux concernant les hélicoptères, les chars Leclerc, les engins blindés de reconnaissance et de combat (EBRC) - avec le retard de livraison des Jaguar - et enfin les Caesar, en raison de la cession de 18 canons et rechanges à l'armée ukrainienne.

Pour la marine nationale, trois des sept indicateurs sont en recul ; il s'agit de ceux qui concernent le porte-avion - en raison de la programmation prévue des arrêts techniques -, la chasse - avec le passage au standard F4 du Rafale - et les hélicoptères - du fait des problèmes de corrosion des Caïman.

Pour l'armée de l'air et de l'espace, les difficultés tiennent aux exportations des Rafale, dont les compensations sont très progressives, et, dans une moindre mesure, au retrait du C160, à la déflation de la flotte C135, ainsi qu'à celle des Puma et Super Puma. Les contrats « verticalisés » devraient permettre une amélioration des DTO des Rafale et des moteurs de Mirage 2000 ; ils doivent donc faire l'objet d'une attention de la commission.

L'hypothèse d'engagement majeur (HEM) et la perspective d'économie de guerre conduisent à réfléchir à la mise à niveau du système de soutien aéronautique afin de répondre à la haute intensité. Des études ont été lancées par la direction de la maintenance aéronautique (DMAé) avec les principaux représentants de la base industrielle et technologique de défense (BITD) du maintien en condition opérationnelle (MCO) aéronautique - notamment Dassault Aviation, Safran, Thales et Airbus Helicopters -, dont les premiers résultats permettent d'identifier des leviers d'action qui contribueront à améliorer la réactivité du système de soutien autour de deux axes : un axe « matériels », qui intègre la réflexion sur les stocks de rechanges et les normes de MCO ; et un axe « ressources humaines », qui vise la constitution d'un noyau dur de compétence autour de la réserve opérationnelle et l'usage de nouveaux systèmes d'information - Brasidas par exemple - permettant une meilleure maîtrise de la donnée et un pilotage plus efficient du MCO aéronautique.

J'en viens à l'entretien programmé du matériel (EPM).

En 2023, selon les réponses au questionnaire budgétaire, le niveau de crédits consacrés à l'EPM s'élève à 5,5 milliards d'euros. Cela correspond au niveau d'annuité prévu par la LPM, soit 4,4 milliards d'euros, et aux 900 millions d'euros manquants faute d'inscription par le Gouvernement en loi de finances initiale depuis le début de la période de programmation.

Pourtant, ce n'est pas satisfaisant. Ce montant de crédit ne rattrape pas les retards, mais finance principalement les 500 millions d'euros supplémentaires destinés aux munitions. L'augmentation des crédits destinés aux munitions est indispensable, et les leçons tirées de la guerre en Ukraine s'imposent en la matière. Mais cela signifie que, une fois de plus, les crédits d'EPM financent des besoins non prévus par la LPM 2019-2025, au détriment des besoins initialement retenus, alors que le gabarit était déjà taillé au plus juste.

Nous devrons donc être attentifs à la pleine satisfaction des besoins en EPM dans la prochaine période de programmation. Ils comprennent des besoins du service interarmées des munitions (SIMu), qui doit consolider son organisation avec la création éventuelle d'un nouvel établissement principal des munitions (EPMu) et le renforcement de son dispositif à l'outre-mer et à l'étranger.

Le SIMu devra également, pour répondre à l'ambition 2030, renforcer la fonction défense et sécurité, et sa capacité de pilotage des projets majeurs. Pour cela, il lui faudra gagner en épaisseur organique en sécurisant la remontée en puissance des ressources humaines, notamment en matière de personnel militaire ; des créations évaluées à environ 80 postes sont donc à prévoir.

La capacité de stockage offerte par les dépôts du SIMu semble suffisante pour répondre aux exigences des contrats opérationnels. La modernisation de cette capacité doit se poursuivre afin de garantir des conditions optimales de la préservation du potentiel des munitions et de sécurité. Les magasins en tôle sont ainsi remplacés par des igloos, et la sécurité est encore renforcée.

L'HEM pourrait conduire à un besoin de stockage accru et à une diversification des modes de mise à disposition des munitions, en multipliant, par exemple, les possibilités d'acheminement ferroviaire via l'installation terminale embranchée (ITE) spécifique. Nous approfondirons, dans le cadre de nos travaux de préparation de la prochaine LPM, ces premières réflexions sur les munitions.

Sous réserve de ces observations, nous proposons d'adopter les crédits du programme 178.

Mme Michelle Gréaume, rapporteure pour avis de la mission « Défense » sur le programme « Préparation et emploi des forces » . - Les crédits du programme 178 progressent cette année de 11,4 %. Cela ne permet toujours pas la remontée de l'activité opérationnelle des forces et de l'entraînement, dont les crédits restent inférieurs aux objectifs fixés de près de 10 %. En 2023, la situation se détériore pour les trois quarts des indicateurs d'activité. Cela se traduit par une diminution de la capacité de deux des trois armées à honorer leur contrat opérationnel.

Pour l'armée de terre, depuis le déploiement de Sentinelle, la cible de 90 jours de préparation opérationnelle par militaire n'a plus été atteinte. Depuis 2017, la préparation opérationnelle de l'armée de terre stagne ; elle doit remonter en 2022 à 82 jours, mais pourrait être de nouveau fragilisée par l'engagement de l'armée de terre dans la réassurance du flanc Est de l'Otan en Roumanie et les potentiels techniques alloués des équipements.

Pour la marine nationale, la capacité à honorer le contrat opérationnel est passée de 89 à 70 %, en raison notamment du retard pris par le programme des frégates de défense et d'intervention. Pour l'armée de l'air et de l'espace, on observe un déficit de formation des plus jeunes équipages et une difficulté à consolider les compétences dites de « haut du spectre ». La capacité à honorer le contrat opérationnel chute à 65 % en 2023 et ne devrait pas remonter en 2024. L'impact des exportations Rafale, sur lequel notre commission alertait le Gouvernement, est désormais tangible et conséquent ; la prochaine LPM devra en tenir compte.

Le report à la fin de la période de programmation des objectifs de remontée de l'activité opérationnelle nous semblait insatisfaisant, dans un monde marqué par la multiplication des affrontements ; il est devenu insupportable maintenant que notre continent connaît de nouveau la guerre. Nous devrons obtenir des objectifs chiffrés de remontée de la préparation opérationnelle dans la prochaine LPM, faute d'objectifs inscrits en LPM ; elle a été la variable d'ajustement inavouée des ambitions non financées de la LPM.

Il nous faudra aussi veiller à ce que les services de soutien ne soient pas de nouveau sacrifiés à tous les autres objectifs de la LPM. Nous savons qu'ils sont essentiels et indispensables dans l'hypothèse d'un engagement majeur ; la guerre en Ukraine l'a assez rappelé, avec ces colonnes de chars russes immobilisés faute de ravitaillement en carburant.

Concernant le service de santé des armées (SSA), ce ne sont pas 100, mais 125 médecins qui manquaient en juillet 2021. Malgré mes demandes répétées en audition, les informations permettant de calculer ce déficit de médecins de premier recours ne nous ont pas été transmises. Faut-il craindre que le déficit se soit aggravé ? La surprojection des personnels et ses effets délétères sur le découragement des personnels sont connus. Le secteur sanitaire est en crise, il s'agit d'en tenir compte, d'autant que le SSA ne tiendra l'hypothèse d'engagement majeur qu'avec le plein appui du service public de santé. La réflexion sur l'économie de guerre ne peut en aucun cas se dispenser du volet sanitaire ; la prochaine LPM devra refléter cette nécessité.

Enfin, la transformation du service du commissariat des armées (SCA), désormais portée par la feuille de route « Ambition SCA 2030 », requiert notre attention. Il faudra veiller à ce que le bon niveau de crédits lui permette de répondre aux exigences d'un engagement majeur dans les domaines de l'environnement technico-opérationnel, c'est-à-dire le réseau des entrepôts et installations de maintenance, des équipements individuels du combattant, du soutien de la vie en campagne et du transport. Il doit également réduire ses vulnérabilités critiques, et faire face à l'inflation. Ce sont ainsi plus de 250 millions d'euros de besoins nouveaux qui devront être pris en compte dans la future LPM.

M. Bruno Sido . - Pourriez-vous nous redire le montant du budget 178 ?

M. Olivier Cigolotti, rapporteur pour avis . - L'augmentation de ce programme se monte à 1,23 milliard d'euros, pour un budget à hauteur de 12,3 milliards.

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