IV. DES SOUTIENS TOUJOURS SOUS TENSION

Outre le SIMu, la guerre en Ukraine a rappelé l'importance de tous les services de soutien ! Les camions et chars russes immobilisés faute de carburant et de soldats russes sans ravitaillement ont rappelé que les équipements et le déploiement de soldats ne suffisent pas ! Sans service de soutien il n'est pas possible de remplir un contrat opérationnel !

Le double effet de la révision générale des politiques publiques et de la LPM 2014-2019, mettant en oeuvre de fortes attritions des ressources humaines des services de soutien, a éprouvé le modèle de soutien interarmées . Il doit lui aussi s'adapter à l'hypothèse d'engagement majeur et à la perspective de la haute intensité comme on l'a vu pour le MCO.

Visite à Toulon du service logistique de la marine le 25 novembre 2022

Veiller à l'adéquation des moyens des services de soutien aux impératifs d'efficacité dans un contexte de plus en plus exigeant dans l'hypothèse d'un engagement majeur !

Durant la précédente LPM, le service de santé des armées ( SSA) a perdu 8 % de ses effectifs, soit 1 600 personnels . La remontée de la FOT et le niveau élevé de l'engagement de la France sur les théâtres extérieurs, supérieur aux objectifs de construction de la LPM et du modèle SSA 2020, ont mécaniquement induit un besoin supplémentaire de soutien par le SSA. La LPM 2019-2025 a prévu l'arrêt de la déflation des effectifs du SSA dès 2019 et leur stabilisation jusqu'en 2023, puis leur remontée modérée au-delà . La difficulté centrale tient à la trop lente remontée en puissance de la médecine des forces . Le service dispose de 700 médecins des forces, entre le plafond ministériel des emplois autorisés et l'effectif moyen réalisé, on constate un écart de « 100 médecins manquants » (ce chiffre correspond à un effectif lissé qui évolue en cours de gestion au gré des départs, des mutations et des indisponibilités). Les tensions sur les effectifs concernent également la composante hospitalière, où certaines spécialités font l'objet d'une réelle tension : chirurgie (orthopédique, viscérale, vasculaire, thoracique, urologique, tête et cou), médecine d'urgence en exercice hospitalier, psychiatrie et radiologie. Plusieurs spécialités paramédicales essentielles se révèlent également sous tension, à l'instar des infirmiers de bloc opératoire, ou encore des masseurs-kinésithérapeutes.

136 médecins de premier recours manquaient en 2021, l'HIA de Lyon est devenu une AHA, le SSA dépend de son articulation avec le secteur public pour faire face à l'hypothèse d'engagement majeur !

Pour la première fois depuis 7 ans, le plafond ministériel des emplois autorisés du SSA n'a pas été communiqué à la commission malgré les demandes répétées des rapporteurs lors des auditions budgétaires de cet automne. Faute d'informations et au vu de la situation de pénurie de personnels dans le secteur sanitaire depuis la pandémie, il est à craindre que le ratio de médecins manquants se soit encore accru.

Combien de médecins de premier recours manquent en 2022 ?

médecins de la médecine des forces manquaient en 2021 essentiellement dans les centres médicaux des armées de la région parisienne et du Grand Est

praticiens hospitaliers manquaient en 2021 en chirurgie viscérale, anesthésie réanimation, biologie, radiologie et médecine interne

Dans les spécialités sous tension, le SSA est confronté à une très forte concurrence du secteur civil, qui se montre très attractif et réactif, notamment dans le domaine de la rémunération, ce qui contribue à entretenir le flux de départs prématurés subi par le SSA . En conséquence, pour remplir son contrat opérationnel, le SSA sur-projette ses personnels soignants , avec un risque d'usure et d'épuisement accentué depuis mars 2020 par la crise sanitaire. La concentration sur les mêmes personnels de la charge de projection du service se traduit par des taux de projection supérieurs à 100 %, malgré l'apport des réservistes. Ce taux atteint 200 % pour les équipes chirurgicales .

Cette sur-sollicitation du personnel a des conséquences néfastes sur la fidélisation des professionnels de santé militaires. Elle a également un impact notable sur le parcours professionnel du personnel de santé, notamment à travers la difficulté de satisfaire à l'obligation de développement professionnel continu. Elle pèse sur les perspectives d'évolution des effectifs du SSA.

« L'ambition stratégique SSA 2030 » vise, à la lumière des enseignements de la pandémie et en cohérence avec l'ambition 2030 des armées, à redonner au SSA les moyens de répondre aux attentes des armées et de la gendarmerie nationale . Cette ambition stratégique a pour vocation de bâtir un SSA « de tous les engagements », en garantissant un soutien médical de très haut niveau pour tous les engagements opérationnels et en renforçant le soutien santé au plus près des forces armées sur le territoire national . La mise en oeuvre du nouveau modèle hospitalier militaire est l'un des axes de cette stratégie . L'un de ses enjeux essentiels est la redéfinition des perspectives d'insertion du parc hospitalier militaire à l'offre publique de soins à l'aune des leçons tirées de la pandémie . Les hôpitaux d'instruction des armées (HIA) (HIA Bégin à Saint-Mandé, HIA Clermont-Tonnerre à Brest, HIA Laveran à Marseille, HIA Legouest à Metz, HIA Percy à Clamart, HIA Robert Picqué à Bordeaux et HIA Sainte-Anne à Toulon), ouverts à tous les assurés sociaux, sont assimilés par le ministère de la Santé à des centres hospitaliers et universitaires . Ces hôpitaux, établissements polyvalents de soins pour adultes, sont soumis aux procédures de certification de la santé publique et participent à l'offre de soins à l'échelle d'un territoire.

L'HIA Desgenettes à Lyon a été transformé en Antenne hospitalière des armées (AHA), ce qui pose la question de la bonne articulation du SSA et du secteur privé pour faire face à l'hypothèse d'engagement majeur . La réflexion sur l'économie de guerre ne peut en aucun cas se dispenser du volet sanitaire et la prochaine LPM devra refléter cette nécessité . Le service public de santé doit intégrer le rôle qui serait le sien dans l'hypothèse d'engagement majeur.

Enfin, vos rapporteurs sont très favorables à l'article rattaché 42 du PLF 2023 qui propose d'étendre la majoration de traitement instituée dans le contexte du « Ségur de la santé » à certains personnels du SSA qui en étaient exclus , afin d'assurer une cohérence des rémunérations en son sein.

Le Service du commissariat des armées fait face aux défis de l'ambition 2030 et de l'HEM

Pour la LPM en cours d'exécution, les projets liés à la transformation du service du commissariat, SCA22, étaient évalués à 435 M€. Il s'agissait de financer :

- la modernisation du soutien de proximité, avec le déploiement des espaces ATLAS (désormais 205 sont déployés en métropole et 8 en outre-mer et étranger sur un total de 17 prévus) et le développement des prestations informatiques métiers et d'outils digitaux facilitant l'accès au soutien (SIAG, outils de mobilité),

- la modernisation de la distribution pour la filière habillement (DPC-NG, équipement des hangars des GS-Socle, équipement des ELOCA dont celui de Châtres depuis 2019, la modernisation du site d'Angers est prévue en 2023),

- et la concession d'une partie de l'activité restauration.

Ce périmètre s'est depuis élargi avec la prise en compte du coût complet du projet de concession de la restauration qui intègre désormais la mise à niveau de l'infrastructure et la mise en oeuvre de la loi EGALIM (soit un surcoût non prévu en LPM de 82 M€ de 2021 à 2025). De même, l'amélioration du soutien de proximité a renchéri le coût de SCA 22. Il est désormais évalué à 676 M€ sur la période 2019-2025. Cette augmentation des besoins n'a pas été prise en compte dans le cadre de l'actualisation de la LPM.

La transformation du SCA est désormais portée par la feuille de route « ambition SCA 2030 » qui finalise le projet « SCA 22 » tout en intensifiant dans la durée le durcissement militaire dans la perspective d'une hypothèse d'engagement majeur . Le SCA doit développer son aptitude à répondre aux exigences de l'HEM dans les domaines de l'environnement technico-opérationnel (réseau des entrepôts et installations de maintenance), des équipements individuels du combattant , du soutien de la vie en campagne et du transport . Il doit également réduire ses vulnérabilités critiques , et faire face à l'inflation . Ce sont ainsi plus de 250 M€ de besoins nouveaux qui devront être pris en compte dans la future LPM.

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