Avis n° 117 (2022-2023) de MM. Bruno SIDO et Guillaume GONTARD , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 17 novembre 2022

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N° 117

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 novembre 2022

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi de finances , considéré comme
adopté par l'Assemblée nationale
en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour
2023 ,

TOME III

ACTION EXTÉRIEURE DE L'ÉTAT

Français à l'étranger et affaires consulaires (Programme 151)

Par MM. Bruno SIDO et Guillaume GONTARD,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon , président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Olivier Cigolotti, André Gattolin, Guillaume Gontard, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Pierre Laurent, Philippe Paul, Cédric Perrin, Rachid Temal , vice-présidents ; Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, Isabelle Raimond-Pavero, M. Hugues Saury , secrétaires ; MM. François Bonneau, Gilbert Bouchet, Alain Cazabonne, Pierre Charon, Édouard Courtial, Yves Détraigne, Mmes Catherine Dumas, Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Bernard Fournier, Mme Sylvie Goy-Chavent, M. Jean-Pierre Grand, Mme Michelle Gréaume, MM. André Guiol, Ludovic Haye, Alain Houpert, Mme Gisèle Jourda, MM. Alain Joyandet, Jean-Louis Lagourgue, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Panunzi, François Patriat, Gérard Poadja, Stéphane Ravier, Gilbert Roger, Bruno Sido, Jean-Marc Todeschini, Mickaël Vallet, André Vallini, Yannick Vaugrenard .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 16 ème législ.) : 273 , 285 , 286 rect., 292 , 337 , 341 , 364 , 369 , 374 , 386 et T.A. 26

Sénat : 114 et 115 à 121 (2022-2023)

ADAPTER LE SOUTIEN À NOS COMPATRIOTES À L'ÉTRANGER : L'ÉVOLUTION DE L'ACTION SOCIALE ET DE L'ADMINISTRATION CONSULAIRE

Le projet de loi de finances pour 2023 établit pour le programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » un niveau de ressources en légère hausse par rapport à l'exercice 2022 (+5%).

S'il faut souligner que la stabilisation des ressources intervient alors même que l'administration consulaire n'aura pas à supporter en 2023 les coûts associés à l'organisation au printemps 2022 de deux échéances électorales nationales, les rapporteurs relèvent également que cette évolution de périmètre est largement compensée par le rétablissement de la dotation de financement des bourses scolaires après une réduction ponctuelle intervenue en 2022 pour apurer l'excédent de trésorerie de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE).

Au-delà de la stabilité des ressources allouées aux affaires consulaires, les rapporteurs pour avis se sont penchés plus particulièrement sur le déploiement expérimental du service France Consulaire qui couvre depuis l'été 2022 treize postes consulaires et sur l'action sociale mise en oeuvre par l'administration consulaire, en ce compris le financement des bourses scolaires versées par l'AEFE.

Les principaux points d'attention des rapporteurs sont les suivants :

- le calendrier d'extension du déploiement du service France Consulaire reste à préciser, les objectifs initiaux n'ayant pu être tenus ;

- pour maintenir la qualité de ce service, l'extension du déploiement de France Consulaire devra être accompagnée des ressources adéquates ;

- les ponctions successives effectuées sur la soulte de l'AEFE pour financer une partie des bourses scolaires nuit à la lisibilité de leur financement ;

- l'inflation des frais de scolarité et la dépréciation de l'euro vis-à-vis du dollar induisent une croissance des besoins de financement des bourses scolaires qui devra être prise en compte dans la trajectoire budgétaire du programme 151.

Réunie le mercredi 16 novembre 2022, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'État » du projet de loi de finances pour 2023.

I. LE REDRESSEMENT DE LA TRAJECTOIRE DU BUDGET DÉDIÉ AUX FRANÇAIS À L'ÉTRANGER NE PERMETTRA DE CONSOLIDER L'ACTION DE L'ADMINISTRATION CONSULAIRE QUE S'IL EST POURSUIVI À MOYEN TERME

A. LE RÉTABLISSEMENT DE LA DOTATION DE FINANCEMENT DES BOURSES SCOLAIRES SE TRADUIT PAR UNE HAUSSE DES CRÉDITS DU PROGRAMME 151

1. Le programme budgétaire dédié aux Français à l'étranger et aux affaires consulaires connait une légère hausse de ses crédits budgétaires en dépit de l'absence d'élection directe à l'échelle nationale en 2023

Le projet de loi de finances pour 2023 propose d'allouer au programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » des ressources budgétaires en légère hausse à hauteur de 391,6 M€ en autorisations d'engagement (AE) et 391,4 M€ en crédits de paiement (CP) , soit une hausse de 5% en crédits de paiement par rapport au budget adopté en loi de finances initiales pour 2022.

Les rapporteurs relèvent que la lecture de l'évolution globale des crédits du programme doit tenir compte du changement de périmètre du fait de l'organisation au printemps 2022 des élections présidentielles puis législatives par les postes consulaires qui avait justifié en loi de finances initiales pour 2022 un abondement exceptionnel à hauteur de 13,9 M€ de crédits de paiement pour financer la participation au scrutin des Français établis hors de France.

À périmètre constant, le programme 151 connait une hausse de dotation de 9% en crédits de paiement pour l'année 2022.

En matière d'emplois autorisés, le plafond d'emplois du programme 151 est porté à 3 259 équivalents temps plein travaillés (ETPT), soit une hausse de 10,98 ETPT par rapport à l'exercice 2022.

2. La hausse des crédits du programme 151 résulte en grande partie du rétablissement de la dotation dédiée au financement des bourses scolaires

La hausse substantielle, à périmètre constant, des crédits du programme 151 est imputable en grande partie au rétablissement de la dotation de financement des bourses scolaires qui est fixée à 104,4 M€ pour l'exercice 2023 , ce qui correspond à son niveau de 2021 (104,7 M€), alors que la loi de finances initiales pour 2022 avait réduit cette enveloppe à un niveau de 94,4 M€.

Les deux autres actions du programme, dédiées au service public pour les Français à l'étranger et à l'instruction des demandes de visa, bénéficient dans le projet de loi de finances de ressources stables avec des variations inférieures à 5 M€ en crédits de paiement.

B. L'ADMINISTRATION CONSULAIRE, QUI NE BÉNÉFICIE PAS D'UNE HAUSSE DE CRÉDITS À LA HAUTEUR DE SON IMPORTANCE AU SEIN DU MINISTÈRE DE L'EUROPE ET DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, DOIT POURSUIVRE À MOYEN TERME LE REDRESSEMENT DE SA TRAJECTOIRE BUDGÉTAIRE

1. La hausse de crédits et d'effectifs dont bénéficie l'administration consulaire ne reflète pas l'importance des affaires consulaires au sein du ministère de l'Europe et des affaires étrangères

Le projet de loi de finances présenté par le Gouvernement prévoit une stabilisation des ressources dédiées aux affaires consulaires, alors même que le ministère de l'Europe et des affaires étrangères connait une hausse historique de son budget avec une croissance de 9% de ses crédits de paiement en 2023 par rapport à 2022.

Alors que l'évolution du périmètre du programme liée à l'absence d'élection nationale directe en 2023 est compensée par le rétablissement des crédits dédiés aux bourses scolaires dont la réduction avait un caractère conjoncturel lié à l'excédent de trésorerie de l'AEFE, le programme bénéficie d'une hausse de ses crédits près de deux fois moins dynamique que le ministère dans son ensemble .

L'administration consulaire ne bénéficie pas de créations de poste à la hauteur de son importance au sein du ministère de l'Europe et des affaires étrangères

En matière d'effectifs, la création de 18 équivalents temps plein (ETP) dont bénéficie le programme 151, répartis entre sept postes en administration centrale et onze postes à l'étranger, ne reflète pas l'importance du programme au sein du ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Alors que les emplois du programme 151 représentent 24% des effectifs du ministère, l'administration consulaire dans son ensemble ne bénéficie que de 18% de la croissance historique des effectifs du ministère en 2023 qui atteint 100 équivalents temps plein (ETP).

2. Le redressement de la trajectoire budgétaire du programme 151 doit être poursuivi à moyen terme pour consolider le réseau consulaire français

Le programme 151 a été le programme le plus fortement mis à contribution en matière de réduction des effectifs du ministère de l'Europe et des affaires étrangères dans le cadre du programme « Action Publique 2022 » avec la suppression de 107 ETP sur 332 suppression au total.

Alors même que la présence des agents des postes consulaires s'est révélée déterminante pendant la crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19 de 2020-2021, la consolidation du réseau consulaire suppose de maintenir à moyen terme la dynamique de « réarmement budgétaire » de l'administration consulaire.

suppressions de postes en 5 ans

titres d'identités et de voyage délivrés par le réseau diplomatique et consulaire

de Français de passage à l'étranger chaque année

II. LA PREMIÈRE ANNÉE D'EXPÉRIMENTATION DU SERVICE FRANCE CONSULAIRE EST UN SUCCÈS DONT LA GÉNÉRALISATION RISQUE D'ÊTRE RALENTIE PAR LES CONTRAINTES EN TERMES D'EFFECTIFS

A. L'EXPÉRIMENTATION DU SERVICE FRANCE CONSULAIRE DANS TREIZE POSTES PILOTES A AMÉLIORÉ LE SERVICE RENDU AUX USAGERS DANS CES PAYS

1. Le service France Consulaire est une expérimentation d'accès dématérialisé aux informations administratives générales pour les Français à l'étranger

Le service France Consulaire est un dispositif déployé de manière expérimentale depuis octobre 2021. Inspiré des modèles de réponses centralisées mis en oeuvre par plusieurs de nos partenaires européens dont notamment le Royaume-Uni et les Pays-Bas, ce service a pour objet de proposer aux usagers de l'administration consulaire, c'est-à-dire aux Français résidant à l'étranger ou de passage à l'étranger, d'obtenir rapidement une information générale ou d'être accompagnés pour initier leurs démarches administratives.

Il est à relever que ce service, qui est accessible par téléphone et par courriel entre 9h et 17h, n'a pas vocation à répondre aux questions relatives aux visas ou aux demandes individuelles, qui continuent de ressortir aux postes consulaires. Le service est également accessible aux personnes sourdes et malentendantes à travers l'application ACCEO.

Pour créer ce nouveau service, qui intervient alors que plusieurs postes diplomatiques ne disposent plus aujourd'hui d'un standard téléphonique, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères s'est appuyé sur deux prestataires extérieurs : la société Teletech international qui gère le plateau de réponse et la société Orange pour la collecte des appels téléphoniques.

Le service France Consulaire, situé dans les locaux du ministère de l'Europe et des affaires étrangères à La Courneuve, est composé de deux équipes distinctes : un pôle de téléconseillers employés par le prestataire et installé sur un plateau de réponse adapté et un pôle de second niveau, composé d'agents du ministère, qui est en charge de l'encadrement du dispositif et de la réponse aux questions les plus complexes ou urgentes.

Le financement de ce nouveau service a été constitué par une enveloppe de 346 000 € de CP consommés en 2021 (pour trois mois de service), puis par un abondement de 920 000 € en crédits de paiement en loi de finances initiales pour 2022 (pour une année complète).

Alors que le nombre de postes consulaires concernés par le déploiement du service a augmenté à partir de l'été 2022, le projet de loi de finances initiales pour 2023 prévoit de financer ce service à hauteur de 1,9 M€ en 2023 , soit un doublement des crédits alloués par rapport à 2022.

2. Le dispositif, qui est déployé dans treize poste consulaires à l'été 2022, reçoit un accueil favorable des usagers

Dans un premier temps, le service France Consulaire a été déployé dans cinq postes pilotes 1 ( * ) , tous situés en Europe, à compter du 13 octobre 2021. Depuis le 31 août 2022, l'expérimentation du service France Consulaire a été élargie à treize pays européens au total 2 ( * ) .

Les postes pilotes, qui ont été associés à l'élaboration du service notamment en faisant état des demandes fréquemment adressées à l'administration consulaire à l'étranger, ont bénéficié de ce nouveau service qui a permis de réduire le nombre de sollicitations adressées directement à leurs agents.

Le poste de Dublin, qui correspond à la plus grande communauté française à l'étranger parmi les cinq postes pilotes, a constaté une forte croissance des sollicitations du service France Consulaire en lien avec la République d'Irlande qui a répondu à 75 appels pendant la première semaine de mise en service et à 17 130 appels pendant sa première année de fonctionnement (octobre 2021 à octobre 2022). Par ailleurs, le taux de transfert des appels au consulat, qui est de seulement 5%, témoigne du fait qu'une grande majorité des usagers sollicite une information d'ordre général qui peut être fournie sans faire intervenir les agents du poste.

Parallèlement à l'utilité du service pour les postes, qui connaissent une diminution de leurs sollicitations directes, les indicateurs mesurés par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères font état d'une large satisfaction des usagers , le taux de satisfaction étant supérieur à 90%.

B. LE DÉPLOIEMENT DU SERVICE FRANCE CONSULAIRE DANS LE RÉSEAU DIPLOMATIQUE ET CONSULAIRE IMPLIQUE UN RÉÉCHELONNEMENT DES OBJECTIFS INITIAUX ET UNE COOPÉRATION APPROFONDIE AVEC LES RÉPONDANTS

1. Le calendrier initial de déploiement du dispositif dans l'ensemble des pays européens s'est heurté au nombre limité d'agents en assurant l'encadrement

Si le déploiement du service France Consulaire constitue une opportunité d'amélioration du service rendu aux Français à l'étranger , en particulier dans les postes qui ne disposent pas d'un standard téléphonique, il est à relever que le calendrier ambitieux qui avait été annoncé par les autorités compétentes n'a pas été tenu.

Ainsi, les rapporteurs relèvent que le 20 octobre 2021, le ministre de l'Europe et des affaires étrangères avait annoncé à la commission que le service France Consulaire serait « déployé d'ici fin 2022 dans tous les pays de l'Union européenne » 3 ( * ) . Ce calendrier de déploiement , qui avait été confirmé lors de l'audition le 1 er novembre 2021 du secrétaire général du ministère, ne pourra pas être mis en oeuvre .

Le calendrier de déploiement du service annoncé par le ministre n'a pas été tenu

Le principal obstacle au déploiement du service dans de nouveaux postes consulaires tient, selon les responsables administratifs du ministère auditionnés par les rapporteurs, à la limitation du nombre de personnels du ministère au sein du pôle de deuxième niveau affecté au site de La Courneuve et ayant pour mission de former et d'encadrer les téléconseillers employés par le prestataire . Si le nombre d'agents de ce pôle est passé de quatre à huit agents entre 2021 et 2022 et doit atteindre quatorze en 2023, la montée en puissance du dispositif est tributaire d'une augmentation des effectifs que la direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire (DFAE) affectera à cette mission.

Par ailleurs, en dépit du taux de satisfaction élevé des usagers qui a été évoqué, les retours d'expérience font état de certaines réponses inexactes données par les téléconseillers qui sont susceptibles de générer une forte frustration tant pour les usagers que pour les postes diplomatiques auxquels ils s'adressent.

2. La poursuite du déploiement du service France Consulaire suppose d'apporter une attention particulière à la lisibilité du dispositif et à la formation des répondants

Les rapporteurs relèvent que l'expérimentation du service France Consulaire est concluante et qu'elle constitue un levier d'amélioration du service rendu aux Français installés ou de passage à l'étranger.

Eu égard à l'importance de maintenir le haut niveau de qualité de ce service et des délais réduits de traitement des demandes, les rapporteurs seront attentifs au fait que le déploiement du service dans le réseau diplomatique et consulaire soit accompagné d'une augmentation adéquate des ressources associées, en particulier en matière d'emploi .

Les rapporteurs seront également attentifs à ce que le déploiement du service soit accompagné d'un travail approfondi avec le prestataire pour renforcer la formation des téléconseillers dont l'exactitude des réponses représente un enjeu pour la crédibilité de l'administration consulaire. Enfin, les rapporteurs seront attentifs à ce que l'effort de communication du ministère de l'Europe et des affaires étrangères soit poursuivi pour faire connaître ce nouveau dispositif et s'assurer que les usagers comprennent son périmètre et son articulation avec la plateforme France-Visas.

III. L'INFLATION ET LA DÉPRÉCIATION DE L'EURO RISQUENT DE GÉNÉRER DES TENSIONS SUR LE FINANCEMENT DE L'ACTION SOCIALE AU BÉNÉFICE DES FRANÇAIS À L'ÉTRANGER DÈS L'EXERCICE 2023

A. LE PROGRAMME 151 FINANCE NOTAMMENT LES DISPOSITIFS D'AIDE SOCIALE GÉRÉS PAR L'ADMINISTRATION CONSULAIRE ET LES BOURSES SCOLAIRES DISTRIBUÉES PAR L'AGENCE POUR L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS À L'ÉTRANGER (AEFE)

1. Le programme 151 finance les aides sociales pour les Français à l'étranger les plus fragiles gérées de manière déconcentrée par les postes consulaires

Les crédits du programme 151 abondent le financement du dispositif d'aides sociales au bénéfice des Français en difficulté à l'étranger.

La gestion de ces aides sociales est assurée au niveau global par la commission permanente pour la protection sociale des Français de l'étranger (CPPSFE) qui instruit les demandes transmises depuis l'échelon consulaire par les conseils consulaires lors de réunions en tant que conseil consulaire pour la protection et l'action sociale (CCPAS).

Les aides sociales versées par l'administration consulaire, subordonnées à des conditions d'âge ou de ressources, atteindront en 2022, en excluant de ce périmètre le dispositif exceptionnel « SOS covid », un montant de 15,4 M€ répartis entre 4 218 allocataires . La répartition géographique des bénéficiaires de ces aides fait apparaître la concentration des bénéficiaires dans certaines zones dont notamment l'Afrique du Nord, l'Afrique dite « zone CFA » et l'Amérique du Sud.

2. Le programme 151 finance les bourses scolaires distribuées par l'AEFE

Parallèlement au financement des dispositifs consulaires d'aides sociales, le programme 151 porte une dotation spécifique pour permettre à l'AEFE de verser les bourses scolaires attribuées pour aider les familles françaises expatriées à financer les frais de scolarité de leur enfant au sein du réseau de l'enseignement français à l'étranger.

Les bourses sont ouvertes, sous condition de ressources, aux enfants français, résidant avec leur famille à l'étranger, inscrits au registre mondial des Français établis hors de France et, en principe, scolarisés dans un établissement du réseau de l'AEFE .

En 2021, les bourses scolaires versées par l'AEFE ont bénéficié à 24 864 élèves répartis dans 137 pays soit 21% des élèves français scolarisés dans le réseau pour un montant total de 102,6 M€.

Depuis 2018, le programme 151 abonde une enveloppe de crédits gérée par l'AEFE pour financer des aides à la scolarisation des élèves en situation de handicap. Depuis le 1 er septembre 2021, cette aide est ouverte à l'ensemble des élèves concernés de nationalité française, scolarisés dans le réseau de l'AEFE, sans condition de ressources. Le montant de cette enveloppe est stable en 2023, avec 1,3 M€ en CP.

B. LA DÉGRADATION DE LA CONJONCTURE ÉCONOMIQUE MONDIALE RISQUE DE GÉNÉRER UNE TENSION SUR LE FINANCEMENT DE L'ACTION SOCIALE CONSULAIRE ET DES BOURSES SCOLAIRES EN 2023

1. La reprise mondiale de l'inflation et l'extinction du dispositif « SOS covid » risque de réduire la portée de l'action sociale consulaire en 2023

Le 31 août 2022, l'administration consulaire a mis en extinction le dispositif exceptionnel du secours occasionnel de solidarité (SOS covid) créé en avril 2020 pour apporter un soutien financier d'urgence aux Français à l'étranger fragilisés par la crise sanitaire liée à l'épidémie de covid-19.

Ce dispositif, inspiré de l'aide exceptionnelle de solidarité versée aux foyers les plus modestes en France, constituait une aide sociale soumise aux conditions de diminution de revenus, de nationalité et de résidence, reconductible tous les mois.

La création de ce dispositif exceptionnel s'est traduite par une forte augmentation des dépenses d'aides sociales de l'administration consulaire, les versements de l'aide SOS covid ayant atteint 12,1 M€ pour 82 000 aides versées pendant l'ensemble de l'année 2021 et 4 M€ pour 28 000 aides versées entre janvier et août 2022 .

Dans ce contexte, les rapporteurs relèvent que la hausse d'environ 1 M€ prévue par le projet de loi de finances pour le financement des aides versées par les CCPAS ne saurait être présentée comme une compensation à due proportion de la disparition du dispositif SOS covid.

Les rapporteurs relèvent également que la portée des aides sociales consulaires risque d'être réduite par la reprise de l'inflation au niveau mondial prévue par les institutions internationales de référence pour l'année 2023. À titre d'exemple, l'inflation annuelle atteignait plus de 160% au Liban en 2022 alors même que le poste de Beyrouth est le premier poste du réseau au regard du nombre de bénéficiaires des aides versées par la CCPAS.

Enfin, les rapporteurs relèvent que l'administration consulaire ne dispose pas d'instrument permettant de mesurer le taux de « non-recours » des dispositifs d'aide sociale , c'est-à-dire la proportion de nos concitoyens éligibles à ces aides qui n'en bénéficient pas du fait d'un manque d'information ou d'un choix personnel. Sans méconnaître les difficultés particulières liées au recueil d'information sur les Français établis à l'étranger, les rapporteurs soulignent qu'une réflexion sur l'ampleur ou sur les motifs de ce non-recours permettrait d'éclairer utilement tant la représentation nationale que l'administration consulaire elle-même sur la portée effective des aides sociales au bénéfice des Français à l'étranger.

Niveau d'inflation annuelle à la fin de l'année 2022

Zone euro

Monde

Liban

2. L'inflation des coûts de scolarité et la dépréciation de l'euro vont générer une tension sur le financement des bourses scolaires par l'AEFE en 2023

Les rapporteurs relèvent que les bourses scolaires font l'objet depuis plusieurs années d'un circuit de financement peu lisible qui nuit à la clarté de l'information accessible au Parlement et aux citoyens.

En effet, en 2016 et 2017, puis à nouveau en 2021 et 2022, le coût effectif des bourses scolaires pour l'exercice budgétaire a été supérieur à l'enveloppe budgétaire allouée en loi de finances. La différence a été prise en charge par un excédent de trésorerie de l'AEFE, la « soulte », qui a régulièrement abondé l'enveloppe de financement des bourses scolaires.

Ce mécanisme explique la réduction ponctuelle de la dotation budgétaire ramenée à 94,4 M€ en 2022 et que le projet de loi de finances pour 2023 fixe à 104,4 M€, soit un niveau proche de la dotation budgétaire pour l'exercice 2021.

Par ailleurs, les rapporteurs soulignent le fait que cette stabilité de la dotation pour les bourses scolaires entre 2021 et 2023 est susceptible de générer un risque de sous-budgétisation au regard des différents facteurs susceptibles de faire augmenter les besoins des élèves boursiers en 2023.

En effet, le coût effectif des bourses scolaires en 2023 devrait augmenter sous le double effet de la dépréciation de l'euro face au dollar, qui est la monnaie de référence pour une part importante des bourses versées, et de l'inflation des frais de scolarité dans le contexte de reprise générale de l'inflation, l'augmentation annuelle moyenne des frais de scolarité s'élevant à 8% en 2022 pour les établissements en gestion directe de l'AEFE.

Les rapporteurs seront à ce titre particulièrement attentifs à l'évolution du coût effectif des bourses scolaires pour éviter tout risque de sous-budgétisation de ce poste de dépenses dans les lois de finances .

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 16 novembre 2022, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Christian Cambon, président, a procédé à l'examen des crédits du programme 151 - Français à l'étranger et affaires consulaires - de la mission « Action extérieure de l'Etat ».

M. Bruno Sido, rapporteur pour avis . - Monsieur le président, chers collègues, pour commencer ce tour d'horizon des crédits de la mission « Action extérieure de l'État », mon collègue Guillaume Gontard et moi-même avons travaillé sur le programme 151. Ce programme comporte, comme chaque année, les ressources dédiées aux Français à l'étranger et aux affaires consulaires.

Elles se répartissent entre trois grands postes de dépenses : le service public pour nos compatriotes à l'étranger pour environ 60% des crédits ; le financement des bourses scolaires du réseau de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) pour près d'un tiers des crédits et enfin le traitement des demandes de visa pour les 15 % restant.

L'année 2023 marquera par ailleurs une forme de « retour à la normale » pour le programme 151 du fait de l'absence d'élection directe à l'échelle nationale. Pour mémoire, l'organisation des élections présidentielles puis législatives qui se sont tenues cette année avait donné lieu à un abondement spécifique de 14 M€ en loi de finances pour 2022. Nous relevons toutefois que pour faire face à cette échéance, le ministère avait réduit ponctuellement sa dotation de financement des bourses scolaires de près de 10 M€ en s'appuyant sur la soulte de l'Agence pour maintenir constant le soutien financier aux familles expatriées.

Ces deux opérations budgétaires s'étant en quelque sorte « mutuellement neutralisées » en 2022, c'est bien à une stabilisation des crédits que nous constatons pour l'année 2023 avec une hausse globale de 5 %.

Tout en saluant la hausse globale des effectifs du ministère prévue par le projet de loi de finances, qui atteint un niveau inédit depuis deux décennies, je relève que la répartition des créations d'emploi ne reflète pas l'importance de chacune des missions du ministère. L'administration consulaire est celle qui a été la plus mise à contribution pour la réduction des effectifs du ministère dans le cadre du plan « Action Publique 2022 ». Pour autant, la part de l'administration consulaire dans les créations de poste proposées pour 2023 est inférieure à son poids global dans le personnel du ministère.

Par ailleurs, nous nous sommes intéressés plus particulièrement à deux sujets dans le cadre de l'avis de cette année. Avant de laisser Guillaume Gontard évoquer la question des aides sociales et des bourses scolaires, je vais évoquer le déploiement du service France Consulaire.

Le service France Consulaire est une innovation mise en place par le Quai d'Orsay à partir du 13 octobre 2021. Il s'agit d'une plateforme de réponse dématérialisée qui peut être sollicitée par téléphone ou par courriel par les Français résidant à l'étranger ou de passage à l'étranger. Après avoir été testé dans cinq postes consulaires en 2021, ce service est désormais expérimenté dans treize pays au total depuis août 2022 dont notamment le Danemark, la Suède, la Lituanie ou encore la Roumanie. Comme nous l'ont indiqué nos interlocuteurs, ce service n'a pas vocation à instruire des dossiers individuels mais de proposer une information générale à destination de nos compatriotes.

Pour le dire autrement, les informations transmises par France Consulaire sont souvent déjà disponibles sur internet mais l'existence d'une ligne téléphonique renforce l'accessibilité du service public consulaire. Pour répondre à ces dizaines de milliers d'appels, le ministère a passé un marché public avec deux prestataires pour acheminer les appels et surtout créé un plateau de réponse adapté qui se situe dans les locaux du ministère à La Courneuve.

À la suite des échanges que nous avons pu avoir aussi bien avec la direction centrale compétente du Quai d'Orsay qu'avec les services consulaires du poste de Dublin, qui fait partie des cinq postes pilotes à avoir expérimenté le service à partir de 2021, nous retenons deux principaux points de vigilance.

Le premier concerne le fait que le service France Consulaire ne saurait servir de prétexte à de nouvelles réductions d'effectifs dans les postes consulaires qui ont été déjà largement réduits depuis plusieurs décennies.

Le second concerne le calendrier de déploiement du dispositif. Alors que le ministre Le Drian nous avait annoncé ici même que le service serait déployé dans toute l'Union européenne en 2022, nous constatons que le rythme de déploiement actuel est moins ambitieux.

Cette dernière constatation ne remet pas en cause la réussite de cette expérimentation. Elle justifie néanmoins que nous soyons particulièrement attentifs à ce que le déploiement de France Consulaire soit accompagné des moyens adéquats.

M. Guillaume Gontard, rapporteur pour avis . - Monsieur le président, chers collègues, nous avons également orienté nos travaux cette année sur l'action sociale au bénéfice des Français de l'étranger, qui comprend notamment les crédits portés par le programme 151 pour financer les bourses scolaires du réseau de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger ou AEFE.

Les dépenses sociales gérées par les postes consulaires ont connu plusieurs années exceptionnelles du fait de la création en avril 2020 du « soutien occasionnel de solidarité » ou SOS covid qui correspond à une aide mensuelle destinée aux Français installés à l'étranger ayant subi des pertes de revenus liées à la crise sanitaire.

La reconduction de cette aide pendant l'ensemble de l'année 2021 s'est traduite par un montant exceptionnel d'aides sociales versées pendant cet exercice avec 27 M€ dont 12 M€ pour le seul versement des aides SOS covid. La suppression du dispositif SOS covid en août 2022 aura pour conséquence une réduction globale du dispositif d'aide sociale avec un budget proposé de 16,2 M€ pour 2023. Ce dispositif revêt un caractère essentiel de solidarité pour nos compatriotes qui sont plus de 4 200 à avoir bénéficié d'une aide sociale en 2021, en supplément des nombreux bénéficiaires de l'aide exceptionnelle liée à la crise sanitaire.

À cet égard, l'augmentation d'environ 1 M€ de l'enveloppe de financement des aides sociales en 2023 ne peut pas être présentée sérieusement comme une compensation équivalente à la suppression du dispositif SOS covid dont le montant atteignait plus de 10 M€ en année pleine. Sans même parler des perspectives de récessions annoncées dans certains pays de l'Union européenne pour 2023, la reprise de l'inflation au niveau mondial génère une incertitude sur la portée des aides sociales qui seront versées en 2023. Face à une inflation qui devrait atteindre plus de 6 % à l'échelle mondiale en 2023, les aides sociales qui ne seront pas revalorisées risquent de voir leur valeur réelle diminuer.

Pour ne prendre qu'un exemple emblématique : le poste de Beyrouth est celui qui compte le plus d'allocataires des aides sociales consulaires en 2022. En septembre, le niveau de l'inflation en glissement annuel y atteignait plus de 162 %. S'il faut espérer que ces cas extrêmes resteront isolés, nous serons particulièrement attentifs à ce que la trajectoire financière des aides sociales consulaires tienne compte de la dégradation de la situation économique mondiale.

Enfin, à l'occasion de nos auditions, nous avons interrogé l'administration consulaire qui nous a indiqué qu'il n'existe pas d'indicateur chiffré sur le taux de « non-recours » de ces dispositifs d'aide sociale. Sans méconnaitre la difficulté de recueillir des informations sur nos compatriotes à l'étranger, il nous semble indispensable qu'une réflexion soit engagée pour créer un outil de suivi plus précis de ce taux de non-recours.

Sur le sujet des bourses scolaires, je rappelle pour mémoire que les bourses distribuées par le réseau de l'AEFE sont financées par une enveloppe spécifique prélevée sur les crédits du programme 151.

Les bourses versées par l'AEFE permettent chaque année de soutenir financièrement, sous condition de ressources, les familles françaises expatriées dont les enfants sont scolarisés dans le réseau de l'enseignement français à l'étranger. Un barème adapté prévoit ensuite la prise en charge totale ou partielle des frais de scolarité de l'élève boursier.

En 2021, ces bourses ont bénéficié à plus de 24 000 élèves répartis dans 137 pays différents pour un coût de 103 M€.

Les échanges que nous avons eus avec l'administration consulaire et le directeur général de l'Agence font ressortir deux points d'attention particuliers.

Le premier concerne la budgétisation de l'enveloppe de financement des bourses scolaires. Dans les dernières années, et en particulier en 2022, les crédits inscrits en loi de finances initiale ont été inférieurs au coût réel du financement des bourses scolaires. Cette différence était rendue possible par l'existence d'un excédent de trésorerie de l'Agence, appelé « soulte », qui a financé pendant plusieurs exercices successifs le solde entre les crédits votés en loi de finances et le coût réel des bourses.

Ce mécanisme nuit à la clarté et à la lisibilité du dispositif de financement des bourses scolaires et nous serons attentifs à ce que les crédits votés annuellement se rapprochent du coût réel des bourses scolaires.

Le second point d'attention concerne la probable augmentation du coût des bourses scolaires, et ce dès l'exercice 2023. En effet, la conjoncture économique que je viens d'évoquer se traduira par une hausse dynamique des frais de scolarité qui a déjà atteint +8 % en moyenne pour les établissements en gestion directe de l'Agence.

Pour conclure, nous proposons d'adopter un avis favorable pour les crédits du programme 151, ce qui ne nous empêche pas de souligner le fait qu'il est nécessaire que la trajectoire budgétaire de l'administration consulaire tienne compte de la dégradation du contexte économique mondial dans les prochains mois.

Mme Hélène Conway-Mouret . - J'ai une question sur les motifs de la lenteur du déploiement de France Consulaire. Est-ce qu'à l'occasion de vos auditions, il vous a été expliqué pourquoi les objectifs fixés initialement pour 2022 n'ont pas été atteints ?

M. Bruno Sido, rapporteur pour avis . - Un des points que je n'ai pas eu l'occasion d'évoquer à l'oral est le volume des questions traitées par France Consulaire depuis son expérimentation. Pour le seul poste de Dublin, plus de 17 000 questions ont été posées au téléphone en un an, auxquelles s'ajoutent les questions posées par courriel - le service par courriel ayant par ailleurs été écarté pour les postes intégrés au dispositif à partir de juin dernier du fait de lacunes d'expression écrite. On nous a clairement répondu sur le fait que le principal facteur de ralentissement du déploiement du service est actuellement lié au nombre de postes d'emploi prévus par l'administration pour encadrer la plateforme de réponse. L'encadrement est actuellement assuré par 8 agents mais l'intégration de nouveaux pays impliquera des créations d'emploi supplémentaires.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Mardi 25 octobre 2022

- Ministère de l'Europe et des affaires étrangères : Mme Monika LEWITOWICZ , Vice-consule de France en Irlande.

Lundi 7 novembre 2022

- Ministère de l'Europe et des affaires étrangères : Mme Laurence HAGUENAUER , Directrice des Français à l'étranger et de l'administration consulaire.

Mardi 8 novembre 2022

- Agence pour l'enseignement français à l'étranger : M. Olivier BROCHET , directeur.


* 1 Croatie, Danemark, Irlande, Slovénie et Suède

* 2 Croatie, Danemark, Hongrie, Irlande, Lettonie, Lituanie, Malte, Moldavie, Norvège, Tchéquie, Roumanie, Slovénie, Suède

* 3 Compte-rendu du mercredi 20 octobre 2021

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