Avis n° 117 (2022-2023) de MM. Ronan LE GLEUT et André VALLINI , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 17 novembre 2022

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N° 117

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 novembre 2022

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi de finances , considéré comme
adopté par l'Assemblée nationale
en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour
2023 ,

TOM E II

ACTION EXTÉRIEURE DE L'ÉTAT

Diplomatie culturelle et d'influence (Programme 185)

Par MM. Ronan LE GLEUT et André VALLINI,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon , président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Olivier Cigolotti, André Gattolin, Guillaume Gontard, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Pierre Laurent, Philippe Paul, Cédric Perrin, Rachid Temal , vice-présidents ; Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, Isabelle Raimond-Pavero, M. Hugues Saury , secrétaires ; MM. François Bonneau, Gilbert Bouchet, Alain Cazabonne, Pierre Charon, Édouard Courtial, Yves Détraigne, Mmes Catherine Dumas, Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Bernard Fournier, Mme Sylvie Goy-Chavent, M. Jean-Pierre Grand, Mme Michelle Gréaume, MM. André Guiol, Ludovic Haye, Alain Houpert, Mme Gisèle Jourda, MM. Alain Joyandet, Jean-Louis Lagourgue, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Panunzi, François Patriat, Gérard Poadja, Stéphane Ravier, Gilbert Roger, Bruno Sido, Jean-Marc Todeschini, Mickaël Vallet, André Vallini, Yannick Vaugrenard .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 16 ème législ.) : 273 , 285 , 286 rect., 292 , 337 , 341 , 364 , 369 , 374 , 386 et T.A. 26

Sénat : 114 et 115 à 121 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

En 2023, les crédits du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » augmenteront de 13 millions d'euros (+ 2 %) pour atteindre 744 millions d'euros.

Cette progression, quoique bienvenue, n'est cependant pas à la hauteur des ambitions portées par la France en matière d'influence, telles qu'elles ont notamment été rappelées par le président de la République dans son discours à l'Institut de France sur l'ambition pour la langue française et le plurilinguisme du 20 mars 2018 et dans la « feuille de route de l'influence » présentée le 14 décembre 2021.

S'agissant de l'enseignement français à l'étranger, la hausse de 30 millions d'euros des moyens de l'AEFE prévue en 2023 ne compensera que partiellement les dépenses nouvelles liées au soutien du réseau au Liban, à la hausse du point d'indice et à la mise en place d'un nouveau statut pour les personnels détachés. Au total, l'AEFE devra ainsi faire face à un accroissement de ses charges de l'ordre de 7 millions d'euros, ce surcroît de dépense étant appelé à augmenter dès 2024.

Dans le même temps, l'objectif de doublement des effectifs d'élèves d'ici 2030 est fictivement maintenu, alors que celui-ci apparaît désormais inaccessible et que les questions relatives au financement des investissements immobiliers des établissements en gestion directe ne sont pas encore réglées. Par ailleurs, la poursuite de cet objectif ne doit pas conduire à une multiplication irraisonnée du nombre d'établissements au risque de créer des situations de concurrence qui ne seraient pas souhaitables.

En matière d'accueil des étudiants étrangers, la stabilité des moyens consacrés à Campus France et aux bourses étudiantes apparaît en décalage avec l'objectif de « remonter sur le podium des nations les plus attractives pour les étudiants étrangers », ainsi que l'a formulé la ministre de l'Europe et des Affaires étrangères le 20 juillet dernier.

Enfin, s'agissant de la diplomatie culturelle, la hausse des crédits en faveur de la « feuille de route de l'influence » est à l'image des actions inscrites dans ce document : modeste. De même, la stabilité des moyens dédiés à notre réseau culturel interroge face aux difficultés anticipées par le ministère concernant les instituts français et au voeu - pieux - présidentiel d'ouvrir dix nouvelles Alliances françaises par an.

Vos rapporteurs pour avis appellent par conséquent à sortir enfin de l'incantation et à donner à la diplomatie culturelle et d'influence française les moyens de ses ambitions.

Le mercredi 16 novembre 2022, sous la présidence de M. Christian Cambon, président, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».

I. UNE HAUSSE DES MOYENS DE L'AEFE EN TROMPE-L'OEIL

Le projet de loi de finances (PLF) pour 2023 prévoit une progression des crédits du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » de 13 millions d'euros à périmètre courant pour atteindre 743,8 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) comme en crédits de paiement (CP). Hors mesure de périmètre (transfert de la compétence tourisme au ministère de l'économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique se traduisant par un transfert sortant de 28,7 millions d'euros correspondant à la subvention pour charges de service public versée à Atout France) et hors dépenses de personnel, la hausse des crédits du programme atteindra près de 40 millions d'euros.

Une subvention à l'AEFE en hausse de

Dont

L'essentiel de cette augmentation sera consacré au financement de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE), à hauteur de 30 millions d'euros 1 ( * ) , dont 10 millions d'euros iront aux établissements du réseau d'enseignement français à l'étranger au Liban, 13 millions d'euros seront consacrés à la prise en charge de l'augmentation du point d'indice entrée en vigueur au 1 er juillet 2022 et 7 millions d'euros seront destinés à compenser la moitié du surcoût lié à la mise en place d'un nouveau statut pour les personnels détachés 2 ( * ) .

Sur ce dernier point, si la ministre de l'Europe et des Affaires étrangères a assuré devant la commission 3 ( * ) que l'autre moitié de ce surcoût serait financée par un reliquat de crédits ouverts en troisième loi de finances rectificative pour 2020 au titre des bourses scolaires, en réalité, ces crédits auront été intégralement consommés en 2022 .

In fine , l'AEFE devra par conséquent supporter une charge supplémentaire de 7 millions d'euros en 2023, dans un contexte d'accroissement des effectifs d'élèves accueillis (cf. infra ), de forte inflation et d'évolution du cours de l'euro qui pourraient nécessiter des revalorisations salariales dans certains pays rencontrant des difficultés de recrutement. Si le directeur général de l'AEFE s'est montré optimiste quant à la capacité de l'opérateur de supporter cette charge en 2023, en raison de marges dégagées en 2022 sur les dépenses de personnel (sous-consommation du plafond d'emplois sur une partie de l'année 2022 dans l'attente de la mise en oeuvre du nouveau statut), le surcoût lié à la réforme du statut des personnels détachés a vocation à croître dès l'année suivante . En 2024, il pourrait ainsi dépasser les 30 millions d'euros, du fait d'un renouvellement important du nombre de contrats, avant de se stabiliser à un niveau compris entre 20 millions d'euros et 25 millions d'euros par an à partir de 2025 . Le principe d'une compensation pérenne, à hauteur de 50 % de la dépense supplémentaire, semble avoir été accepté par le ministère de l'économie, il conviendra cependant d'être vigilant quant au respect de cet engagement dans les années à venir et à l'impact de cette charge sur l'opérateur .

II. UN OBJECTIF DE DOUBLEMENT DES EFFECTIFS D'ÉLÈVES D'ICI 2030 IRRÉALISTE

A. AU RYTHME ACTUEL, UN OBJECTIF QUI NE SERAIT ATTEINT QU'À LA RENTRÉE 2049

Des effectifs d'élèves atteignant

Un rythme de progression annuelle de

Un doublement atteint en

à la rentrée 2022

depuis 2017

à ce rythme

Dans son discours à l'Institut de France sur l'ambition pour la langue française et le plurilinguisme du 20 mars 2018, le président de la République a fixé l'objectif de doubler les effectifs d'élèves du réseau de l'AEFE, pour atteindre 700 000 élèves à l'horizon 2030. Or cet objectif, déjà ambitieux lors de sa fixation, apparaît désormais irréaliste .

En effet, au rythme de progression actuel des effectifs (+ 2,2 % par an depuis 2017), le doublement ne sera atteint qu'à la rentrée 2049 . Le respect de l'objectif présidentiel supposerait un taux de croissance annuel moyen de 7,6 % à compter de la rentrée 2023 ce qui, en dépit d'une accélération constatée en 2022 (+ 3,5 %), semble hors de portée .

B. UNE CROISSANCE « EXTERNE » DU RÉSEAU QUI DOIT RESTER MAÎTRISÉE

Établissements à la rentrée 2018

Établissements à la rentrée 2022

Si la volonté d'accroître significativement les effectifs d'élèves accueillis dans le réseau de l'AEFE n'est pas contestable en soi, dans la mesure où, d'une part, l'enseignement français à l'étranger constitue le fer de lance de notre politique d'influence et, d'autre part, la définition d'un objectif chiffré permet de fixer un horizon pour l'opérateur, celle-ci ne doit pas conduire à l'émergence d'une concurrence néfaste entre établissements .

Plusieurs personnes entendues ont ainsi mentionné des exemples d'ouvertures d'établissements à proximité immédiate d'établissements historiques ou situées dans des zones déjà couvertes par ces établissements . Si l'AEFE estime que l'accroissement du réseau ne s'est pas traduit par un report d'effectifs des établissements « historiques » vers des établissements nouvellement créés ou homologués, ce risque constitue néanmoins un point de vigilance. À cet égard, il apparaît indispensable qu'au-delà du travail de cartographie réalisé par les ambassades, une véritable « carte scolaire » soit établie par l'AEFE .

C. UNE CROISSANCE « INTERNE » QUI NE DOIT PAS ÊTRE ENTRAVÉE PAR LA QUESTION DU FINANCEMENT DES INVESTISSEMENTS IMMOBILIERS

L'augmentation des effectifs d'élèves passe nécessairement par des opérations immobilières destinées à développer les capacités d'accueil des établissements en gestion directe (EGD). Les travaux conduits dans le cadre de la préparation du schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI) 2022-2026 de l'AEFE laissent ainsi apparaître des besoins estimés à un montant supérieur à 200 millions d'euros sur la période.

Or la question des modalités de financement de ces investissements n'est toujours pas résolue. En effet, le contrat d'objectifs et de moyens 2021-2023 prévoit la fin de la possibilité pour l'opérateur de recourir aux avances de l'Agence France Trésor au plus tard en 2023 4 ( * ) alors que, du fait de son rattachement aux organismes divers d'administration centrale (ODAC), le recours aux emprunts de plus de 12 mois lui est interdit depuis la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2011 à 2014. Dès lors, trois scénarios principaux peuvent être envisagés pour permettre aux établissements de financer leurs opérations immobilières : i) une mutualisation des trésoreries constituées par les établissements pour la réalisation de leurs opérations immobilières 5 ( * ) , ii) un retour à la situation antérieure en prévoyant une exception pour l'AEFE lui permettant de recourir à l'emprunt et iii) une inscription de crédits sur la ligne de subvention pour charges d'investissement dès le PLF 2024.

Mutualiser les trésoreries des établissements

Créer une exception pour l'AEFE lui permettant d'avoir de nouveau recours à l'emprunt

Abonder la ligne de subvention pour charges d'investissement dès le PLF 2024

Le premier scénario, s'il devait conduire à une mutualisation intégrale des trésoreries des EGD, doit être écarté. Il ne serait en effet pas acceptable que l'augmentation des frais de scolarité consentie par les familles afin de financer les opérations immobilières concernant l'établissement dans lequel leurs enfants sont, ou ont été, scolarisés bénéficient à l'ensemble des EGD , a fortiori dans un contexte où les frais de scolarité devraient augmenter significativement à partir de la rentrée 2023 du fait de l'inflation . En tout état de cause, la trésorerie mobilisable à ce titre ne permettrait pas de satisfaire l'ensemble des besoins des établissements .

S'agissant de la possibilité pour l'AEFE d'avoir de nouveau recours à l'emprunt, la rédaction de l'article 12 de la LPFP 2011 à 2014, qui dispose que l'interdiction de recourir à l'emprunt s'applique aux ODAC « nonobstant toute disposition contraire des textes qui leur sont applicables » et qu'un « arrêté 6 ( * ) du ministre chargé du budget établit la liste des organismes auxquels s'applique cette interdiction », semble laisser ouverte la possibilité d'un tel scénario. Interrogé sur ce point, le ministère de l'économie n'a cependant pas répondu à vos rapporteurs pour avis.

L'inscription de crédits sur la ligne de subvention pour charges d'investissement 7 ( * ) , dont le montant serait précisé au regard notamment de la capacité d'autofinancement dégagée par chaque établissement, pourrait par conséquent constituer la solution la plus adaptée.

S'agissant des établissements conventionnés et partenaires, l'article 198 de la loi de finances pour 2021 et l'arrêté du 2 avril 2021 8 ( * ) ont prévu que la garantie de l'État, dont ils peuvent bénéficier au titre des emprunts souscrits pour le financement d'investissements immobiliers, n'est plus accordée par l'Association nationale des établissements français à l'étranger (ANEFE) 9 ( * ) mais par l'État directement et donne lieu au versement d'une rémunération dont le montant est compris entre 0,32 % et 1,8 % du capital restant dû à chaque échéance au titre du prêt garanti. En 2022, la Commission interministérielle chargée d'émettre un avis sur l'octroi de la garantie de l' É tat aux établissements d'enseignement français à l'étranger (COGAREFE) s'est réunie 3 fois et a examiné 7 dossiers (Erevan, Lima, Arequipa, Sao Paulo, Abidjan, Kigali et Pointe-Noire), qui ont tous reçu un avis favorable. Les taux de rémunération proposés étaient compris entre 0,4 % et 0,8 %.

Si, dans les faits, la garantie de l'État n'a jamais été utilisée 10 ( * ) , celle-ci permet aux établissements bénéficiaires d'avoir accès à des conditions d'emprunt plus favorables . Vos rapporteurs pour avis seront par conséquent vigilants à ce que, d'une part, les conditions proposées par la COGAREFE soient bien celles figurant in fine dans les arrêtés pris par le ministre de l'économie et, d'autre part, que les nouvelles conditions d'octroi de la garantie de l'État ne se traduisent pas par une diminution du nombre d'établissements bénéficiaires ou des conditions nettement moins favorables que sous l'ancien dispositif.

III. L'ACCUEIL DES ÉTUDIANTS ÉTRANGERS : UNE STRATÉGIE « BIENVENUE EN FRANCE » UTILE MAIS QUI NE PERMETTRA PAS À LA FRANCE DE RETROUVER SA PLACE DANS LE CLASSEMENT INTERNATIONAL

Une subvention pour charges de service public à Campus France de

Des crédits de bourses étudiantes de

La France à la

stable

stable

place des pays d'accueil en 2020 (4 e place en 2015)

Les objectifs de la politique d'accueil d'étudiants étrangers pour 2022-2023 s'intègrent dans la stratégie « Bienvenue en France » lancée en novembre 2018 par Édouard Philippe, alors Premier ministre, qui vise notamment le passage de 324 000 étudiants à 500 000 étudiants internationaux à l'horizon 2027 et le doublement du nombre de bourses versées par le MEAE. Cette stratégie s'est déclinée en différentes actions mises en oeuvre au niveau central (facilitation des procédures d'inscription via la plateforme Études en France 11 ( * ) et de la délivrance des visas) et au sein des établissements labellisés 12 ( * ) (développement de bureaux d'accueil et de campagnes de communication, mise en place de cours de français en langue étrangère ou encore recrutement de chargés d'accueil).

Bien qu'utiles, ces mesures ne devraient pas permettre à notre pays de retrouver sa place dans le classement international . En effet, si en 20212022, la France a franchi le cap des 400 000 étudiants accueillis (apprentis inclus), le dynamisme de la mobilité étudiante profite davantage à nos compétiteurs. La France est ainsi désormais devancée par l'Allemagne ou encore la Russie, et les Émirats arabes unis ont accueilli un nombre d'étudiants internationaux très proche du nôtre en 2019. Par ailleurs, la Turquie, la Chine, le Japon et la Corée du Sud ont connu des taux de progression très significatifs entre 2014-2019 (respectivement + 221 %, + 85 %, + 86 % et + 88 %).

Plusieurs facteurs peuvent expliquer la perte de vitesse de la France dans ce domaine :

1. concernant les bourses, l'objectif de doublement des bourses du MEAE ne s'est pas traduit, jusqu'à présent, par une augmentation des crédits afférents, l'enveloppe étant identique à celle de 2017. À titre d'exemple, l'Allemagne consacre un budget fléché pour les mobilités entrantes près de 3 fois supérieur à celui de la France, le montant des bourses versées par le gouvernement australien s'élève à 266 millions d'euros, contre 64 millions d'euros pour la France, l'Arabie Saoudite propose des programmes de bourses pouvant aller jusqu'à 26 000 euros par an, contre 860 euros par mois environ pour la France. La durée moyenne des bourses du Gouvernement français apparaît en outre trop courte (moins de 6 mois), ce qui se traduit par un saupoudrage des moyens et ne permet pas de créer un lien pérenne avec l'étudiant accueilli. Par ailleurs, il conviendrait que Campus France dispose d'une plus grande visibilité s'agissant de la programmation des bourses établie par le MEAE chaque année. Actuellement, le montant de la commande publique en bourses, missions et invitations est communiqué à l'opérateur postérieurement à la construction du budget (en février / mars de l'année N+1). Il en résulte des écarts importants entre le montant voté en loi de finances initiale et le montant effectivement mis à disposition de l'opérateur, compris entre 11 millions d'euros et 16 millions d'euros. Il serait souhaitable que les questions relatives à la programmation figurent dans le futur contrat d'objectifs et de performance qui devrait être présenté au Parlement cet automne ;

2. la subvention versée à Campus France, suffisante à iso activité, ne lui permettra pas à l'évidence de faire face à un éventuel doublement du nombre de boursiers ;

3. plus fondamentalement, l'attractivité de la France souffre de la complexité de l'offre de l'enseignement supérieur et de la recherche français (coexistence d'universités, de grandes écoles, d'écoles d'application, etc.), des problématiques d'accueil en matière de logement, ou d'obtention de visas notamment et de la faiblesse de l'offre de formation en anglais , ces éléments constituant autant d'axes d'amélioration de la politique d'accueil d'étudiants internationaux de notre pays.

Enfin, il est apparu au cours des auditions que Campus France ne dispose d'aucun mandat pour accompagner les jeunes français de l'étranger venant étudier en France, cette problématique n'étant par ailleurs pas traitée par d'autres services. Vos rapporteurs estiment qu'au regard du choc administratif voire culturel que peuvent rencontrer ces jeunes, qui ont effectué toute leur scolarité à l'étranger, un accompagnement par l'opérateur devrait être envisagé.

IV. UNE STABILITÉ DES MOYENS CONSACRÉS À LA DIPLOMATIE CULTURELLE TÉMOIGNANT D'UNE AMBITION DE FAÇADE

A. EN MATIÈRE CULTURELLE, UNE DÉCLINAISON DE LA « FEUILLE DE ROUTE DE L'INFLUENCE » QUI S'AVÈRE PEU AMBITIEUSE

Présentée en décembre 2021 par Jean-Yves Le Drian, alors ministre des Affaires étrangères, la « feuille de route de l'influence » a vocation à constituer un cadre d'action pour consolider et développer l'influence de la France dans le monde. 4 domaines prioritaires ont ainsi été identifiés : i) la promotion de la langue française et le développement de l'enseignement français à l'étranger, ii) le renforcement de la politique d'attractivité universitaire et scientifique, iii) la promotion de l'influence culturelle et intellectuelle à travers le soutien à l'export des industries culturelles et créatives (ICC) et iv) le renforcement de l'attractivité économique et touristique de la France.

Si des objectifs en matière d'enseignement français à l'étranger et d'accueil d'étudiants internationaux ont été clairement définis (cf. supra ), le contenu de cette feuille de route dans son volet influence culturelle semble plus flou (« mobilisation » des 37 ambassades à mission prioritaire ICC sur la relance des filières culturelles, « poursuite » de l'extension et de la modernisation du réseau culturel et linguistiques, etc.) ou sans réelle ambition (finalisation du rapprochement entre l'Institut français et la Fondation des Alliances françaises, mise en oeuvre d'une plateforme numérique d'appui aux écoles de langue à l'étranger). Un tableau de bord permettant de mesurer l'impact des politiques d'influence devait être opérationnel en début d'année 2022. Interrogée sur la mise en oeuvre de cet instrument, la ministre de l'Europe et des Affaires étrangères a indiqué que celui-ci n'avait fait l'objet que d'« une première ébauche ». À défaut de tableau de bord, il serait souhaitable qu'un bilan consolidé des actions mises en oeuvre dans le cadre de la « feuille de route » soit établi chaque année .

S'agissant de l'année 2022, selon les informations transmises par le MEAE, 15,1 millions d'euros ont ainsi été consacrés à la relance de notre politique d'influence , dont 1,6 million d'euros au titre du soutien à la promotion et au développement des industries culturelles et créatives, 1 million d'euros au titre du lancement aux États-Unis de résidences d'artiste (Villa Albertine), 1 million d'euros au titre du développement de l'enseignement supérieur via les campus franco-X dans la zone indopacifique notamment, 6 millions d'euros au titre de la relance de l'attractivité étudiantes et 5 millions d'euros au titre d'une nouvelle contribution française au fonds de l'Alliance internationale pour la protection du patrimoine culturel dans les zones de conflit armé (ALIPH). Au total, le volet culturel de la feuille de route n'aura donc bénéficié que d'un surcroît de crédits de 7,6 millions d'euros .

En 2023, 2 millions d'euros supplémentaires devraient être consacrés aux actions de la feuille de route de l'influence. Si celles-ci ne sont pas précisément définies à ce stade, elles devraient notamment concerner le développement de projets d'enseignement supérieur et de recherche dans la zone Indopacifique notamment et le renforcement de la projection française en matière d'expertise et de coopération muséale. Vos rapporteurs pour avis ne peuvent que constater la faiblesse des moyens alloués à la relance de l'influence culturelle française lesquels seront en outre financés par des « économies de constatation » touchant notamment le programme Villa Albertine (- 0,5 million d'euros, ce projet ayant vocation à obtenir des financements de mécénat) et la contribution au fonds de l'ALIPH (- 0,7 million d'euros).

B. UNE REMONTÉE EN PUISSANCE DU RÉSEAU CULTUREL FRANÇAIS QUI SE FAIT ATTENDRE

En 2023, les dotations versées aux établissements à autonomie financière (EAF) seront maintenues à leur niveau de 2022 13 ( * ) . Cette stabilité interroge alors que, comme le souligne le projet annuel de performances (PAP) , certains EAF sont « particulièrement fragilisés par les conséquences des confinements et des crises politiques. Le réseau doit également faire face à une vague inflationniste sans précédent depuis des décennies ». Certes, les ressources propres des EAF étaient dynamiques en 2021 (220 millions d'euros, + 14 % par rapport à 2020). Néanmoins, comme le note le PAP « l'inflation risque d'avoir un effet négatif sur le nombre d'apprenants et de candidats aux certifications. On pourrait donc enregistrer dans les prochains mois un tassement des recettes propres de nos EAF » dans un contexte marqué en outre par une forte incertitude dans certains pays.

Par ailleurs, l'Institut français verra sa subvention pour charges de service publique stabilisée en 2023 (28,3 millions d'euros). Si les moyens de l'opérateur ont connu une augmentation en 2019 (+ 2 millions d'euros) pour la mise en oeuvre du plan pour la langue française et le plurilinguisme 14 ( * ) et la saison « Africa 2020 », ces moyens supplémentaires n'ont toutefois pas été reconduits depuis. La politique de maîtrise des dépenses de structure poursuivie par l'Institut français 15 ( * ) - qui se traduira, par exemple, en 2023 par une diminution du coût des loyers budgétaires du fait du déménagement de son siège parisien - permettra certes de dégager des marges au profit de ses activités, mais une augmentation des moyens de l'Institut français aurait été légitime , dans la mesure où, d'une part, le soutien de l'Institut français aux réseaux culturels et au secteur culturel est crucial et, d'autre part, dans le cadre du futur contrat d'objectifs et de performance 2023-2025, qui devrait être transmis au Parlement prochainement, les missions de l'opérateur devraient être pérennisées.

S'agissant des Alliances françaises, qui célèbreront leur 140 e anniversaire en 2023, si le réseau a bien résisté à la crise sanitaire, le nombre d'Alliances françaises étant stable depuis 2020, force est de constater que l'objectif affiché par le président de la République en 2018 d'ouvrir 10 nouvelles Alliances françaises chaque année, relève du voeu pieux . En tout état de cause, si la croissance du réseau, qui résulte d'initiatives locales, doit être accompagnée, elle ne doit pas s'opérer à marche forcée , au risque de créer des situations de concurrence entre Alliances françaises ou avec les Instituts français.

AMENDEMENT PROPOSÉ PAR VOTRE COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, DE LA DÉFENSE ET DES FORCES ARMÉES

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2023

SECONDE PARTIE

MISSION ACTION EXTÉRIEURE DE L'ÉTAT

ETRD.1

DIRECTION

DE LA SÉANCE

(n° s 114, 115, 120, avis 117)

22 NOVEMBRE 2022

A M E N D E M E N T

présenté par

MM. LE GLEUT et VALLINI

_________________

ARTICLE 41 A

Supprimer cet article.

OBJET

Issu d'un amendement de notre collègue député Frédéric Petit, cet article a été introduit par le Gouvernement dans le projet de loi de finances pour 2023, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution. Il prévoit la création d'un comité de gestion des établissements en gestion directe (EGD) contrôlé à hauteur de 60 % minimum par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) et de 25 % minimum par les parents d'élèves. Ce comité, indépendant de l'AEFE, assumerait les responsabilités de gestion et de direction des EGD afin d'établir une distinction entre les fonctions de gestion des EGD et d'animation/développement du réseau qui incombent actuellement à l'AEFE.

D'un point de vue juridique, les dispositions du présent article, qui n'ont aucune incidence budgétaire, ne semblent pas relever du domaine des lois de finances. Par ailleurs, la composition mixte de ce comité, dont le statut juridique n'est pas précisé, pose question dans la mesure où ce dernier se verra chargé de la gestion de services déconcentrés de l'État et dont le patrimoine immobilier appartient à l'État.

Sur le fond, le présent article tend à séparer artificiellement les EGD du reste du réseau dont ils sont pourtant partie prenante.

Si un débat pourrait être ouvert sur la question de transparence de la gouvernance des EGD, le projet de loi de finances ne semble pas être le texte idoine pour traiter cette problématique.

C'est pourquoi vos rapporteurs pour avis proposent de supprimer le présent article.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 16 novembre 2022, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Christian Cambon, président, a procédé à l'examen du rapport de MM. Ronan Le Gleut et André Vallini, sur les crédits « Diplomatie culturelle et d'influence ».

M. Ronan Le Gleut, rapporteur pour avis . - Il est désormais admis que les luttes d'influence sont au coeur de la compétition mondiale. En la matière, la France dispose d'incontestables atouts : premier réseau culturel au monde avec 93 instituts français et plus de 830 Alliances françaises, 1 er réseau éducatif avec 566 établissements dans 138 pays, 3 e réseau diplomatique. Pour autant, la place de la France n'est pas immuable. Sa présence, sa culture ou encore les valeurs qu'elle promeut peuvent être contestées, parfois violemment et sous l'impulsion de certains de nos compétiteurs, pour qui l'influence constitue désormais la continuation de la guerre par d'autres moyens.

Au cours du précédent quinquennat, le Gouvernement a affiché des ambitions élevées pour la diplomatie culturelle et d'influence de notre pays, ambitions reprises dans une « feuille de route de l'influence » présentée en décembre 2021 par Jean-Yves Le Drian et qui fixe encore le cap de notre politique d'influence. Pour autant, force est de constater qu'un fossé s'est creusé entre les discours et les actes.

Je me concentrerai sur l'enseignement français à l'étranger et laisserai André Vallini vous exposer notre position sur la politique d'accueil des étudiants internationaux et les moyens consacrés à notre diplomatie culturelle.

En 2023 les crédits du programme 185 progresseront de 13 millions d'euros, soit une hausse de 2 %. Pour être tout à fait précis, cette hausse atteindra 40 millions d'euros une fois retraitée d'une mesure de périmètre, la compétence tourisme ayant été transférée au ministère de l'économie. Présentée ainsi, cette augmentation a de quoi satisfaire les rapporteurs que nous sommes. En effet, sur ces 40 millions supplémentaires, 30 millions iront à l'AEFE. Mais ce qui nous est présenté comme une hausse importante des moyens de l'enseignement français à l'étranger ne vise en réalité qu'à compenser des dépenses supplémentaires : l'aide au réseau de l'enseignement français au Liban, à hauteur de 10 millions d'euros ; l'augmentation du point d'indice, à hauteur de 13 millions d'euros ; et la mise en place d'un nouveau statut pour les personnels détachés, à hauteur de 7 millions d'euros. Sur ce dernier point, les crédits ouverts en PLF ne permettront de couvrir que la moitié du surcoût.

La ministre s'était voulue rassurante en nous indiquant que l'autre moitié de ce surcoût serait financée par un reliquat de crédits ouverts en 2020. Il n'en est rien. Loin d'une augmentation de ses moyens, l'Agence devra donc faire face à une dépense supplémentaire de 7 millions d'euros en 2023. Et cette dépense a vocation à croître dès 2024. Cette stagnation, voire cette régression des moyens de l'AEFE n'a néanmoins pas conduit le Gouvernement à interroger l'objectif présidentiel de doubler les effectifs d'élèves du réseau de l'AEFE d'ici 2030, lequel apparaît désormais irréaliste. En effet, selon nos calculs, au rythme de croissance des effectifs actuel, cet objectif ne sera atteint qu'en 2049.

En tout état de cause, l'augmentation du nombre d'élèves ne doit pas constituer l'alpha et l'omega de l'enseignement français à l'étranger. En effet, nous avons été alertés sur le risque du développement d'une concurrence entre établissements. C'est pourquoi nous appelons à la mise en place d'une véritable « carte scolaire » établie par l'AEFE, avec l'appui des postes diplomatiques afin de garantir un développement harmonieux du réseau.

Par ailleurs, la croissance du réseau ne doit pas être entravée par la question du financement des investissements immobiliers des établissements sous gestion directe. Si ce problème, lié à l'interdiction pour l'AEFE d'avoir recours à l'emprunt, est connu de longue date, celui-ci n'est malheureusement toujours pas résolu. Les besoins en la matière sont pourtant importants qu'il s'agisse de l'extension des établissements existants mais aussi de la rénovation de leurs installations. C'est pourquoi avec André Vallini nous proposons qu'une subvention pour charges d'investissement soit inscrite dès le PLF 2024.

En conclusion, mes chers collègues, vous l'aurez compris ce PLF ne nous semble pas à la hauteur d'une politique d'influence réellement ambitieuse et nous appelons le Gouvernement à enfin sortir de l'incantation. Pour autant, les crédits du programme 185 étant taillés à juste suffisance, nous ne pouvons que vous proposer d'émettre un avis favorable à leur adoption.

M. André Vallini, rapporteur pour avis . - Notre analyse du projet de loi de finances pour 2023 concernant l'accueil des étudiants étrangers et la diplomatie culturelle est également nuancée.

S'agissant du renforcement de l'attractivité de la France en matière de mobilité étudiante, la subvention pour charges de service public versée à Campus France sera stable en 2023 à 3,5 millions d'euros. Les crédits consacrés aux bourses étudiantes s'élèveront quant à eux à 64 millions d'euros, un montant également stable par rapport à 2022. La stabilité des moyens consacrés à la politique d'accueil des étudiants étrangers serait logique si la croissance du nombre d'étudiants internationaux accueillis par la France au cours de la dernière décennie avait atteint des taux particulièrement dynamiques, à l'image de certains de ses compétiteurs tels que l'Allemagne, la Turquie, la Chine ou encore la Corée du Sud. Mais tel n'est malheureusement pas le cas.

Certes en 2021/2022, le nombre d'étudiants internationaux accueillis dans notre pays a atteint un niveau record de 400 000, mais ce chiffre ne doit pas cacher une réalité moins positive : notre pays est en perte de vitesse dans ce domaine. Entre 2014 et 2019, la France est ainsi passée de la 4 e place à la 7 e place dans le classement des pays accueillant le plus d'étudiants en mobilité.

Des mesures ont été prises pour tenter d'inverser cette tendance. Je pense notamment à la stratégie « Bienvenue en France » lancée par Édouard Philippe en novembre 2018, qui se fixait comme objectifs d'atteindre 500 000 étudiants accueillis à l'horizon 2027 ainsi qu'un doublement du nombre de bourses versées par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Ces mesures ne nous semblent cependant pas suffisantes pour permettre à la France de « remonter sur le podium des nations les plus attractives pour les étudiants étrangers », selon les mots de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Notre pays doit en effet faire face à de nombreux défis.

Premièrement, le décalage entre des moyens accordés à Campus France et aux bourses étudiantes qui stagnent et les ambitions affichées. Je rappelle que le budget allemand consacré aux mobilités entrantes est 3 fois supérieur au nôtre.

Deuxièmement, la durée moyenne des bourses doit être allongée. Actuellement, celle-ci est de moins de 6 mois, ce qui conduit à un saupoudrage des moyens et ne permet pas de créer un lien pérenne avec l'étudiant accueilli.

Troisièmement, notre système universitaire souffre de son manque de lisibilité du fait de la coexistence d'écoles et d'universités, ce qui nécessite un effort de pédagogie auprès des étudiants étrangers. Par ailleurs, l'offre d'enseignements en anglais, notamment en licence et en master, demeure insuffisante. Enfin, l'effort de simplification des démarches administratives doit être poursuivi.

J'en viens maintenant aux crédits consacrés à la diplomatie culturelle. Outre qu'en la matière, les actions inscrites dans la feuille de route de l'influence nous semblent soit floues soit peu ambitieuses, celles-ci ne sont pas clairement identifiables au sein des documents budgétaires. Un tableau de bord devait être mis en place en début d'année, mais, à l'heure actuelle, celui-ci n'existe, selon les mots de la ministre, qu'à l'état d'ébauche. Tout au plus savons-nous que 2 millions d'euros seront consacrés aux actions de cette feuille de route en 2023, lesquels seront en outre financés par des économies dites de constatation, sans que l'on sache précisément ce que cela signifie.

Enfin, les moyens consacrés au réseau culturel, qu'il s'agisse des instituts français comme des Alliances françaises, seront eux également stables l'année prochaine. Cette stabilité interroge alors que le ministère est conscient de la fragilisation de certains établissements à autonomie financière du fait de la crise sanitaire et de la forte probabilité d'une diminution de leurs recettes propres l'an prochain du fait de l'inflation. Je n'évoque pas le voeu présidentiel d'ouvrir 10 nouvelles Alliances françaises par an, qui semble désormais enterré...

En conclusion, mes chers collègues, le budget qui nous est présenté est un budget sans réelle ambition sur lequel nous vous proposons d'émettre un avis favorable sans réel enthousiasme.

M. Ronan Le Gleut, rapporteur pour avis . - L'article 41 A est issu d'un amendement de notre collègue député Frédéric Petit qui a été repris par le Gouvernement dans le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Cet article prévoit la création d'un comité de gestion des établissements en gestion directe contrôlé à hauteur de 60 % minimum par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger et de 25 % minimum par les parents d'élèves. Ce comité, indépendant de l'AEFE, assumerait les responsabilités de gestion et de direction des EGD afin d'établir une distinction entre les fonctions de gestion des EGD d'une part, et celles d'animation/développement du réseau, d'autre part, qui relèvent actuellement toutes de l'AEFE.

D'un point de vue juridique, les dispositions du présent article, qui n'ont aucune incidence budgétaire, ne semblent pas relever du domaine des lois de finances. On peut d'ailleurs se demander si le Gouvernement n'a pas retenu cet amendement pour satisfaire sa majorité en sachant pertinemment qu'il ne passerait ni le filtre du Sénat, ni in fine celui du Conseil Constitutionnel. Par ailleurs, la composition mixte de ce comité, dont le statut juridique n'est pas précisé, nous interroge dans la mesure où ce dernier se verra charger de la gestion de services déconcentrés de l'État, services dont le patrimoine immobilier appartient en outre à l'État.

Sur le fond, le présent article tend à séparer artificiellement les EGD du reste du réseau dont ils sont pourtant partie prenante. Le débat sur la transparence de la gouvernance des EGD mérite d'être ouvert, mais cette question ne doit pas être traitée dans l'urgence, sans étude d'impact, au risque de déstabiliser l'ensemble du réseau. C'est pourquoi nous vous proposons de supprimer cet article. Je précise que la commission des finances a adopté un amendement identique pour les mêmes raisons.

M. Olivier Cadic . - Je pense que l'initiative de notre collègue député Frédéric Petit est très astucieuse et importante lorsque l'on s'intéresse à l'avenir des établissements en gestion directe (EGD). Aujourd'hui, il n'y a pas de comptabilité par EGD mais uniquement une comptabilité consolidée des 68 EGD. On ne sait pas quel établissement gagne de l'argent et quel établissement en perd. On donne l'impression que les EGD fonctionnent uniquement avec de l'argent public, c'est faux. Les EGD doivent avoir des ressources venant des parents d'élèves. Il n'y a aucun contrôle sur l'argent public allant à chaque EGD. Cet article permettrait de renforcer la transparence. J'invite donc à ne pas voter l'amendement de nos rapporteurs. Les résistances que j'ai observées, qui venaient surtout de certains syndicats enseignants, m'ont rappelé celles que j'ai rencontrées quand j'ai voulu améliorer la transparence s'agissant du fonctionnement de la caisse des français de l'étranger : je demandais des audits indépendants. L'article 41 A permettrait de mettre en place un contrôle externe du fonctionnement des EGD. Je rappelle en outre que 60 % du comité de gestion serait contrôlé par l'AEFE, il n'y aurait donc pas de privatisation du réseau, comme j'ai pu l'entendre.

Mme Hélène Conway-Mouret . - Je soutiens l'amendement mais m'interroge sur la nécessité de l'adopter si la commission des finances a déjà supprimé l'article.

M. Ronan Le Gleut, rapporteur pour avis . - Nous discuterons en séance le texte du Gouvernement, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale.

L'amendement est adopté

M. Olivier Cadic . - Je ne partage pas l'avis des rapporteurs qui considèrent que le Gouvernement serait dans l'incantation. En 1990, lors de la création de l'AEFE, le réseau comptait 499 écoles, trente ans plus tard on en comptait 470. Lorsqu'Emmanuel Macron a partagé sa volonté de développer le réseau en 2018, l'AEFE n'avait toujours pas réussi à retrouver le nombre d'établissements d'origine. Le nouvel élan voulu par le président de la République a permis de passer de 495 à 560 écoles françaises à l'étranger en quatre ans. Nous nous rejoignons sur la croissance annuelle insuffisante des effectifs pour atteindre l'objectif présidentiel, ce que j'avais anticipé ici. J'attends avec impatience les états généraux de l'enseignement français à l'étranger pour sortir de l'entre soi. En 20 ans, nous sommes passés d'un rapport d'une école française pour deux anglo-saxonnes à un à vingt. Les anglo-saxons l'ont fait sans argent public. Je succède à André Ferrand à la tête de l'association nationale des écoles françaises à l'étranger (ANEFE), qui dispose d'une expérience et de moyens qui peuvent compléter utilement l'action de l'AEFE. Je rappelle que c'est l'ANEFE qui s'est substituée à l'État quand une école à fait défaut à Damas. Le conseil d'administration de l'ANEFE souhaite que l'association apporte une valeur ajoutée pour contribuer au développement de l'enseignement français à l'étranger. Je vous invite à nous auditionner à l'avenir, vous aurez peut-être alors une vision plus équilibrée pour apprécier l'action du Gouvernement.

M. André Vallini, rapporteur pour avis . - Nous le ferons. Je ne sais pas si la vision sera plus équilibrée mais nous aurons en tout cas une autre vision.

M. André Gattolin . - J'ai un enfant scolarisé dans un établissement du réseau de l'AEFE, je paye des frais de scolarité et une contribution pour une association de parents d'élèves. Pendant le confinement, l'établissement a été fermé pendant six mois, nous devions faire cours à la maison, et les frais d'inscription ont néanmoins augmenté. C'est un vrai sujet. Certains parents doivent quitter le réseau, notamment au Québec, pour aller dans l'enseignement public québécois, dont la qualité est inférieure à ce qu'offre l'AEFE.

M. Christian Cambon, président . - Si des collègues veulent faire un rapport sur l'enseignement français à l'étranger, je soutiendrai cette initiative.

M. Alain Joyandet . - Je soutiens la position de nos rapporteurs. S'agissant de la gratuité, qui avait été annoncée, pourriez-vous nous dire où nous en sommes ?

M. Christian Cambon, président . - Nous en sommes loin !

M. Ronan Le Gleut, rapporteur pour avis . - Il s'agit du dispositif dit « de prise en charge » (PEC) instauré dans les trois dernières années du mandat de Nicolas Sarkozy et qui concernait la classe de terminale, puis les classes de terminale et de première et enfin, la dernière année, les classes de terminale, de première et de seconde. Pour les familles françaises, les frais de scolarité étaient pris en charge. François Hollande a supprimé ce dispositif. Il existe néanmoins des bourses, qui peuvent couvrir les frais à 100 %.

M. Alain Joyandet . - Pour les parents d'élèves, la situation était donc plus favorable sous Nicolas Sarkozy !

M. Christian Cambon, président . - S'agissant des bourses, Jean-Yves Le Drian nous indiquait que l'enveloppe n'était pas intégralement consommée.

Mme Hélène Conway-Mouret . - Cette gratuité avait été supprimée car la mesure n'avait pas été entièrement budgétée. Certains établissements ont augmenté les frais de scolarité, de l'ordre de 25 %, puisque ces derniers étaient pris en charge par l'État. Par ailleurs, l'État s'est également substitué à certaines entreprises qui prenaient jusqu'alors en charge les frais de scolarité des enfants de leurs salariés. Tout cela s'est retrouvé à la charge de l'État avec une explosion budgétaire qui nécessitait des transferts depuis l'aide publique au développement ou d'autres budgets pour financer cette mesure.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Mardi 18 octobre 2022 :

- MM. Olivier Richard , directeur général adjoint de la mondialisation ; Matthieu Peyraud , directeur de la diplomatie d'influence et Bertrand Pous , délégué des programmes et des opérateurs.

Lundi 24 octobre 2022 :

- M. Hugo Catherine , président, Mme Isabelle Tardé , déléguée générale de la Fédération des associations de parents d'élèves des établissements d'enseignement français à l'étranger (FAPEE) (visioconférence).

- Mmes Christine Neau-Leduc , Présidente, Donatienne Hissard , directrice générale, et Roxane Lundy , chargée de mission auprès de la directrion générale de Campus France

Jeudi 27 octobre 2022 :

- Table ronde avec les organisations syndicales représentatives des enseignants du réseau de l'AEFE : MM. Adrien Guinemer , chargé de mission « Hors de France » (UNSA Éducation) ; Patrick Soldat , secrétaire national SNES-FSU et Mme Alessandra Diakhate (FSU) ; MM. Xavier Auger et Alain Schneider (Sgen-CFDT de l'étranger).

- M. Renaud le Berre , président, Mme Nadine Fouques-Weiss et MM. Martin Biurrun , Alexandre Col , Gérard Epelbaum et François Ralle-Andreoli , membres de la commission des finances, du budget et de la fiscalité, Jean-Hervé Fraslin , président, Nicolas Arnulf et Benoît Mayrand , membres de la commission de l'enseignement, des affaires culturelles, de la francophonie et de l'audiovisuel extérieur de l'Assemblée des français de l'étranger (visioconférence)

- M. Olivier Brochet , directeur, Mme Raphaëlle Dutertre , conseillère aux relations institutionnelles de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger.

- MM. Yves Bigot , président, et Marc Cerdan , secrétaire général de la Fondation des Alliances françaises (visioconférence).

Contributions écrites :

- Institut français.

- Union des associations de parents d'élèves de l'étranger (Unape).


* 1 Le programme bénéficiera en outre de 5,85 millions d'euros au titre du financement de campagnes de communication et de promotion réalisées par Atout France et les crédits consacrés à l'exposition universelle d'Osaka de 2025 progresseront de 4,7 millions d'euros.

* 2 Mis en oeuvre par le décret n° 2022-896 du 16 juin 2022 modifiant les modalités de recrutement, de rémunération et de gestion des personnels des établissements d'enseignement français à l'étranger, ce nouveau statut, qui fait suite à un arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 15 mai 2020, met un terme à la distinction entre personnels « expatriés » et personnels « résidents » et ouvre aux personnels relevant de cet ancien statut le bénéfice de la prise en charge du voyage pour se rendre sur leur lieu d'affectation pour eux-mêmes et leurs ayants droits, de l'indemnité de changement de résidence ainsi que du droit aux congés fixé dans chaque pays pour eux-mêmes et leurs ayants droits durant la durée du contrat qui les lie à l'AEFE.

* 3 Audition du 12 octobre 2022.

* 4 D'une durée d'un an, celles-ci ne sont pas adaptées au financement d'opérations immobilières mais sont destinées à satisfaire un besoin de financement imprévu.

* 5 Ce scénario est évoqué par le contrat d'objectifs et de moyens 2021-2023 qui envisage « une mise en commun ponctuelle des réserves de trésorerie disponibles au sein du réseau ».

* 6 Arrêté du 4 septembre 2018 fixant la liste des organismes divers d'administration centrale ayant interdiction de contracter auprès d'un établissement de crédit un emprunt dont le terme est supérieur à douze mois ou d'émettre un titre de créance dont le terme excède cette durée.

* 7 Cette catégorie a été créée par l'article 6 de la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques afin de comptabiliser budgétairement les subventions accordées par l'État à ses opérateurs aux fins de financement de leurs investissements nécessaires à l'exécution des politiques publiques et des missions qui leur sont confiées.

* 8 Arrêté du 2 avril 2021 pris en application de l'article 198 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 9 Celle-ci donnait lieu, en contrepartie, au versement d'une « cotisation » égale à 0,4 % des sommes non encore remboursées.

* 10 En 40 ans, la garantie de l'État a été accordée à 160 projets dans 110 établissements.

* 11 66 ambassades sont aujourd'hui couvertes par ce dispositif contre 49 en 2020.

* 12 Le label « Bienvenue en France » est attribué pour une durée de 4 ans aux établissements ayant mis en place des dispositifs et services destinés à mieux accueillir les étudiants internationaux. Au mois d'octobre 2022, 139 établissements étaient ainsi labellisés.

* 13 La dotation de fonctionnement s'élèvera ainsi à 36,3 millions d'euros. Elle sera complétée de 4,2 millions d'euros au titre de la participation de l'opérateur à la mise en oeuvre de l'enseignement « français langue étrangère » et de 7,6 millions d'euros au titre des opérations en matière de coopération culturelle.

* 14 Présenté en mars 2018 par le Président de la République, le plan en faveur de la langue française et du plurilinguisme comporte 33 objectifs dont 17 relèvent en tout ou partie de l'Institut français .

* 15 Dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire 2021, la Cour des comptes relève ainsi : « De 2019 à 2021, les dépenses de structure (incluant coûts fixes et dépenses de personnel) diminuent tendanciellement. En dépit du coût du projet de relocalisation du siège de l'établissement, elles devraient ainsi s'établir à 39 % des dépenses totales en 2021, contre 44 % en 2019 et 43 % en 2020 ».

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