AMENDEMENT PROPOSÉ PAR VOTRE COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, DE LA DÉFENSE ET DES FORCES ARMÉES

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2023

SECONDE PARTIE

MISSION ACTION EXTÉRIEURE DE L'ÉTAT

ETRD.1

DIRECTION

DE LA SÉANCE

(n° s 114, 115, 120, avis 117)

22 NOVEMBRE 2022

A M E N D E M E N T

présenté par

MM. LE GLEUT et VALLINI

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ARTICLE 41 A

Supprimer cet article.

OBJET

Issu d'un amendement de notre collègue député Frédéric Petit, cet article a été introduit par le Gouvernement dans le projet de loi de finances pour 2023, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution. Il prévoit la création d'un comité de gestion des établissements en gestion directe (EGD) contrôlé à hauteur de 60 % minimum par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) et de 25 % minimum par les parents d'élèves. Ce comité, indépendant de l'AEFE, assumerait les responsabilités de gestion et de direction des EGD afin d'établir une distinction entre les fonctions de gestion des EGD et d'animation/développement du réseau qui incombent actuellement à l'AEFE.

D'un point de vue juridique, les dispositions du présent article, qui n'ont aucune incidence budgétaire, ne semblent pas relever du domaine des lois de finances. Par ailleurs, la composition mixte de ce comité, dont le statut juridique n'est pas précisé, pose question dans la mesure où ce dernier se verra chargé de la gestion de services déconcentrés de l'État et dont le patrimoine immobilier appartient à l'État.

Sur le fond, le présent article tend à séparer artificiellement les EGD du reste du réseau dont ils sont pourtant partie prenante.

Si un débat pourrait être ouvert sur la question de transparence de la gouvernance des EGD, le projet de loi de finances ne semble pas être le texte idoine pour traiter cette problématique.

C'est pourquoi vos rapporteurs pour avis proposent de supprimer le présent article.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 16 novembre 2022, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Christian Cambon, président, a procédé à l'examen du rapport de MM. Ronan Le Gleut et André Vallini, sur les crédits « Diplomatie culturelle et d'influence ».

M. Ronan Le Gleut, rapporteur pour avis . - Il est désormais admis que les luttes d'influence sont au coeur de la compétition mondiale. En la matière, la France dispose d'incontestables atouts : premier réseau culturel au monde avec 93 instituts français et plus de 830 Alliances françaises, 1 er réseau éducatif avec 566 établissements dans 138 pays, 3 e réseau diplomatique. Pour autant, la place de la France n'est pas immuable. Sa présence, sa culture ou encore les valeurs qu'elle promeut peuvent être contestées, parfois violemment et sous l'impulsion de certains de nos compétiteurs, pour qui l'influence constitue désormais la continuation de la guerre par d'autres moyens.

Au cours du précédent quinquennat, le Gouvernement a affiché des ambitions élevées pour la diplomatie culturelle et d'influence de notre pays, ambitions reprises dans une « feuille de route de l'influence » présentée en décembre 2021 par Jean-Yves Le Drian et qui fixe encore le cap de notre politique d'influence. Pour autant, force est de constater qu'un fossé s'est creusé entre les discours et les actes.

Je me concentrerai sur l'enseignement français à l'étranger et laisserai André Vallini vous exposer notre position sur la politique d'accueil des étudiants internationaux et les moyens consacrés à notre diplomatie culturelle.

En 2023 les crédits du programme 185 progresseront de 13 millions d'euros, soit une hausse de 2 %. Pour être tout à fait précis, cette hausse atteindra 40 millions d'euros une fois retraitée d'une mesure de périmètre, la compétence tourisme ayant été transférée au ministère de l'économie. Présentée ainsi, cette augmentation a de quoi satisfaire les rapporteurs que nous sommes. En effet, sur ces 40 millions supplémentaires, 30 millions iront à l'AEFE. Mais ce qui nous est présenté comme une hausse importante des moyens de l'enseignement français à l'étranger ne vise en réalité qu'à compenser des dépenses supplémentaires : l'aide au réseau de l'enseignement français au Liban, à hauteur de 10 millions d'euros ; l'augmentation du point d'indice, à hauteur de 13 millions d'euros ; et la mise en place d'un nouveau statut pour les personnels détachés, à hauteur de 7 millions d'euros. Sur ce dernier point, les crédits ouverts en PLF ne permettront de couvrir que la moitié du surcoût.

La ministre s'était voulue rassurante en nous indiquant que l'autre moitié de ce surcoût serait financée par un reliquat de crédits ouverts en 2020. Il n'en est rien. Loin d'une augmentation de ses moyens, l'Agence devra donc faire face à une dépense supplémentaire de 7 millions d'euros en 2023. Et cette dépense a vocation à croître dès 2024. Cette stagnation, voire cette régression des moyens de l'AEFE n'a néanmoins pas conduit le Gouvernement à interroger l'objectif présidentiel de doubler les effectifs d'élèves du réseau de l'AEFE d'ici 2030, lequel apparaît désormais irréaliste. En effet, selon nos calculs, au rythme de croissance des effectifs actuel, cet objectif ne sera atteint qu'en 2049.

En tout état de cause, l'augmentation du nombre d'élèves ne doit pas constituer l'alpha et l'omega de l'enseignement français à l'étranger. En effet, nous avons été alertés sur le risque du développement d'une concurrence entre établissements. C'est pourquoi nous appelons à la mise en place d'une véritable « carte scolaire » établie par l'AEFE, avec l'appui des postes diplomatiques afin de garantir un développement harmonieux du réseau.

Par ailleurs, la croissance du réseau ne doit pas être entravée par la question du financement des investissements immobiliers des établissements sous gestion directe. Si ce problème, lié à l'interdiction pour l'AEFE d'avoir recours à l'emprunt, est connu de longue date, celui-ci n'est malheureusement toujours pas résolu. Les besoins en la matière sont pourtant importants qu'il s'agisse de l'extension des établissements existants mais aussi de la rénovation de leurs installations. C'est pourquoi avec André Vallini nous proposons qu'une subvention pour charges d'investissement soit inscrite dès le PLF 2024.

En conclusion, mes chers collègues, vous l'aurez compris ce PLF ne nous semble pas à la hauteur d'une politique d'influence réellement ambitieuse et nous appelons le Gouvernement à enfin sortir de l'incantation. Pour autant, les crédits du programme 185 étant taillés à juste suffisance, nous ne pouvons que vous proposer d'émettre un avis favorable à leur adoption.

M. André Vallini, rapporteur pour avis . - Notre analyse du projet de loi de finances pour 2023 concernant l'accueil des étudiants étrangers et la diplomatie culturelle est également nuancée.

S'agissant du renforcement de l'attractivité de la France en matière de mobilité étudiante, la subvention pour charges de service public versée à Campus France sera stable en 2023 à 3,5 millions d'euros. Les crédits consacrés aux bourses étudiantes s'élèveront quant à eux à 64 millions d'euros, un montant également stable par rapport à 2022. La stabilité des moyens consacrés à la politique d'accueil des étudiants étrangers serait logique si la croissance du nombre d'étudiants internationaux accueillis par la France au cours de la dernière décennie avait atteint des taux particulièrement dynamiques, à l'image de certains de ses compétiteurs tels que l'Allemagne, la Turquie, la Chine ou encore la Corée du Sud. Mais tel n'est malheureusement pas le cas.

Certes en 2021/2022, le nombre d'étudiants internationaux accueillis dans notre pays a atteint un niveau record de 400 000, mais ce chiffre ne doit pas cacher une réalité moins positive : notre pays est en perte de vitesse dans ce domaine. Entre 2014 et 2019, la France est ainsi passée de la 4 e place à la 7 e place dans le classement des pays accueillant le plus d'étudiants en mobilité.

Des mesures ont été prises pour tenter d'inverser cette tendance. Je pense notamment à la stratégie « Bienvenue en France » lancée par Édouard Philippe en novembre 2018, qui se fixait comme objectifs d'atteindre 500 000 étudiants accueillis à l'horizon 2027 ainsi qu'un doublement du nombre de bourses versées par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Ces mesures ne nous semblent cependant pas suffisantes pour permettre à la France de « remonter sur le podium des nations les plus attractives pour les étudiants étrangers », selon les mots de la ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

Notre pays doit en effet faire face à de nombreux défis.

Premièrement, le décalage entre des moyens accordés à Campus France et aux bourses étudiantes qui stagnent et les ambitions affichées. Je rappelle que le budget allemand consacré aux mobilités entrantes est 3 fois supérieur au nôtre.

Deuxièmement, la durée moyenne des bourses doit être allongée. Actuellement, celle-ci est de moins de 6 mois, ce qui conduit à un saupoudrage des moyens et ne permet pas de créer un lien pérenne avec l'étudiant accueilli.

Troisièmement, notre système universitaire souffre de son manque de lisibilité du fait de la coexistence d'écoles et d'universités, ce qui nécessite un effort de pédagogie auprès des étudiants étrangers. Par ailleurs, l'offre d'enseignements en anglais, notamment en licence et en master, demeure insuffisante. Enfin, l'effort de simplification des démarches administratives doit être poursuivi.

J'en viens maintenant aux crédits consacrés à la diplomatie culturelle. Outre qu'en la matière, les actions inscrites dans la feuille de route de l'influence nous semblent soit floues soit peu ambitieuses, celles-ci ne sont pas clairement identifiables au sein des documents budgétaires. Un tableau de bord devait être mis en place en début d'année, mais, à l'heure actuelle, celui-ci n'existe, selon les mots de la ministre, qu'à l'état d'ébauche. Tout au plus savons-nous que 2 millions d'euros seront consacrés aux actions de cette feuille de route en 2023, lesquels seront en outre financés par des économies dites de constatation, sans que l'on sache précisément ce que cela signifie.

Enfin, les moyens consacrés au réseau culturel, qu'il s'agisse des instituts français comme des Alliances françaises, seront eux également stables l'année prochaine. Cette stabilité interroge alors que le ministère est conscient de la fragilisation de certains établissements à autonomie financière du fait de la crise sanitaire et de la forte probabilité d'une diminution de leurs recettes propres l'an prochain du fait de l'inflation. Je n'évoque pas le voeu présidentiel d'ouvrir 10 nouvelles Alliances françaises par an, qui semble désormais enterré...

En conclusion, mes chers collègues, le budget qui nous est présenté est un budget sans réelle ambition sur lequel nous vous proposons d'émettre un avis favorable sans réel enthousiasme.

M. Ronan Le Gleut, rapporteur pour avis . - L'article 41 A est issu d'un amendement de notre collègue député Frédéric Petit qui a été repris par le Gouvernement dans le texte considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Cet article prévoit la création d'un comité de gestion des établissements en gestion directe contrôlé à hauteur de 60 % minimum par l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger et de 25 % minimum par les parents d'élèves. Ce comité, indépendant de l'AEFE, assumerait les responsabilités de gestion et de direction des EGD afin d'établir une distinction entre les fonctions de gestion des EGD d'une part, et celles d'animation/développement du réseau, d'autre part, qui relèvent actuellement toutes de l'AEFE.

D'un point de vue juridique, les dispositions du présent article, qui n'ont aucune incidence budgétaire, ne semblent pas relever du domaine des lois de finances. On peut d'ailleurs se demander si le Gouvernement n'a pas retenu cet amendement pour satisfaire sa majorité en sachant pertinemment qu'il ne passerait ni le filtre du Sénat, ni in fine celui du Conseil Constitutionnel. Par ailleurs, la composition mixte de ce comité, dont le statut juridique n'est pas précisé, nous interroge dans la mesure où ce dernier se verra charger de la gestion de services déconcentrés de l'État, services dont le patrimoine immobilier appartient en outre à l'État.

Sur le fond, le présent article tend à séparer artificiellement les EGD du reste du réseau dont ils sont pourtant partie prenante. Le débat sur la transparence de la gouvernance des EGD mérite d'être ouvert, mais cette question ne doit pas être traitée dans l'urgence, sans étude d'impact, au risque de déstabiliser l'ensemble du réseau. C'est pourquoi nous vous proposons de supprimer cet article. Je précise que la commission des finances a adopté un amendement identique pour les mêmes raisons.

M. Olivier Cadic . - Je pense que l'initiative de notre collègue député Frédéric Petit est très astucieuse et importante lorsque l'on s'intéresse à l'avenir des établissements en gestion directe (EGD). Aujourd'hui, il n'y a pas de comptabilité par EGD mais uniquement une comptabilité consolidée des 68 EGD. On ne sait pas quel établissement gagne de l'argent et quel établissement en perd. On donne l'impression que les EGD fonctionnent uniquement avec de l'argent public, c'est faux. Les EGD doivent avoir des ressources venant des parents d'élèves. Il n'y a aucun contrôle sur l'argent public allant à chaque EGD. Cet article permettrait de renforcer la transparence. J'invite donc à ne pas voter l'amendement de nos rapporteurs. Les résistances que j'ai observées, qui venaient surtout de certains syndicats enseignants, m'ont rappelé celles que j'ai rencontrées quand j'ai voulu améliorer la transparence s'agissant du fonctionnement de la caisse des français de l'étranger : je demandais des audits indépendants. L'article 41 A permettrait de mettre en place un contrôle externe du fonctionnement des EGD. Je rappelle en outre que 60 % du comité de gestion serait contrôlé par l'AEFE, il n'y aurait donc pas de privatisation du réseau, comme j'ai pu l'entendre.

Mme Hélène Conway-Mouret . - Je soutiens l'amendement mais m'interroge sur la nécessité de l'adopter si la commission des finances a déjà supprimé l'article.

M. Ronan Le Gleut, rapporteur pour avis . - Nous discuterons en séance le texte du Gouvernement, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale.

L'amendement est adopté

M. Olivier Cadic . - Je ne partage pas l'avis des rapporteurs qui considèrent que le Gouvernement serait dans l'incantation. En 1990, lors de la création de l'AEFE, le réseau comptait 499 écoles, trente ans plus tard on en comptait 470. Lorsqu'Emmanuel Macron a partagé sa volonté de développer le réseau en 2018, l'AEFE n'avait toujours pas réussi à retrouver le nombre d'établissements d'origine. Le nouvel élan voulu par le président de la République a permis de passer de 495 à 560 écoles françaises à l'étranger en quatre ans. Nous nous rejoignons sur la croissance annuelle insuffisante des effectifs pour atteindre l'objectif présidentiel, ce que j'avais anticipé ici. J'attends avec impatience les états généraux de l'enseignement français à l'étranger pour sortir de l'entre soi. En 20 ans, nous sommes passés d'un rapport d'une école française pour deux anglo-saxonnes à un à vingt. Les anglo-saxons l'ont fait sans argent public. Je succède à André Ferrand à la tête de l'association nationale des écoles françaises à l'étranger (ANEFE), qui dispose d'une expérience et de moyens qui peuvent compléter utilement l'action de l'AEFE. Je rappelle que c'est l'ANEFE qui s'est substituée à l'État quand une école à fait défaut à Damas. Le conseil d'administration de l'ANEFE souhaite que l'association apporte une valeur ajoutée pour contribuer au développement de l'enseignement français à l'étranger. Je vous invite à nous auditionner à l'avenir, vous aurez peut-être alors une vision plus équilibrée pour apprécier l'action du Gouvernement.

M. André Vallini, rapporteur pour avis . - Nous le ferons. Je ne sais pas si la vision sera plus équilibrée mais nous aurons en tout cas une autre vision.

M. André Gattolin . - J'ai un enfant scolarisé dans un établissement du réseau de l'AEFE, je paye des frais de scolarité et une contribution pour une association de parents d'élèves. Pendant le confinement, l'établissement a été fermé pendant six mois, nous devions faire cours à la maison, et les frais d'inscription ont néanmoins augmenté. C'est un vrai sujet. Certains parents doivent quitter le réseau, notamment au Québec, pour aller dans l'enseignement public québécois, dont la qualité est inférieure à ce qu'offre l'AEFE.

M. Christian Cambon, président . - Si des collègues veulent faire un rapport sur l'enseignement français à l'étranger, je soutiendrai cette initiative.

M. Alain Joyandet . - Je soutiens la position de nos rapporteurs. S'agissant de la gratuité, qui avait été annoncée, pourriez-vous nous dire où nous en sommes ?

M. Christian Cambon, président . - Nous en sommes loin !

M. Ronan Le Gleut, rapporteur pour avis . - Il s'agit du dispositif dit « de prise en charge » (PEC) instauré dans les trois dernières années du mandat de Nicolas Sarkozy et qui concernait la classe de terminale, puis les classes de terminale et de première et enfin, la dernière année, les classes de terminale, de première et de seconde. Pour les familles françaises, les frais de scolarité étaient pris en charge. François Hollande a supprimé ce dispositif. Il existe néanmoins des bourses, qui peuvent couvrir les frais à 100 %.

M. Alain Joyandet . - Pour les parents d'élèves, la situation était donc plus favorable sous Nicolas Sarkozy !

M. Christian Cambon, président . - S'agissant des bourses, Jean-Yves Le Drian nous indiquait que l'enveloppe n'était pas intégralement consommée.

Mme Hélène Conway-Mouret . - Cette gratuité avait été supprimée car la mesure n'avait pas été entièrement budgétée. Certains établissements ont augmenté les frais de scolarité, de l'ordre de 25 %, puisque ces derniers étaient pris en charge par l'État. Par ailleurs, l'État s'est également substitué à certaines entreprises qui prenaient jusqu'alors en charge les frais de scolarité des enfants de leurs salariés. Tout cela s'est retrouvé à la charge de l'État avec une explosion budgétaire qui nécessitait des transferts depuis l'aide publique au développement ou d'autres budgets pour financer cette mesure.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».

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