II. UN OBJECTIF DE DOUBLEMENT DES EFFECTIFS D'ÉLÈVES D'ICI 2030 IRRÉALISTE

A. AU RYTHME ACTUEL, UN OBJECTIF QUI NE SERAIT ATTEINT QU'À LA RENTRÉE 2049

Des effectifs d'élèves atteignant

Un rythme de progression annuelle de

Un doublement atteint en

à la rentrée 2022

depuis 2017

à ce rythme

Dans son discours à l'Institut de France sur l'ambition pour la langue française et le plurilinguisme du 20 mars 2018, le président de la République a fixé l'objectif de doubler les effectifs d'élèves du réseau de l'AEFE, pour atteindre 700 000 élèves à l'horizon 2030. Or cet objectif, déjà ambitieux lors de sa fixation, apparaît désormais irréaliste .

En effet, au rythme de progression actuel des effectifs (+ 2,2 % par an depuis 2017), le doublement ne sera atteint qu'à la rentrée 2049 . Le respect de l'objectif présidentiel supposerait un taux de croissance annuel moyen de 7,6 % à compter de la rentrée 2023 ce qui, en dépit d'une accélération constatée en 2022 (+ 3,5 %), semble hors de portée .

B. UNE CROISSANCE « EXTERNE » DU RÉSEAU QUI DOIT RESTER MAÎTRISÉE

Établissements à la rentrée 2018

Établissements à la rentrée 2022

Si la volonté d'accroître significativement les effectifs d'élèves accueillis dans le réseau de l'AEFE n'est pas contestable en soi, dans la mesure où, d'une part, l'enseignement français à l'étranger constitue le fer de lance de notre politique d'influence et, d'autre part, la définition d'un objectif chiffré permet de fixer un horizon pour l'opérateur, celle-ci ne doit pas conduire à l'émergence d'une concurrence néfaste entre établissements .

Plusieurs personnes entendues ont ainsi mentionné des exemples d'ouvertures d'établissements à proximité immédiate d'établissements historiques ou situées dans des zones déjà couvertes par ces établissements . Si l'AEFE estime que l'accroissement du réseau ne s'est pas traduit par un report d'effectifs des établissements « historiques » vers des établissements nouvellement créés ou homologués, ce risque constitue néanmoins un point de vigilance. À cet égard, il apparaît indispensable qu'au-delà du travail de cartographie réalisé par les ambassades, une véritable « carte scolaire » soit établie par l'AEFE .

C. UNE CROISSANCE « INTERNE » QUI NE DOIT PAS ÊTRE ENTRAVÉE PAR LA QUESTION DU FINANCEMENT DES INVESTISSEMENTS IMMOBILIERS

L'augmentation des effectifs d'élèves passe nécessairement par des opérations immobilières destinées à développer les capacités d'accueil des établissements en gestion directe (EGD). Les travaux conduits dans le cadre de la préparation du schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI) 2022-2026 de l'AEFE laissent ainsi apparaître des besoins estimés à un montant supérieur à 200 millions d'euros sur la période.

Or la question des modalités de financement de ces investissements n'est toujours pas résolue. En effet, le contrat d'objectifs et de moyens 2021-2023 prévoit la fin de la possibilité pour l'opérateur de recourir aux avances de l'Agence France Trésor au plus tard en 2023 4 ( * ) alors que, du fait de son rattachement aux organismes divers d'administration centrale (ODAC), le recours aux emprunts de plus de 12 mois lui est interdit depuis la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2011 à 2014. Dès lors, trois scénarios principaux peuvent être envisagés pour permettre aux établissements de financer leurs opérations immobilières : i) une mutualisation des trésoreries constituées par les établissements pour la réalisation de leurs opérations immobilières 5 ( * ) , ii) un retour à la situation antérieure en prévoyant une exception pour l'AEFE lui permettant de recourir à l'emprunt et iii) une inscription de crédits sur la ligne de subvention pour charges d'investissement dès le PLF 2024.

Mutualiser les trésoreries des établissements

Créer une exception pour l'AEFE lui permettant d'avoir de nouveau recours à l'emprunt

Abonder la ligne de subvention pour charges d'investissement dès le PLF 2024

Le premier scénario, s'il devait conduire à une mutualisation intégrale des trésoreries des EGD, doit être écarté. Il ne serait en effet pas acceptable que l'augmentation des frais de scolarité consentie par les familles afin de financer les opérations immobilières concernant l'établissement dans lequel leurs enfants sont, ou ont été, scolarisés bénéficient à l'ensemble des EGD , a fortiori dans un contexte où les frais de scolarité devraient augmenter significativement à partir de la rentrée 2023 du fait de l'inflation . En tout état de cause, la trésorerie mobilisable à ce titre ne permettrait pas de satisfaire l'ensemble des besoins des établissements .

S'agissant de la possibilité pour l'AEFE d'avoir de nouveau recours à l'emprunt, la rédaction de l'article 12 de la LPFP 2011 à 2014, qui dispose que l'interdiction de recourir à l'emprunt s'applique aux ODAC « nonobstant toute disposition contraire des textes qui leur sont applicables » et qu'un « arrêté 6 ( * ) du ministre chargé du budget établit la liste des organismes auxquels s'applique cette interdiction », semble laisser ouverte la possibilité d'un tel scénario. Interrogé sur ce point, le ministère de l'économie n'a cependant pas répondu à vos rapporteurs pour avis.

L'inscription de crédits sur la ligne de subvention pour charges d'investissement 7 ( * ) , dont le montant serait précisé au regard notamment de la capacité d'autofinancement dégagée par chaque établissement, pourrait par conséquent constituer la solution la plus adaptée.

S'agissant des établissements conventionnés et partenaires, l'article 198 de la loi de finances pour 2021 et l'arrêté du 2 avril 2021 8 ( * ) ont prévu que la garantie de l'État, dont ils peuvent bénéficier au titre des emprunts souscrits pour le financement d'investissements immobiliers, n'est plus accordée par l'Association nationale des établissements français à l'étranger (ANEFE) 9 ( * ) mais par l'État directement et donne lieu au versement d'une rémunération dont le montant est compris entre 0,32 % et 1,8 % du capital restant dû à chaque échéance au titre du prêt garanti. En 2022, la Commission interministérielle chargée d'émettre un avis sur l'octroi de la garantie de l' É tat aux établissements d'enseignement français à l'étranger (COGAREFE) s'est réunie 3 fois et a examiné 7 dossiers (Erevan, Lima, Arequipa, Sao Paulo, Abidjan, Kigali et Pointe-Noire), qui ont tous reçu un avis favorable. Les taux de rémunération proposés étaient compris entre 0,4 % et 0,8 %.

Si, dans les faits, la garantie de l'État n'a jamais été utilisée 10 ( * ) , celle-ci permet aux établissements bénéficiaires d'avoir accès à des conditions d'emprunt plus favorables . Vos rapporteurs pour avis seront par conséquent vigilants à ce que, d'une part, les conditions proposées par la COGAREFE soient bien celles figurant in fine dans les arrêtés pris par le ministre de l'économie et, d'autre part, que les nouvelles conditions d'octroi de la garantie de l'État ne se traduisent pas par une diminution du nombre d'établissements bénéficiaires ou des conditions nettement moins favorables que sous l'ancien dispositif.


* 4 D'une durée d'un an, celles-ci ne sont pas adaptées au financement d'opérations immobilières mais sont destinées à satisfaire un besoin de financement imprévu.

* 5 Ce scénario est évoqué par le contrat d'objectifs et de moyens 2021-2023 qui envisage « une mise en commun ponctuelle des réserves de trésorerie disponibles au sein du réseau ».

* 6 Arrêté du 4 septembre 2018 fixant la liste des organismes divers d'administration centrale ayant interdiction de contracter auprès d'un établissement de crédit un emprunt dont le terme est supérieur à douze mois ou d'émettre un titre de créance dont le terme excède cette durée.

* 7 Cette catégorie a été créée par l'article 6 de la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques afin de comptabiliser budgétairement les subventions accordées par l'État à ses opérateurs aux fins de financement de leurs investissements nécessaires à l'exécution des politiques publiques et des missions qui leur sont confiées.

* 8 Arrêté du 2 avril 2021 pris en application de l'article 198 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 9 Celle-ci donnait lieu, en contrepartie, au versement d'une « cotisation » égale à 0,4 % des sommes non encore remboursées.

* 10 En 40 ans, la garantie de l'État a été accordée à 160 projets dans 110 établissements.

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