Avis n° 117 (2022-2023) de M. Philippe PAUL et Mme Gisèle JOURDA , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 17 novembre 2022

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N° 117

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 novembre 2022

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi de finances , considéré comme
adopté par l'Assemblée nationale
en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour
2023 ,

TOME XI

SÉCURITÉS

Gendarmerie nationale (Programme 152)

Par M. Philippe PAUL et Mme Gisèle JOURDA,

Sénateur et Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon , président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Olivier Cigolotti, André Gattolin, Guillaume Gontard, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Pierre Laurent, Philippe Paul, Cédric Perrin, Rachid Temal , vice-présidents ; Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, Isabelle Raimond-Pavero, M. Hugues Saury , secrétaires ; MM. François Bonneau, Gilbert Bouchet, Alain Cazabonne, Pierre Charon, Édouard Courtial, Yves Détraigne, Mmes Catherine Dumas, Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Bernard Fournier, Mme Sylvie Goy-Chavent, M. Jean-Pierre Grand, Mme Michelle Gréaume, MM. André Guiol, Ludovic Haye, Alain Houpert, Mme Gisèle Jourda, MM. Alain Joyandet, Jean-Louis Lagourgue, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Panunzi, François Patriat, Gérard Poadja, Stéphane Ravier, Gilbert Roger, Bruno Sido, Jean-Marc Todeschini, Mickaël Vallet, André Vallini, Yannick Vaugrenard .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 16 ème législ.) : 273 , 285 , 286 rect., 292 , 337 , 341 , 364 , 369 , 374 , 386 et T.A. 26

Sénat : 114 et 115 à 121 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

L'effort d'investissement du plan de relance de 2021 au profit des forces de sécurité a été prolongé en 2022. La présentation début 2022 de la nouvelle loi de programmation du ministère de l'intérieur (LOPMI), conséquence du livre blanc publié en novembre 2020, devait conjurer le risque d'un retour, les années suivantes, à un sous-investissement chronique. La commission l'avait souligné : « la LOPMI devra impérativement comporter une programmation crédible et ambitieuse permettant de stabiliser les moyens de la gendarmerie nationale à un niveau cohérent avec l'ensemble de ses missions » .

La LOPMI, finalement examinée à partir d'octobre 2022, ne répond pas totalement à cette exigence. Certes, elle prévoit 15 milliards de crédits supplémentaires sur 5 ans pour le ministère de l'intérieur. Cependant, elle ne précise pas la répartition de ces moyens entre masse salariale, crédits de fonctionnement et crédits d'investissement. De fait, le premier budget du programme 152 couvert par la LOPMI présente une nouvelle hausse, appréciable, des crédits. Cette hausse permettra de financer des actions nouvelles telles que la création d'une Agence du numérique des forces de sécurité intérieure ou encore la création de 200 nouvelles brigades territoriales de gendarmerie . Toutefois, la hausse bénéficie essentiellement au titre 2 tandis que les investissements, en particulier en matière d'immobilier, ne seront pas à la hauteur des besoins.

I. UNE NOUVELLE PROGRESSION DES CRÉDITS

A. DES CRÉDITS EN AUGMENTATION MAIS FORTEMENT CONTRAINTS PAR LES DÉPENSES DE PERSONNEL

Les crédits du programme 152 « gendarmerie nationale » poursuivront leur progression en 2023, pour atteindre 10,3 milliards d'euros (+4,29 %) en autorisations d'engagement et 9,9 milliards d'euros (+6,39 %) en crédits de paiement. Au sein de cette progression, 349 millions d'euros, dont 294 millions pour le titre 2 (dépenses de personnel), résultent de la loi de programmation (LOPMI).

La progression des effectifs se poursuit également. Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit ainsi un schéma d'emplois positif de 950 ETP. Sur le quinquennat, le schéma d'emploi sera de 8 500 ETP pour les forces de sécurité intérieure dont 3 540 pour la gendarmerie nationale , un ratio beaucoup plus favorable à la gendarmerie que celui du précédent quinquennat (+2 500 ETP pour la gendarmerie / +10 000 ETP au total).

Outre 7 nouveaux escadrons de gendarmerie mobile et 200 nouvelles brigades, cette augmentation permettra l'allongement de 8 à 12 mois de la formation et la création de centres régionaux d'instruction, ainsi que la montée en puissance de la « gendarmerie verte ».

2023

2024

2025

2026

2027

Total 2023 - 2027

Renforcement présence voie publique

(200 nouvelles brigades, 7 escadrons mobiles...)

820

884

453

375

626

3 158

Renforcement formation

80

111

37

15

9

252

Autres

(Gendarmerie verte, Agence du numérique...)

50

50

10

10

10

130

Total

950

1 045

500

400

645

3 540

Le programme 152 reste marqué par la prédominance des dépenses de personnel . Ainsi, un montant de 4,6 milliards d'euros est prévu pour le titre 2 (hors CAS pensions), soit une progression de 294 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2022. Outre le schéma d'emplois de +950 ETP, la revalorisation du point d'indice de la fonction publique est responsable à elle seule d'une progression de plus de 130 millions d'euros, le protocole social issu de la LOPMI de 47 milliards d'euros 1 ( * ) et les mesures catégorielles interministérielles, de 37 milliards d'euros.

Il convient de saluer la hausse des crédits de la réserve opérationnelle , de 70 millions d'euros en 2020 et 2021 à 84 millions en 2023. Ceci permettra de passer de 30 000 à 36 000 réservistes en un an .

Les crédits de fonctionnement de la gendarmerie se monteront en 2023 à 1,3 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une progression d'environ 79 millions d'euros, qui s'explique notamment par l'augmentation des dépenses de formation initiale et continue des gendarmes (+ 24,5 % par rapport à 2022) et par un effort important en faveur des moyens technologiques : 120,7 millions d'euros en CP sont consacrés à l'acquisition de nouveaux moyens de télécommunication et à la modernisation des systèmes informatiques .

B. LA CRÉATION D'UNE AGENCE DU NUMÉRIQUE SUR LA BASE DU STSI2 : UNE RÉFORME BIENVENUE

En 2019, la commission s'était inquiétée du projet de création d'une Direction du numérique (DNUM) auprès du secrétaire général du ministère de l'intérieur . Celle-ci devait absorber les services informatiques préexistants au sein des directions générales de la police et de la gendarmerie, dont le service des technologies et des systèmes d'information de la sécurité intérieure (STSI 2 ), placé auprès de la DGGN, qui avait notamment mené à bien les projets NEO et Agorha.

Les projets du STSI2

Outre NEO, le système mobile sur tablettes et téléphone portable, le STSI 2 a développé Agorha, le logiciel de ressources humaines et de paiement des soldes de la gendarmerie nationale. Pour un investissement de 32 millions d'euros, ce système permet de gérer efficacement et sans problème particulier les ressources humaines et la paie de 130 000 gendarmes.

Le STSI 2 a également franchi une étape importante vers le Réseau radio du futur (RRF) en mettant en place le système « PC Storm ». En effet, au lendemain des attentats de 2015, il est apparu nécessaire de créer un moyen innovant et sécurisé de communication haut débit, permettant l'interopérabilité entre les forces d'intervention spécialisées, avec un échange de conférences vocales, de vidéos, d'images, de fichiers et la géolocalisation. En 2019, une première expérimentation a bénéficié aux forces d'intervention spécialisées (GIGN et RAID), puis PC Storm a été progressivement étendu et généralisé. Ce système représente ainsi la première étape du programme « Réseau radio du futur » (RRF), dont l'objectif est de créer un opérateur mobile sécurisé au bénéfice de l'ensemble des acteurs du secours et de la sécurité, qui se substituera aux actuels réseaux radio, RUBIS et l'INPT. Pour l'année 2022, le coût de ce programme a été de 7,5 M€.

L'idée directrice de cette mutualisation était de réaliser des économies au sein d'un volume de crédits consacrés aux SIC de près de 500 millions d'euros par an. La commission avait cependant craint que cette nouvelle organisation ne permette pas de faire face aux besoins opérationnels. De fait, cette réforme a causé d'importantes difficultés, notamment budgétaires . Les crédits du programme 216, programme de soutien du ministre de l'intérieur qui finance la direction du numérique, se sont avérés insuffisants. En 2022, il a donc été décidé, s'agissant de l'activité du STSI 2 , que la direction du numérique ne financerait plus que le maintien en condition opérationnelle (MCO) des systèmes, les programmes 176 « police » et 152 « gendarmerie » récupérant la charge de l'investissement dans les nouveaux projets. Toutefois, les crédits afférents étaient insuffisants. Des financements issus du Fonds de transformation de l'action publique ont ainsi dû être débloqués afin de poursuivre le projet phare NEO. Le STSI 2 a également dû renoncer à certains développements informatiques pourtant nécessaires.

Toutefois, l'échec partiel de la réforme de 2020 a bien été acté et l'Agence du Numérique est conçue comme une extension du STSI 2 . Il s'agira d'un service à compétence nationale placé sous l'autorité conjointe du DGGN et du DGPN, financé par les programmes 176 et 152, ce qui constitue un retour à la situation d'avant 2020. L'objectif final de cette réforme, pleinement partagé par la commission, est de conserver une « DSI métier » , c'est-à-dire proche des besoins de terrain des gendarmes et des policiers. Cette nouvelle agence du numérique, qui recevra un financement augmenté par rapport à celui du STSI 2 , poursuivra les convergences entre police et gendarmerie, développera des partenariats à l'innovation avec des organismes de recherche et s'efforcera également de redévelopper certaines compétences en interne sur des applications externalisées, afin de garder une expertise indispensable pour maîtriser davantage ces externalisations.

II. UN EFFORT D'INVESTISSEMENT EN RETRAIT PAR RAPPORT AUX ANNÉES PRÉCÉDENTES

A. L'IMPLANTATION DES 200 NOUVELLES BRIGADES : UN SUJET DE PRÉOCCUPATION POUR LA COMMISSION

Au cours des dernières années, les effectifs de la gendarmerie départementale ont augmenté plus vite que la population. Toutefois, la suppression de plusieurs centaines de brigades au profit de communautés de brigades censées permettre une meilleure concentration des moyens a pu donner le sentiment d'une gendarmerie moins présente sur le terrain.

Métropole + outre-mer

2018

2019

2020

2021

06/2022

Evolution

2018/2022

Effectifs GD (en ETP) 2 ( * )

65 754

66 017

66 263

66 699

66 859

+1,68%

Habitants en ZGN

33 994 754

34 117 888

34 230 282

34 320 932

34 430 982

+1,28%

Pour commencer à y remédier, le rapport annexé de la LOPMI prévoit la création de 200 nouvelles brigades de gendarmerie . L'intention du Gouvernement est de créer ces 200 brigades en milieu rural et en milieu périurbain pour combler des « vides sécuritaires » en densifiant le maillage territorial de la gendarmerie . Un tiers de ces nouvelles brigades devrait prendre la forme d'unités itinérantes qui se déplaceront dans les communes les plus éloignées des autres services publics de proximité.

Les 200 nouvelles brigades auront pour rôle, selon le Gouvernement, de combler des « vides sécuritaires » en densifiant le maillage territorial de la gendarmerie

Dès avant l'examen par le Sénat de la LOPMI, en septembre 2022, une phase de concertation avec les élus a été lancée par le ministre de l'Intérieur pour choisir les communes d'accueil de ces nouvelles brigades, en fonction de l'état de la sécurité sur les territoires concernés et de l'évolution de la population. Les élus doivent exprimer leur avis et formuler des propositions. La phase de concertation prendra fin en janvier 2023. L'Etat annoncera les implantations d'ici mars ou avril 2023 afin que les premières brigades soient créées à partir de l'été 2023 .

Or les brigades fixes sont censées être adossées soit à la mise à disposition de bâtiments existants, soit à la réalisation de projets sur terrains nus sur lesquels pourront être bâtis des locaux professionnels et des logements. Les collectivités territoriales seront très probablement mises à contribution pour financer ces projets d'implantation , au moment où nombre d'entre elles sont dans une situation financière tendue du fait de la hausse des prix, notamment de l'énergie.

Les collectivités territoriales pourront certes bénéficier de plusieurs dispositifs (cf. ci-dessous). Il n'est toutefois pas certain que ces dispositifs soient suffisants : un effort supplémentaire de soutien aux collectivités territoriales concernées est nécessaire. C'est pourquoi la commission avait souligné cette difficulté lors de l'examen de la LOPMI et déposé un amendement pour prévoir un renforcement de l'aide aux collectivités territoriales.

Les dispositifs de soutien aux collectivités territoriales qui investissent dans l'immobilier des forces de sécurité intérieure

Le décret du 23 janvier 1993 3 ( * ) prévoit des crédits, au sein du titre 6 « dépenses d'intervention » du programme 152, permettant de subventionner les collectivités qui investissent au profit des forces de sécurité. Au sein du PLF pour 2023, ces crédits restent toutefois stables à 6,8 millions d'euros en crédits de paiement. La création des 200 nouvelles brigades justifiera une augmentation de cette ligne budgétaire dans les prochaines années. Le décret du 26 décembre 2016 4 ( * ) permet quant à lui d'organiser le financement des locaux par les offices publics de l'habitat et les sociétés d'habitations à loyer modéré. Enfin, la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) peut être mobilisée pour la construction des nouvelles casernes.

S'agissant des brigades mobiles, la gendarmerie évoque la possibilité d'occuper temporairement des salles dans les mairies, ce qui peut poser des problèmes de disponibilité mais aussi de confidentialité. Chaque cas particulier devra faire l'objet d'une discussion avec les élus locaux concernés, afin de trouver la solution la plus efficace.

Par ailleurs, il est essentiel que les critères d'implantation de ces nouvelles brigades soient objectifs, adaptés aux conditions locales de la délinquance et au territoire , afin que leur implantation soit durable. En effet il est regrettable de supprimer au bout de seulement quelques années une brigade lorsqu'elle a fait l'objet d'un investissement important de la part de la collectivité territoriale qui l'accueille.

B. UN INVESTISSEMENT IMMOBILIER TOUJOURS INSUFFISANT

Une fois encore, les investissements prévus pour l'immobilier au sein du programme 152 sont insuffisants. Un montant de 126 millions d'euros est prévu, contre près de 150 millions d'euros en 2022, loin des 300 millions d'euros annuels nécessaires pour le renouvellement et l'entretien lourd des casernes domaniales , auxquels doivent s'ajouter 100 millions d'euros d'entretien courant. Un montant de 86,5 millions d'euros en CP sera ainsi affecté à des projets de réhabilitation immobilière, tels que la rénovation du centre national de formation des unités mobiles de la gendarmerie à Saint-Astier et de l'école des officiers de la gendarmerie nationale à Melun.

La LOPMI annonce certes la création d'un « tendanciel de dépenses d'investissement sur les projets immobiliers structurants », afin d'avoir une vision d'ensemble des projets majeurs à venir et d'en assurer le financement à court et moyen terme. C'est une annonce positive mais elle tarde à se concrétiser. Il peut d'ailleurs sembler paradoxal d'annoncer la création de 200 nouvelles brigades de gendarmerie, dont les deux tiers en « dur », alors que les locaux existants ne sont pas correctement entretenus et renouvelés.

Lors de l'examen de la LOPMI, la commission a déposé un amendement, adopté par le Sénat, prévoyant, au sein du rapport annexé, un apport annuel de 300 millions d'euros pour le renouvellement et la maintenance lourde du parc domanial.

C. LE RENOUVELLEMENT DE 2 000 VÉHICULES EN 2023 ET L'ARRIVÉE DES NOUVEAUX BLINDÉS

En ce qui concerne les véhicules, un renouvellement de 2 000 véhicules seulement est prévu pour 2023 , chiffre le plus bas depuis 2014, pour un montant de 97,3 millions d'euros (dont 79,4 millions d'euros pour les véhicules légers). Il s'agit de 1 200 véhicules sérigraphiés et banalisés légers, 200 motos et 600 véhicules spécifiques. Il est vrai qu'un effort très important a été effectué sur les trois années 2020-2022, avec plus de 3 500 véhicules par an, ce qui a permis de rajeunir le parc. Les 2 000 véhicules à acquérir en 2022 permettront de maintenir le kilométrage moyen, non de le diminuer.

Age et kilométrage du parc au 1 er juillet 2022

Type

Quantité

Âge moyen

Kilométrage moyen

Deux roues (hors vélos)

3 714

6,84 ans

45 656 km

Véhicules légers

27 562

6,19 ans

104 668 km

Véhicules lourds

603

13,05 ans

108 403 km

Dans ce domaine comme pour les autres investissements, la stabilité et la pluriannualité sont nécessaires, afin d'avoir un parc de véhicules qui reste en bon état au fil du temps, plutôt qu'une alternance de périodes « fastes » alternant avec des périodes où les moyens des gendarmes sont dans un état indigne. Or le rapport annexé de la LOPMI indique que l'effort de remplacement des véhicules va se poursuivre tout au long du quinquennat avec un renouvellement annuel de 10 % du parc, ce qui représente 3 200 véhicules, chiffre bien supérieur à celui annoncé pour 2023 au sein du projet de loi de finances.

Véhicules réformés

Véhicules acquis

2012

1 906

865

2013

1 309

1 333

2014

841

1 444

2015

1 905

2 099

2016

2 178

3 302

2017

2 788

2 829

2018

3 102

2 782

2019

2 609

2 541

2020

2 596

3 453

2021

3 163

3 716

2022 (au 01/10)

816

3 592

En revanche, le remplacement des vieux blindés de la gendarmerie va débuter. Un marché a été notifié, fin octobre 2021, à la société Soframe. Une commande de 90 véhicules dits « Centaure » a ainsi été passée en juin 2022. Pour un coût de 67 millions d'euros, les 90 véhicules devraient être livrés à compter de fin 2022 pour 10 d'entre eux, puis 44 en 2023 et enfin 36 début 2024. Le premier de ces nouveaux véhicules blindés est arrivé au Groupement blindé de gendarmerie mobile de Satory en début d'été. Il permet le transport de 10 militaires équipés sous blindage et dispose d'une lame de dégagement et de poussée d'obstacles, une mitrailleuse et un lance-grenade télé-opéré d'une capacité de 30 grenades, un dispositif optique et un système de détection des départs de coups de feu. Après la livraison complète, le retrait des VBRG et VAB du service sera réalisé dans des conditions qui restent à finaliser.

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 23 novembre 2022, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Christian Cambon, président, a procédé à l'examen des crédits du programme 152 - Gendarmerie nationale - de la mission « Sécurités » du projet de loi de finances pour 2023.

M. Philippe Paul, rapporteur pour avis . - Monsieur le président, mes chers collègues, Après quelques années de progression des crédits de la gendarmerie nationale due notamment au plan de relance, nous pouvions craindre un retour de balancier. Grâce à la programmation prévue dans le cadre de la LOPMI, ce n'est pas le cas. Nous pouvons donc saluer des crédits globalement en hausse en 2023, passant en crédits de paiement de 9,3 milliards d'euros à 9,9 milliards, soit une hausse de 6,4%.

Certes, si l'on regarde dans le détail, le verre est un peu moins plein.

En effet, ce sont certes surtout les dépenses de personnel qui progressent, de 540 millions d'euros. Le protocole social accompagnant la LOPMI représente 47 millions d'euros de plus et la hausse du point d'indice de la fonction publique, à lui seul 130 millions d'euros.

En outre, et c'est certes une bonne nouvelle, les effectifs progresseront en 2023 de 950 emplois. Ceci permettra la création des 7 escadrons de gendarmerie mobile supplémentaires et le début de la création des 200 brigades territoriales qui s'échelonnera sur la période 2023-2027.

S'agissant de ces nouvelles brigades, lors de l'examen de la LOPMI nous avions exprimé quelques inquiétudes sur leurs critères d'implantation et sur la capacité des collectivités territoriales à investir pour construire des locaux. Par ailleurs, un tiers de ces nouvelles brigades est censé prendre la forme d'unités itinérantes, dont on ne connaît pas non plus précisément à ce jour la forme et les modalités de fonctionnement. Vous le savez, la phase de concertation avec les élus a été lancée par le ministre de l'Intérieur dès septembre dernier, en fonction de critères comme les chiffres de la délinquance et l'évolution de la population. Cette phase de concertation prendra fin en janvier 2023. L'Etat analysera ensuite les propositions des élus en vue d'annoncer les implantations d'ici mars ou avril 2023 pour des premières brigades à l'été prochain.

La gendarmerie nous indique que, conformément à l'amendement que nous avons fait adopter à la LOPMI sur le renforcement de l'aide aux collectivités territoriales, celles-ci pourront bénéficier du soutien financier de l'Etat au travers de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) qui pourra être mobilisée pour la construction des nouvelles casernes. En réalité, ce soutien est déjà possible actuellement. Je rappelle qu'il existe aussi deux autres dispositifs, l'un par un décret de 1993 qui permet de financer 18 ou 20 % de l'investissement selon la taille de la commune, l'autre par un décret de 2016 qui prévoit un financement par les offices publics de l'habitat et les sociétés HLM. Tout ceci existe déjà et ne sera sans doute pas suffisant en cette période difficile pour les finances locales.

En revanche, d'autres aspects de ce budget représentent un progrès indéniable, en particulier les 120 millions d'euros pour la modernisation informatique et la création d'une Agence du numérique des forces de sécurité intérieure.

Nous suivrons avec grande attention la création de cette nouvelle Agence du Numérique des forces de sécurité intérieures, annoncée par le ministre de l'intérieur et inscrite dans la LOPMI. D'après nos informations, l'Agence du Numérique sera en réalité un STSI 2 avec davantage de moyens, ce dont nous nous félicitons. Lors de notre visite au STSI 2 , on nous a aussi expliqué que ce service s'efforcerait de re-développer des compétences sur des applications externalisées à des entreprises. On nous a d'ailleurs donné un exemple assez étonnant de l'intérêt d'une telle démarche. En un week-end, le STSI2 a négocié une baisse de 18 millions d'euros à 3 millions d'euros du renouvellement d'un logiciel vendu par Oracle, simplement en menaçant de le reprendre en interne !

En conclusion, le budget de la gendarmerie pour 2023 reste un bon budget, en progression globale et qui permet de poursuivre la mise à niveau numérique. Pour cette raison, nous vous proposons de l'approuver, sans perdre de vue qu'il comporte aussi quelques points moins positifs, comme le flou sur les nouvelles brigades que j'ai évoqué, mais aussi un ralentissement des nouveaux investissements qui sera plus précisément évoqué par Gisèle Jourda.

Je vous remercie.

Mme Gisèle Jourda, rapporteur pour avis . - Monsieur le président, mes chers collègues. Comme l'a souligné mon co-rapporteur, le budget de la gendarmerie pour 2023 comporte de nombreux aspects positifs, en particulier les effectifs supplémentaires et les moyens mis sur la transformation numérique.

La gendarmerie nationale, via le STSI2, a déjà des réalisations tout à fait remarquables à son actif dans ce domaine des nouvelles technologies. Outre Neo, qui est bien connu et qui en est à sa deuxième génération, on peut citer Agorha, le logiciel de ressources humaines et de paiement des soldes, développé en grande partie en interne. Pour un investissement de 32 millions d'euros, Agorha permet de gérer sans problème les RH et la paie de 130 000 gendarmes. C'est une belle réussite quand on compare ce projet à d'autres au sein d'autres ministères !

Naturellement, tous ces nouveaux systèmes numériques génèrent des dépenses récurrentes de maintien en condition opérationnelle et de renouvellement des équipements. Ainsi, un effort budgétaire très important sera réalisé en 2023 afin des renforcer les moyens technologiques nécessaires : 120 millions d'euros en CP seront ainsi consacrés à l'acquisition de nouveaux moyens de télécommunication et à la modernisation des systèmes informatiques, contre 86 millions d'euros l'année dernière.

Ceci montre encore une fois l'importance de la programmation pluriannuelle. Il est difficile de tout financer à la fois mais il ne faut pas laisser se dégrader un aspect pendant que l'on renforce l'autre. En l'occurrence, développer les meilleurs outils numériques, c'est bien, mais si parallèlement les gendarmes restent logés dans des brigades décrépies et des casernes dégradées, c'est problématique !

Or, dans ce domaine, la LOPMI n'a pas prévu une programmation assez détaillée des investissements futurs pour nous rassurer.

De fait, il faut bien constater qu'une fois de plus, en 2023 les investissements prévus pour l'immobilier au sein du programme 152 seront insuffisants. Un montant de 126 millions d'euros est prévu, loin des 300 millions annuels reconnus nécessaires par tous. Il y avait pourtant eu un effort pour passer d'environ 100 millions d'euros annuels à 150 millions l'année dernière, et voilà que l'on revient en arrière !

Nous demanderons donc au ministre s'il compte aller de l'avant dans ce domaine dans les années à venir, conformément à notre amendement qui a été adopté au sein du rapport annexé de la LOPMI et qui prévoit un investissement annuel de 300 millions d'euros.

Par ailleurs, en ce qui concerne les véhicules de la gendarmerie, un renouvellement de 2 000 véhicules seulement est prévu pour 2023, chiffre le plus bas depuis 2014.

Il est vrai qu'un effort très important a été effectué sur les trois années 2020-2022, avec plus de 3 500 véhicules par an, ce qui a permis de rajeunir un peu le parc. Les voitures ont maintenant en moyenne 6 ans et deux mois et 105 000 kilomètres, ce qui est acceptable sans être extraordinaire.

Mais il ne faudrait pas qu'à cette hausse nécessaire succède à nouveau des années de vaches maigres. Là encore, la stabilité et la pluriannualité sont nécessaires, afin d'avoir un parc de véhicules léger qui reste en bon état au fil du temps, et non pas des périodes fastes qui alternent avec des périodes où les moyens des gendarmes sont dans un état indigne. Le rapport annexé de la LOPMI indique que l'effort va se poursuivre tout au long du quinquennat avec un renouvellement annuel de 10% du parc. 10%, cela représenterait 3 200 véhicules pour les gendarmes. Force est de constater que nous en serons loin en 2023 !

Je voudrai évoquer à mon tour brièvement la question de la création des 200 brigades. S'agissant des brigades dites « volantes », la gendarmerie considère qu'il n'y aura aucune difficulté à trouver des salles dans les mairies pour tenir des permanences. Il ne me paraît pas aussi évident que les communes disposent pour cela de locaux présentant quelque garantie de confidentialité et de sécurité. La piste des camions tout équipés ou de brigades totalement dématérialisées, avec la possibilité pour les gendarmes de pouvoir accomplir toutes les formalités sur leurs équipements mobiles, me paraît plus prometteuse.

Enfin, je terminerai par un point positif en évoquant la réserve opérationnelle de la gendarmerie. Comme vous le savez, la LOPMI prévoit le passage, durant le quinquennat, de 30 000 à 50 000 réservistes. Compte tenu de la stagnation des crédits des dernières années malgré les annonces évoquant le renforcement de la réserve, ceci nous paraissait particulièrement ambitieux. Or on observe bien au sein du PLF 2023 une hausse importante des crédits fléchés vers la réserve, puisqu'ils passent de 70 millions à 84 millions d'euros, soit 20% de progression. Ceci devrait permettre de passer de 30 000 à 36 000 réservistes en un an.

Au total, la progression significative des crédits du programme 152 amènera mon groupe à proposer un avis favorable, même si nous gardons à l'esprit certains points négatifs, dont, en particulier, la poursuite du sous-investissement dans l'immobilier, auxquel il faudra impérativement remédier dans les prochaines années.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Sécurités ».

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

François Desmadryl, directeur des soutiens et des finances de la Direction générale de la gendarmerie nationale.

Déplacement au service des technologies et des systèmes d'information de la sécurité intérieure (STSI 2 ).


* 1 Le protocole LOPMI représente au total 700 millions d'euros supplémentaires sur 5 ans.

* 2 Comprend effectifs des GGD, des COMGEND, sections de recherches.

* 3 Décret n°93-130 du 28 janvier 1993 relatif aux modalités d'attribution de subventions aux collectivités territoriales pour la construction de casernements de gendarmerie.

* 4 Décret n° 2016-1884 du 26 décembre 2016 relatif aux conditions de réalisation et de financement d'opérations immobilières par les offices publics de l'habitat et les sociétés d'habitations à loyer modéré financées par des prêts garantis par les collectivités territoriales et leurs groupements, destinées aux unités de gendarmerie nationale, aux forces de police nationale, aux services départementaux d'incendie et de secours et aux services pénitentiaires.

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