EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 23 novembre 2022, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Christian Cambon, président, a procédé à l'examen des crédits du programme 152 - Gendarmerie nationale - de la mission « Sécurités » du projet de loi de finances pour 2023.

M. Philippe Paul, rapporteur pour avis . - Monsieur le président, mes chers collègues, Après quelques années de progression des crédits de la gendarmerie nationale due notamment au plan de relance, nous pouvions craindre un retour de balancier. Grâce à la programmation prévue dans le cadre de la LOPMI, ce n'est pas le cas. Nous pouvons donc saluer des crédits globalement en hausse en 2023, passant en crédits de paiement de 9,3 milliards d'euros à 9,9 milliards, soit une hausse de 6,4%.

Certes, si l'on regarde dans le détail, le verre est un peu moins plein.

En effet, ce sont certes surtout les dépenses de personnel qui progressent, de 540 millions d'euros. Le protocole social accompagnant la LOPMI représente 47 millions d'euros de plus et la hausse du point d'indice de la fonction publique, à lui seul 130 millions d'euros.

En outre, et c'est certes une bonne nouvelle, les effectifs progresseront en 2023 de 950 emplois. Ceci permettra la création des 7 escadrons de gendarmerie mobile supplémentaires et le début de la création des 200 brigades territoriales qui s'échelonnera sur la période 2023-2027.

S'agissant de ces nouvelles brigades, lors de l'examen de la LOPMI nous avions exprimé quelques inquiétudes sur leurs critères d'implantation et sur la capacité des collectivités territoriales à investir pour construire des locaux. Par ailleurs, un tiers de ces nouvelles brigades est censé prendre la forme d'unités itinérantes, dont on ne connaît pas non plus précisément à ce jour la forme et les modalités de fonctionnement. Vous le savez, la phase de concertation avec les élus a été lancée par le ministre de l'Intérieur dès septembre dernier, en fonction de critères comme les chiffres de la délinquance et l'évolution de la population. Cette phase de concertation prendra fin en janvier 2023. L'Etat analysera ensuite les propositions des élus en vue d'annoncer les implantations d'ici mars ou avril 2023 pour des premières brigades à l'été prochain.

La gendarmerie nous indique que, conformément à l'amendement que nous avons fait adopter à la LOPMI sur le renforcement de l'aide aux collectivités territoriales, celles-ci pourront bénéficier du soutien financier de l'Etat au travers de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) qui pourra être mobilisée pour la construction des nouvelles casernes. En réalité, ce soutien est déjà possible actuellement. Je rappelle qu'il existe aussi deux autres dispositifs, l'un par un décret de 1993 qui permet de financer 18 ou 20 % de l'investissement selon la taille de la commune, l'autre par un décret de 2016 qui prévoit un financement par les offices publics de l'habitat et les sociétés HLM. Tout ceci existe déjà et ne sera sans doute pas suffisant en cette période difficile pour les finances locales.

En revanche, d'autres aspects de ce budget représentent un progrès indéniable, en particulier les 120 millions d'euros pour la modernisation informatique et la création d'une Agence du numérique des forces de sécurité intérieure.

Nous suivrons avec grande attention la création de cette nouvelle Agence du Numérique des forces de sécurité intérieures, annoncée par le ministre de l'intérieur et inscrite dans la LOPMI. D'après nos informations, l'Agence du Numérique sera en réalité un STSI 2 avec davantage de moyens, ce dont nous nous félicitons. Lors de notre visite au STSI 2 , on nous a aussi expliqué que ce service s'efforcerait de re-développer des compétences sur des applications externalisées à des entreprises. On nous a d'ailleurs donné un exemple assez étonnant de l'intérêt d'une telle démarche. En un week-end, le STSI2 a négocié une baisse de 18 millions d'euros à 3 millions d'euros du renouvellement d'un logiciel vendu par Oracle, simplement en menaçant de le reprendre en interne !

En conclusion, le budget de la gendarmerie pour 2023 reste un bon budget, en progression globale et qui permet de poursuivre la mise à niveau numérique. Pour cette raison, nous vous proposons de l'approuver, sans perdre de vue qu'il comporte aussi quelques points moins positifs, comme le flou sur les nouvelles brigades que j'ai évoqué, mais aussi un ralentissement des nouveaux investissements qui sera plus précisément évoqué par Gisèle Jourda.

Je vous remercie.

Mme Gisèle Jourda, rapporteur pour avis . - Monsieur le président, mes chers collègues. Comme l'a souligné mon co-rapporteur, le budget de la gendarmerie pour 2023 comporte de nombreux aspects positifs, en particulier les effectifs supplémentaires et les moyens mis sur la transformation numérique.

La gendarmerie nationale, via le STSI2, a déjà des réalisations tout à fait remarquables à son actif dans ce domaine des nouvelles technologies. Outre Neo, qui est bien connu et qui en est à sa deuxième génération, on peut citer Agorha, le logiciel de ressources humaines et de paiement des soldes, développé en grande partie en interne. Pour un investissement de 32 millions d'euros, Agorha permet de gérer sans problème les RH et la paie de 130 000 gendarmes. C'est une belle réussite quand on compare ce projet à d'autres au sein d'autres ministères !

Naturellement, tous ces nouveaux systèmes numériques génèrent des dépenses récurrentes de maintien en condition opérationnelle et de renouvellement des équipements. Ainsi, un effort budgétaire très important sera réalisé en 2023 afin des renforcer les moyens technologiques nécessaires : 120 millions d'euros en CP seront ainsi consacrés à l'acquisition de nouveaux moyens de télécommunication et à la modernisation des systèmes informatiques, contre 86 millions d'euros l'année dernière.

Ceci montre encore une fois l'importance de la programmation pluriannuelle. Il est difficile de tout financer à la fois mais il ne faut pas laisser se dégrader un aspect pendant que l'on renforce l'autre. En l'occurrence, développer les meilleurs outils numériques, c'est bien, mais si parallèlement les gendarmes restent logés dans des brigades décrépies et des casernes dégradées, c'est problématique !

Or, dans ce domaine, la LOPMI n'a pas prévu une programmation assez détaillée des investissements futurs pour nous rassurer.

De fait, il faut bien constater qu'une fois de plus, en 2023 les investissements prévus pour l'immobilier au sein du programme 152 seront insuffisants. Un montant de 126 millions d'euros est prévu, loin des 300 millions annuels reconnus nécessaires par tous. Il y avait pourtant eu un effort pour passer d'environ 100 millions d'euros annuels à 150 millions l'année dernière, et voilà que l'on revient en arrière !

Nous demanderons donc au ministre s'il compte aller de l'avant dans ce domaine dans les années à venir, conformément à notre amendement qui a été adopté au sein du rapport annexé de la LOPMI et qui prévoit un investissement annuel de 300 millions d'euros.

Par ailleurs, en ce qui concerne les véhicules de la gendarmerie, un renouvellement de 2 000 véhicules seulement est prévu pour 2023, chiffre le plus bas depuis 2014.

Il est vrai qu'un effort très important a été effectué sur les trois années 2020-2022, avec plus de 3 500 véhicules par an, ce qui a permis de rajeunir un peu le parc. Les voitures ont maintenant en moyenne 6 ans et deux mois et 105 000 kilomètres, ce qui est acceptable sans être extraordinaire.

Mais il ne faudrait pas qu'à cette hausse nécessaire succède à nouveau des années de vaches maigres. Là encore, la stabilité et la pluriannualité sont nécessaires, afin d'avoir un parc de véhicules léger qui reste en bon état au fil du temps, et non pas des périodes fastes qui alternent avec des périodes où les moyens des gendarmes sont dans un état indigne. Le rapport annexé de la LOPMI indique que l'effort va se poursuivre tout au long du quinquennat avec un renouvellement annuel de 10% du parc. 10%, cela représenterait 3 200 véhicules pour les gendarmes. Force est de constater que nous en serons loin en 2023 !

Je voudrai évoquer à mon tour brièvement la question de la création des 200 brigades. S'agissant des brigades dites « volantes », la gendarmerie considère qu'il n'y aura aucune difficulté à trouver des salles dans les mairies pour tenir des permanences. Il ne me paraît pas aussi évident que les communes disposent pour cela de locaux présentant quelque garantie de confidentialité et de sécurité. La piste des camions tout équipés ou de brigades totalement dématérialisées, avec la possibilité pour les gendarmes de pouvoir accomplir toutes les formalités sur leurs équipements mobiles, me paraît plus prometteuse.

Enfin, je terminerai par un point positif en évoquant la réserve opérationnelle de la gendarmerie. Comme vous le savez, la LOPMI prévoit le passage, durant le quinquennat, de 30 000 à 50 000 réservistes. Compte tenu de la stagnation des crédits des dernières années malgré les annonces évoquant le renforcement de la réserve, ceci nous paraissait particulièrement ambitieux. Or on observe bien au sein du PLF 2023 une hausse importante des crédits fléchés vers la réserve, puisqu'ils passent de 70 millions à 84 millions d'euros, soit 20% de progression. Ceci devrait permettre de passer de 30 000 à 36 000 réservistes en un an.

Au total, la progression significative des crédits du programme 152 amènera mon groupe à proposer un avis favorable, même si nous gardons à l'esprit certains points négatifs, dont, en particulier, la poursuite du sous-investissement dans l'immobilier, auxquel il faudra impérativement remédier dans les prochaines années.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Sécurités ».

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