TRAVAUX EN COMMISSION

Audition de M. Olivier Klein,
ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique
et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement
(Mardi 8 novembre 2022)

Mme Sophie Primas , présidente . - Mes chers collègues, nous entendons aujourd'hui Monsieur Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement, qui vient nous présenter le projet de budget de son ministère pour 2023.

Je précise que cette audition est diffusée en vidéo en direct sur le site internet du Sénat et sera disponible ensuite en vidéo à la demande.

Monsieur le ministre, vous nous présentez ce soir un budget en progression nominale. Nous sommes entrés dans une période d'inflation, de l'ordre de 4,2 % l'année prochaine. C'est à l'aune de celle-ci qu'il nous faut aujourd'hui comprendre l'évolution des budgets en volume qui nous sont proposés.

Dans une mission « cohésion des territoires » qui s'accroît globalement de 3,9 %, les trois programmes dédiés au logement suivent la même dynamique, et celui dévolu à la ville augmente de 7,1 %.

La commission est particulièrement attachée à ces sujets, et nous ne cachons pas notre satisfaction que des demandes légitimes aient pu être entendues - je pense notamment aux Quartiers d'été. Mais dans un budget général en déficit de 5 %, et avec une dette dépassant les 110 % du PIB, la responsabilité collective, et particulièrement celle du Sénat, est d'aller au-delà de la facilité de considérer comme « bon » un budget en augmentation.

Celui que vous nous présentez ressemble fort à un budget de transition en matière de financement du logement social, de rénovation des habitations et de politique de la ville. Nous n'attendons pas de vous des solutions miracles, mais une stratégie de long terme, une hiérarchisation des objectifs et des orientations pluriannuelles.

En matière de financement du logement social, nous sommes entre la RLS, prolongée cette année, et le « pacte de confiance », qui j'espère portera bien son nom. Au regard de la construction du PLF 2023, c'est pourtant l'inquiétude qui domine.

Sous couvert de négociations en cours sur ce fameux pacte et sur la convention quinquennale, Action Logement a de nouveau été mis à contribution contre sa volonté. Parallèlement, la requalification par l'INSEE en administration publique de sa filiale Action Logement Service (ALS), qui prélève et distribue la Participation à des employeurs à l'effort de construction (PEEC), laisse augurer à nouveau un possible démembrement du groupe et une budgétisation de cette dernière.

Dans la lignée du travail de Valérie Létard, Dominique Estrosi-Sassone, Viviane Artigalas et Marie-Noëlle Lienemann, notre commission porte deux convictions très fortes. D'abord, il est philosophiquement essentiel que le patronat et les syndicats soient investis pour le logement des salariés. Ensuite, il est budgétairement primordial pour le logement et la rénovation urbaine que cet acteur reste autonome pour être un partenaire de longue durée. Nous sommes ainsi convaincus que les bénéfices de court terme des attaques contre Action Logement se révèleront des handicaps de long terme contre le secteur. Au moment où votre collègue de Bercy pourrait demain prendre la décision juridique de classer ALS comme organisme d'administration centrale, avec de nombreuses conséquences notamment financières, nous attendons de votre part un engagement déterminé pour que, au-delà les nécessités d'un moment, les outils, les acteurs et les financements spécifiques du logement soient garantis dans la durée.

Ce budget est aussi un budget de transition en matière de rénovation des logements. Il vous revient de mettre en oeuvre la loi « Climat et résilience » et notamment les interdictions de louer frappant les logements classés E, F et G. Or, l'Institut Paris région a montré que 45 % des résidences principales d'Ile-de-France portaient ces étiquettes énergétiques. Comment comptez-vous relever ce défi technique et financier, alors que l'énergie pèse si lourd dans le pouvoir d'achat des Français ? Notre commission, avec notre rapporteur Dominique Estrosi-Sassone, avait émis des propositions pour desserrer le calendrier des étiquettes E et pour accompagner les propriétaires. Elles n'ont, pour l'essentiel, pas été retenues. Elles nous manquent aujourd'hui.

Enfin, c'est aussi un budget de transition en matière de politique de la ville. L'année 2023 sera déterminante pour le renouvellement des contrats de ville, la redéfinition de la géographie prioritaire et l'aménagement du cadre législatif et financier. Là aussi, notre commission a présenté des propositions constructives en lien étroit avec les maires concernés, en s'appuyant sur votre travail à l'institut Montaigne pour aller de l'avant et redonner une ambition claire à cette politique : être un tremplin pour les habitants. Nous attendons ainsi que vous présentiez vos intentions et votre agenda pour les prochains mois.

J'attire votre attention sur les quartiers ayant été déclassés de la politique de la ville en 2014, situés dans des communes très souvent socialement fragiles, et très proches d'autres villes toujours classées en politique de la ville. Ces quartiers ont subi les effets collatéraux des démolitions et reconstructions et sont aujourd'hui dans des situations bien dégradées, alors que les communes ont connu une raréfaction de l'argent public et de leur propre capacité à agir.

Je vous laisse répondre à ces premières interpellations, avant de laisser la parole à nos rapporteurs, puis à mes collègues qui souhaiteront s'exprimer.

M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement . - C'est pour moi un honneur d'être auditionné par votre commission. En tant qu'élu municipal depuis plus de 25 ans, vous imaginez mon attachement aux collectivités. La politique du logement englobe de nombreux sujets. La conjoncture nous impose d'agir vite, fort et de façon globale. Elle ne doit pas minimiser les difficultés du secteur, liées à la demande - avec l'enjeu de solvabilité des ménages et l'accès au crédit - et à l'offre, alors qu'existent de nombreux freins à la construction.

Ma mission vise à faire que le logement ne devienne pas la bombe sociale de demain. Pour cela, nous nous donnons les moyens de nos ambitions. Le budget en faveur du logement prévoit d'abord d'accompagner les Français tout au long de leur parcours résidentiel, puis d'accompagner les territoires pour une politique du logement en lien avec la transition écologique. Je souhaite également mettre en oeuvre une politique alliant l'urbain et l'humain.

Lier la politique de la ville et celle du logement permet d'obtenir des résultats forts dans nos quartiers. La participation citoyenne y est favorisée. Nous y permettons l'émancipation et le plein emploi. Nous y menons une politique exigeante contre les fractures, les vulnérabilités et les discriminations. Pour que leurs habitants se sentent pleinement citoyens de la République, nous leur devons l'accès aux droits, à des logements dignes, au service public et aux transports. Je souhaite mener et construire cette politique avec les élus locaux.

Notre priorité, dans le contexte actuel d'inflation, concerne le pouvoir d'achat. Contre la hausse des prix, le gouvernement a voté le paquet « pouvoir d'achat » en juillet. Le logement est le premier poste de dépense des ménages. Conformément aux engagements de la Première ministre, vous avez adopté un plafonnement de la hausse des loyers de 3,5 % - alors qu'elle aurait pu atteindre 6 % en 2023 - et une revalorisation des APL de 3,5 %. Elle concerne 5,8 millions de foyers, dont 2,6 millions en logement social, pour 300 millions d'euros de dépense.

Ensuite, un ministre du logement est selon moi un ministre du parcours résidentiel, à chaque étape de la vie. Nous accompagnons la famille qui s'agrandit et souhaite devenir propriétaire avec la possibilité d'obtenir un prêt à taux zéro. Ce dispositif a soutenu 75 000 ménages en 2021. Sa pertinence est renforcée par les taux actuels. Le PLF 2023 le maintient inchangé. Nous devons travailler aux suites à lui donner à partir de 2024.

Ensuite, avec MaPrimeRénov', nous aiderons nos aînés à mieux vieillir chez eux, dans un logement adapté. C'était une promesse de campagne du Président de la République. Les crédits de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) sont renforcés de 35 millions d'euros dans le PLF pour enclencher cette dynamique dès 2023.

Ce parcours résidentiel doit également accompagner ceux qui n'ont pas de logement. Nous luttons quotidiennement contre le mal-logement et le sans-abrisme, avec des résultats. Le Président de la République avait initié dès 2027 la politique du logement d'abord. Cinq ans plus tard, près de 400 000 personnes ont pu accéder à un logement, et la production de logements adaptés a doublé. Nous poursuivrons cet effort avec un nouveau plan logement d'abord.

Je souhaite aussi que ce plan reste exemplaire en matière de territorialisation autour des Services intégrés de l'accueil et de l'orientation (SIAO) et des élus. Je veux me nourrir des idées des 45 territoires qui continuent à accélérer le logement d'abord. Ensuite, la performance et le suivi des résultats sont primordiaux. Le Sénat a produit en 2018 un rapport sur l'hébergement d'urgence. Quatre ans plus tard, une bonne part des efforts de pilotage demandés ont été mis en oeuvre. Il reste toutefois beaucoup à faire. Le PLF 2023 reflète déjà les dynamiques que je souhaite porter. 44 millions d'euros supplémentaires sont alloués à la production de logements et à la prévention des expulsions locatives. Face aux besoins inédits, il maintient pour 2023 un très haut niveau de places d'hébergement d'urgence.

Pour permettre ce parcours résidentiel, il est indispensable de travailler étroitement avec l'ensemble des acteurs du logement, et notamment les bailleurs sociaux. C'est l'idée du pacte de confiance annoncé par la Première ministre, que je souhaite construire rapidement pour qu'il donne une vision de long terme à l'ensemble des acteurs.

Dès 2023, le budget vient stabiliser le modèle de financement en soutenant la production de 110 000 logements sociaux. Nous soutiendrons également la rénovation, notamment thermique, du parc social avec une enveloppe dédiée de 200 millions d'euros. Pour atteindre ce niveau de construction, l'État doit pouvoir s'appuyer sur les maires, qui ont une obligation à travers la loi SRU. Je veux aller au-delà de cet aspect contraignant, dans le dialogue. C'est aussi l'idée de ce pacte de confiance.

La loi SRU a fait l'objet de débats importants dans cette chambre l'an dernier. L'équilibre trouvé me semble être le bon. Vous avez pérennisé la loi et ses exigences, en laissant toute sa place au dialogue. Je veux un dialogue local exigeant pour que la loi SRU soit respectée par toujours plus de communes. C'est le sens des contrats de mixité sociale que je souhaite signer avec toutes les communes volontaires.

Favoriser le parcours résidentiel passe tout d'abord par une amélioration des logements existants. Nous pouvons pour cela nous saisir de quatre leviers. D'abord, le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) est aujourd'hui largement mobilisé. 450 projets sont validés. Des chantiers sont engagés dans près de 400 quartiers. 12 milliards d'euros seront bientôt alloués, mais pas intégralement dépensés. Je rappelle que l'investissement pour les quartiers en renouvellement urbain s'élèvera, tous leviers confondus, à 50 milliards d'euros à la fin du programme. Je salue à ce titre l'action de l'ANRU et de l'ensemble des maires et présidents d'intercommunalités des quartiers politiques de la ville (QPV), qui s'engagent pleinement dans ces opérations de reconstruction, de démolition, de construction d'équipements publics.

L'accélération de la rénovation énergétique est une priorité du gouvernement. Les résultats sont là. Ma Prime Rénov', c'est la réussite de la massification des travaux de rénovation. 1,5 million de projets ont été soutenus depuis 2020, dont plus de 160 000 rénovations globales, contrairement aux 2 500 régulièrement citées. 2,1 milliards d'euros ont bénéficié en 2021 à plus de 80 % de ménages modestes ou très modestes, contre seulement 10 % avec le crédit d'impôt dans la version antérieure. Le gain énergétique moyen par logement est également en hausse de 30 % par rapport au crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) antérieur. En un mot, Ma Prime Rénov' fonctionne et est une réussite, mais nécessite maintenant une accélération. On reproche souvent au logement de représenter 20 % des émissions de gaz à effet de serre. Je crois que nous devons en faire l'avant-garde éclairée de la transition écologique. Nous en avons les moyens. Le PLF 2023 prévoit 2,45 milliards d'euros sur le dispositif de Ma Prime Rénov', un renforcement d'environ 130 millions d'euros des autres aides de l'ANAH en faveur de la rénovation énergétique pour consolider la dynamique inédite de la relance. Cette accélération se traduira par des évolutions des aides, pour plus de rénovations performantes et globales. Une attention accrue doit être portée aux passoires thermiques, notamment par un meilleur accompagnement des ménages. C'est l'enjeu du service public France Renov. Nous devons rendre accessibles aux Français une information et un conseil sous cette bannière unique. Un réseau d'accompagnateurs agréés, qui se déploiera tout au long de 2023, sera chargé d'emmener les ménages vers des projets ambitieux et de leur faire connaître les aides auxquelles ils ont droit.

Enfin, l'enjeu de la rénovation énergétique est celui de l'habitat collectif. L'aide Ma Prime Rénov' Copropriétés sera prolongée pour accentuer l'effort de rénovation des logements collectifs, de sorte à diminuer les restes à charge des travaux, et aider à la décision en assemblée générale.

Nous ne pouvons continuer à voir des gens vivre dans des conditions insupportables dans des passoires thermiques. Depuis la fin du mois d'août, les loyers des logements classés F et G sont gelés. La prochaine échéance prévue par la loi « Climat et résilience » conduira progressivement à leur interdiction de remise en location. Pour tenir ce calendrier, nous travaillerons avec l'ensemble des acteurs. Cette interdiction s'appliquera à tous les logements, y compris aux biens destinés à la location en meublé touristique. Nous ne devrions pas créer un effet d'aubaine pour que ces logements, qui ne pourraient être conservés en location, soient transformés en logis touristiques.

Ensuite, nous devons réconcilier la France avec l'acte de construire pour que chacun puisse se loger en fonction de son parcours de vie. Il faut construire plus de logements, de tous types, là où sont les besoins les plus importants. D'abord, nous devrons rétablir collectivement un discours positif sur l'acte de construire avec les maires et l'ensemble des acteurs. Si vous me permettez l'expression, il faut construire plus pour loger plus. Plus de 2,2 millions de Français sont aujourd'hui en recherche d'un logement social. Nous ne pouvons donc penser que le besoin est couvert. Nous pourrons arriver à nos fins en étant exemplaires en matière environnementale. La dynamique est en cours. Les promoteurs, architectes, entreprises du bâtiment et des travaux publics transforment leur activité en profondeur pour répondre à cette ambition environnementale et à l'exigence de la nouvelle réglementation RE2020. Celle-ci pose un cadre ambitieux en donnant à la construction neuve plusieurs objectifs de sobriété énergétique, de sortie des énergies fossiles ou de diminution des impacts carbone.

Enfin, la Première ministre a annoncé un fonds vert doté de 2 milliards d'euros pour les collectivités locales. Cet engagement fort vise à accélérer la transition écologique de nos villes et de nos territoires. L'été 2022 nous a montré que l'exceptionnel risquait de devenir la norme. Nous devons agir. Ce fonds accompagnera les collectivités dans leurs projets, pour adapter la ville aux changements climatiques, pour régénérer des friches urbaines, pour réaménager des surfaces commerciales et services devenus obsolètes, et pour rénover des équipements et bâtiments publics. C'est du concret. Ce fonds est destiné aux élus locaux, les plus à même de porter des projets de transition écologique adaptés à leur territoire.

Les sujets sont nombreux. Les urgences aussi. Je compte mettre toute mon énergie pour relever ces défis, sur lesquels j'aurais l'occasion d'échanger lors du Conseil national de la refondation (CNR) dédié au logement. Ces discussions ne remplaceront en rien le travail parlementaire, mais permettront de créer du consensus, de bâtir des solutions et de remettre les citoyens au coeur des grands choix de notre pays.

Mme Dominique Estrosi Sassone , rapporteur pour avis . - Je voudrais d'abord vous interroger sur le budget dévolu à l'hébergement d'urgence et à l'accès au logement, car donner un toit à chacun est la première des exigences. Les moyens du programme 177 sont importants, et l'État est globalement au rendez-vous financier via des PLF croissants et des ajustements en cours d'année. Cependant, le secteur a besoin de stabilité, de lisibilité et de moyens pour assurer l'accompagnement social, clé de la réussite de la politique du logement d'abord.

Très récemment, vous avez annoncé 40 millions d'euros supplémentaires pour maintenir un parc de 197 000 places en renonçant aux baisses programmées initialement. Pour autant, beaucoup estiment une telle enveloppe insuffisante au regard des coûts effectifs. Prévoyez-vous d'aller plus loin ? En termes d'accompagnement, les associations me font part de graves difficultés de recrutement et d'un problème d'attractivité des métiers. Je suis par exemple interpellée sur le fait que les écoutants des SIAO ne bénéficient pas des revalorisations obtenues par d'autres catégories de travailleurs sociaux. Allez-vous apporter une réponse à cette injustice ?

J'attire également votre attention sur la situation de certains gestionnaires de logements foyers ou de logements accompagnés. Elle peut être très difficile, compte tenu de la hausse des coûts de l'énergie. En effet, lorsque la facturation au résident est forfaitaire, le gestionnaire doit supporter l'essentiel de la hausse sans pouvoir la répercuter, alors que les hébergés bénéficient du chèque énergie. ADOMA et l'UNAFO ont présenté plusieurs pistes de solutions, dont l'attribution du chèque énergie aux gestionnaires, une modification des conditions de révision des forfaits ou encore une refacturation partielle des consommations excessives. Que comptez-vous faire à ce sujet ?

Ensuite, certains commencent à dire qu'il faudrait choisir entre la rénovation et la construction neuve. C'est bien un domaine où le « en même temps », que je ne privilégie en aucun cas, aurait pourtant tout son sens. La crise actuelle du logement est particulièrement grave, et ne cessera de s'aggraver, à court terme tout du moins. Faire un choix entre la rénovation et la construction neuve équivaudrait à revenir sur les conclusions de la commission Rebsamen. Elle avait pu aboutir à un consensus sur le besoin en construction neuve. Ce serait également dangereux au regard des besoins urgents d'accès au logement. Les bailleurs sociaux, mais aussi les promoteurs, sont très préoccupés par l'accès au foncier. Certains opérateurs s'inquiètent que le nouveau « fonds vert » conserve tous les avantages et la simplicité du fonds friche, qui s'est révélé efficace pour débloquer des dossiers complexes. Pourriez-vous nous rassurer sur ce point ?

En matière de rénovation, je suis préoccupée par un discours uniquement punitif vis-à-vis des propriétaires, bien loin d'être tous des « marchands de sommeil louant des logements indignes ». Beaucoup sont confrontés aux difficultés techniques et financières de la rénovation et pourraient retirer leurs biens du marché.

J'ai constaté dans votre entretien pour Le Parisien que vous évoquiez le statut du bailleur privé. Sachez que vous trouverez au sein de cette commission une écoute plus qu'attentive. Je plaide depuis de nombreuses années la nécessité de le mettre en place. Nous devons aider ces bailleurs privés, et non prendre des mesures coercitives à leur encontre. Je reste convaincue qu'un geste tel que l'actualisation du déficit foncier sur l'inflation serait un signal efficace pour les embarquer dans cette volonté de rénovation énergétique de leur logement. Surtout, cette décision empêcherait bon nombre de biens de sortir du marché locatif. Dans le cadre de la loi « Climat et résilience », j'avais même proposé un certain nombre de mesures fiscales et financières à destination des propriétaires, dont un doublement du déficit foncier.

Ma Prime Rénov' Copropriétés prend progressivement de l'ampleur. On pourrait accélérer et débloquer progressivement certains dossiers en permettant à l'ANAH de doubler la prime pour les propriétaires modestes. De même, sans doute faut-il bouger les curseurs pour que le soutien à la rénovation globale soit toujours plus avantageux que celui aux gestes uniques de travaux. Pensez-vous pouvoir agir en ce sens ?

Enfin, les enjeux ne sont pas moins forts dans le parc social. Les bailleurs ont moins de marges de manoeuvre avec la RLS et la hausse des taux d'intérêt ou du livret A, qui pourraient à l'avenir peser davantage sur leur capacité d'autofinancement. L'USH a émis des propositions pour aller directement vers les meilleures étiquettes énergétiques, dans l'objectif de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC), et pour financer la deuxième vie des logements. Qu'en pensez-vous ?

Nous avons bien compris que ce budget était un budget de transition. Nous souhaitons maintenant obtenir de la visibilité sur le budget du logement pour les quatre années à venir. Il s'inscrit sur un temps long, mais jusqu'à présent, nous n'avons eu qu'à déplorer une politique de stop & go . Les opérateurs, privés comme publics, ne savent où aller et sont contraints dans leurs capacités à agir.

Comment pensez-vous matérialiser votre annonce sur l'interdiction des passoires thermiques sur les meublés de tourisme ? Un véhicule législatif ad hoc concernera-t-il cette mesure ?

Enfin, la Première ministre a annoncé l'extension du bouclier tarifaire sur le gaz aux ménages résidant en copropriété et en logement social à chauffage collectif. Quelles seront ses modalités de mise en oeuvre ? À Nice, j'ai rencontré certaines copropriétés, qui ont pris la décision de ne pas se chauffer, parce que les charges sont beaucoup trop importantes. Elles sont contraintes à des avances de charges, qu'elles ne parviennent pas à faire au regard du bouclier tarifaire, perçu beaucoup trop tardivement. Elles souhaitent bénéficier du même dispositif que les copropriétés actuellement en chauffage individuel au gaz.

Mme Viviane Artigalas , rapporteure pour avis . - En tant qu'ancien Président de l'ANRU, vous êtes bien placé pour savoir qu'elle a retrouvé toute sa dynamique. Nous sommes entrés dans la phase active du NPNRU avec de plus en plus de chantiers et de besoins de paiement. Dans ce contexte, je suis très préoccupée de voir que l'État n'apportera que 15 millions d'euros au programme l'année prochaine. Au cours des cinq dernières années, il n'a financé que la moitié environ des 200 millions d'euros promis. Qu'en sera-t-il à l'avenir, alors que l'État doit encore 1,1 milliard d'euros d'ici 2031 et qu'il devrait verser de l'ordre de 110 millions d'euros par an sur 10 ans ? Assurez-vous que l'État sera bien au rendez-vous et assumera sa part de financement de la rénovation urbaine ?

Vos prédécesseurs ont indiqué relancer le recrutement d'adultes relais pour appuyer les associations et développer la médiation sociale dans les quartiers. Le chiffre officiel est de 6 514 adultes relais. La réalité des effectifs sur le terrain est de l'ordre de 4 600, soit pas tellement plus qu'au début du quinquennat précédent. Comment expliquer cet échec ? Comment comptez-vous y remédier ? Certains évoquent le niveau des rémunérations et les problèmes de professionnalisation qui expliqueraient la faible attractivité des postes. Est-ce exact ?

Ensuite, la dynamique de la politique de la ville est une question centrale pour mesurer ses effets sur les habitants. Nous avons plaidé dans notre rapport pour beaucoup plus d'études de cohortes. Pourtant, nous avons constaté que l'Observatoire national de la politique de la ville (ONPV), dépourvu de président depuis près d'un an, disposant de toujours moins de personnels et de liens avec la recherche, est devenu une coquille vide. Ce sujet peut sembler technocratique, mais il est très important. On ne peut, par exemple, pas concevoir de dépenser 40 milliards d'euros dans le NPNRU sans évaluation. Comment répondre aux critiques de la Cour des comptes et comment comprendre ce qui se joue dans ces quartiers sans évaluation ? Comment comptez-vous relancer l'ONPV et relever ce défi de l'évaluation et de la recherche sur la politique de la ville ?

Enfin, les villes abritant des QPV sont aujourd'hui particulièrement touchées par l'inflation et la hausse des coûts de l'énergie car elles sont plus pauvres que les autres. Qu'est-il prévu pour les accompagner et les aider à passer le cap ? Le Gouvernement a accepté un coup de pouce complémentaire de 110 millions d'euros pour la DSR à l'Assemblée nationale. Étant élue d'un département rural, je m'en réjouis, mais un geste équivalent sur la DSU est-il envisagé au Sénat ? Ce n'est pas moins attendu et légitime.

Enfin, en dehors du budget, pouvez-vous nous faire part de vos projets et de votre agenda pour les prochains mois sur les contrats de ville ?

M. Jean-Baptiste Blanc , rapporteur spécial . - Le PLF a été présenté avec un objectif d'abaisser le parc d'hébergement d'urgence de 14 000 places environ. Pourtant, vous avez récemment confirmé que le nombre de places resterait au nombre très élevé atteint pendant la crise sanitaire, puisque le gouvernement a obtenu une ouverture d'un crédit supplémentaire de 40 millions d'euros dans le texte du PLF adopté au moyen du 49.3. Comment est-il impossible de descendre sous ce plateau alors que les restrictions sanitaires n'ont plus cours ? Pourquoi la politique du logement, d'abord censée favoriser le passage direct des sans-abris vers le logement, n'empêche-t-elle pas un nombre toujours plus important d'entre eux de s'arrêter à la case hébergement ? Quel est le nombre de personnes sans-abris en France ? Une audition de la fondation Abbé Pierre laisse entendre que 2 000 enfants et 7 000 adultes dorment encore dehors chaque soir. La dernière enquête de l'INSEE sur le sujet remonte à dix ans. Quand une nouvelle étude vous permettra-t-elle de fonder réellement cette politique sur une connaissance de la population concernée ? Avez-vous une idée du nombre de personnes qui ne devraient pas relever de votre ministère, mais de celui de l'intérieur, au titre de la politique d'accueil des migrants et réfugiés ?

Ayant reçu les responsables d'Action Logement la semaine dernière, j'ai été surpris d'apprendre que les négociations de la nouvelle convention quinquennale n'avaient pas commencé. Pourront-elles être conclues d'ici la fin de l'année, au risque de causer des difficultés en début d'année prochaine, compte tenu de l'interdiction d'emprunt sur une durée supérieure à un an dont ALS devrait bientôt faire l'objet ? Avez-vous un plan B si l'organisme ne peut plus contribuer autant qu'aujourd'hui à tant de politiques publiques ?

Quant à la politique de la ville, que vous connaissez mieux que personne, je m'interroge sur l'abattement de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), dont bénéficient les bailleurs sociaux. Ils doivent, en échange, réaliser des travaux d'amélioration dans les quartiers ANRU. Avez-vous un bilan de l'utilisation de cet abattement ? De nombreux maires indiquent qu'ils n'auraient pas apporté toutes les contreparties attendues par la loi.

Enfin, le PLF ne contient rien, ou presque, concernant le sujet du « zéro artificialisation nette » (ZAN). Votre collègue Christophe Béchu a évoqué « une forme de fiscalité qui renchérisse le coût de l'artificialisation en fournissant des moyens de collectivité » devant la commission de l'aménagement du territoire la semaine dernière. Avez-vous une réflexion ou une position sur ce sujet, qui met tous les territoires en ébullition ?

M. Olivier Klein . - D'abord, tous les échanges menés depuis de nombreux mois avec Action Logement sont au coeur des réflexions sur ce que sera la nouvelle convention quinquennale. J'ai reçu son Président et sa directrice générale le 6 juillet, deux jours après ma nomination. Compte tenu de mes anciennes fonctions de président de l'ANRU, nos échanges ont été nombreux. Personne n'ignore mes prises de position de l'époque, lorsque j'indiquais que le rôle d'Action Logement était, à mes yeux, déterminant dans un certain nombre de politiques : le renouvellement urbain, Action coeur de ville, les logements sociaux. À ce stade, malgré les évolutions et le classement d'Action Logement en administration publique, je continue à penser que la structure actuelle est la meilleure pour faire vivre le monde du logement social.

Pour autant, nous devrons ensemble définir les responsabilités des uns et des autres sur la production, sur la réhabilitation. Un débat est toujours ouvert sur le Fonds national d'aide à la pierre (FNAP). Je ne sais pas comment nous aurions pu agir autrement s'agissant du maintien du prélèvement tel qu'il a existé à la suite des échanges sur le plan d'investissement volontaire, de 3 fois 300 millions d'euros - et, cette fois-ci, une quatrième fois 300 millions d'euros. Si nous n'avions pas choisi cette voie, Action Logement proposait que les bailleurs eux-mêmes contribuent à l'aide à la pierre, ou l'État.

Ce dernier pense encore qu'il est important de participer à la rénovation thermique. Ce sujet est sur la table dans le cadre du pacte de confiance que nous construisons avec les bailleurs sociaux, et de la convention quinquennale. Les deux débats sont liés et doivent être portés simultanément, dans un nouveau cadre. Lors de l'émergence des premières volontés de budgéter la PEEC, Action Logement n'était pas classée en administration publique. Le contexte a changé. Nous portons une responsabilité collective sur sa dette. Nous devons y travailler ensemble. Nous recevrons avec Christophe Béchu l'ensemble des partenaires sociaux d'Action Logement le 15 novembre pour lancer officiellement, peut-être, la négociation sur la prochaine convention quinquennale. Nous y travaillons depuis trois mois. Chacun doit se mobiliser sur la production neuve et sur la réhabilitation. Ces deux chantiers doivent être menés avec la même acuité, sans opposition.

Nous le savons, 80 % des logements dans lesquels nous vivrons en 2050 existent déjà. La question de la rénovation et de la réhabilitation est donc primordiale.

Ensuite, je crois en notre objectif de tenir les échéances fixées sur le plan de la rénovation énergétique, mais pas dans une logique culpabilisatrice. Les propriétaires occupants et bailleurs sont aussi bien aidés les uns que les autres par Ma Prime Rénov'. L'ensemble des aides doivent être connues pour le logement individuel. Nous devons dépasser la massification par une rénovation plus performante, voire globale, là où elle est possible. Pour autant, aucun geste n'est gâché. Ils sont utiles au portefeuille des occupants de ces logements, mais aussi de la planète. Une rénovation performante et globale n'est qu'une somme de gestes. Avec les conseillers France Renov et les accompagnateurs agréés, nous devons lancer tous ces chantiers en toute connaissance de cause. Nous avons besoin d'éclairer chaque porteur de projet, individuel ou collectif, et de renforcer notre effort sur le logement collectif, et notamment les copropriétés dégradées, qui compose la part la plus importante du parc, notamment locatif.

Nous devrons être très attentifs au fait qu'un propriétaire bailleur ou occupant d'un logement classé F ou G risque de rencontrer des difficultés pour changer d'étiquette si celle-ci est liée à la structure du bâti. Nous devrons, le moment venu, prévoir un accompagnement adapté aux copropriétés pour que les travaux nécessaires puissent être votés par l'assemblée générale. Nous étudierons les différents cas. Je ne souhaite pas, à ce stade, faire d'exception possible en leur donnant du temps. Les occupants de passoires thermiques n'ont pas ce temps. Nous travaillons sur la qualification des diagnostiqueurs et la formation des artisans pour engager cette dynamique. L'ANAH et ses partenaires nous accompagnent sur une montée en charge pour trouver de nouvelles aides, afin de rendre Ma Prime Rénov' Copropriétés la plus efficace possible.

Madame Estrosi Sassone, le projet de loi de finances prévoyait une baisse de l'hébergement d'urgence de 7 000 places en 2023, suivant une première baisse en 2022. Ceci dit, la réalité nous rattrape, et le besoin reste très important en sortie du Covid. Le plan logement d'abord a toutefois permis de sortir 390 000 personnes de la rue. Compte tenu des conditions politiques ou géopolitiques, de nombreuses personnes ont encore besoin d'un hébergement d'urgence. Le gouvernement a donc décidé d'ajouter ces 40 millions d'euros visant à maintenir 197 000 places environ, pour éviter une remise à la rue.

Le programme Logement d'abord sera relancé avec une vraie volonté. Le gouvernement ne peut agir seul. Nous devons convaincre les élus et habitants de la nécessité de l'acte de construire, mais nous devons également les convaincre que l'installation d'une pension de famille ou d'une résidence sociale à côté de chez soi est loin d'être un drame, au contraire. Nous avons besoin que le regard sur ces lieux d'accueil évolue.

Ensuite, il est très difficile de disposer du nombre précis de sans-abris. Néanmoins, nous travaillons, sur proposition de l'association Aurore, à la mise en place d'un observatoire qui nous apportera une vision dynamique de la situation. L'ensemble des associations souhaitent sa création. J'ai demandé à la DIHAL et la DHUP de s'en charger. Cette question a également été évoquée récemment à l'occasion d'un Conseil de défense en présence du Président de la République. Nous savons qu'environ la moitié des 200 000 personnes aujourd'hui en hébergement d'urgence n'est pas en capacité d'accéder à un logement, en raison d'une situation irrégulière ou équivalente. Pour un hébergement d'urgence réussi, un accompagnement social des familles sera par ailleurs primordial.

Madame Estrosi Sassone, le travail des écoutants du SIAO est extrêmement difficile et frustrant, parfois. Tard dans la nuit, ils n'ont plus de places à proposer. La Première ministre nous a demandé de travailler sur une prime exceptionnelle pour ces professionnels. Nous la leur proposerons prochainement. Nous devons aussi les accompagner de manière plus structurelle.

Sur les résidences sociales, en effet, le bouclier tarifaire existant ne s'applique pas. Nous recherchons une aide exceptionnelle sur le sujet. La question du chèque énergie dépasse cette population, puisqu'il pourrait être utilisé au sein d'une copropriété. Nous devons toutefois éviter d'éventuelles dérives sur son utilisation.

Évidemment, il n'y a pas de choix entre rénovation et construction neuve. Notre ambition vise la production neuve d'environ 110 000 logements sociaux, et la rénovation annuelle de 120 à 140 000 autres. Nous affichons également une ambition très forte dans l'habitat privé.

Ensuite, nous travaillons sur un statut du bailleur privé. Dans le parcours résidentiel, nous avons besoin de tous types de logements, en accession, mais aussi en location, dans le patrimoine social mais aussi dans des copropriétés privées. Ces investisseurs, surtout petits, doivent disposer d'un statut et être protégés et aidés dans les rénovations thermiques. Des contreparties s'appliquent, telles qu'un plafonnement des loyers. Nous devons continuer à développer la protection des propriétaires à travers l'usage de Visale. Nous y travaillerons dans les mois à venir.

Ensuite, j'ai compris que le fonds vert serait à la main des préfets et qu'il devrait être partagé le plus équitablement possible, tant sur la renaturation des friches que sur les équipements publics dans nos villes, dans l'objectif d'adapter la ville au réchauffement climatique. Je ne doute pas que ses dispositifs de redistribution seront les plus efficaces et faciles possible.

Dans le cadre du fonds friche, 1 400 projets ont pu être accompagnés. C'est un résultat très encourageant. Je souhaite que nous puissions continuer à travailler avec la même dynamique.

Vous avez raison, nous devons mener une discussion sur le déficit foncier et son éventuelle adaptation à l'inflation dans le cadre du PLFR. Ce dispositif fonctionne bien pour les propriétaires bailleurs. D'autres aides sont également disponibles, telles que l'éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ). Je rencontrais ce matin la Caisse d'épargne, extrêmement volontariste en la matière. Tous ces dispositifs n'ont de sens que s'ils contribuent à la rénovation énergétique et en sont des leviers.

Ma Prime Rénov' doit, à mon sens, poursuivre sa dynamique sur l'habitat individuel et continuer à se développer en direction de l'habitat collectif. Nous avons passé plusieurs heures à travailler sur le sujet cette semaine, notamment avec l'ANAH. Je crois beaucoup à l'accompagnement des copropriétés, qui répartiront ensuite le reste à charge à leurs copropriétaires. L'accompagnement de ces derniers est parfois plus difficile à cibler et à développer. Je ne doute pas que le prochain conseil d'administration de l'ANAH aura la même attention que nous sur la manière dont nous aiderons les propriétaires, notamment les plus modestes.

Je crois que le succès de Ma Prime Rénov' et de France Rénov repose sur un engagement partagé. Les Français ne sont pas égaux devant la rénovation car les collectivités locales n'ont pas le même engagement. Plus celles-ci ont fait des efforts au préalable, plus nos concitoyens bénéficieront d'un reste à charge faible.

Ensuite, comme vous, je crois au dispositif seconde vie, dans lequel pourraient entrer 5 000 à 10 000 logements. Le pacte de confiance avec le monde HLM devrait permettre de recharger l'exonération de la TFPB et redonner un agrément au logement social. Cette rénovation profonde me paraît extrêmement vertueuse.

Pour ce qui est de la TFPB, les bilans sont insuffisants et extrêmement inégaux d'un bailleur à l'autre et d'un territoire à l'autre. On critique beaucoup les bailleurs en outre-mer, mais la mise en oeuvre de l'exonération que j'ai pu voir à La Réunion était extrêmement dynamique. Elle l'est moins sur certains territoires de l'hexagone. L'ONPV étudie d'ailleurs son utilisation dans ses indicateurs, à juste titre. Cette exonération doit perdurer, et doit être utilisée en sur-entretien, en présence de gardien ou autres actions sur le territoire. À Clichy, les bailleurs participent à la prévention par des patrouilles ou des médiateurs de nuit, mais aussi à des actions durant l'été, par exemple.

Nous ne sommes pas sur un stop & go, je l'espère. Je ne peux prévoir ma durée de vie, mais je peux vous assurer de mon engagement et de ma mobilisation. Le Conseil national de la refondation (CNR), qui se réunira fin novembre, définira un cadre autour d'Action Logement. J'ai demandé à Véronique Bédague et Christophe Robert d'y être présents à mes côtés. Ils me survivront. Il est important que le CNR s'occupe du logement et porte les racines de ce que je veux construire. Nous le savons, il n'y a pas d'un côté les bailleurs sociaux, et de l'autre les promoteurs. Tout le monde est dans le même bateau. La construction du pacte de confiance et de la convention quinquennale doit contribuer à la vision de ce que doit être le logement. Le pacte de confiance passe également par la mise en place d'une conférence des financeurs. Aucun sujet, ni actuel ni passé, ne sera tabou, pour ma part. Pour l`action de l'État, la rénovation et l'accompagnement des bailleurs en ce sens constitueront une réelle priorité. Ils ont besoin que nous leur redonnions des moyens et que nous les aidions à refaire leurs fonds propres, qui ne leur permettent pas aujourd'hui d'être aussi ambitieux qu'ils le souhaitent.

Concernant les meublés touristiques, ma volonté est telle que nous trouverons le vecteur législatif pour empêcher ceux qui le voudraient de s'infiltrer dans ce petit trou dans la raquette. Nous avons besoin de logements, et de logements classiques, même si l'offre d'accueil de notre beau pays touristique reste présente. Nous le savons, nous peinons déjà à loger les habitants de certaines zones ou leurs enfants. Nous devons d'abord trouver des moyens fiscaux pour que la location de meublés touristiques ne soit pas trop incitative.

Ensuite, la Première ministre ne veut oublier personne en termes de bouclier tarifaire. Le chauffage électrique collectif et les parties communes des logements sociaux étaient au départ hors des radars. Nous avons, je crois, trouvé les moyens de résoudre ces problèmes qui concernent un nombre important de copropriétés. Tous les chauffages collectifs, au gaz et à l'électricité, auront un bouclier tarifaire jusque la fin de cette année. La sortie de ces textes est imminente.

Il est vrai que malgré le bouclier, un certain nombre de nos concitoyens vont voir une augmentation, parfois très importante, de leurs charges. Bon nombre de bailleurs avaient négocié des tarifs extrêmement bas. Nous ne pouvons le leur reprocher, mais lorsqu'on payait 20 euros du mégawattheure, le bouclier fixé à 65 euros du mégawattheure occasionnerait tout de même une augmentation de 200 ou 300 %. Ces prix seraient multipliés par cinq ou six sans ce bouclier. Nous devons être attentifs aux augmentations touchant nos concitoyens. Par ailleurs, certains abonnements de bailleurs ou copropriétés arrivent à échéance, et les tarifs proposés par les fournisseurs sont parfois inacceptables.

Pour résumer, nous essayons de boucher tous les trous dans la raquette, de trouver les textes adéquats et de les mettre en oeuvre au plus vite, le plus efficacement possible. La Première ministre y est très attentive.

Vous savez mon attachement aux programmes de l'ANRU, dotés de 12 milliards d'euros de subventions pour cette année. En 2022, la participation de l'État s'établit à 15 millions d'euros. 450 des 453 projets présentés ont été validés et passés en comité d'engagement, sur des programmes nationaux ou régionaux. C'est presque parfait. Pour ce qui est de la participation de l'État et des différents partenaires, la trésorerie actuelle permet aujourd'hui très largement d'absorber des décaissements. L'engagement du Gouvernement d'accompagner l'ANRU à hauteur de près de 1,2 milliards d'euros doit être tenu, sans quoi il ne pourra pas mener ses programmes à leur terme. Selon moi, l'État sera au rendez-vous. Le pic de décaissement est prévu pour 2026, compte tenu des retards pris à cause du covid. Nous devrons, dès l'année prochaine, commencer à y mettre plus d'argent.

Ensuite, le nombre de postes d'adultes relais ouverts avoisine les 6 500. Un certain nombre de difficultés liées au turnover nous empêchent d'atteindre la cible souhaitée. Ce n'est pas un problème d'argent ou de postes ouverts, mais de temps de recrutement. S'y ajoute peut-être un sujet concernant l'attractivité de ces postes, notamment dans une période où le plein emploi est plus présent qu'à d'autres. Ce point doit être discuté. Ces postes sont très importants, en particulier dans le monde associatif.

J'ai fait une proposition pour une nouvelle présidente de l'ONPV, car cette situation est inacceptable. La politique de la ville doit être évaluée scientifiquement. Je souhaite moi-même m'entourer d'un conseil scientifique. Nous ne comptons pas suffisamment de contrats CIFRE dans ce secteur. De nombreux doctorants pourraient accompagner nos sujets. Nous devons recréer du lien avec la recherche. Par moments, l'ONPV était très dotée. Sa fusion avec l'ANCT a un peu changé la donne.

L'année à venir sera structurante puisque nous réfléchirons à la refonte des contrats de ville. Cette démarche devra être participative, contributive. La politique de la ville a eu tendance à oublier les petites associations et les petits projets. Nous devons lui redonner les moyens d'accompagner les projets locaux et de réinventer la participation des habitants. Je ne dis pas que nous devons arrêter les conseils citoyens, mais là où ils ne fonctionnent pas, nous devons nous laisser la possibilité de revenir à des formats plus informels tels que des tables de quartier, déjà accompagnées par l'ANCT. Nous avons besoin d'une démarche ascendante, avec des débats dans chaque quartier en politique de la ville.

En 2014, nous avons inventé les quartiers de veille de la politique de la ville, qui bénéficiaient d'une veille, mais d'aucun fonds. Nous avons, je pense, besoin d'une cartographie. Les critères utilisés à l'époque peuvent rester pertinents, bien qu'il faille en ajouter d'autres. Je sais également qu'il peut toujours y avoir des effets de bords. Un quartier oublié peut plonger très vite. Au-delà du travail de l'INSEE, je souhaite avancer avec les préfets et les élus locaux. Le transfert de la compétence aux intercommunalités peut également nous permettre de mieux travailler cette cartographie, au plus près des besoins. Vous affirmer que nous le ferons avec plus d'argent serait mentir, mais nous aurons en tout cas la possibilité d'utiliser l'argent de la politique de la ville là où il est nécessaire.

Enfin, le ZAN est d'abord un objectif de long terme. Christophe Béchu a pris cette question à bras le corps. Il a annoncé, avec la Première ministre, reprendre le dialogue avec les collectivités locales sur ce que serait une politique de zéro artificialisation nette. Je crois que nous devons faire, le plus souvent possible et là où c'est possible, avec l'existant. Le gouvernement cherche, à juste titre, à étudier ce sujet en dialogue avec les élus et les associations, pour continuer à faire la ville et à faire du logement. Je disais plus tôt que nous devions construire plus pour loger plus. Nous avons besoin de créer de l'attractivité. Pour autant, dans un certain nombre de cas, l'imperméabilisation a été une facilité par le passé. Nous n'avons plus cette facilité dans le contexte actuel d'urgence climatique. Nous devons être plus vigilants à nos espaces verts et de nature, y compris en ville. La Première ministre a annoncé la notion d'une « France Nation verte ». J'essaierai de m'associer à cet objectif de valeur.

Mme Sophie Primas . - Nous faisons le voeu que le dialogue sur le ZAN entre l'État et les collectivités territoriales soit plus écoutant que celui que nous avons connu autour de la loi SRU.

Mme Florence Blatrix Contat . - L'accès au logement pour les locataires est aujourd'hui souvent limité par la nécessité de disposer de ressources et cautions. La garantie Visale est essentielle pour aider les jeunes et les salariés les plus modestes, mais elle exclut les apprentis et étudiants n'ayant pas encore 18 ans. De nombreux jeunes nés en fin d'année ne peuvent y accéder. Pensez-vous qu'il est possible de résoudre cette difficulté ? Par ailleurs, qu'en est-il de l'engagement du Président de la République d'élargir le dispositif de caution pour mieux lutter contre les discriminations dans l'accès au logement ?

Vous avez souligné la nécessité de porter un effort sans précédent en matière de rénovation thermique et d'être à l'avant-garde éclairée en termes de transition énergétique. Vous avez évoqué les moyens mis en place. J'aimerais toutefois vous entendre concernant la structuration de la filière qui doit être capable d'y répondre et d'opérer des rénovations de qualité. Quel plan avez-vous prévu d'initier en la matière ?

Enfin, si vous souhaitez construire plus pour loger plus, il faut à mon avis construire à prix abordable. Dans de nombreuses régions, le prix du foncier et de l'immobilier est de plus en plus élevé. Les jeunes ne peuvent plus acheter. Envisagez-vous des régulations pour limiter ces augmentations et permettre à tous de se loger ?

Mme Évelyne Renaud-Garabedian . - Les Français établis hors de France possèdent souvent un bien en France, considéré comme une résidence secondaire. À ce titre, ils ne peuvent bénéficier d'exonérations, abattements, déductions ou crédits d'impôt accordés aux contribuables dont la résidence fiscale est située en France. Ils sont en outre redevables de surtaxes. Ceci leur rend toute possession d'un actif particulièrement difficile et onéreuse, alors qu'ils en ont besoin pour revenir en France ou loger leur famille. Le Président de la République s'était engagé au cours de la dernière campagne à étudier la possibilité de créer une résidence de repli, assimilable à une résidence principale, pour ne pas les pénaliser. Je n'ai pas trouvé de mesure en ce sens dans le PLF 2023. Avez-vous envisagé des propositions à leur égard ?

Mme Sylviane Noël . - Je me ferai ici l'interprète de nombreux élus locaux. Vous évoquiez plus tôt les territoires touristiques exposés à une très forte prolifération des résidences touristiques. C'est le cas dans mon département de Haute-Savoie où certaines communes comptent jusque 80 % de résidences secondaires. La cherté du foncier devient un obstacle à l'habitat permanent. Les élus sont démunis face à ces phénomènes. Ce n'est pas avec une surtaxe d'habitation que nous parviendrons à les freiner. Ainsi, envisagez-vous de donner aux maires des dispositifs plus coercitifs pour limiter la prolifération de ces résidences touristiques ?

Ensuite, le parcours résidentiel constitue un enjeu majeur. Force est de constater que les collectivités et bailleurs sociaux sont assez démunis pour faire respecter l'éligibilité au logement social dans le temps. Je citerai l'exemple typique d'une personne y ayant droit au début de sa vie, puis trouvant un emploi très bien payé en Suisse. La surtaxe appliquée sur son loyer est dérisoire par rapport aux prix dans le privé. Elle pourra rester dans son logement autant qu'elle le souhaitera. Sur mon territoire, les élus construisent de plus en plus. 70 % de la population permanente est éligible au logement social, mais un bon nombre de résidents en bénéficient alors qu'ils ne le devraient pas.

M. Daniel Salmon . - 80 % de la ville de 2050 est déjà construite. La réhabilitation doit jouer à plein. Vous avez annoncé 160 000 rénovations globales. Pourtant, la Cour des comptes estime que seules 2 500 passoires thermiques sont réellement sorties de cet état et ne sont plus classées dans les catégories E, F ou G. Vous évoquiez 30 % de gain d'énergie sur les 160 000 rénovations globales. Cela signifie que si nous consommions 400 kWh/m² par an, nous sommes passés à 180 kWh/m², équivalent un passage de la classe F à la classe E. C'est insuffisant. Dans ce cas, nous faisons un petit geste aujourd'hui et devrons en refaire un dans cinq ans. Tous les professionnels assurent que cette démarche ne nous mènera pas aux classes A et B. Qu'envisagez-vous pour booster cette prime Rénov', qui, de l'avis général, n'apporte pas les résultats attendus ? Pouvez-vous approfondir le rapport d'Olivier Sichel, et la question des tiers financeurs ?

Enfin, comment envisagez-vous la structuration de la filière ? À ce rythme, il nous faudra 2 500 ans pour venir à bout des passoires thermiques.

M. Daniel Gremillet . - Nous avons besoin de stabilité et de lisibilité sur Ma Prime Rénov', et d'une trajectoire sur plusieurs années. Que pouvez-vous me dire à ce sujet ? Par ailleurs, je crois que nous sommes largement en dessous de nos espérances sur la copropriété. Nous devons être plus offensifs.

Je m'interroge par ailleurs sur les moyens budgétaires de l'ANAH.

Ensuite, les travaux menés par la commission économique du Sénat sur la RE2020 avaient démontré une trajectoire avec un accroissement des coûts. Ils sont vérifiés, voire amplifiés avec l'inflation et les taux d'intérêt.

Enfin, vous indiquez que vous veillerez à ce que les logements ne quittent pas le champ locatif pour rejoindre le champ touristique, mais comment accompagnons-nous efficacement les propriétaires ? Ils doivent être financièrement capables de réaliser des travaux.

M. Rémi Cardon . - En matière de rénovation thermique, nous avons pris l'habitude de nous fixer des objectifs ambitieux chaque décennie, sans nous en donner les moyens. Sur les 700 000 subventions de Ma Prime Rénov' attribuées en 2021, seuls 2 500 logements seraient sortis du statut de passoires thermiques selon la Cour des comptes. À ce rythme, il nous faudra 2 000 ans pour toutes les rénover. À mes yeux, France Rénov et les accompagnateurs Rénov ne permettront pas de combler les lacunes. Seul un déploiement rapide et massif sur tout le territoire nous mènerait à notre objectif.

Par ailleurs, les guichets physiques sont implantés de manière inégale sur les territoires. Ils sont 3 dans la Somme, 17 dans le Nord. Il n'y en a qu'un dans l'Aisne. Comptez-vous en ouvrir de nouveaux ? Comment les accompagnateurs seront-ils répartis, le cas échéant ? Comptez-vous les intégrer aux maisons France services ?

M. Laurent Somon . - Je rejoins ce qu'ont dit certains de mes collègues concernant Ma Prime Rénov' : c'est le processus qui importe. De nombreuses collectivités se sont engagées dans des opérations programmées d'amélioration de l'habitat (OPAH), et se sont affiliées avec des mandataires pour accompagner la restructuration et la rénovation de bâtiments. Aujourd'hui, des difficultés se posent avec ces mêmes mandataires parce qu'ils ne sont pas maîtres d'oeuvre. Nous peinons à obtenir des devis et à solliciter des entreprises. Certains dossiers, qui semblaient être éligibles, sont maintenant transformés en aides à la rénovation de logements indignes et très dégradés. Quelles mesures proposez-vous ? L'accompagnateur Rénov sera-t-il plutôt un assistant à maîtrise d'ouvrage, avec des capacités de maîtrise d'oeuvre, pour engager plus vite les travaux ?

Ensuite, nous avons vu beaucoup d'escroqueries avec Ma Prime Rénov'. L'État contrôle-t-il les entreprises travaillant au titre de l'ANAH ?

Enfin, pourquoi ne prend-on pas en compte les rénovations et réhabilitations, dans l'intégration d'un quartier, des écoles primaires ou collèges ? Aujourd'hui sortent les critères IPS. Nous constatons bien que les quartiers les plus difficiles ne disposent pas des établissements les plus attractifs. Ne pouvons-nous pas intégrer une participation des fonds ANRU dans leur rénovation ?

M. Yves Bouloux . - Dans un entretien accordé il y a quelques jours à Capital, vous avez indiqué réfléchir au statut des bailleurs privés. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

Mme Martine Berthet . - Il semblerait que dans le PLF 2023, l'éligibilité à la TVA de 5,5 % pour les travaux induits lors de travaux de rénovation énergétique ne soit plus possible. Pouvez-vous nous dire ce qu'il en est précisément ? Les acteurs du bâtiment s'inquiètent.

Mme Viviane Artigalas . - Vous avez indiqué que chaque geste de rénovation était utile, mais j'ai été alertée sur le fait que Ma Prime Rénov' favorisait l'installation de nouveaux systèmes de chauffage, au détriment des autres postes de la rénovation. Est-ce une réorientation de la politique de rénovation des logements, alors que le rapport Sichel favorisait des rénovations performantes et globales ?

Mme Amel Gacquerre . - Lancées en 2019, on dénombre aujourd'hui 200 cités éducatives. Elles ont pour objectif de renforcer la prise en charge pédagogique et éducative des jeunes de 0 à 25 ans dans et autour de l'école. De premiers bilans laissent entendre que les 16-25 sont trop peu ciblés par ces dispositifs, alors que les questions d'insertion, de formation et d'emploi sont essentielles dans ces quartiers.

Par ailleurs, il apparaît nécessaire de clarifier davantage le cadre, les attentes et priorités nationales des cités éducatives. Nous le savons, le propre de ces dispositifs porte sur l'adaptation territoriale, mais il n'en reste pas moins que les acteurs locaux soulèvent aujourd'hui un manque de lisibilité à long terme sur ces dispositifs.

M. Jean-Marc Boyer . - Vous avez dit à deux reprises qu'il fallait construire plus pour loger plus. Dans le même temps, le ZAN prévoit une diminution de 50 % de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers d'ici 2031, puis une baisse de l'artificialisation jusqu'à zéro net en 2050. Cela me paraît très contradictoire. N'allons-nous pas arriver à un moment à moins de constructions pour loger plus ?

Mme Sophie Primas . - Vous avez évoqué à plusieurs reprises le CNR logement et les travaux que vous y mènerez. Il y a cinq ans, nous avons tenu au Sénat les états généraux du logement. Vous pourriez vous inspirer de nos réflexions de l'époque.

Par ailleurs, vous dites qu'il est nécessaire de convaincre les élus de construire. Pour autant, en supprimant la taxe d'habitation et en gelant ses compensations, la construction n'est plus un sujet pour les maires. Ils n'en veulent pas. Ils ne peuvent plus accueillir de nouvelles populations car ils ne peuvent plus construire d'écoles, par exemple. Les liens citoyens entre la commune et ses nouveaux habitants sont rompus. Vous ne ferez pas l'économie d'actions redonnant de la dynamique aux ressources liées au logement, mais aussi au développement économique.

M. Olivier Klein . - Je me renseignerai concernant la garantie Visale et si le seul fait d'être mineur représente un frein à ce dispositif. Par ailleurs, son extension fait partie des réflexions du Président de la République. Nous y travaillons dans le cadre de la convention quinquennale. Aujourd'hui, elle a aussi une vertu par le fait de son exception. Son extension ne devrait pas faire perdre aux plus modestes et à ceux qui en ont le plus besoin la capacité d'entrer dans le logement.

Ensuite, en effet, construire à un prix abordable est une obligation. Nous observons des difficultés structurelles liées à l'actualité et notamment au coût des matériaux. La question du foncier est déterminante. Nous devons étudier toutes les pistes : celles du foncier public, le bail réel solidaire ou les offices fonciers solidaires - qui fonctionnent de plus en plus, dans de nombreuses régions. Aujourd'hui, la fiscalité du foncier est d'une certaine manière inversée et n'est pas très vertueuse dans une volonté de production. Plus on garde un foncier, moins on paie d'impôts. Je travaille sur le sujet mais ne suis pas capable de vous apporter de réponse aujourd'hui.

Honnêtement, je ne pense pas que nous ayons travaillé sur le sujet de la résidence de repli. Je le découvre aujourd'hui. Je prends le point et vous transmettrai une réponse écrite.

Par ailleurs, une extension du nombre de villes dans lesquelles nous offrons aux maires la possibilité d'augmenter la taxe sur les résidences secondaires sera précisée par décret. Je pense que, sur ce sujet, il est opportun de donner le pouvoir aux élus, qui sont les mieux placés pour savoir s'il est nécessaire d'augmenter cette taxe, la résidence secondaire pouvant être un atout pour certains territoires.

La question de la perte de droit au logement social et de l'inefficacité du surloyer est importante. Des dérogations s'appliquent dans les quartiers ANRU, contribuant pendant un temps à la mixité. Nous devons nous pencher sur les cas particuliers de Français travaillant à l'étranger. Il me semble qu'on dispose de deux ans pour quitter le domicile lorsqu'on dépasse 150 % du plafond fixé. Le locataire reçoit tous les deux ans une enquête sur son niveau de ressources.

Mme Sylviane Noël . - La règle n'est pas très appliquée. Elle doit être dissuasive.

M. Olivier Klein . - Nous devons travailler sur l'automatisation du surloyer et sur le respect de la règle.

Ensuite, un travail de structuration de la filière est mené sur plusieurs fronts par plusieurs ministères. Les ministères de l'économie et des finances ont organisé les assises du bâtiment, au cours desquelles ces questions ont été largement abordées. Nous identifions plusieurs sujets, dont la qualification des entreprises et artisans dans leur capacité à réaliser les travaux et à rendre l'entreprise éligible aux primes. Les fédérations sont fortement mobilisées sur ces sujets. Elles travaillent à la formation des apprentis et à la création de CAP adéquats. Il a été demandé de prolonger l'expérimentation pour obtenir la qualification RGE aux chantiers. Si l'entreprise a mené plusieurs chantiers et a réussi ses rénovations, il est légitime de penser qu'elle les réussira encore. Ainsi, la simplification de l'obtention des qualifications est très importante. Sur ce sujet, ne nions pas le rôle des collectivités locales, et notamment des régions, véritables vecteurs de l'information.

En plus de la formation, nous travaillons sur l'attractivité des métiers. La fédération française des bâtiments est très active en termes de formation et d'attractivité de ses métiers, au travers d'outils numériques notamment. Je suis très favorable à la notion d'« aller vers ». Les entreprises du bâtiment doivent présenter leurs métiers dans les quartiers et les lycées. Nous devons également lutter contre les fraudes, et disposer d'entreprises de qualité. C'est un cercle vertueux. Plus l'écogeste et la rénovation thermique entreront dans les moeurs, plus le besoin sera présent et plus la filière s'alimentera.

S'agissant du statut du bailleur privé, nous sommes encore en réflexion. Il n'y a pas de ministre magique. Je pense que ce sujet sera porté par un certain nombre de nos partenaires. Il s'accompagne, à mon sens, de l'avenir de la défiscalisation et des obligations que l'on se donne en matière sociale et environnementale lorsque l'on achète pour mettre en location. Comment simplifier et uniformiser les différents régimes fiscaux à travers ce statut ? Quelles incitations y associons-nous, liées à la rénovation énergétique ou aux zones tendues ? Enfin, le bailleur privé, tel que je l'entrevois, propose des loyers abordables. Une fois ces points statués, nous devons travailler sur ses droits et devoirs. Nous mènerons ce chantier avec l'ensemble des acteurs du logement.

Concernant Ma Prime Rénov', la création de France Rénov n'est pas partie de rien. Un certain nombre d'actions étaient déjà menées par l'ANAH, ou territorialisées. Les territoires déjà vertueux à l'époque sont ceux qui, aujourd'hui, disposent d'un plus grand nombre de guichets physiques. La création du guichet unique et du numéro unique vise à uniformiser la situation, mais il nous faut maintenant trouver des solutions pour les territoires où ces questions étaient moins prises en compte. Nous comptons 475 espaces d'information, et 2 000 conseillers France Renov. Nous avons pour objectif de dénombrer 4 000 accompagnateurs Rénov d'ici la fin d'année 2023. L'accueil physique est nécessaire, j'en conviens. Pour autant, le premier accueil téléphonique permet aux appelants d'être adressés vers un accueil fixe. Ceux-ci ne sont pas encore répartis uniformément. Les maisons France services pourront jouer un rôle dans leur disposition. Des permanences y sont assurées.

Ensuite, j'ai tendance à croire au travail mené par l'ANAH et aux chiffres qu'elle me communique. Elle rapporte 160 000 rénovations globales depuis 2020, dont 40 000 par an via Ma Prime Rénov' Sérénité, accompagnant les familles les plus fragiles. La baisse des dépenses énergétiques mesurées avoisine les 50 %. Nous devons poursuivre ces performances, bien que j'entende vos critiques. Les 2 500 rénovations que vous évoquez sont celles ayant donné lieu à un bonus, et donc à un niveau de réalisation supérieur à la performance exigée.

Je ne dis pas que les résultats sont parfaits. Aujourd'hui, la plupart des chantiers ont porté sur de l'habitat individuel. Le chemin qui nous attend est celui de l'habitat collectif, par le biais de Ma Prime Rénov' Copropriétés. Nous devons ainsi accompagner et former les conseils syndicaux et les syndics, regarder les qualifications. L'accompagnateur Rénov doit aider à trouver l'assistance à maîtrise d'ouvrage, bien qu'un certain nombre d'architectes demandent à être agréés accompagnateurs Rénov, et disposeront donc des compétences pour accompagner une copropriété de bout en bout. Les tiers financeurs devront être développés. J'ai rencontré Ile-de-France Énergie, dont les moyens sont aujourd'hui insuffisants pour accompagner les chantiers. Ainsi, ne croyez pas que l'État est contre les collectivités locales, au contraire. Ils avancent ensemble pour préserver la massification des chantiers actuels et aller vers des performances plus importantes. Nous ne pourrons agir sans les collectivités à nos côtés.

L'ANRU permet aujourd'hui de financer des équipements publics, et notamment des écoles. En tant que président de cette agence, je n'ai cessé de poser les premières pierres d'écoles. Aujourd'hui, je les inaugure. C'est la preuve que les chantiers avancent. Pour les collèges, la situation diffère légèrement. Même si les collectivités rencontrent des difficultés financières, le contexte des départements n'est pas le même. À ce stade, l'ANRU se concentre sur l'accompagnement des collectivités locales. Il est arrivé qu'elle intervienne sur des collèges, mais surtout sur des écoles et équipements publics et sportifs, à l'exception des piscines. Nous ne pouvons refaire la ville en ne nous intéressant qu'à la question du logement.

Madame Berthet, n'ayez aucune inquiétude quant à la TVA à 5,5 % pour les travaux induits par la rénovation énergétique. Ils sont toujours couverts. Simplement, le code général des impôts a évolué et il n'est plus nécessaire de le préciser dans le texte.

Nous avons annoncé le prolongement de trois ans des cités éducatives. J'y suis fortement attaché. Je crois foncièrement à cette manière de travailler décloisonnée, dans un trio entre l'éducation, les collectivités locales et l'État. Selon Jean-Louis Borloo, il faut tout un village pour élever un enfant. Je pense qu'il a raison. En effet, les cités éducatives sont plutôt centrées sur la petite enfance, la maternelle, l'école élémentaire, le collège et un peu le lycée, notamment sur les questions d'orientation. Les plus âgés ne sont pas situés au coeur de ces dispositifs, ce qui ne signifie pas que l'action de l'État et la politique de la ville ne s'y intéressent pas. La Première ministre actuelle, lorsqu'elle était ministre du Travail, a lancé le dispositif « un jeune, une solution ». Il joue son rôle. Tous les chantiers et les aides menés auprès des missions locales et de Pôle Emploi pour aller vers les invisibles et accompagner les jeunes dans leur recherche d'emploi - et notamment les plus éloignés - fonctionnent. L'évolution de la garantie jeune en contrat d'engagement jeune également. Les relations entre les jeunes et leurs missions locales ou conseillers se sont profondément apaisées.

Les contrats aidés de demain prendront évidemment en compte les jeunes de 16 à 25 ans, mais pas nécessairement au sein des cités éducatives, dont ce n'est pas l'objet. Elles ont été créées pour les jeunes de 0 à 25 ans, c'est vrai. Pour les plus âgés, elles concernent surtout les questions d'orientation. Les cités sont ensuite librement administrées par les collectivités locales. À Clichy-sous-Bois, nous montons un projet de préparation aux rentrées universitaires, car nous savons que le passage d'un lycée présentant une réelle politique éducative à la vie universitaire est difficile, comme en témoigne le taux d'échec en première année. Cela doit à mon sens s'adosser au travail des missions locales.

Ensuite, le ZAN est un chantier en cours. N'oublions pas que le « N » pour « net » signifie que pour construire à un endroit, nous devons redonner de la perméabilité ailleurs.

Enfin, évidemment, les parlementaires seront invités au CNR logement, comme ils le sont au sein du CNR national. Nous consulterons les travaux déjà menés lors de vos états généraux, si ce n'est déjà fait. Nous avons lu avec attention le rapport de François Rebsamen, auquel bon nombre d'entre vous ont contribué, ainsi que le rapport Sichel sur les questions de rénovations thermiques. Je suis également très sensible au travail mené par certaines sénatrices présentes sur l'évaluation des contrats de ville. N'hésitez pas à continuer à alimenter nos réflexions.

Je partage votre ambition de convaincre les élus de l'acte de construire. Ils doivent y voir un intérêt, d'abord pour leurs populations. Cela veut dire qu'ils doivent être accompagnés et que nous devons leur donner les moyens de construire des écoles, accompagner les nécessaires besoins en équipements publics lorsque la population augmente. Je rappelle aux maires que ne pas construire ne permet pas d'atteindre le point de neutralité. En gardant le même nombre de logements, la population baisse mathématiquement, et les moyens s'amenuisent donc en conséquence. Ainsi, chaque élu a intérêt à reloger et à construire, pour la dynamique de son territoire.

Mme Sophie Primas . - Ce n'est pas tant un problème d'investissement, mais surtout de fonctionnement dans le temps. Puisque les moyens financiers des communes s'amenuisent fortement, le sujet est réel. Nous aurons l'occasion d'en reparler.

Nous reviendrons également sur le sujet de l'attribution des logements sociaux, que nous n'avons pas le temps de traiter aujourd'hui.

Audition de M. Christophe Béchu,
ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires
(Mercredi 16 novembre 2022)

Mme Sophie Primas , présidente . - Nous avons le plaisir d'accueillir M. Christophe Béchu, ministre chargé de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Alors que le Sénat vient d'adopter très largement le projet de loi d'accélération de la production d'énergies renouvelables, cette audition arrive à point nommé pour apprécier l'effort budgétaire et fiscal consenti par le Gouvernement en faveur de notre transition énergétique et, plus largement, écologique.

Car réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 55 % d'ici 2030, pour atteindre la neutralité carbone à l'horizon 2050, cela suppose une action sans précédent dans plusieurs secteurs économiques essentiels : l'énergie, le logement et la mobilité. C'est aussi d'une conception plus durable, tout en étant réaliste, de la ville et de la ruralité et, plus largement, de l'urbanisation, dont nous avons besoin.

Notre commission ayant déjà entendu la ministre de la transition énergétique Agnès Pannier-Runacher à deux reprises, en juillet et en octobre derniers, sur la flambée des prix, les énergies renouvelables et la sécurité d'approvisionnement, je vous propose que nous axions votre audition sur les crédits liés à la rénovation énergétique, à la précarité énergétique, aux mutations sociales et territoriales, qui vous reviennent.

En 2020 et 2021, le Gouvernement a alloué à l'énergie 14 milliards d'euros sur les 110 milliards du Plan France relance et 12 milliards d'euros sur les 30 milliards du Plan France 2030. Ce sont des sommes considérables, qui ont vocation à soutenir la rénovation énergétique ou la mobilité propre. Or, cette année, les autorisations d'engagement sont inférieures de 25 % aux montants globaux annoncés : y a-t-il une difficulté d'exécution ?

Autre sujet majeur, le Gouvernement propose de créer un fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires, doté de 1,5 milliard d'euros. Or, dans le même temps, il n'a prévu aucune autorisation d'engagement pour deux fonds existants, institués à l'initiative de notre commission, suite à la loi « Énergie-Climat » de 2019 : le premier vise les fermetures de centrales nucléaires et le second l'accompagnement social de leurs salariés. Qu'entendez-vous faire sur ces sujets ?

S'agissant de la rénovation énergétique, le projet de loi finances adopté par l'Assemblée nationale prévoit un ciblage du taux réduit de TVA à 5,5 % applicable, en supprimant l'éligibilité des travaux dits « indissociablement liés ». Or, ce taux réduit constitue très clairement le premier des leviers publics de la rénovation énergétique, puisqu'il atteint 4,5 milliards d'euros, soit trois fois plus que les crédits alloués à Ma Prime Rénov'. N'est-il pas inopportun de le remettre ainsi en cause ?

Pour ce qui concerne la conversion automobile, le commissaire chargé du marché intérieur, Thierry Breton, a reconnu les difficultés économiques, mais aussi sociales, du « tout électrique » d'ici 2035. Or, la prime à la conversion, dispositif de reprise des véhicules anciens, est moins usitée que le bonus automobile, dispositif de soutien aux véhicules neufs. De plus, les critères d'éligibilité à ces deux dispositifs sont de plus en plus excluant pour les véhicules thermiques ou hybrides. Ne faudrait-il pas revenir à davantage de pragmatisme ?

Ma deuxième série de questions porte sur la politique que vous conduisez.

Pour ce qui concerne les objectifs de « zéro artificialisation nette » (ZAN), vous n'êtes pas sans ignorer l'importance que ce sujet a pris dans les territoires et au Sénat au cours des derniers mois. Je ne vous poserai qu'une brève question à ce sujet, puisque vous serez prochainement entendu dans le cadre de la mission conjointe de contrôle constituée par le Sénat sur cette thématique lors d'une audition dédiée.

Lors de votre prise de fonctions au sein du Gouvernement, vous aviez laissé la porte ouverte - en tout cas, un peu entrebâillée... - pour des adaptations au cadre juridique de « ZAN », que nous savons désormais mal taillé par endroits. Nous avions pu échanger plusieurs fois à ce sujet. Mais nous constatons avec surprise que nous sommes maintenant en novembre 2022, que les conférences des schémas de cohérence territoriale (SCoT) ont déjà dû rendre leur travaux, que la révision des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) s'amorce et que, pourtant, nulle évolution notable du « ZAN » n'a pour l'instant été annoncée par le Gouvernement. Comment expliquez-vous cet état de fait, alors que le Parlement, les collectivités et l'ensemble des parties prenantes sont prêtes à dialoguer avec vous pour rendre la loi et les décrets plus efficaces ?

D'autre part, vous savez que le financement du « ZAN » sera le nerf de la guerre : sans moyens pour la réhabilitation du bâti, le recyclage des friches, la renaturation, et sans adaptations de la fiscalité, nous ne pourrons pas basculer vers un modèle du « ZAN » qui soit économiquement viable. À part une mesure relativement anecdotique concernant l'exonération de la taxe d'aménagement sur les sites dépollués et renaturés, et l'annonce du « fonds vert » aux contours pour l'instant assez flous, nous n'y voyons pas clair.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - Je ne vais pas faire de propos introductif pour laisser plus de place aux questions, d'autant que mon périmètre ministériel est si large que la présentation de nos actions serait probablement redondante avec celles que vous en ont fait les ministres délégués.

Un mot, cependant. C'est la première fois, en 20 ans, que le pôle « Environnement » ou « Écologie » ne perd pas d'effectifs, alors qu'il a perdu en moyenne 1 000 agents par an, en incluant les Agences de mon ressort. Cet effort vaut pour la totalité du quinquennat, nous renforçons nos effectifs y compris compte tenu des mouvements au sein de la Société du Grand Paris une fois qu'elle aura terminé ses travaux.

Certaines de vos questions, Madame la Présidente, ne relèvent pas de mes attributions ministérielles, par exemple celles relatives aux centrales nucléaires, qui concernent Agnès Pannier-Runacher, au titre de la transition énergétique.

Sur le fonds vert d'accélération de la transition écologique, je me réjouis que la Première ministre ait retenu mon idée, qui est de faire confiance aux territoires. Le fonds a d'abord été pensé à 2 milliards d'euros ; nous y avons ajouté 500 millions d'euros, pour financer tout projet favorable à l'environnement. Les demandes seront à transmettre directement aux préfets, il n'y aura pas d'appel manifestation d'intérêt ni d'appel à projet ; nous avons listé des items, la liste peut encore changer. L'idée est de soutenir tout projet utile contre le réchauffement climatique ou bon pour la biodiversité - nous sommes larges, cela va des projets qui luttent contre l'érosion du trait de côte à la rénovation des lampadaires, ou à des mesures de protection contre les feux de forêts. Pour l'année 2023, le niveau des crédits de paiement tient compte de la certification des services faits. J'ai voulu un dispositif souple pour que les élus s'en saisissent, la ventilation aura lieu dans les préfectures, en fonction de la population, l'idée étant que toutes les collectivités territoriales puissent en bénéficier.

La voiture électrique est un dossier assurément industriel, mais nous devons prendre garde à certains angles morts. En particulier, il faut prendre en compte la masse des véhicules, car plus un véhicule est lourd, plus grande est son empreinte carbone - pendant son usage, mais aussi pour sa fabrication elle-même, nous devons raisonner en cycle de vie, il faut tout prendre en compte, la taille des batteries, la pollution par les pneus et les freins, c'est ce à quoi tend la norme Euro 7. Des études montrent avec grande précision des seuils à partir desquels l'électrique devient véritablement avantageux, et nous devons bien voir aussi que l'inaction a un coût très important - en réalité, chaque dixième de degré compte en matière de réchauffement climatique. Nous devons avancer en prenant en compte tous les paramètres : si nous nous équipons à l'électrique par des importations massives, nous n'aurons rien fait pour l'environnement et nous aurons perdu beaucoup d'emplois. Les États-Unis viennent d'annoncer un plan qu'ils présentent comme vertueux, assorti d'une politique protectionniste : il faut y répondre ; le leasing, en particulier, doit être ciblé pour défendre notre industrie. Le problème que nous avons aussi, c'est le manque de véhicules électriques d'occasion. Le reste à payer est trop important quand bien même les aides atteignent 15 000 euros, parce que les véhicules électriques neufs coûtent souvent plus de 30 000 euros, surtout que les constructeurs européens sortent beaucoup de SUV électriques. Il faudra, je crois, miser sur le rétrofit, c'est-à-dire sur le changement de moteur, du thermique à l'électrique, cela évite de reconstruire la voiture, c'est une filière à structurer pour accompagner la transition. Enfin, il faudra prévoir un prêt à taux zéro « faible émission », pour aider les ménages à s'équiper. Il y a en France environ 1 million de véhicules électriques, sur un parc de 40 millions de véhicules, mais ils représentent 13 % des immatriculations en 2021 : c'est le signe que l'équipement progresse.

S'agissant du « ZAN », j'ai reçu hier le rapport des agences d'urbanisme relatif au décret de nomenclature, dont vous aviez déploré qu'il avait été pris sans concertation et qu'il était contraire à ce que vous aviez décidé en commission mixte paritaire. Lorsque vous m'avez alerté, j'ai demandé aux préfets de suspendre toute décision jusqu'à ce qu'avec les agences d'urbanisme consultées et les élus concertés, nous soyons parvenus à une nouvelle écriture du décret. Vous m'aviez dit qu'on ne pouvait imputer sur le compte des régions des grands projets nationaux comme les lignes à grande vitesse (LGV) ou des centrales nucléaires, car cela avantagerait les régions qui ont accueilli ces équipements, au détriment des autres. Je vous annonce que nous allons faire un compter à part de ces grands projets nationaux - reste à s'entendre sur la définition de ces projets. S'il est clair que les LGV ou le canal Seine Nord-Europe en font partie, où passe la limite ? Et faut-il compter à part les grands projets régionaux ? Faut-il, comme on me le demande dans le nord de la France, ne pas compter du tout les projets nationaux dans la trajectoire d'artificialisation du pays ? Là, je ne suis guère d'accord, personne ne peut nier qu'on a artificialisé davantage les cinquante dernières années qu'en cinq siècles, et cela ne s'explique pas seulement par la croissance démographique... La question de l'artificialisation des sols doit être prise très au sérieux, parce qu'il en va des nappes phréatiques, des capacités de captage du carbone, des réserves foncières pour l'activité industrielle...

Restent, cependant, deux questions. D'abord, celle des territoires ruraux, qui ne doivent pas perdre toute capacité d'artificialisation ; nous réfléchissons à une sorte de garantie rurale, qui n'empêche pas toute construction, mais l'idée qu'on n'appliquerait pas le ZAN en dessous d'un certain niveau de population n'est pas raisonnable si l'on veut avoir une trajectoire vertueuse. Ensuite, il y a la question de la marge de décision régionale dans le cadre du Sraddet, la crainte étant pour certains territoires de se voir imposer des décisions. Le système, tel qu'il a été pensé et tel qu'il est au point d'arrivée de vos discussions avec les députés, c'est que l'application d'une règle aveugle de « la division par deux, pour tout le monde », serait injuste parce que celui qui a déjà beaucoup artificialisé obtiendrait plus de droits à continuer que les territoires plus vertueux, et aussi parce qu'on fermerait la porte à toute coopération entre les territoires. Dès lors, si l'on veut territorialiser, il faut le faire à une échelle suffisamment large pour répartir les droits. Cependant, des régions ne veulent pas avoir à assumer l'impopularité de tels arbitrages et elles se tournent vers l'État pour décider, cela ne me paraît pas choquant. Quoiqu'il en soit, je vous associerai à la réécriture du décret du 29 avril dernier, j'espère que nous y parviendrons d'ici fin année. Il faudra probablement un texte législatif et ce serait bien que nous y parvenions six mois avant les prochaines sénatoriales, cela éviterait de perturber ces élections.

M. Daniel Gremillet . - Quelques questions sur les crédits « Énergie » de la mission « Écologie », dont j'ai la charge.

Ma première question concerne la fiscalité énergétique. Cette année, si la fiscalité énergétique baisse de 14 %, les dépenses fiscales liées au programme 174 baissent également de 4,5 % par rapport à 2020. Plusieurs évolutions fiscales, introduites dans le projet de loi de finances par l'Assemblée nationale, me semblent problématiques : se focaliser sur une baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) sans prévoir celle de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN) est curieux ; conditionner les réductions de taxe foncière aux critères de la réglementation environnementale 2020 (RE2020) est prématuré ; ne pas intégrer pleinement le biogaz, l'hydrogène bas-carbone, le bioéthanol et le biogazole à la taxe incitative relative à l'utilisation d'énergie renouvelable dans le transport (TIRUERT) est regrettable ; enfin, remettre en cause les redevances hydroélectriques alloués aux collectivités est inacceptable. Le Gouvernement est-il disposé à revenir sur ces dispositions au Sénat ?

Ma deuxième question porte sur Ma Prime Rénov'. Si cette prime est montée en puissance, tant dans son montant que pour ses bénéficiaires, elle exclut encore très largement les propriétaires-bailleurs et les copropriétaires. En 2022, ils n'ont représenté que 3 000 primes versées et 160 engagées, sur un total de plus 450 000. C'est totalement insuffisant : comment remédier à cette difficulté ?

Ma troisième concerne le chèque énergie. Son montant, entre 50 à 250 euros, est bien trop faible face à la hausse des prix des énergies. Un chèque spécifique est envisagé dans le cadre du collectif budgétaire. Quel pourrait être son niveau, ainsi que les ménages concernés ? Et le Gouvernement envisage-t-il de prolonger les chèques carburants et fioul l'an prochain ? Cela constituerait un signal positif pour les ménages les plus précaires, notamment ceux isolés en zones rurales.

Ma dernière question a trait aux crédits de la mission, sur lesquels j'ai au moins trois sujets de préoccupation.

Tout d'abord, le montant provisionné pour le projet d'enfouissement StocaMine est-il suffisant, sachant qu'un contentieux est en cours et pourrait retarder les opérations ?

Plus encore, la revalorisation des moyens humains et financiers de l'Ademe, engagée sur cet exercice, sera-elle reconduite et amplifiée sur le prochain, car on sait que le rythme d'attribution du Fonds chaleur renouvelable ne permet pas d'atteindre les objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et que le personnel de l'Ademe peine à instruire les projets présentés dans le cadre des Plans France Relance et France 2030 ?

Enfin, pour la deuxième année consécutive, les crédits attribués aux associations en charge de la qualité de l'air diminuent : pourquoi persévérer dans cette voie contreproductive pour la décarbonation de notre économie ?

M. Claude Malhuret . - Les transports sont l'une des principales sources d'émissions de gaz à effet de serre, leurs émissions ont même progressé de 9 % depuis 1990. Dès lors, le véhicule électrique est une des meilleures chances pour limiter ces émissions. Une première mine de lithium pourrait ouvrir en 2028 à Echassières, dans l'Allier, ce qui permettrait de produire des batteries en France. Quelles actions le Gouvernement entend-t-il mener pour que l'ensemble de la chaine de valeur soit développée en France ?

Mme Valérie Létard . - Je m'étonne que les discussions et les réflexions sur le « ZAN », qui se sont intensifiées depuis le début de l'année 2022, n'aient pas encore abouti à ce que le Gouvernement propose des évolutions législatives ou réglementaires. Sur de nombreux points, il y a consensus parmi les acteurs pour adapter le cadre existant : on sait par exemple que la nomenclature des sols artificialisés n'est pas satisfaisante, qu'il faut mieux prendre en compte la renaturation, que le calendrier sera difficilement tenable, ou encore que le traitement des « grands projets » nationaux et européens doit être affiné.

Le Sénat vous a alerté sur ces points depuis le mois de mars dernier, voire depuis l'examen du texte de la loi « Climat et résilience » en 2021... Vous aviez indiqué avoir demandé à vos équipes de retravailler mais, pour le moment, rien n'a abouti. Or, les collectivités sont dans l'embarras, car les régions et intercommunalités sont, elles, bien tenues de se débrouiller dès maintenant pour intégrer le « ZAN » à leurs politiques et leurs documents d'urbanisme. Malgré tous ces flous préjudiciables, les délais sont là et elles sont tenues d'avancer sans connaître les règles définitives...

Monsieur le Ministre, pourriez-vous nous dire clairement ici, au Sénat, sur lesquels de ces points vous êtes prêts à apporter les adaptations nécessaires ; et surtout, dans quels délais ?

Quoiqu'il en soit, notre assemblée est, elle, prête à formuler des propositions, y compris législatives. Cela fait plusieurs mois que notre mission conjointe de contrôle y travaille, et nous déposerons en décembre une proposition de loi pour adapter le cadre du « ZAN », nous pourrions y travailler avec vous.

Notre assemblée a adopté à une large majorité, il y a deux semaines, un amendement au projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, porté par l'ensemble des membres de notre mission conjointe pluri-partisane. Cet amendement crée une « enveloppe nationale » destinée à « traçabiliser » l'artificialisation des sols résultant des « grands projets », tout en ne les faisant pas peser sur les enveloppes des collectivités, soit un compter à part dont vous avez parlé. Cette mesure est essentielle à la bonne application du « ZAN » car, sans elle, des cibles de réduction de l'artificialisation de l'ordre de 85 ou 90 % en dix ans s'imposeront aux collectivités. Nous avions échangé au préalable avec le Gouvernement, qui s'était déclaré - y compris publiquement - plutôt favorable à faire évoluer le traitement des grands projets. Cependant, nous avons reçu un avis défavorable du Gouvernement à cet amendement. Pouvez-vous nous confirmer aujourd'hui que le Gouvernement, et votre ministère spécifiquement, soutiendra cette mesure votée par le Sénat et la fera aboutir au cours de la navette ?

Un mot, enfin, sur Action Logement, dont nous avons parlé avec Olivier Klein. Nous vous demandons, Monsieur le ministre, de veiller à préserver Action Logement, c'est un outil de paritarisme, pas une agence de l'État. Nous comptons sur vous pour maintenir les outils du logement à la française.

M. Pierre Cuypers . - Vous avez la responsabilité de la chasse et, comme vous le savez sans doute, la plateforme de pétitions du Sénat a été utilisée par nombre de concitoyens pour demander l'interdiction de certaines pratiques qu'ils jugent contraires à leur sensibilité et à l'idée qu'ils se font du bien-être des animaux sauvages - quand, pour d'autres, et ils sont les plus nombreux, ces modes de chasse font pleinement part de leur mode de vie ou ont un fort caractère patrimonial. Quel est votre vision de ces débats ?

Comment allez-vous avancer, et avec nous, pour apaiser les esprits afin que chacun soit respecté et reconnu dans sa sensibilité ou dans ses traditions ?

M. Rémi Cardon . - Notre bloc communal est en souffrance. Méprisé, pressé et sommé de faire toujours plus avec toujours moins, de combler les vides laissés par le désengagement progressif de l'État dans les territoires ; il n'est plus désormais, à vos yeux, qu'un poste de dépenses que l'on devrait limiter.

Avec la poursuite de votre processus d'érosion de la fiscalité locale par la suppression de la taxe d'habitation, la réduction de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et la future suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), nos collectivités sont victimes d'une recentralisation de leurs ressources. Ce processus s'appuie sur une philosophie néolibérale qui ne croit pas à l'efficacité pour l'action publique de la décentralisation, comme si les élus locaux n'étaient pas aptes à gérer les finances publiques.

Si l'enveloppe nationale consacrée à la dotation globale de fonctionnement (DGF) est en légère augmentation, les modalités de calcul de sa répartition entraînent des inégalités inacceptables pour tous les maires et élus municipaux qui se battent au quotidien pour faire vivre leurs communes. Plus d'argent c'est bien, le répartir équitablement c'est encore mieux.

Quelque 17 800 communes ont vu leur DGF reculer tous les ans durant le premier quinquennat. Cette situation inacceptable frappe en majorité les plus petites communes : entre 2021 et 2022, 9 380 communes de moins de 500 habitants ont connu une baisse de DGF. De plus, les niveaux de dotation par habitant vont du simple au quadruple, pour des communes de mêmes strates dans les mêmes EPCI : c'est incompréhensible pour toutes celles et ceux qui oeuvrent au quotidien au service de la ruralité, dans des conditions de plus en plus difficiles. Aujourd'hui, l'inflation du coût de l'électricité exerce une pression intenable sur le budget des collectivités. Malgré les efforts consentis par ces dernières pour mettre en place des plans de sobriété, tout en assurant la continuité des services publics, l'augmentation des charges énergétiques menace leur équilibre budgétaire et la bonne tenue de leurs finance.

Allez-vous enfin changer de braquet et organiser une péréquation horizontale plus forte, synonyme d'équité entre territoires ?

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - La TFCE relève de ma collègue Agnès Pannier-Runacher, je vous invite à vous rapprocher d'elle pour les questions relatives aux taxes sur l'énergie.

Cette année, Ma Prime Renov' a aidé 11 000 propriétaires bailleurs, nous atteindrons peut-être 13 000 propriétaires bailleurs aidés sur 630 000 logements. C'est très faible mais nous avons tenu à inclure les propriétaires bailleurs, eu égard à l'enjeu de la rénovation thermique et parce que bien des propriétaires n'ont qu'un seul bien et comptent dessus, par exemple pour leur retraite. Nous avons des marges de progrès, sachant que notre pays compte 20 millions de logements classés « D » à « G » sur 30 millions de logements, nous devrions donc rénover 750 000 logements par an pour tenir les objectifs que nous nous sommes fixés à l'horizon 2050. Cependant, il faut se demander s'il ne faudrait pas mieux cibler les passoires thermiques, ce que nous ne faisons pas puisque l'aide actuelle n'est pas fonction de l'efficacité des mesures prises, dès lors qu'il n'y a pas de DPE à l'entrée et à la sortie du dispositif, ce qui permettrait de mesurer le progrès ; en revanche, il est faux de dire que Ma Prime Renov' n'aiderait à rénover que 2 500 passoires thermiques sur 600 000 logements aidés. Ce chiffre de 2 500 correspond aux logements rénovés qui ont fait l'objet d'un audit attestant qu'ils sont ensuite entrés dans une classe donnant lieu à une surprime. Cette démarche n'a rien d'obligatoire et, dans les faits, on ne sait pas précisément combien de passoires thermiques nous rénovons, sur les 17 % de logements que l'on peut considérer comme des passoires thermiques.

Sur le chèque énergie, je confirme que nous assumons 15 % de la hausse des prix de l'énergie là où, sans intervention, ils auraient doublé ou triplé. Nous assumons aussi de réserver cette protection à environ la moitié des Français, car cela nous paraît plus juste que d'en faire bénéficier toute la population, à cause du coût que cela représenterait pour les finances publiques, donc des actions que nous ne pourrions plus faire, et parce que ce serait une subvention aux énergies fossiles. Pour le carburant, nous entendons cibler les grands rouleurs, ceux qui n'ont pas le choix de prendre leur voiture ; cela représenterait une dizaine de millions de personnes, c'est en discussion à Bercy.

StocaMine relève du sujet très sensible de l'enfouissement des déchets et le projet dépendra de notre ambition. Nous avons travaillé avec le président de la Communauté européenne d'Alsace et nous envisageons une trentaine de millions d'euros pour cette année, et pareil pour l'an prochain, ce qui inclut les coûts de travaux et de surveillance. Nous nous adapterions si une décision de justice intervenait.

L'Ademe va voir ses effectifs progresser de 25 emplois, le fonds chaleur est pérennisé à son niveau du plan de relance, soit 520 millions d'euros - il faut compter aussi, incidemment, que les prix élevés de l'énergie accélèrent le retour sur investissement des équipements en réseaux de chaleur.

Les agences de l'air voient leurs crédits reconduits, à ma connaissance, et ce montant va être complété par une partie des amendes que l'État a dû payer pour non-respect de ses obligations en matière de pollution de l'air. Ces crédits devraient donc augmenter l'an prochain.

La chasse est un sujet de passion où le débat devient de plus en plus difficile, où toute nuance paraît exclue dès lors qu'il faut être soit d'un côté, soit de l'autre. Je revendique, pour ma part, le droit à la nuance et à la recherche du compromis ; c'est la condition du vivre ensemble - à priver les autres de liberté, on ne fait plus vivre la diversité, qui est une richesse. La plateforme sénatoriale a suscité de l'émotion de tous les côtés. Vous savez que mon ministère s'est saisi de la sécurité de la chasse, des accidents récents ayant montré la nécessité de prendre des mesures. Nous avons soutenu la proposition de loi du sénateur Jean-Noël Cardoux pour supprimer l'engrillagement en Sologne, qui donne lieu à des parties de balltrap sur animaux vivants plutôt qu'à de la chasse. Ce texte vise à ce que les clôtures ménagent un espace de 30 centimètres au sol et qu'elles ne dépassent pas 120 centimètres de hauteur, pour en finir avec les 4 000 kilomètres de remparts infranchissables qui ont été érigés en Sologne depuis une trentaine d'années. Reste que la chasse demeure une question sensible, avec de nombreux sujets comme le demi-jour sans chasse, la pollution au plomb du fait des balles... je suis disposé à venir en parler avec vous dans une audition spécifique.

L'ouverture prochaine d'une mine de lithium dans l'Allier est une très bonne nouvelle, elle aurait la capacité suffisante pour fabriquer 700 000 batteries, ce qui représente près de la moitié des 1,3 million de véhicules que nous fabriquons aujourd'hui en France. On ne peut se contenter de passer à l'électrique si c'est pour faire fabriquer nos batteries à l'autre bout du monde. Cette mine est donc très encourageante ; il faut continuer dans cette direction et chercher encore ailleurs sur notre territoire. La sortie des énergies fossiles, c'est bon pour le climat et cela peut l'être également pour les droits de l'homme, dès lors qu'on ne dépendra plus de pays qui n'en n'ont pas la même conception que nous... Et vous avez raison, il faut faire un effort particulier sur les transports, secteur où la transition est la moins amorcée, alors qu'ils représentent la moitié des émissions de gaz à effet de serre.

J'entends votre exaspération de ne pas avoir de réponse sur le « ZAN » depuis le mois de mars, Madame Létard. Je plaide cependant la clémence pour la période qui va du mois de mars au 4 juillet, où j'ai pris mes fonctions... J'ai organisé un temps d'échange avec plusieurs d'entre vous le 29 août, j'ai dit que nous associerions les parlementaires et les collectivités territoriales et que nous consulterions les agences d'urbanisme. J'avais posé le délai de mi-novembre - nous y sommes. J'ai le rapport des agences d'urbanisme depuis hier soir sur mon bureau ; je vais partager avec vous ses conclusions pour modifier le décret. Je vous confirme que le Gouvernement entend co-construire les modalités du « ZAN », notre idée étant de présenter un ensemble cohérent. Or, des régions nous demandent un compter à part pour des projets régionaux, pour accompagner des projets économiques, et il faut définir ce qu'est un projet d'envergure nationale : une grande usine de batteries entre-t-elle, par exemple, dans cette catégorie ? On me demande de sortir les pistes cyclables du champ de l'artificialisation : est-ce oui ? C'est sur tout cela que nous devons nous mettre d'accord, ou bien nous sortirons de la discussion avec un défaut de concertation... J'espère que nous parviendrons à une position complète à la fin de l'année.

Mme Valérie Létard . - Vous êtes le bienvenu pour en parler quand vous voulez, nous avons des propositions.

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - Je prends connaissance du rapport des agences d'urbanisme, et je reviens vers vous.

J'ai reçu hier les dirigeants et toutes les organisations syndicales d'Action Logement. C'est un acteur clé du lien entre emploi et logement, avec ses 19 000 salariés et près d'un tiers des logements sociaux de notre pays, financeur à 80 % du nouveau plan national de rénovation urbaine, entre autres. Une émotion factuelle, qui n'a rien à voir avec la position du Gouvernement, tient à ce que l'Insee, sous le contrôle d'Eurostat, considère qu'il faut reclasser Action Logement dans le périmètre des administrations publiques locales, avec pour conséquence qu'il lui faudrait une dérogation pour continuer à emprunter - ce qui tuerait tout simplement notre secteur du logement. J'ai assuré hier mes interlocuteurs de notre soutien ; nous avons initié l'écriture d'une convention quinquennale qui donne des perspectives, il n'y a donc nul bras de fer avec le Gouvernement. Si Action Logement devait être réintégrée dans le périmètre des administrations publiques locales, nous pourrions lui accorder aussitôt la dérogation d'emprunter, mais ce serait difficilement compatible avec la trajectoire de Maastricht pour nos finances publiques, donc pas une bonne nouvelle pour nos logements ni pour leur rénovation thermique. Il y a aussi d'autres sujets périmétriques, nous en parlerons.

Sur la DGF, Monsieur Cardon, je me souviens de l'époque où, alors vice-benjamin du Sénat, j'avais vu la DGF être diminuée... par un gouvernement socialiste ! La plus grande débudgétisation, c'est d'avoir privé les collectivités territoriales de 12 milliards d'euros ; il faut avoir un peu de mémoire politique. Les impôts que nous avons supprimés, nous les avons compensés, voyez la taxe d'habitation - et regardez aussi le détail, la suppression de la CVAE a des biais, sur le lien entre activité économique et territoire, mais pas sur le niveau de compensation. Les collectivités seront gagnantes car la négociation a fait qu'elle sera compensée par de la TVA, qui est plus dynamique. Du reste, si nous n'entendons pas les régions se plaindre aujourd'hui face à l'inflation, c'est en partie dû au fait que la CVAE y ayant déjà été remplacée par la TVA, elles ont vu leurs recettes progresser de 9,1 %...

M. Serge Babary . - L'augmentation de la facture énergétique touche aussi les chambres de métier et de l'artisanat, qui pilotent les centres de formation des apprentis (CMA) ; leur facture s'alourdirait de 15 millions d'euros l'an prochain. Or, nous ne parvenons pas à savoir, et ce n'est pas faute de poser la question, si le réseau consulaire pourra bénéficier de l'amortisseur électricité. Monsieur le ministre, cet amortisseur s'appliquera-t-il au réseau consulaire ?

La flambée du coût de l'énergie met aussi en péril le fret ferroviaire, avec le risque de transfert sur le routier. Quelles mesures compte prendre le Gouvernement pour préserver ce mode de transport ?

M. Jean-Claude Tissot . - Le fonds « vert », à 2 milliards d'euros, paraît bien insuffisant, rapporté aux 12 milliards d'euros d'investissements « climat » qui devraient être réalisés par les collectivités chaque année, selon un récent rapport de l'Institut de l'économie pour le climat. Or, les collectivités ont un rôle clé à jouer dans la mise en oeuvre des politiques de transition écologique, et sont un moteur pour les entreprises ou les citoyens. Les recettes de la contribution au service public de l'électricité s'élèvent à 30,9 milliards euros : Monsieur le ministre, ne pensez-vous pas qu'il faudrait plus de moyens au fonds « vert » ?

La Commission européenne, ensuite, a prolongé d'une année le glyphosate, suite au désaccord entre les experts des 27 États membres. La France, dans les négociations européennes, a obtenu le statut d'État rapporteur en 2019 au sein d'un groupe de travail dédié ; elle a échoué dans cette tâche, puisque cette prolongation du glyphosate contredit la stratégie européenne pour la biodiversité et la stratégie « de la ferme à la fourchette », laquelle prévoit de réduire de moitié l'utilisation des pesticides d'ici 2030.

Monsieur le Ministre, quelle a été la position de la France dans ces négociations européennes ? Pensez-vous que les financements publics pour la recherche d'alternatives sont suffisants ?

J'aimerais, ensuite, vous rencontrer sur un sujet précis concernant l'après mine dans mon département, où votre prédécesseur avait pris un engagement que j'aimerais vous voir tenir.

Mme Sylviane Noël . - Je vous alerte sur les difficultés de l'industrie automobile qui est électro-intensive : les entreprises vont voir le prix de leur électricité tripler, bon nombre d'entre elles n'y résisteront pas - et si l'on veut continuer à produire des véhicules dans notre pays, il faudra accompagner cette industrie.

Ensuite, le Gouvernement a annoncé que le filet de sécurité concernerait 22 000 communes, mais le ministre des comptes publics nous a dit que seules 9 000 communes seraient concernées : quel est le bon chiffre ?

M. Patrick Chaize . - Mon collègue Pierre Cuypers ayant tiré avant moi, il ne me reste que cette question sur la chasse : comment comptez-vous gérer ce dossier - une loi est-elle en préparation pour l'année prochaine ?

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - L'amortisseur des prix de l'énergie concerne toutes les structures, Monsieur Babary. La répartition est simple : le bouclier pour les moins de 10 salariés, l'amortisseur pour les autres et le guichet pour les électro-intensifs. Il ne faut pas désindustrialiser le pays, Bercy pilotera directement le guichet et nous ne savons pas encore combien d'entreprises seront concernées.

Sur le fret ferroviaire, nous nous inspirons, avec Clément Beaune, des excellents rapports que le Sénat a consacrés au sujet. Il y a la question de la taille des plateformes, des systèmes d'accroche des wagons, du nombre de sociétés qui interviennent ; nous manquons de wagons et de place sur les plateformes. En tout état de cause, la SNCF va être concernée par le guichet énergie, la question est examinée.

Le fonds « vert » inclut les 300 millions d'euros pour le recyclage et représente 1,7 milliard d'euros de crédits nouveaux - et la DETR ne baisse pas. Ces chiffres ne seraient pas à la hauteur des besoins pour les collectivités territoriales, Monsieur Tissot ? Je suis bien d'accord avec vous pour dire qu'elles sont un maillon indispensable, mais il nous faut un outil de dialogue commun. C'est pourquoi j'ai demandé aux associations de collectivités territoriales de proposer des maquettes de « budgets verts », qui ne soient donc pas dictées par Bercy mais écrites par les collectivités territoriales, avec l'idée de pouvoir les appliquer dans un an - il nous faut un modèle commun, plutôt que chacun avance dans son coin.

Le glyphosate est un sujet européen, dont la résonnance est forte au ministère de l'agriculture. Je prends acte qu'il n'y a pas de majorité qualifiée parmi les États membres pour sortir du glyphosate à la fin de cette année, comme nous l'espérions. La France demande la sortie la plus rapide, en soutenant la recherche pour des alternatives. Mettons-nous assez d'argent dans la recherche ? Je ne le sais pas précisément, n'étant pas en charge de ce dossier, mais il y a une chose que je sais, c'est qu'il n'y a plus de doute sur le caractère nocif du glyphosate.

Sur l'après mine dans votre département, Monsieur Tissot, je suis tout à fait disposé à vous recevoir.

S'agissant du « filet de sécurité » pour les communes que nous avons mis en place cette année et que vous avez précisé au Sénat, Madame Noël, on a apparemment surestimé la perte d'épargne brute que subiraient les collectivités et nous avons placé une porte d'entrée dans le dispositif - avec le seuil d'une perte brute de 15 % - trop étroite, ce qui fait que nous ne dépenserions pas tous les 430 millions d'euros prévus pour ce filet. Fort de ce précédent, l'Assemblée nationale vient d'adopter un nouveau filet, avec un seuil à 25 % qu'il faudrait peut-être affiner. Je sais que le sénateur Husson propose de supprimer toute porte d'entrée et de faire prendre en charge la moitié du surcoût, cela ne serait pas forcément juste. Il faudrait donc peut-être baisser le seuil, par exemple à 10 %. En tout cas le Gouvernement n'a pas pour intention de ne pas dépenser l'enveloppe prévue - mais il ne faut pas non plus que des collectivités creusent leur pertes pour bénéficier du filet de sécurité, attention à ne pas pénaliser la bonne gestion.

Enfin, sur la chasse, je ne sais pas s'il y aura une loi ; plusieurs questions relèvent du domaine réglementaire, il faut voir comment avancer.

M. Serge Mérillou . - Le budget de l'Office national des forêts (ONF) progresse légèrement, mais les inquiétudes sont fortes avec la suppression de 95 postes prévue pour l'an prochain, et 500 suppressions planifiées par le contrat d'objectifs et de performances 2021-2025. Notre rapport sur les feux de forêt demande de revenir sur ces suppressions et vous avez dit, le 29 octobre, qu'il n'y aurait aucune suppression de poste l'an prochain : le confirmez-vous, et quelle est la trajectoire sur les cinq années à venir ?

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - L'ONF voit ses crédits progresser de 10 millions d'euros ; le schéma d'emplois prévoyait la suppression de 80 postes. Je ne peux guère vous répondre à la place de mon collègue de l'agriculture de qui relèvent les emplois à l'ONF. Avec Marc Fesneau, nous nous sommes battus pour qu'il n'y ait aucune suppression de postes l'an prochain, je ne peux pas imaginer qu'on supprime des postes quand on annonce tant de plantations et qu'il faut entretenir les forêts pour prévenir les incendies - la forêt publique est d'ailleurs mieux entretenue, puisqu'elle représente le quart de la forêt française, mais moins du vingtième de celle qui a brûlé cette année...

Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Vous êtes ministre de la planification et s'il y a un domaine où l'outil de la planification est pertinent, c'est bien la rénovation thermique des HLM. Nous avons chiffré ce chantier jusqu'en 2050 ; les sommes nécessaires sont gigantesques. L'Unions sociale de l'habitat (USH) a demandé 500 millions d'euros par an pour la rénovation thermique, c'est la somme que le plan de relance avait prévue pour deux ans et qui a été entièrement consommée en un an. Votre projet de budget prévoit 200 millions d'euros : c'est dire qu'on va accumuler du retard - pourquoi ne pas aller plus loin en la matière ?

Sur l'aménagement du territoire, ensuite, nous ne voyons pas d'outils nouveaux ni de stratégie, alors qu'une politique ambitieuse en la matière devrait accompagner le « ZAN ». Car si les capacités foncières se rétractent sans planification, il y aura désertification, et vous savez bien que les entreprises ne peuvent attendre longtemps les décisions de localisation. Ne faut-il pas mieux planifier le foncier disponible pour les entreprises ?

Enfin, le fonds « friches » se retrouve-t-il bien dans le fonds « vert », et quel en sera le circuit de décision ?

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - Le parc social est en meilleur état que le parc privé, notre principal problème pour la rénovation thermique des logements collectifs concerne les copropriétés, le verrou est juridique puisque, pour rénover, il faut la majorité des voix des copropriétaires. De de fait, il y a deux fois plus de passoires thermiques dans le privé - 18,8 % - que dans le parc public #172; 9,5 % -, ce qui représente cependant 460 000 logements du parc public à rénover, c'est effectivement considérable. Le dispositif « deuxième vie » est un levier fiscal d'accompagnement, mais il faut aussi regarder dans un angle mort dont on ne parle guère, les bâtiments des collectivités territoriales et de l'État : ils couvrent 380 millions de m2 ce qui, pour une rénovation à 1 000 euros le mètre carré, représente... 380 milliards d'euros : on voit bien que devant de tels défis, il faut innover.

Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Nous avons des propositions en la matière...

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - L'aménagement du territoire, ensuite, s'appuie sur les documents contractuels que l'État signe avec les élus ; il n'est donc plus défini par le haut. Il faut de l'émulation entre les territoires et un accompagnement de leurs choix. Cela dit, il faut effectivement préserver de la capacité foncière, d'où le « ZAN », parce que si l'on ne réindustrialise pas, notre transition écologique sera hypocrite puisqu'elle fera produire à l'autre bout du monde ce que nous consommerons.

Le préfet répartira les crédits du fonds « friches », sur le modèle des dotations, Dsil et DTER. Faut-il une commission sur modèle de la DETR ? Nous en débattons avec l'AMF.

Mme Patricia Schillinger . - Vous avez annoncé récemment un fléchage de 50 millions d'euros pour un programme de recherche sur l'adaptation des forêts au changement climatique, ceci, selon vos termes, « pour avoir la forêt la plus résiliente possible, pour capter et piéger du carbone, pour avoir des stratégies intelligentes en termes de plantation, d'exploitation et de suivi. » Qu'en est-il plus précisément ? Peut-on espérer voir mettre fin à la « malforestation » - ces rangées serrées de pins alignées, sans lumière, que l'on rencontre dans le Limousin ou dans le Morvan ?

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - Ces 50 millions d'euros viennent du plan France 2030. Nous constatons que notre forêt progresse mais qu'elle est moins efficace en stockage carbone, c'est le plus gros écart que nous constatons dans notre stratégie nationale bas carbone (SNBC) - et ceci, parce que notre forêt est victime du réchauffement climatique. Il faut donc renforcer sa résilience, c'est l'objectif des 50 millions d'euros que nous confions à l'ONF pour examiner précisément quelles sont les essences à planter, selon les territoires, et définir les stratégies de biodiversité. Il y a aussi un sujet sur l'utilisation du bois, qui est un matériau biosourcé. Il faut se méfier de l'idée fixiste consistant à dire qu'il ne faut rien couper, il faut au contraire entretenir la forêt, en faire quelque chose. Ensuite, le type d'essence à planter dépend de la stratégie et des sols, la nature dicte bien des choses.

Mme Martine Berthet . - Des questions, d'abord, sur le loup : que pensez-vous de sa protection à tout prix, alors qu'il entraîne la disparition d'autres espèces de faune, par exemple le mouflon, ou encore la disparition du pâturage de nos alpages pourtant bénéfique à la protection de l'environnement ? Pourquoi, alors que nous en serions à près de 1 000 loups, un nouveau seuil de 2 500 loups est sorti du chapeau pour la viabilité de l'espèce, quand on parlait jusqu'ici d'un seuil de 500 individus ? Quelle est votre position sur le déclassement d'espèce « ultra protégée » à « protégée », dans la convention de Berne ?

Sur les zones à faible émission (ZFE), ensuite, quelles aides prévoyez-vous pour aider les collectivités locales à changer, comme c'est le cas des agglomérations chambériennes et aixoises, leur bus de transport public ? Les touristes seront-ils concernés ? Quid de l'accès aux soins médicaux pour la population des territoires ruraux voisins ? Comptez-vous aider les entreprises de travaux publics à changer leurs véhicules, alors que des alternatives n'existent pas toujours ?

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - J'ai réuni, pour la première fois, les 43 présidents d'intercommunalités et maires des villes concernés par les ZFE ; nous avons abordé les questions que vous me posez. Les réponses déjà apportées sont diverses ; à Strasbourg, par exemple, une dérogation est accordée 24 fois par an ; à Reims, les véhicules de secours et de travaux publics sont sortis de la liste... Nous avons décidé de nous revoir deux fois par an, il faudra lancer une campagne d'information pour souligner l'enjeu de santé publique, nous ne voulons pas prendre des décisions qui auraient pour conséquence de diminuer le service, il faut avancer avec souplesse.

Le dernier comptage de loups indique que nous en serions à 921 individus et je n'ai jamais entendu parler d'un nouveau seuil à 2 500. Le seuil de 500 loups était l'ambition initiale du premier plan national, qui arrive à échéance. Nous avons plusieurs sujets à régler, depuis les chiens de berger jusqu'à l'indemnisation, en passant par la simplification des tirs de prélèvement et l'équipement des louvetiers... Nous avons une mission commune avec le ministère de l'agriculture et nous regardons ce que font nos voisins européens. Et nous constatons, avec vous, l'émotion que suscite l'arrivée du loup à mesure qu'il entre dans de nouveaux territoires, il faut y répondre et bien ajuster notre politique publique.

M. Bernard Buis . - Monsieur le ministre, le Président de la région Auvergne-Rhône-Alpes a exprimé cet été sa volonté de supprimer les subventions destinées aux zones Natura 2000, pour compenser au secteur agricole le recul des crédits du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader). Or, en Auvergne-Rhône-Alpes, 13,3 % du territoire sont classés en zone Natura 2000, ce qui représente 938 443 hectares ; 260 sites sont protégés, dont 47 sites dédiés à la préservation des oiseaux, de leurs lieux de reproduction, des haltes migratoires et zones d'hivernage, et 213 sites consacrés à la conservation des habitats naturels. Une telle décision mettrait donc en péril cette biodiversité ainsi que les emplois dédiés à l'animation et à l'entretien de ces sites.

Monsieur le ministre, que pouvons-nous faire pour préserver l'avenir financier de ces zones Natura 2000, essentielles au regard des enjeux essentiels de préservation de l'environnement et de notre territoire ?

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - Votre région a effectivement une position originale sur les crédits des zones Natura 2000 qui relèvent surtout de l'Europe, mais je veux croire que quand on aime sa région, on préserve les territoires remarquables qui la composent. La dotation de biodiversité progresse de 25 %, ce sont des compléments pour accompagner les parcs naturels régionaux.

M. Fabien Gay . - Vous dites que le bouclier tarifaire à 15 % éviterait un triplement des tarifs de l'énergie, mais le calcul est bien plus complexe et moins avantageux que vous ne le présentez, et les 15 % d'augmentation vont peser pour beaucoup de ménages. L'Ademe, face à ces difficultés, a suggéré de tripler le chèque énergie : y êtes-vous prêt, pour aider les ménages en difficulté ? Et êtes-vous disposé, dans ces conditions, à défendre l'idée qu'il faut interdire les coupures d'énergie aux ménages précaires ?

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - La France est le pays où les tarifs d'électricité ont le moins augmenté, c'est factuel, nous limitons l'augmentation et nous prenons en compte les plus fragiles. Je n'ai pas lu l'étude de l'Ademe à laquelle vous faites référence, elle est sur mon bureau et je vais le faire - je vous répondrai alors.

Mme Guylène Pantel . - Comment le fonds « vert » sera-t-il fléché vers le chantier de la transition écologique ? Quelle sera son articulation avec la DETR ? Vous dites que ce fonds « vert » sera réparti en fonction de la démographie, mais pour un département comme la Lozère, qui compte 76 000 habitants, ce serait la double peine ! Quelles mesures d'accompagnement du « ZAN » pour les petites communes rurales ?

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - Ma présentation du fonds « vert » a été succincte, sa répartition ne se fera pas sur un critère simplement démographique. En réalité, nous allons faire 13 enveloppes régionales, puis la répartition départementale se fera en fonction de plusieurs critères. L'année 2023 sera l'année « zéro » : notre objectif est de faire simple et de dépenser les crédits prévus. Je le répète, nous sommes larges, les projets peuvent consister à planter des arbres, à déminéraliser, à faire des corridors pour la biodiversité, et la mobilisation du fonds « vert » est compatible avec d'autres crédits. La question, ensuite, c'est mieux articuler les subventions dans leur ensemble et la transition écologique.

Sur le « ZAN » dans les petites communes rurales, ensuite, je trouve inspirants les travaux du sénateur Jean-Baptiste Blanc sur les outils financiers pour atteindre le ZAN. Il faut non seulement aider à dépolluer, mais aussi renchérir le coût de l'artificialisation. Or, plus la règle sera stricte, plus grand sera l'enchérissement des terrains qui vont devenir constructibles, il ne serait donc pas choquant que des droits de mutation transfèrent une partie de ce profit. D'une manière générale, dans les chantiers de la transition écologique annoncés par la Première ministre, il y a le chantier transversal de la fiscalité : il est décisif, parce qu'il peut conduire à des oppositions frontales, si l'on augmente partout la pression, mais aussi parce qu'il sert à orienter l'action, par exemple en allégeant l'impôt sur ce qui est vertueux, comme le recyclage, la seconde main, les transports en commun, et en l'accentuant sur ce qui l'est moins, comme l'artificialisation des sols.

Mme Anne-Catherine Loisier . - Ce qui manque pour la forêt, c'est l'éco-conditionnalité, il faut la mettre en place. Nous n'avons pas parlé de la stratégie nationale des aires protégées (SNAP), comment comptez-vous y associer les élus ? Ensuite, des prescriptions du code de l'environnement posent des difficultés pour les travaux en forêt pourtant nécessaires à l'entretien de la forêt : comment comptez-vous lever ces obstacles ?

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - Je m'attendais aussi à ce qu'on m'interroge ici sur les Zones de redynamisation rurale (ZRR) qui arrivent à échéance. Je recevrai le Parlement rural le 25 novembre sur les ZRR, ce sera l'occasion de parler avec l'Association des maires ruraux de France, en particulier des suites à donner aux rapports sénatoriaux en la matière, je pense à celui de Bernard Delcros, Frédérique Espagnac et Rémy Pointereau.

Sur les aires protégées, la France s'apprête à défendre à la COP 15 de Montréal l'objectif de 30 % d'aires protégées sur terre, 30 % sur mer, avec 10 % de zones à protection renforcée. Nous conduisons avec le Costa-Rica une coalition qui compte 112 pays ; en ce moment même, Bérangère Couillard s'efforce d'élargir cette coalition en parlant à ses homologues de la COP 27. Nous avons pris de l'avance en France, en particulier avec les PNR et les zones Natura 2000, vous avez raison de souligner qu'il y a des injonctions contradictoires, par exemple, quand on demande de débroussailler la forêt pour l'entretenir mais qu'il faut protéger les nidifications. J'ai demandé des propositions de conciliation, et je devrai trancher ; c'est un travail de dentelle.

Je vous rejoins aussi sur l'éco-conception : il faut aller plus loin. Sur les véhicules électriques, par exemple, on peut recevoir jusqu'à 15 000 euros de primes sans autre obligation que de conserver le véhicule deux ans. Il faudrait que ce soit plus long, ou bien on risque d'aider les filières de revente, au bénéfice de nos voisins et au détriment de l'éco-conception. Même chose lorsqu'on utilisera la finance carbone pour la reforestation ; il faudra poser des conditions d'accompagnement.

M. Yves Bouloux . - En dépit de l'opposition des députés, le Gouvernement a profité de l'article 49-3 pour rétablir les contrats dits de Cahors dans le projet de loi de finances pour 2023 : qu'en pensez-vous ?

M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - Les contrats de Cahors n'existent plus, ils consistaient tout de même à aller chez le préfet signer un document expliquant qu'on allait être vertueux dans la gestion des finances publiques... Nous avons dit aux associations d'élus que nous ne proposerions pas de dispositif vexatoire - d'autant que, si les contrats de Cahors faisaient bien sur le papier, ils n'ont rapporté que 40 millions d'euros d'amende, ceci au prix d'une forte perte de confiance pour les collectivités territoriales... Nous avons supprimé le dispositif d'entrée ; il y a une attente légitime de confiance des collectivités territoriales et, du côté du Gouvernement, de montrer à Bruxelles que nous sommes bien sur notre trajectoire de finances publiques - donc ce serait bien, en CMP, de revenir sur l'article 23 du projet de loi de finances, qui peut heurter les associations d'élus...

Mme Sophie Primas , présidente . - Je me dispense de commentaire, mais la notion même de contrat où l'État ne s'oblige pas comme les collectivités territoriales, cela nous laisse toujours un peu pantois... En tout état de cause, nous vous remercions pour vos réponses.

Examen en commission
(Mercredi 23 novembre 2022)

Réunie le mercredi 23 novembre 2022, la commission a examiné le rapport pour avis de Mme Dominique Estrosi Sassone sur les crédits « Logement et Hébergement » de la mission « Cohésion des territoires » du projet de loi de finances pour 2023.

Mme Dominique Estrosi Sassone , rapporteur pour avis des programmes « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », « Aide à l'accès au logement » et « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » . - Si vous écoutez le bruit ambiant, vous aurez l'impression qu'il n'est question que de rénovation énergétique des logements et plus de constructions neuves. Il ne s'agit pas de nier - bien au contraire - l'importance de la transition énergétique. Cependant, nous observons ici le signe d'un certain pessimisme et de l'adoption progressive d'une vision décroissante voire décliniste qui, sous prétexte de protéger les générations futures, ne leur laisse que bien peu de place pour construire leur vie.

Beaucoup de projets font même face à une obstruction qui décourage les maires comme les promoteurs. Le logement ne fait pas encore l'objet d'actions violentes mais on observe un mécontentement s'exprimer dans certains territoires, par rapport à des sujets tels que les locations touristiques ou les meublés de tourisme. Ainsi, au mois de novembre 2021, des milliers d'actifs ne parvenant plus à se loger ont manifesté à Bayonne.

Si l'on ne peut que s'inquiéter pour les années à venir, il nous faut pourtant tenir ces deux objectifs : rendre plus sobres les logements pour atteindre la neutralité carbone et continuer de construire pour soulager les zones tendues, afin d'offrir à nos concitoyens un toit ainsi qu'un parcours résidentiel, sources d'épanouissement familial et personnel.

C'est en gardant en tête cette double perspective que je vous propose d'aborder l'examen des crédits « Logement », avant de m'intéresser plus spécifiquement au financement du logement et à l'avenir d'Action Logement, aux enjeux de la rénovation thermique et aux pistes de soutien à la construction.

Je vous propose donc de commencer par l'examen du budget proposé pour 2023 pour les trois programmes de la mission cohésion des territoires dédiés à cette question, les 109, 135 et 177.

Dans un contexte où l'inflation anticipée est de 4,2 %, les crédits de la mission « Cohésion des territoires » et ceux des trois programmes dédiés au logement progressent de 3,9 %, pour atteindre 16,9 milliards d'euros.

De plus, les dépenses fiscales représentent un montant équivalent au budget lui-même, les taux de TVA réduits pour les travaux - 10 % pour l'entretien et 5,5 % pour les économies d'énergie - pesant le plus lourd dans ce total, pour un montant de 6,5 milliards d'euros.

Le projet de loi de finances (PLF) pour 2023 est un budget de transition qui ne marque pas d'inflexion importante, sauf en ce qui concerne les crédits dévolus à l'Agence nationale de l'habitat (Anah).

Le premier poste reste le programme 109 « Aide à l'accès au logement » dédié au financement des aides personnelles au logement (APL), qui pèse à lui seul 13,3 milliards d'euros et connaît cette année une augmentation de 292 millions d'euros. Cette hausse ne s'explique ni par un coup de pouce spécifique ni par un regret quant aux mesures passées, mais traduit les décisions votées cet été dans le cadre de la loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat : la revalorisation de 3,5 % des APL en raison de l'inflation et le plafonnement à 3,5 % de la hausse de l'indice de référence des loyers (IRL).

Le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » représente le deuxième poste puisqu'il pèse 2,8 milliards d'euros. Il est consacré à l'hébergement et à l'insertion des personnes vulnérables dans le logement. La dynamique budgétaire est davantage portée par des sous-jacents comme la revalorisation des métiers du secteur « accueil, hébergement, insertion » (AHI) - avec 148 millions d'euros supplémentaires en 2023 -, que par de nouveaux développements en matière de Logement d'abord - dont les crédits augmentent de 44 millions d'euros.

Depuis plusieurs années, les crédits inscrits dans les PLF successifs sont toujours inférieurs à ceux qui sont exécutés, notre pays restant fidèle au principe de l'accueil inconditionnel. Ainsi, le Gouvernement a accepté d'abonder le budget initial de 40 millions d'euros à la suite d'un amendement adopté à l'Assemblée nationale pour maintenir environ 195 000 places d'hébergement et a renoncé à en baisser le nombre. Cependant, compte tenu d'une pression migratoire qui se maintient à un niveau élevé, la politique du Logement d'abord, qui consiste à permettre aux personnes précaires d'accéder directement à une solution durable, notamment accompagnée socialement, ne parvient pas à faire reculer le recours à l'hébergement d'urgence ou aux nuitées hôtelières.

Dans ce contexte compliqué, le programme 177 joue le rôle de dernier filet de sécurité pour des populations en grande difficulté. À ce titre, je souhaite que tous les personnels des services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO), qui assurent la prise en charge, soient traités de la même manière. Ainsi, les écoutants du 115 ne doivent pas rester les seuls à ne pas bénéficier de la revalorisation des rémunérations du secteur AHI et je vous proposerai un amendement en ce sens.

Le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » constitue le troisième volet du budget et atteindra 780 millions d'euros, ce qui représente une progression de 47,4 %. Cette évolution s'explique par l'accroissement significatif des moyens de l'Anah. Le programme 135 pourvoit aux moyens de fonctionnement et d'investissement de l'Agence tandis que les aides sont financées par le programme 174, qui vient d'être présenté par Daniel Gremillet. La contribution du programme 135 à l'Anah passera de 170 à 404 millions d'euros. Cette hausse recouvre la création de 25 postes supplémentaires, le déploiement du réseau France Rénov' et la préparation de Ma Prime Adapt', qui sera dédiée à l'adaptation des logements au vieillissement de la population.

Ce budget prolonge plus qu'il n'initie ou ne fait des choix. Cet entre-deux est particulièrement sensible pour trois dossiers clés : le financement du logement et du logement social en particulier, la rénovation et la construction neuve.

Je voudrais d'abord aborder le financement du logement en général, à travers la situation d'Action Logement, ainsi que le financement du logement social, à travers le Fonds national des aides à la pierre (Fnap) et l'avenir de la réduction de loyer de solidarité (RLS). L'ensemble est intimement lié.

En 2023, le Gouvernement contraindra une nouvelle fois Action Logement à verser 300 millions d'euros, dans le cadre de l'article 16 du PLF. Mais, cette année, la contribution se fera au profit du Fnap et elle est présentée comme s'inscrivant dans la continuité de l'accord trouvé autour de la RLS. Cela concrétise les craintes que j'avais exprimées l'an passé, même si une telle issue n'était pas inévitable. Ainsi, le Gouvernement aurait pu consentir à reprendre la part qui devrait lui revenir dans ce fonds de financement du logement social et qui, de manière paradoxale, est depuis plusieurs années financée par les bailleurs sociaux eux-mêmes et dont la trésorerie est versée automatiquement à l'État...

Malgré mon opposition de principe à ce procédé, nous sommes démunis en tant que parlementaires. La suppression de l'article 16 ferait porter le poids, en l'état des textes, sur les bailleurs sociaux. Par ailleurs l'article 40 nous empêche de transférer la charge à l'État comme il serait légitime de le faire. Enfin, la réduction de la contribution d'Action Logement réduirait les moyens du Fnap et empêcherait de mobiliser les reliquats pour la rénovation ou l'augmentation de l'aide unitaire au logement dans un contexte de hausse des coûts.

Cette nouvelle captation des ressources d'Action Logement, qui s'est opérée sans concertation, s'inscrit dans un contexte préoccupant pour le groupe paritaire. En effet, le 31 août dernier, le directeur général de l'Insee a pris la décision - apparemment technique - de classer sa filiale Action Logement Services (ALS), responsable de la collecte et de la distribution de la participation des employeurs à l'effort de construction (Peec), comme une administration publique, faisant entrer le solde de ses comptes et sa dette dans ceux de l'État, au sens des critères du traité de Maastricht. L'impact de cette opération n'est d'ailleurs pas négligeable puisqu'elle entraine un endettement supplémentaire de 0,3 point de PIB.

De plus, cette décision pourrait conduire le ministre des comptes publics à classer ALS parmi les Organismes divers d'administration centrale (Odac), où sont notamment regroupés les grandes agences ou instituts de l'État. L'une des principales conséquences serait l'interdiction pour ALS de s'endetter à plus de 12 mois, sauf exception prévue par la loi, ce qui transformerait profondément son modèle de financement et de fonctionnement, et menacerait sa capacité à remplir ses engagements financiers vis-à-vis de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) ou du programme Action Coeur de ville (ACV).

Action Logement a déposé des recours gracieux auprès de l'Insee et de Bercy, qui sont en cours d'instruction.

Si ce processus allait à son terme, il conduirait à une scission de fait au sein du groupe Action Logement, l'État contrôlant étroitement la collecte et l'emploi de la Peec. L'un de ses objectifs pourrait être de s'assurer de l'équilibre des ressources et des dépenses en arbitrant directement entre le nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), le Fnap, ACV ou la garantie Visale. Les partenaires sociaux ne conserveraient sans doute qu'une très faible marge de manoeuvre en dehors de la gestion des filiales immobilières. Ainsi, cela préempterait largement la négociation de la convention quinquennale qui a pour but d'établir un accord entre Action Logement et l'État sur l'emploi de la Peec.

Néanmoins, l'avenir n'est pas écrit et il ne va pas de soi qu'un organisme paritaire collectant une contribution des entreprises pour partie volontaire soit classé comme Odac. L'acceptation des entreprises n'est d'ailleurs pas acquise. J'ajoute que le secteur du logement a un intérêt stratégique à ce qu'Action Logement reste un acteur autonome, à la fois philosophiquement, comme héritier et incarnation du pacte social d'après-guerre entre patrons et salariés, mais aussi financièrement, la Peec étant, avec le Livret A, l'une des « deux mamelles » du logement pour reprendre la formule de Sully. Si la contribution d'Action Logement au Fnap en 2023 protège momentanément les ressources des bailleurs sociaux, elle pourrait être une sécurité très provisoire face aux besoins comptables du ministère du budget.

Concernant le Fnap lui-même, l'État a fait le choix en 2023 de mobiliser les reliquats, soit environ 200 millions d'euros, en raison d'opérations abandonnées, au service de la rénovation thermique dans le secteur HLM. Derrière l'effet d'annonce, ce montant ne représente pas une enveloppe nouvelle de l'État mais provient des fonds des bailleurs sociaux eux-mêmes. Ainsi, elle aurait pu être affectée à la construction neuve de logements sociaux, dont nous avons tant besoin. Enfin, elle est inférieure à l'aide apportée par le plan de relance. En l'état, cette enveloppe ne pourra d'ailleurs pas être renouvelée en 2024 avec les mêmes sources de financement ; l'État sera-t-il au rendez-vous ?

Enfin, la question du financement du logement social au cours du quinquennat et de la prolongation de la RLS se pose. Nous devrions d'ailleurs plutôt évoquer les conditions de sa prolongation, tant les intentions du Gouvernement semblent limpides en la matière. Outre le prolongement des dispositifs propres au Fnap que je viens d'évoquer, l'article 41 ter du PLF, rattaché à la mission, aura pour but de maintenir son rendement à hauteur de 1,3 milliard d'euros en 2023. L'avenir est normalement soumis à la conclusion d'un « Pacte de confiance » entre l'État et l'Union sociale pour l'habitat (USH), sans doute au printemps prochain. La RLS a essentiellement été absorbée par les bailleurs grâce à un accroissement de l'endettement. Or la hausse des taux d'intérêt remet en cause ce modèle d'autant que les coûts de production sont en forte augmentation et que le parc social est confronté à l'impératif de rénovation des logements pour continuer à pouvoir les louer. Je vous présenterai donc un amendement sur ce point, pour que la pérennisation de facto de la RLS soit enfin discutée.

La rénovation des logements constitue le deuxième grand sujet de ce budget et des prochaines années dans ce domaine. La loi « Climat et résilience » a imposé un calendrier des rénovations, selon lequel les logements classés G, F et E ne pourront plus être loués à partir de 2025, 2028 et 2034. Cette interdiction s'appliquera dès le 1 er janvier 2023 aux logements dits « G + », qui sont les plus énergivores. Ce calendrier très resserré est susceptible d'avoir des conséquences majeures.

L'Institut Paris Région a établi qu'en Île-de-France, il concernait 2,3 millions de logements, soit 45 % du parc de résidences principales selon l'ancien diagnostic de performance énergétique (DPE), le nouveau étant plus sévère. À Paris même, deux tiers du parc locatif est directement visé. Paris n'est pas la France mais cette étude montre le caractère crucial du sujet. Une enquête récente de la Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim) montre que, devant ce défi, beaucoup de bailleurs privés pourraient baisser les bras. Un quart pourrait vendre à des occupants qui ne feront pas nécessairement les travaux. De plus, entre 5 % et 10 % pourraient opter pour les meublés de tourisme qui ne sont pas soumis à cette réglementation. Les y soumettre, comme le ministre du logement a indiqué vouloir le faire, ne règlera pas le problème qui est autant un sujet de financement que de séquencement face aux capacités limitées des professionnels à mener à bien les travaux. Enfin, la fiabilité du lien entre la réalisation de travaux et le saut en termes d'étiquette énergétique reste un sujet non réglé.

Dans ce ciel chargé, le projet de loi de finances rectificative (PLFR) et le PLF apportent quelques éclaircies.

Tout d'abord, dans le cadre du PLFR, un amendement a été adopté à l'Assemblée nationale visant à doubler le déficit foncier, qui correspond à la part des charges supérieure aux revenus fonciers et peut être déduit du revenu global, salaire ou pension de retraites, pour faire diminuer l'impôt sur le revenu. Cette mesure était très attendue par les propriétaires effectuant des travaux dans des logements énergivores et nous l'avions votée dans la loi « Climat et résilience », mais elle n'était pas restée dans le texte. Nous saluons donc ce doublement du déficit foncier jusqu'en 2025, même s'il arrive un peu tardivement.

En outre, les moyens de l'Anah vont fortement augmenter dans le PLF puisque son budget s'accroît de 900 millions d'euros à travers le programme 174 et de 219 millions d'euros grâce à l'affectation de recettes de quotas carbone. L'Anah a été fortement critiquée par la Cour des comptes l'an passé et cette année par le Défenseur des droits. En effet, il semble de bon ton de lui faire porter la responsabilité du retard français en matière de rénovation énergétique des logements. Cependant, cela me parait assez injuste. L'Anah est au contraire le symbole et le symptôme du réveil de notre pays sur cette question, mais aussi de nos difficultés et de nos insuffisances. Je voudrais rappeler qu'entre 2019 et 2023, le plafond d'emplois de l'Anah aura été multiplié par deux, passant de 115 à 232 emplois équivalents temps plein (ETP). Entre 2019 et 2021, toutes aides confondues, les décaissements ont été multipliés par trois, le nombre de logements aidés par cinq.

Ainsi, Ma Prime Rénov' a été attribuée à 644 000 logements en 2021, pour un total de 2 milliards d'euros et un montant moyen de 3 200 euros. Dans 80 % des cas, il s'agit comme prévu de mono-gestes, concernant des systèmes de chauffage dans 70 % des cas. De plus, 85 % des aides sont attribués en moins de quinze jours. Seuls 500 à 600 dossiers sont bloqués et font l'objet d'un traitement individuel, qui devrait permettre de résoudre 90 % des cas d'ici la fin de l'année.

Je serai donc moins sévère que Daniel Gremillet quant à l'Anah, d'autant qu'elle est aussi confrontée à une importante transformation interne. Certes, des insuffisances demeurent, mais il ne faut pas décourager ses équipes.

Cependant, l'Anah doit encore réussir à massifier l'accompagnement pour entraîner la massification des rénovations globales. En effet, les rénovations relèvent encore trop largement du mono-geste, ce qui doit changer dans la perspective de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC). Sans minimiser le problème, les chiffres sont tout de même encourageants. Ainsi, Ma Prime Rénov' Sérénité, consacrée à la rénovation globale, a permis de rénover plus de 41 000 logements en 2021, dont plus de 23 000 ont bénéficié d'une bonification pour sortie de passoire thermique.

Par ailleurs, Ma Prime Rénov' Copropriétés commence à monter en puissance, bien que lentement en raison de la difficulté de faire voter des travaux en assemblée générale. En 2021, elle a concerné 12 000 logements. Les solutions passent certainement par une plus grande aide accordée aux propriétaires modestes, pour lesquels la prime pourrait être doublée, ce que j'ai demandé au ministre. Des solutions juridiques peuvent aussi être envisagées pour rendre solidaires les propriétaires. En effet, dans un même immeuble, les logements n'ont pas forcément la même étiquette et les propriétaires ne sont pas tous pressés de la même manière par le calendrier. Il faut donc réfléchir à des solutions telles que l'opposabilité du DPE collectif pour un immeuble ou du vote du programme pluriannuel de travaux.

Dans le parc social, les enjeux de rénovation thermique sont relativement moins importants en proportion - environ 1,2 millions de logements à traiter avant 2034 - mais posent aussi des questions différentes. Les bailleurs sociaux sont des acteurs institutionnels, qui peuvent entreprendre des rénovations de masse rentabilisées sur de longues durées. Ils se projettent par ailleurs au-delà de 2034 et envisagent dès aujourd'hui l'avenir de leur patrimoine à l'horizon 2050, date à laquelle un maximum de logements devra avoir atteint les classes A ou B selon la SNBC.

La question se pose donc pour eux en termes de stratégie de patrimoine, de savoir s'ils ne doivent pas dès aujourd'hui organiser des rénovations dans cette perspective, afin de ne pas faire plusieurs des travaux et de les rentabiliser au plus tôt. Pour donner un ordre de grandeur, le coût moyen d'une réhabilitation thermique serait de l'ordre de 38 000 euros, celui d'une rénovation donnant une seconde vie au bâtiment allant au-delà de 2050 serait d'environ 100 000 euros, à comparer avec un coût de 158 000 euros pour une construction neuve. Les bailleurs sociaux envisagent de réaliser environ 10 000 rénovations « seconde vie » par an dans un premier temps.

Pour cela, ils demandent que ces opérations soient aidées par des subventions du Fnap, des prêts à long terme de la Caisse des Dépôts, mais aussi en termes de fiscalité, par une TVA à taux réduit et une exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), ainsi qu'un reconventionnement des loyers comme des logements neufs. La démarche est prometteuse et offre une vision stratégique qui manque dans le secteur du côté de l'exécutif. Elle permet aussi de s'organiser pour viser clairement l'horizon 2050, ce que j'avais plaidé dans le cadre de la loi « Climat et résilience », en proposant d'intégrer dès aujourd'hui les logements D à la réflexion.

Je terminerai en disant quelques mots de la construction neuve. Elle est en berne. Du côté des logements sociaux, Emmanuelle Wargon avait affiché l'objectif de 250 000 logements en deux ans et on ne franchira peut-être pas le seuil des 180 000 agréments. Du côté des autres constructions, les évolutions sont moins lisibles. En effet, on constate d'une part une forte augmentation conjoncturelle du nombre de permis de construire délivrés - 523 000 entre septembre 2021 et août 2022 - en raison du bouclage des projets antérieurs à la réglementation environnementale RE 2020. Cependant, les biens mis en vente baissent de 10 % et les réservations de 20 % au cours du dernier trimestre, ce qui est inquiétant. Parallèlement, l'indice du coût de la construction a augmenté de 8 % en un an selon l'Insee.

Notre analyse doit se porter au-delà de la conjoncture et le domaine du logement s'inscrit dans le temps long. Il est essentiel de donner de la visibilité aux outils fiscaux et au cadre juridique pour les investisseurs. En effet notre pays a préféré multiplier les niches plutôt que de réfléchir à un cadre global et stable, que je nomme « statut du bailleur privé ». Je me réjouis que le ministre et d'autres me rejoignent sur le principe, même si je ne suis pas sûre que nous en ayons la même vision.

En outre, il nous faut réhabiliter l'acte de construire et retrouver le mode d'emploi avec les maires. Depuis la suppression de la taxe d'habitation, nous sommes confrontés à un problème. La commission Rebsamen a obtenu l'an passé une compensation partielle et temporaire par l'État de l'exonération de TFPB des nouveaux logements sociaux, ce qui est bien mais très insuffisant. En effet, cette mesure ne concerne que les constructions à venir et ne vise que 10 ans d'exonération au lieu de 25. La Fédération des promoteurs immobiliers a proposé d'attribuer aux communes une fraction de la TVA sur la construction neuve, ce qui constitue une idée à creuser.

Par ailleurs, le « zéro artificialisation nette » (ZAN) fait figure d'épée de Damoclès au-dessus de tous les projets. La mission de contrôle que conduisent Valérie Létard et Jean-Baptiste Blanc fera bientôt des propositions à ce sujet, afin de sortir de ce paradoxe, relevé avec humour par notre collègue Jean-Marc Boyer : « construire moins pour loger plus ».

Enfin, je rappellerai qu'un parcours résidentiel fluide, notamment entre location et accession, représente l'une des clés pour sortir des difficultés actuelles. C'est la raison pour laquelle, comme chaque année depuis sa suppression, je proposerai un amendement pour rétablir l'APL accession. Si nous le votons systématiquement au Sénat depuis 2018, l'Assemblée nationale n'a cessé de le supprimer au prétexte de vouloir économiser, alors que cela ne coûterait que 50 millions d'euros, tout en permettant à de nombreux citoyens d'accéder à la propriété, plus particulièrement dans les territoires tendus.

En conclusion, nous sommes face à un budget de transition, empreint de plus de continuité que de nouveauté. Des intentions intéressantes sont énoncées, d'autres nous inquiètent. Le Gouvernement n'a pas vraiment abattu son jeu ni défini son cap. Plusieurs sujets cruciaux pour l'avenir du logement vont être discutés au cours des prochains mois ; il nous faudra être particulièrement vigilants.

Dans ce contexte, je ne souhaite pas afficher une opposition de principe, qui ne donnerait pas sa chance à la négociation ou à des compromis constructifs. Mais je ne souhaite pas non plus accorder un blanc-seing qui donnerait l'impression que nous soutiendrions des évolutions que nous désapprouvons et sur lesquelles nous avons mis en garde les Gouvernements successifs.

Je vous propose donc une abstention engagée, exigeante et même combative, dans l'attente des décisions que le Gouvernement prendra en matière de logement pour le reste du quinquennat.

M. Jean-Baptiste Blanc , rapporteur spécial sur la mission « Cohésion des territoires » . - Je remercie d'abord Dominique Estrosi Sassone pour ce brillant rapport.

La commission des finances s'est réunie le 15 novembre et, sur ma proposition, s'en est remise à la sagesse du Sénat concernant l'adoption des crédits de la mission. En effet, ce budget consacre l'absence de lisibilité de la politique du Gouvernement en matière de logement et d'urbanisme.

Je rappelle que les crédits sont en légère augmentation en euros courants, mais en diminution de 1,9 % en euros, compte tenu du niveau élevé d'inflation attendu pour 2023. En ce qui concerne le programme 177, on nous répétait qu'avec la fin de la crise sanitaire, le parc d'hébergement serait réduit de façon modérée en 2023, ce qui ne sera pas le cas puisque le Gouvernement a demandé 40 millions d'euros supplémentaires. Je crains cependant que cela ne soit pas suffisant, les crédits demandés pour 2023 étant moins élevés que ceux de 2022 si l'on tient compte des crédits ouverts en cours d'année.

En outre, le Gouvernement n'a pas encore annoncé ses objectifs en matière de Logement d'abord, pour lequel il risque de demander une ouverture de crédits en cours d'année. Il s'agit donc bien d'une navigation à vue, une fois de plus.

En matière d'aide au logement, le programme 109 porte sur les aides de guichet non pilotables. Or malgré leur coût élevé, les prestations sociales couvrent une part de plus en plus réduite des dépenses courantes et des ménages, et les dépenses de logement augmentent. Malgré les mesures prises, les ménages font face au poids croissant de l'inflation.

De plus, je dois souligner que la réforme de la loi organique relative aux lois de finances va nécessiter une modification du schéma de financement des APL. En effet, le Fonds national d'aide au logement (Fnal) ne pourra plus recevoir le produit des cotisations des employeurs en 2025.

S'agissant du programme 135, le secteur de la construction comme celui du logement social s'inquiètent devant la hausse des coûts et des taux, comme devant la difficulté d'obtenir des permis de construire. Pour sa part, l'Anah reçoit une dotation bien plus importante pour la rénovation énergétique, mais il ne suffit pas d'injecter des subventions. Les rénovations globales devraient constituer un objectif, mais elles souffrent de leur complexité pour les particuliers comme du manque d'un écosystème d'entreprises capables de les conduire.

En ce qui concerne, l'urbanisme et la construction, je regrette que le PLF n'apporte rien à la définition d'un modèle de financement du ZAN. Nous ne sommes pas entendus sur le sujet et cela est inquiétant. La commission des finances tirera les conséquences du rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, qui ouvre de nombreuses pistes. Ainsi, nous mettrons probablement en place une commission - et il faudra le faire ensemble, madame la présidente - pour trouver un financement et une fiscalité locale pour le ZAN.

Par ailleurs, le fonds friches a fait l'objet d'une forte mobilisation dans les territoires, qui se dilue dans le fonds vert pour lequel le Gouvernement ne donne que peu de visibilité. Je crains la démobilisation des acteurs sur toutes ces questions et il en va de même pour la politique de la ville.

En effet, les résultats de cette politique sont toujours aussi peu visibles quant à la situation des habitants des quartiers. Ensuite, le Gouvernement ne montre pas plus de volonté que les années précédentes de mettre en oeuvre son engagement à contribuer au financement du nouveau programme national de rénovation urbaine (NPNRU), puisque la dotation budgétaire de celui-ci est toujours limitée à 15 millions d'euros alors que l'Anru doit désormais décaisser plus de 500 millions d'euros par an. Or Action Logement est le principal financeur de l'Anru. Au sujet d'Action Logement, je m'associe en tous points à l'analyse réalisée par Dominique Estrosi Sassone. Le sujet est grave. L'organisme a été mis sous forte pression par le Gouvernement qui lui impose à présent de participer au financement du Fnap pour un montant de 300 millions d'euros.

En raison de ce manque global de lisibilité, la commission des finances a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat, étant entendu que nous avons donné un avis favorable à l'adoption de article rattaché 41 ter . En effet, il s'agit d'une mesure de désindexation de la réduction du loyer de solidarité, qui n'allège pas vraiment la charge pesant sur les bailleurs sociaux mais évite de l'augmenter.

Mme Dominique Estrosi Sassone , rapporteur pour avis . - Je vous proposerai un amendement à l'article 41 ter . L'article a été introduit à l'Assemblée nationale afin de ne pas dépasser l'objectif d'un rendement budgétaire de 1,3 milliard d'euros pour la RLS. Nous n'avons pas de visibilité sur la RLS, mais nous sommes convaincus que le Gouvernement pérennise ce dispositif de fait. Nous nous étions mobilisés pour dénoncer un mauvais coup porté au monde du logement social, qui allait obérer les capacités d'autofinancement, ce qui s'est effectivement passé. Le Gouvernement avait annoncé que la RLS serait en application jusqu'en 2022, mais il s'agit à présent d'acter de nouveau le fait qu'en 2023.

Je voudrais de nouveau interpeller le Gouvernement pour le pousser à dire qu'il est en train de pérenniser la RLS. La seule possibilité de le faire, même si ce n'est pas dans nos habitudes, est de demander un rapport. Il devra être finalisé sous quatre mois parce que c'est au printemps que l'USH pourrait signer le Pacte de confiance avec le Gouvernement. Le Gouvernement devrait jouer cartes sur table avant cette échéance et informer le Parlement des conséquences d'un tel dispositif, pour répondre à ce qui nous préoccupe au premier chef : la demande de construction de logements sociaux et de rénovation énergétique.

Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Mon groupe est d'accord avec nombre des analyses et propositions faites par Dominique Estrosi Sassone, même si nous ne partageons pas tout à fait la même vision de ce que doit contenir le concept de « statut du bailleur privé ».

Notre groupe votera contre ces crédits parce qu'il y a trop de non-dits. En étudiant les documents publiés par la haute administration, de Bercy ou du logement, nous comprenons ce qu'ils ont théorisé : il faut construire moins. Ils semblent le justifier en arguant de la baisse démographique prévue. Mais cette baisse n'est pas certaine. De plus, le processus de décohabitation est toujours en cours et le mal-logement reste considérable. Enfin, pour procéder à leur calcul, ils divisent le nombre de logements et de mètres carrés par le nombre d'habitants, pour arriver à la conclusion qu'il y en a assez. Comme si tout le monde allait trouver un logement, spontanément et sur chaque territoire ! Comme ils refusent d'observer la situation de manière objective et de planifier de façon souple en fonction des besoins des territoires, la crise est chronique. Cependant, si la construction n'est plus un enjeu pour le Gouvernement, il se garde d'en faire part aux Français pour qui cette idée est inaudible.

J'en profite pour préciser que nous n'avons pas seulement besoin de constructions en zones tendues. En effet, d'autres besoins se font sentir en zones détendues, en moindre quantité et d'une autre nature qualitative. Les besoins dans les territoires sont variés et doivent être redéfinis.

En ce qui concerne le logement social et Action Logement, je voudrais rappeler que pour la partie énergétique, le plan de relance avait consacré 200 millions d'euros supplémentaires pour la rénovation des HLM sur deux ans. La première année, tout était déjà consommé et des dossiers sont encore en attente. Pourtant, si l'on consacrait 500 millions d'euros par an à cette question, on entrainerait une accélération de la rénovation dans le logement social, qui tirerait la filière sur l'ensemble du territoire.

Par ailleurs, nous sommes pris en étau sur la question d'Action Logement. En effet, si nous baissons sa contribution, l'État ne compensera pas. En même temps, on ne peut cautionner la manière dont l'État conçoit l'avenir de cet organisme.

Nous pourrions préparer une résolution du Sénat sur Action Logement, sur sa conception et son avenir. En effet, il nous faut préserver cet outil et demander une clarification juridique. Je ne suis d'ailleurs pas étonnée qu'un problème juridique se pose, puisque nous n'avons pas bien calé, au regard des critères européens, la Peec et la garantie de pouvoir conserver l'autonomie paritaire de l'organisme. Il faut trouver les moyens de sauvegarder ce paritarisme, structurant pour notre modèle social depuis le Conseil national de la Résistance.

En outre, même avec la prime accession, il est difficile de trouver des accédants modestes, en province, qui parviennent à acheter un logement parce que les banques ne leur prêtent pas en raison d'apports personnels insuffisants. Le prêt à taux zéro (PTZ) répond en partie à cette problématique. Nous avions obtenu d'Action Logement la création pour les salariés modestes d'une prime de 10 000 euros pour l'accession sociale. Cependant, il n'est pas certain qu'Action Logement puisse encore mettre en oeuvre ce dispositif. De plus, la mesure ne concerne pas les fonctionnaires, notamment ceux dont les métiers sont essentiels. Je déposerai donc un amendement pour que cette prime soit élargie, grâce à des financements de l'État, aux travailleurs essentiels dont les entreprises ne cotisent pas au dispositif du 1 % logement.

Quand nous avons entendu M. Béchu, qui est pourtant un élu local, dès que nous avons parlé logement, il a renvoyé la responsabilité vers les copropriétés ou les bâtiments publics. Mais la question des logements et de la fameuse résorption des passoires énergétiques reste aberrante.

Sans vision planifiée - au sens gaulliste du terme - établie avec les territoires dans un mouvement de consultation puis de planification centrale, nous n'atteindrons pas les objectifs fixés et les Français auront le sentiment que la classe politique leur ment. Peut-être faudrait-il demander à François Bayrou d'être entendu puisqu'il est chargé de la planification...

Mme Valérie Létard . - Je voudrais commencer par saluer la grande qualité du rapport dont je partage l'analyse, notamment en ce qui concerne la manière dont l'État nous emmène dans une direction qui interroge. Le Sénat devrait s'emparer de la question et produire un travail de fond. En effet, nous nous trouvons à la croisée des chemins et il est temps de mettre en oeuvre une véritable vision pour les politiques du logement, incluant les modes de financement et les moyens de mobiliser les acteurs, pour ne plus subir les choix imposés par l'État, dont on mesure aujourd'hui l'énormité des conséquences.

Mon groupe est très sensible à la question du logement social et nous tenons à ce que notre pacte social d'après-guerre soit préservé. Il faut être au rendez-vous pour le logement des salariés, des plus modestes et des plus démunis. Pour ce faire, il faut préserver Action Logement. Depuis son origine, cet organisme doit être financé de façon paritaire. Néanmoins, puisque chaque année l'État ne contribue plus, on finit par le reclasser en administration publique ! Action Logement a joué son rôle d'acteur solidaire des politiques du logement et aujourd'hui on explique que ce sont ses choix qui conduisent l'Insee à le reclasser ! Si nous prenons cette direction, de nombreuses questions se poseront : que deviendra Action Logement à terme ? Que deviendra la Peec ? Sera-t-elle toujours affectée au logement ?

L'État demande à Action Logement de remettre 300 millions d'euros au Fnap sans consultation, considérant qu'il s'agit de l'argent de l'État. C'est grave ! Nous changeons de paradigme et faire comme si tout cela était normal reviendrait à l'accepter. L'État doit contribuer à la politique du logement à la française. Notre pacte social d'après-guerre et le paritarisme en dépendent !

Je défendrai demain deux amendements pour proposer que la contribution d'Action Logement ne dépasse pas 150 millions d'euros et qu'elle se fasse dans le cadre de la convention quinquennale.

M. Jean-Marc Boyer . - Lors de son audition devant notre commission, le ministre a affirmé qu'il fallait construire plus pour loger plus. Néanmoins, Marie-Noëlle Lienemann a bien expliqué comment, dans la haute fonction publique, on pense l'inverse. Il faudrait qu'un jour les objectifs du Gouvernement apparaissent de façon claire.

Par ailleurs, lors de cette audition, le ministre a expliqué qu'il fallait « redonner de la perméabilité ». Si quelqu'un pouvait m'expliquer ce que ces mots signifient...

En ce qui concerne Ma Prime Renov', je suis surpris par les éléments que vous a donnés le directeur de l'Anah et selon lesquels 85 % des demandes d'aides seraient traitées en quinze jours. Dans mon département, les demandes restent des mois sans nouvelle et l'Anah est injoignable.

Mme Viviane Artigalas . - Notre rapporteur a tout dit ! Je la rejoins sur l'idée qu'il s'agit d'un budget dans lequel les crédits sont stables voire en légère augmentation, mais qui ne dit rien des orientations nouvelles en matière de politique du logement. Cela est catastrophique. Bruno Le Maire a dit qu'il n'y avait pas besoin de construire, mais si on ne construit pas, le modèle du logement social à la française sera remis en cause. Je rappelle que, dans le cadre du modèle actuel, deux tiers des ménages sont éligibles au logement social et que 2,2 millions de Français attendent un logement, que ce soit pour y accéder ou pour en changer. Le parcours est en panne et nous sommes en train de tuer l'accession sociale à la propriété comme le parcours résidentiel.

En 2021, on observe une baisse de 22 % de la construction de logements par rapport à 2017. De plus, le choc inflationniste va toucher le domaine en général et, si le taux du livret A augmente, les taux bancaires aussi. Par ailleurs, le ZAN va renforcer la rareté et la cherté du foncier.

Il faut au moins essayer de maintenir quelques dispositions de capacités d'autofinancement, particulièrement des bailleurs sociaux. En effet, la décorrélation qui est en train de se produire entre charges et recettes va entraîner un stress durable pour notre modèle. Ce que nous ne construisons pas maintenant va manquer et le déficit de logements s'accumule.

Par ailleurs, confrontés à des difficultés financières, les bailleurs finiront par choisir entre l'obligation de rénovation fixée par la loi « Climat et résilience » et la construction. Nous sommes en faveur de la rénovation, mais elle ne doit pas se faire au détriment de l'augmentation du parc de logements.

En matière de rénovation dans le parc privé, les financements sont présents et Ma Prime Renov' fonctionne bien. Mais ce qui m'inquiète, c'est l'accompagnement des ménages et l'opérabilité d'une filière constituée de multiples artisans, qui n'est pas très coordonnée. En outre, dans le parc privé, 85 % des chantiers concernent des opérations mono-gestes et on observe peu de parcours de rénovations globales.

En ce qui concerne la seconde vie, j'ai des doutes sur le fait que les avantages fiscaux puissent être les mêmes que pour le neuf. Les biens sont considérés comme du neuf dans l'ancien et ne consomment pas de foncier, ce qui va dans le sens de la SNBC. Cependant, le dispositif reste onéreux et je crains que, compte tenu des difficultés financières, il ne fonctionne pas.

Je finirai en disant qu'en ce qui concerne Action Logement, la volonté de budgétiser la Peec est toujours présente.

Merci pour ce travail, qu'il nous faudra poursuivre au sein de la commission. En effet, nous sommes à la croisée des chemins.

M. Daniel Salmon . - Il ne faut pas oublier les enjeux que représentent la sobriété énergétique et la limitation de l'artificialisation. Nous sommes confrontés à des injonctions contradictoires, auxquelles s'ajoute le caractère d'urgence.

En ce qui concerne la rénovation thermique, il faudrait investiguer davantage pour comprendre comment les actions entreprises, qui ne sont pas construites dans le cadre d'une stratégie et d'une planification mais plutôt juxtaposées, ne parviennent pas du tout à atteindre les objectifs fixés. En effet, nous sommes très loin des rénovations globales mises en oeuvre de manière massifiée dont nous avons besoin pour nous engager dans la sobriété.

Je reviendrai pour finir au paradoxe soulevé par M. Boyer dans sa question au ministre : « construire moins pour loger plus ». Nous devons nous interroger, notamment sur le fait que certains logements, parfois agrandis, accueillent aujourd'hui beaucoup moins d'habitants que dans le passé. Peut-être les termes ne sont-ils donc pas si antagonistes qu'ils y paraissent. Il faudrait réinventer des formes de cohabitation pour permettre à certains logements d'accueillir davantage de personnes, ce qui ne signifie pas qu'il faille arrêter de construire.

Mme Sophie Primas , présidente . - C'est ce qu'ont dit les rapporteurs en demandant notamment plus de moyens pour la rénovation. En effet, ce n'est pas contradictoire.

Mme Anne-Catherine Loisier . - Lors des débats sur la RLS, nous avons abordé l'enjeu de la vente de logements par les bailleurs sociaux qui devait venir abonder les budgets ; comment cette option s'est-elle traduite dans la réalité ?

Mme Dominique Estrosi Sassone , rapporteur pour avis . - Cette disposition se trouvait dans loi Elan puisque la vente des logements devait permettre aux bailleurs sociaux de récupérer des fonds propres pour les réinvestir. À l'époque, on évoquait « un logement vendu, deux logements construits ». Nous savons que ce n'est pas le cas, en particulier dans les zones tendues. La vente de logements conserve des proportions très réduites parce que la mise en vente n'est pas simple. Cela n'a pas généré l'autofinancement de fonds propres nécessaires à relancer la construction.

Mme Marie-Noëlle Lienemann . - La thèse « un logement vendu, deux logements construits » était fausse...

Mme Sophie Primas , présidente . - Et puis on observe des effets de bord pervers. Je le constate dans le parc social de ma commune : on vend très peu cher des logements qui sont des passoires thermiques, à des gens très modestes qui sont heureux de devenir propriétaires. Ensuite, un problème se pose pour la copropriété quand il s'agit de rénover l'ensemble du logement.

Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Cette pratique est maintenant interdite.

Mme Dominique Estrosi Sassone , rapporteur pour avis . - Au moment de la loi Elan, nous avions dénoncé les objectifs affichés, les qualifiant d'intenables. La suite nous a donné raison.

Mme Valérie Létard . - Depuis le début, la commission des affaires économiques alerte sur les risques que vous venez d'évoquer, madame la présidente : quand on vend du patrimoine qui n'est pas remis en état à des ménages modestes n'ayant pas les moyens de financer les rénovations, on aggrave la situation et on crée de futures copropriétés dégradées.

Mme Dominique Estrosi Sassone , rapporteur pour avis . - Je précise que nous n'avons jamais été contre la vente de logements sociaux. Ce que nous avions dénoncé à l'époque, c'était la volonté de leur massification.

Mme Sophie Primas , présidente . - Nous en venons à l'examen des amendements.

Mme Dominique Estrosi Sassone , rapporteur pour avis . - L'amendement II-372 vise à accorder une prime aux écoutants du 115, qui font un travail considérable. Cependant, leur salaire n'a pas fait l'objet d'une revalorisation, à laquelle il s'agit donc de consacrer 6,322 millions d'euros.

L'amendement II-372 est adopté.

Mme Dominique Estrosi Sassone , rapporteur pour avis . - L'amendement II-374 vise à rétablir l'APL accession.

L'amendement II-374 est adopté.

Examen de l'article rattaché

Article 41 ter

Mme Dominique Estrosi Sassone , rapporteur pour avis . - L'amendement II-373 vise à demander un rapport sur la RLS, pour pousser le Gouvernement à formuler sa position sur le sujet.

L'amendement II-373 est adopté.

La commission propose de s'abstenir sur les crédits des programmes 177, « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », 109, « Aide à l'accès au logement », et 135, « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat », de la mission « Cohésion des territoires ».

La commission émet un avis favorable à l'adoption de l'article 41 ter .

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