II. LE LOGEMENT EN OUTRE-MER : PRODUCTION TROP FAIBLE ET HAUSSE DES COÛTS, DES ASSISES DE LA CONSTRUCTION SONT NÉCESSAIRES

A. MALGRÉ LE DEUXIÈME PLAN LOGEMENT OUTRE-MER, LE RYTHME DES CONSTRUCTIONS ET DES RÉNOVATIONS DEMEURE EN DEÇÀ DES BESOINS

Les besoins en logement des DROM sont considérables. C'est pour faire face à ces besoins et aux spécificités des territoires ultramarins que l'ensemble des crédits en faveur du logement ont été rassemblés au sein d'une LBU en 1987, pilotée directement par le ministère des outre-mer à travers l'action n° 01 du programme 123. La LBU intervient dans le cadre d'actions diverses et complémentaires 4 ( * ) :

• Estimation des besoins et apport en ingénierie ;

• Logement social et actions foncières ;

• Amélioration de la sécurité du parc social antillais à l'égard du risque sismique ;

• Accession sociale à la propriété et amélioration du parc privé ;

• Accompagnement des politiques urbaines d'aménagement et de rénovation ;

• Résorption de l'habitat insalubre et informel.

Au 1 er janvier 2022, le parc total de logement social dans les cinq DROM comprend 172 966 logements 5 ( * ) . 15 % des ménages des DROM y résident alors que 80 % sont éligibles. Selon le ministère des outre-mer, le besoin annuel en logements sociaux est estimé pour les DROM entre 8 600 et 10 400 logements.

Source : questionnaire budgétaire 2023 au ministère des outre-mer.

Face à ces besoins considérables en logements sociaux (LS) et très sociaux (LTS), et à la suite de l'échec du PLOM 1, qui prévoyait la construction et la rénovation de 10 000 logements sociaux par an, le PLOM 2 entendait territorialiser davantage la politique du logement, pour mieux répondre aux problématiques particulières des territoires. Ce PLOM 2 ne fixe pas d'objectif quantitatif à la production et la rénovation de logements. Cependant, force est de constater que le rythme actuel demeure malheureusement en deçà des besoins exprimés. L'union sociale de l'habitat (USH) estime le déficit actuel de logements sociaux à 110 000 . Or, le nombre de LS et LTS financés demeure depuis 2015 sous la barre des 5000 6 ( * ) . Il la dépasse quelque peu si l'on inclut les logements financés via des prêts locatifs sociaux (PLS) et des prêts locatifs intermédiaires (PLI). Pour 2021, les données du ministère font état de 3 335 LS et LTS financés. Pire encore, le nombre de logements effectivement livrés poursuit sa baisse entamée en 2017, pour s'établir en 2021, selon l'USH, à 3 036 . Ils étaient 5 187 en 2017.

La rénovation du parc social existant est l'autre enjeu de la politique du logement en outre-mer, pour lequel le Sénat porte une attention toute particulière . Sur ce point, les performances bienvenues de l'année 2021 7 ( * ) , sous l'effet du plan de relance, qu'il convient de souligner et de saluer, ne doivent pas venir cacher l'insuffisance chronique du nombre de réhabilitations. Depuis 2016, leur financement oscille entre 1 700 et 2 200, ce qui demeure insuffisant au regard du besoin. De plus, comme pour la construction, il convient de différencier les crédits engagés des rénovations effectivement abouties. Concernant les réhabilitations, la barre des 2 000 logements est systématiquement manquée. Pour 2021, ce sont 1 628 logements sociaux qui ont été réhabilités, la grande majorité en Martinique (1 427).

Enfin, concernant la lutte contre l'habitat insalubre , la rapporteure déplore la stabilité des crédits. Le PAP pour 2023 estime à environ 155 000 le nombre de logements indignes, soit 13 % du total du parc de logements en outre-mer. La rapporteure propose à ce titre un amendement similaire à celui adopté par la commission des finances, visant à abonder le budget du programme 123 de 4M€ en vue d'augmenter les crédits dédiés à la résorption de l'habitat indigne et insalubre en outre-mer.

Ainsi, au total, l'objectif initial de 10 000 logements construits et rénovés chaque année est quasi-systématiquement non atteint, et l'ambition de construction et réhabilitation de 150 000 logements en outre-mer à horizon 2027 issu de la loi EROM 8 ( * ) semble également hors de portée , au regard de la tendance actuelle. Cela même alors que, comme le rappelle le rapport d'information fait au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer sur la politique du logement dans les outre-mer 9 ( * ) , 80 % des ménages des DROM sont éligibles au logement social et 70 % au logement très social .

À ce titre, le budget proposé pour 2023 ne semble pas être en mesure d'inverser la tendance, l'augmentation timide de l'action logement en AE, + 1,8 %, étant très inférieure à l'inflation anticipée, tout comme l'augmentation de 2022 (+ 1,25 % en CP) s'est avérée inférieure à l'inflation observée (+ 5,3 %). Cette hausse n'est d'ailleurs pas destinée à financer le LS et le LTS, dont les crédits sont en légère diminution, mais, pour une bonne part à augmenter les crédits du fond d'aménagement foncier urbain (FRAFRU), ce qui est au demeurant bienvenu. Concernant les CP, on assiste à une baisse particulièrement marquée, de -10,6 %, traduisant cet écart entre les opérations engagées sur le papier, et les logements effectivement livrés.


* 4 Les crédits de la LBU sont complétés par des dispositions fiscales visant à équilibrer les opérations des bailleurs sociaux.

* 5 Réponse au questionnaire budgétaire sur le projet de loi de finance pour 2023.

* 6 Sauf pour l'année 2016. 2015 : 4 729 ; 2016 : 5 413 ; 2017 : 4 844 ; 2018 : 4 366 ; 2019 : 4 894 ; 2020 : 4 185

* 7 5 205 réhabilitations du parc social financées selon l'USH.

* 8 Loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer.

* 9 Rapport d'information fait au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer (1) sur la politique du logement dans les outre-mer, par M. Guillaume GONTARD, Mme Micheline JACQUES et M. Victorin LUREL.

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