C. L'IMPÉRATIF DE COMPÉTITIVITÉ, UN CAP À MAINTENIR MÊME PAR GROS TEMPS

Face à cette adversité, les désavantages compétitifs causés à l'agriculture française par certains excès de règlementation ressortent avec d'autant plus de netteté. Or , les rapporteurs craignent que les pouvoirs publics étant accaparés par la gestion de crises qu'ils n'ont pas suffisamment anticipées, la compétitivité soit la grande oubliée de ce budget .

C'est ce qui semble s'être produit pour l'exonération des cotisations patronales des exploitants agricoles pour les travailleurs occasionnels demandeurs d'emplois ( TO-DE ), qui arrivait à échéance fin 2022 et sur lequel le projet de loi de finances initial restait inexplicablement muet. La création d'un programme budgétaire dédié au sein de la mission AAFAR était pourtant l'occasion toute trouvée de le pérenniser. La menace annuelle d'une remise en cause du dispositif réduit, par le jeu des anticipations, l'efficacité du dispositif.

Les services du ministère indiquent que le TO-DE permet seulement de revenir au même niveau de coût du travail que l'Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas mais que, de ce point de vue, la France n'est toujours pas compétitive avec l'Italie, l'Espagne et plus encore la Pologne. Dans sa sagesse et de façon transpartisane, le Sénat a voté lors de l'examen du PLFSS la pérennisation du TO-DE ( amendement n° 968 ). Ciblé sur les bas salaires, le périmètre du TO-DE se réduit du reste en raison de la hausse des salaires, plus forte au niveau du SMIC, et il eût été pertinent de relever le seuil à partir duquel s'applique la dégressivité de l'exonération (de 1,2 à 1,25 SMIC), afin d'éviter les trappes à bas salaires.

Amendement : procéder dans l'ordre, d'abord en pérennisant le TO-DE pour redonner de l'air aux filières, et, dans un second temps seulement, évaluer scientifiquement ses effets et le ciblage à privilégier pour maximiser son impact sur les filières intensives en main-d'oeuvre.

Toujours face à l'inflation, le Sénat a en outre relevé les seuils d'applicabilité du régime micro-BA et de l'exonération d'imposition sur les plus-values de cession ( amendement n° I-1595 ).

En complément d'un renforcement de la déduction pour épargne de précaution, qui encourage les exploitants à se prémunir des années de « vache maigre » par la mobilisation des réserves des années de « vache grasse 5 ( * ) », les rapporteurs partagent l'avis des principales organisations représentatives des exploitants agricoles que la contractualisation entre filières animales et végétales est l'une des clés du lissage des revenus des agriculteurs face à la volatilité des prix, encore constatée par exemple en 2022 sur le prix du porc et celui du blé. Elle est donc, grâce à la visibilité qu'elle offre, un outil de compétitivité. L'expérimentation proposée doit permettre d'évaluer le mécanisme avant son éventuelle généralisation, dans le respect de nos engagements européens et internationaux.

Amendement : expérimenter la mise en place d'une incitation financière pour les éleveurs ou céréaliers qui s'inscrivent dans la contractualisation inter-filières.

En matière de compétitivité, l'action du programme national de développement agricole et rural (PNDAR), structurée autour de neuf thématiques prioritaires de financement et mise en oeuvre par les instituts techniques, les chambres d'agriculture et les ONVAR, est cruciale.

Pour 2023, le montant prévisionnel du produit de la taxe sur le chiffre d'affaires des agriculteurs, affecté au compte d'affectation spécial « Développement agricole et rural » (CASDAR), est fixé à 126 millions d'euros . À la différence du dernier exercice budgétaire, à l'occasion duquel il avait été amputé de 10 millions d'euros, ce prévisionnel est donc stabilisé nominalement. En raison de l'inflation, cette stabilisation est toutefois synonyme de diminution du prévisionnel en euros constants, rapporté à la hausse mécanique des recettes.

Ainsi, selon la Direction générale de l'enseignement et de la recherche, l'excédent de collecte sera supérieur à 17 M€ en 2022, et on peut présumer qu'il serait encore supérieur en 2023 avec l'inflation. Si le ministre de l'agriculture a indiqué en audition que cet excédent serait cette année encore débloqué, après 10 M€ l'an dernier, la nécessité de négocier à la fin de chaque exercice budgétaire avec Bercy rend précaire la destination agricole de ces moyens, qui proviennent pourtant d'une taxe sur le chiffre d'affaires des agriculteurs. Enfin, le manque de transparence sur les montants engagés mais non encore payés, est à déplorer.

Recommandation : donner une estimation plus réaliste des excédents de collecte dans le PLF et s'appuyer sur Chorus pour estimer plus finement les montants mobilisables.

À l'unisson avec les rapporteurs de la commission des finances, les rapporteurs pour avis des affaires économiques sont convaincus que c'est par la science (recherche variétale, solutions d'irrigation...) que l'agriculture française se sortira des impasses techniques auxquelles elle est confrontée , mais aussi des polémiques qu'elle subit au quotidien, nourries bien souvent par une méconnaissance de l'agronomie et de l'environnement.


* 5 600 millions d'euros ont été épargnés dans ce cadre sur les trois dernières années, selon le Crédit agricole.

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