EXAMEN DES ARTICLES

Article 14 (délégué)

Régime dérogatoire applicable à la construction des infrastructures nécessaires au raccordement d'un terminal méthanier flottant,
dans le port du Havre, aux réseaux terrestres de transport
de gaz naturel du territoire national

Cet article tend à instituer un régime administratif ad hoc et non codifié pour assurer une réalisation rapide des travaux et aménagements nécessaires au raccordement d'un futur terminal méthanier flottant (navire), amarré sur le site portuaire du Havre, aux réseaux de transport terrestre de gaz naturel du territoire national.

L'objectif visé, qui constitue également le motif d'intérêt général justifiant la mise en place de ce régime dérogatoire, est une mise en service du terminal et un début d'exploitation de la canalisation de transport associé pour l'hiver 2023-2024. Ces infrastructures permettront d'augmenter les capacités françaises de traitement de gaz naturel à l'état liquide et de stockage, compte tenu de la baisse des exportations de gaz russe par voie terrestre vers l'Union européenne.

En l'espèce, tout en maintenant des exigences de fond et des garanties procédurales, cet article instaure plusieurs séries de dérogations pour la réalisation de ce projet.

En premier lieu, il confère au ministre chargé de l'environnement le pouvoir, le cas échéant, de dispenser d'évaluation environnementale la construction d'une canalisation de transport de gaz naturel de moins de 3,5 kilomètres, sur le site portuaire du Havre.

En second lieu, il permet un démarrage précoce des travaux pour les aménagements portuaires associés au projet, avant que l'ensemble des mesures, dont la mise en oeuvre est nécessaire pour compenser les atteintes prévues ou prévisibles à des espèces protégées et à leurs habitats, ait été préalablement définie.

En troisième lieu, il prévoit un allégement du contenu de la demande d'autorisation de construction et d'exploitation de la canalisation (étude de dangers, document d'incidence sur l'eau et les milieux aquatiques), une procédure raccourcie d'avis des collectivités territoriales concernées et une procédure de participation du public par voie électronique. Les travaux préparatoires associés, dès lors qu'ils entrent dans le champ d'un régime déclaratif et qu'ils portent sur un milieu artificialisé, pourront commencer avant la délivrance de l'autorisation de construction et d'exploitation.

Par ailleurs, les travaux entrepris par le gestionnaire du réseau de transport de gaz naturel auront le caractère de travaux publics et lui conféreront le droit d'occuper le domaine public et ses dépendances.

En quatrième lieu, les travaux et aménagements concernés bénéficient d'un régime adapté pour les opérations d'archéologie préventive , qui devront être réalisées, le cas échéant, dans des délais compatibles avec la mise en service de l'installation.

En cinquième et dernier lieu, l'article prévoit une dérogation générale aux procédures de mise en concurrence pour l'occupation du domaine public qui résultera de la construction et de l'exploitation des infrastructures concernées.

Lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale, les députés ont apporté des évolutions essentiellement rédactionnelles aux dispositions en cause, à part deux compléments de fond à relever : d'une part, l'inscription dans la loi d'une durée d'exploitation maximale de 5 ans pour le terminal méthanier flottant et, d'autre part, la réalisation d'une étude , par l'exploitant du terminal flottant, sur les émissions de gaz à effet de serre directes et induites par le fonctionnement de l'installation sur l'ensemble de son cycle de vie.

Compte tenu de l'impératif qui s'attache à garantir la sécurité d'approvisionnement énergétique de notre pays en augmentant nos capacités de traitement de GNL, actuellement saturées à terre, la commission a validé, pour l'essentiel, les dispositions proposées par le Gouvernement et modifiées par les députés.

Afin d'apporter des garanties complémentaires pour la protection de l'environnement et des populations ainsi que pour l'information du public et des élus, la commission a adopté 9 amendements , sur proposition de son rapporteur pour avis Bruno Belin .

La commission propose à la commission des affaires sociales d'adopter cet article ainsi modifié.

I. Une conciliation difficile entre les délais de mise en service d'équipements industriels contribuant à assurer la sécurité d'approvisionnement en gaz naturel du territoire et les procédures de droit commun applicables

A. Une menace pesant sur la sécurité d'approvisionnement en gaz naturel du territoire national

À l'heure actuelle, la France importe la quasi-totalité du gaz naturel nécessaire pour satisfaire sa demande intérieure 1 ( * ) , qui représente 15,8 % de la consommation d'énergie primaire. En outre, la loi du 30 décembre 2017 a prévu l'arrêté progressif de la recherche et de l'exploitation de nouvelles ressources fossiles en France.

En 2020, les approvisionnements en gaz naturel provenaient principalement de la Norvège (36 % du total des entrées brutes), de la Russie (17 %), de l'Algérie et des Pays-Bas (8 % chacun).

L'approvisionnement s'effectue par le biais d'un réseau terrestre de transport de gaz naturel comprenant 7 interconnexions 2 ( * ) .

En complément des gazoducs, le gaz naturel peut également être importé par voie maritime jusqu'à des terminaux méthaniers , qui permettent de regazéifier du gaz naturel liquéfié (GNL) avant de l'injecter , à la pression adaptée, dans les réseaux terrestres de transport.

Récemment, du fait de la guerre en Ukraine née de l'agression russe, les exportations de gaz russe par gazoduc vers l'Union européenne ont été réduites de façon importante , notamment de 40 % en mai 2022 par comparaison avec celles observées en mai 2021, selon l'étude d'impact du projet de loi.

En outre, les possibilités d'importation en provenance de l'Allemagne, de la Belgique et de la Suisse sont limitées et l'étude d'impact jointe au projet de loi indique que « la défaillance d'une seule infrastructure ou la poursuite d'exportations vers la Belgique ou la Suisse, telles qu'elles sont actuellement observées, pourrait conduire à rompre cet équilibre ».

Dans ce contexte, la France doit réorienter ses importations et adapter ses infrastructures pour assurer la sécurité d'approvisionnement en gaz naturel du territoire national.

Alors que les capacités de traitement des terminaux méthaniers existants en France ont déjà été augmentées 3 ( * ) et que les capacités de stockage souterrain de gaz naturel en France , qui représentent un peu moins d'un tiers de la consommation annuelle nationale de gaz, soit 130 TWh, selon la Commission de régulation de l'énergie, devraient augmenter tant en volume total qu'en taux de remplissage ( voir article 10 du présent projet de loi ), la construction d'une infrastructure de traitement du gaz naturel liquéfié apparaît nécessaire pour assurer le traitement de nouvelles importations qui arrivent par voie maritime 4 ( * ) et sécuriser l'approvisionnement français en amont de l'hiver 2023-2024.

B. L'option d'un terminal méthanier flottant plutôt que terrestre

Les terminaux méthaniers, qui permettent de regazéifier du gaz naturel liquéfié (GNL), peuvent être construits à terre ou flottants (autrement appelés FSRU) 5 ( * ) .

Actuellement en France, 4 terminaux méthaniers terrestres sont exploités 6 ( * ) mais il n'existe aucun terminal méthanier flottant :

- le terminal méthanier de Dunkerque a une capacité moyenne de 410 GWh PCS/j ;

- le terminal méthanier de Montoir a une capacité moyenne de 340 GWh PCS/j ;

- le terminal méthanier de Fos Cavou a une capacité moyenne de 270 GWh PCS/j ;

- et le terminal méthanier de Fos Tonkin a une capacité moyenne de 50 GWh PCS/j.

Les terminaux méthaniers terrestres relèvent de la réglementation applicable aux installations classées pour la protection de l'environnement ( ICPE ) et leur fonctionnement est encadré par le code de l'énergie.

En revanche, les terminaux méthaniers flottants ne constituent pas juridiquement des ICPE mais sont assimilés à des navires au sens du droit international, qui prévoit un ensemble de normes et règles de sécurité spécifique à la catégorie à laquelle ils appartiennent.

Procédures appliquées à l'époque de la construction
des 4 terminaux méthaniers français

Pour les deux terminaux les plus récents :

Mis en service en 2017, le terminal méthanier de Dunkerque est autorisé par un arrêté préfectoral (AP) datant du 9 avril 2010. La demande a été déposée en février 2009, l'enquête publique (EP) a été organisée du 7 octobre au 6 novembre 2009. Les porteurs du projet ont pris la décision d'investissement en 2010 et les travaux de construction ont débuté en 2011.

Le terminal de Fos Cavaou a été autorisé par un AP du 15 décembre 2003 et a fait l'objet d'une EP du 19 décembre 2002 au 18 février 2003. La date de la demande n'est pas précisément visée dans l'AP, mais un pré dossier a été déposé en juillet 2002.

Pour les deux terminaux les plus anciens :

Le terminal de Montoir relève d'un arrêté préfectoral qui date de 1997, mais qui vise de précédents arrêtés de 1977. Cette procédure est manifestement ancienne.

Le terminal de Fos Tonkin résulte de premiers actes datant de 1972 (donc autorisés avant la loi de 1976 sur les installations classées pour la protection de l'environnement).

NB : ces infrastructures ont obéi aux règles applicables aux installations industrielles fixes, avant l'entrée en vigueur de l'autorisation environnementale.

Source : réponses au questionnaire du rapporteur pour avis, DGPR-DGEC-DGITM-DGALN/DEB-CGDD.

Les importations de GNL via un terminal méthanier flottant s'effectuent en amarrant un navire méthanier de transport à couple d'un navire servant de terminal méthanier .

Au sens strict, le terminal méthanier flottant dont l'exploitation est envisagée constitue donc un navire , équipé spécifiquement pour regazéifier du gaz naturel liquéfié, amarré dans un port et raccordé par une canalisation aux réseaux terrestres existants de gaz naturel. Dès lors, il entre dans le champ des règles du droit international applicables aux navires méthaniers , tout en étant soumis, lorsqu'il évolue au sein de l'enceinte portuaire, au règlement de police portuaire et aux prescriptions édictées par le préfet sur proposition de l'autorité portuaire.

À l'image du choix fait par l'Allemagne de mettre en place un terminal méthanier flottant et des réflexions engagées par d'autres pays comme la Finlande, la Grèce, l'Italie et les Pays-Bas, le Gouvernement français souhaite aujourd'hui doter la France d'un tel équipement , sur le site du port du Havre. L'un des avantages de cette solution tient à son caractère réversible et temporaire , selon l'intention du Gouvernement. À l'inverse, les terminaux méthaniers terrestres présentent généralement des volumes de stockage et des durées de fonctionnement plus importants.

En l'occurrence, d'après les informations recueillies par le rapporteur pour avis auprès des services du ministère de la transition écologique, il s'agit d'amarrer, dans le port du Havre, un navire appartenant à Total Énergies, sous pavillon norvégien , d'une longueur de 283 mètres de long et d'un tirant d'eau d'environ 12 mètres.

Le site envisagé par le porteur de projet Total Énergies pour l'amarrage du terminal méthanier flottant est le quai Bougainville du port du Havre, situé au Sud du Grand canal du Havre. L'objectif est une mise en service en septembre 2023 .

La capacité de traitement du terminal méthanier flottant dont l'implantation est envisagée dans le port du Havre serait d'une capacité moyenne d'environ 160 GWh PCS/j , qui permettra, selon les services du ministère de la transition écologique de « retrouver des marges pour faire face à une éventuelle difficulté technique sur une autre infrastructure gazière mais également de faciliter la poursuite des exportations vers la Belgique ou la Suisse même en période de forte consommation française ». 7 ( * )

La réalisation du projet suppose la construction d'une canalisation d'une longueur d'environ 3,5 kilomètres et de diamètre nominal 500 exploité à 67,7 bars, pour raccorder le terminal flottant au réseau terrestre de transport de gaz le plus proche. Si le fonctionnement de ce terminal ne s'avère plus nécessaire, il pourra être « dé-raccorder » du réseau et repartir vers une nouvelle destination. Les services du ministère de la transition écologique précisent que l'utilisation d'un micro tunnelier sera nécessaire pour faire passer cette canalisation sous le Grand canal du Havre.

Des équipements gaziers devront également être installés sur le quai à proximité du lieu d'amarrage du navire pour odoriser le gaz naturel et moduler les flux.

Source : réponses au questionnaire du rapporteur pour avis, DGPR-DGEC-DGITM-DGALN/DEB-CGDD.

C. Un projet inédit en France, dont la réalisation s'opère dans un cadre pluriel de réglementations nationale et internationale

• La construction et l'exploitation d'une canalisation de transport de gaz naturel raccordant un terminal méthanier et de ses installations annexes 8 ( * ) sont soumises à un régime d' autorisation préalable , en application de l'article L. 555-1 du code de l'environnement 9 ( * ) . L'article L. 555-10 du code de l'environnement précise les modalités de délivrance et de modification de cette autorisation ainsi que le contenu du dossier de demande, notamment la nécessité d'une étude de dangers 10 ( * ) (articles L. 551-1 et suivants du code de l'environnement). L'autorisation n'est accordée que si les dangers et inconvénients résultant de l'ouvrage peuvent être prévenus par des mesures spécifiées par l'autorité administrative.

• La réglementation technique applicable à ces canalisations est fixée par l'arrêté du 5 mars 2014 définissant les modalités d'application du chapitre V du titre V du livre V du code de l'environnement et portant règlement de la sécurité des canalisations de transport de gaz naturel ou assimilé, d'hydrocarbures et de produits chimiques, qui définit les règles de conception , d'exploitation et d'entretien de ces canalisations ainsi que la liste des référentiels normatifs approuvés sur ce sujet.

• En application des dispositions des articles L. 122-1 et suivants du code de l'environnement, ce projet pourrait faire l'objet d'une évaluation environnementale 11 ( * ) , à l'issue d'un examen au cas par cas par l'autorité compétente, en l'espèce le préfet, compte tenu des seuils inscrits dans l'annexe à l'article R. 122-2 du code de l'environnement ( voir le point 38 ). La prescription d'une évaluation environnementale emporterait alors la réalisation d'une enquête publique et d'un rapport d'évaluation des incidences du projet sur l'environnement.

L'octroi d'une dispense d'évaluation environnementale est encadré par le droit européen mais permis par l'article 2, paragraphe 4, de la directive 2011/92/UE lorsque l'application des dispositions de droit commun entraînerait une atteinte à la finalité du projet, pour autant que les objectifs sous-jacents de la directive soient respectés et atteints.

• Cette disposition n'a fait l'objet d'aucune transposition dans le droit général de l'environnement français. Plusieurs obligations sont prévues pour pouvoir recourir à cette possibilité : les États membres doivent examiner si une autre forme d'évaluation est possible en remplacement, mettre à la disposition du public les informations relatives aux incidences du projet sur l'environnement obtenues autrement que par une évaluation environnementale et informer la Commission européenne des motifs qui ont conduit à accorder cette exemption.

• Enfin, en cas de présence d'espèces protégées sur le parcours de la future canalisation, la procédure de dérogation à l'interdiction de destruction d'espèces protégées trouverait à s'appliquer 12 ( * ) .

Dès lors, l'application des délais de droit commun conduirait à une instruction de 24 mois pour la réalisation du projet tandis que les dispositions dérogatoires proposées au présent article ( voir II ) permettraient de ramener ces délais à environ 6 mois , afin d'assurer la disponibilité de l'infrastructure pour des importations de GNL lors de l'hiver 2023-2024.

• S'agissant des règles applicables au terminal méthanier flottant en lui-même, ce navire doit se conformer aux dispositions du Recueil IGC , relatif aux règles de construction et d'équipement des navires transportant des gaz liquéfiés en vrac, défini à la règle 11 de la partie C du chapitre VII de la Convention SOLAS de 1974 relative au sauvetage de la vie humaine en mer et rendu obligatoire par la règle 12 de ce même chapitre.

En outre, des contrôles s'appliquent pour garantir la navigabilité du terminal et des dispositions spécifiques sécurisent les opérations de transfert et déchargement , notamment le règlement général de transport et de manutention des marchandises dangereuses dans les ports maritimes annexé à l'arrêté du 18 juillet 2000, ainsi que le règlement local portuaire , sujets dont la commission a traité récemment à l'occasion de la publication du rapport 13 ( * ) de la mission d'information sur la gestion des risques liés aux nitrates d'ammonium dans les ports fluviaux et maritimes .

Le préfet peut également prescrire des mesures de sécurité complémentaires , en lien avec l'autorité portuaire. Dans ce cadre, le règlement du port du Havre pourrait être mis à jour si nécessaire, pour permettre l'accueil des navires méthaniers et la réalisation des opérations de déchargement de gaz naturel. Selon les services du ministère de la transition écologique, les discussions sont en cours entre les porteurs de projet (TotalEnergies, GRTgaz, etc.), auxquelles est associée la capitainerie du port du Havre, pour prévoir le bon fonctionnement d'ensemble du navire terminal et des installations à quai.

• Les aménagements des quais prévus pour l'accueil du terminal méthanier flottant ne sont soumis à aucune procédure particulière compte tenu de leur nature (construction de crocs d'amarrage, mise en place d'un bras de déchargement associé à des conduites de raccordement à la canalisation de transport de gaz naturel, mise en place d'un système de défense incendie).

II. Un dispositif juridique original, s'inspirant des exigences de droit commun applicables aux différentes composantes du projet, mais fortement allégé pour un « gain » total d'environ 18 mois

A. Une disjonction des articles 13 et 14 du projet de loi et des évolutions substantielles après l'examen du texte au Conseil d'État

D'une manière générale, le Conseil d'État a considéré que l'étude d'impact, modifiée par trois saisines rectificatives, était « pour bon nombre de dispositions, lacunaire ou insuffisante au regard des prescriptions de la loi organique du 15 avril 2009 » relevant que celle-ci « aurait été particulièrement précieuse compte tenu du délai très limité laissé au Conseil d'État » pour son examen. Le rapporteur pour avis partage ce constat .

S'agissant des dispositions relatives, d'une part, à la mise en service d'une nouvelle catégorie d'équipements (terminal méthanier flottant au Havre), dans le cadre d'un régime administré par le ministre chargé de l'énergie et, d'autre part, aux modalités dérogatoires de son raccordement aux réseaux terrestres de gaz naturel et de construction des aménagements associés , le Conseil d'État a souhaité distinguer les deux sujets dans deux articles différents , qui constituent désormais respectivement les articles 13 et 14 du projet de loi soumis au Parlement.

Dans le détail, le Conseil d'État considère que l'application du droit international au terminal méthanier flottant garantit un « degré d'exigence suffisant en matière de protection de la santé, de la sécurité et de la salubrité publiques ainsi qu'en matière de protection de l'environnement ».

S'agissant du régime dérogatoire applicable aux travaux liés au projet d'installation de ce terminal méthanier flottant, le Conseil d'État considère que l'urgence constitue en l'espèce un motif d'intérêt général suffisant pour le justifier. Il a toutefois proposé plusieurs modifications visant à restreindre et à adapter le champ d'application des dérogations demandées par le Gouvernement en matière de participation du public et de consultation des communes, considérant qu'une « bonne gestion permet de [...] les mettre en oeuvre sans compromettre l'échéancier du projet ». Enfin, le Conseil d'État a proposé de mieux délimiter la portée de certaines dérogations pour clarifier leur articulation avec les procédures réglementaires prévues, afin d'en maintenir l'application ou, au contraire, de les écarter.

B. Un régime dérogatoire global pour un projet inédit en France

Les dispositions du présent article instituent un régime administratif ad hoc et non codifié pour assurer une réalisation rapide des travaux et aménagements nécessaires au raccordement d'un futur terminal méthanier flottant (navire), amarré sur le site portuaire du Havre, aux réseaux de transport terrestre de gaz naturel du territoire national. Elles transposent ainsi, ponctuellement, les dispositions de l'article 2, paragraphe 4 de la directive 2011/92/UE précitée.

Le I précise le champ d'application des dérogations , indiquant qu'elles sont « strictement proportionnées » et valables jusqu'au 1 er janvier 2025, ainsi que les modalités de réalisation du projet visé. Les autorités compétentes pourront ainsi conduire l'instruction du projet selon tout ou partie des règles dérogatoires inscrites au présent article « lorsque l'application des règles de droit commun est incompatible avec la finalité poursuivie par le projet, en particulier sa date de mise en service ». Ces dispositions, qui garantissent les mêmes droits à l'exploitant qu'une autorisation de construction et d'exploitation de canalisation délivrée dans les conditions de droit commun de l'article L. 555-10 du code de l'environnement s'appliquent :

- aux travaux de construction et à l'autorisation d'exploitation d'une nouvelle canalisation de transport de gaz naturel de moins de 5 kilomètres de long (3,5 kilomètres) qui reliera le terminal méthanier flottant aux réseaux terrestres actuels situés à proximité du site portuaire du Havre ;

- aux travaux et aménagements nécessaires à la réalisation des installations annexes au projet , sur le domaine portuaire et autour de la canalisation.

Le II prévoit la possibilité, pour le ministre chargé de l'environnement, de dispenser l'instruction du projet de canalisation , le cas échéant après examen au cas par cas décidé par le préfet compétent, d'une évaluation environnementale dans les conditions prévues par le code de l'environnement. En l'espèce, en effet, le projet de canalisation de transport de gaz naturel pourrait ne pas être soumis à une évaluation environnementale du fait de l'application des critères et seuils définis par voie réglementaire. En revanche, compte tenu de son importance et de son caractère inédit, le préfet pourrait le soumettre à évaluation environnementale après un examen spécifique .

Le public devra recevoir plusieurs éléments indispensables à son information , par voie électronique, avant que l'autorité compétente accorde la première autorisation relative au projet : en premier lieu, le projet de décision dispensant le projet d'évaluation environnementale ; en second lieu, un dossier établi par le porteur du projet présentant une analyse de ses incidences sur l'environnement et la santé humaine, assortie des mesures de compensation qu'il prévoit ; enfin, un descriptif des raisons pour lesquelles l'application de la procédure d'évaluation environnementale porterait atteinte à la finalité du projet.

Le dernier alinéa du II prévoit enfin que le ministre chargé de l'environnement informe la Commission européenne du projet de décision et lui communique les informations mises à disposition du public, avant la délivrance de la décision de dispense, reprenant le texte du paragraphe 4 de l'article 2 de la directive 2011/92/UE modifiée du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l'évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l'environnement.

Le III ouvre la possibilité, pour l'autorité compétente, de délivrer une dérogation aux règles applicables à la protection des espèces et de leurs habitats pour la réalisation des seuls travaux et aménagements portuaires nécessaires au projet, avant que les mesures nécessaires pour compenser les atteintes prévues ou prévisibles aux milieux concernés n'aient été définies. L'octroi de cette dérogation, matérialisée par une décision administrative, devra s'accompagner de prescriptions , édictées avant l'engagement des travaux , en matière d'évitement et de réduction des atteintes à ces milieux. La dérogation accordée devra également fixer, en tant que de besoin le type de mesures permettant d'atteindre une absence de perte nette voire un gain de biodiversité pour assurer le maintien des espèces concernées, dans leur aire de répartition naturelle. Ces mesures de compensation devront être prescrites dans un délai de 6 mois à compter de la délivrance de la dérogation et mises en oeuvre par l'exploitant dans un délai fixé par la dérogation, qui ne pourra excéder 2 ans .

Le IV confère aux travaux entrepris par l'opérateur le caractère de travaux publics et lui confère le droit d'occuper le domaine public et ses dépendances.

Le V prévoit un contenu allégé pour la demande d'autorisation de construction et d'exploitation de la canalisation de transport de gaz naturel concernée en maintenant l'exigence de la production d'une étude de dangers et en imposant la remise d'un document d'incidences pour les travaux sur la ressource en eau et les milieux aquatiques.

Il pose également le principe d'une transmission , pour avis simple, de la demande d'autorisation de l'exploitant aux communes traversées par la canalisation ou à l'établissement public de coopération intercommunale exerçant la compétence en matière d'urbanisme, le cas échéant, ainsi qu'aux communes situées à moins de 500 mètres de la canalisation, pour leur permettre de formuler des observations dans un délai d'un mois. Le cas échéant, les élus pourront tenir compte de ces informations lors de la modification ou de la révision de leurs documents d'urbanisme.

Enfin, le dernier alinéa du V prévoit une seconde procédure de participation du public par voie électronique , avant la délivrance de l'autorisation de construction et d'exploitation de la canalisation.

Le VI dispose que les travaux préparatoires associés au projet, dès lors qu'ils entrent dans le champ d'un régime déclaratif et qu'ils portent sur un milieu artificialisé, pourront commencer avant la délivrance de l'autorisation de construction et d'exploitation .

Le VII instaure un régime dérogatoire pour les opérations d'archéologies préventives liées aux travaux et aménagements associés au projet. Elles devront être réalisées, le cas échéant, dans des délais compatibles avec la mise en service de l'installation.

Enfin, le VIII prévoit une dérogation générale aux procédures de mise en concurrence pour l'occupation du domaine public qui résultera de la construction et de l'exploitation des infrastructures concernées, dès lors que l'urgence d'assurer la sécurité énergétique nationale est constituée.

III. Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale consolident les dispositions du projet de loi initial, tout en limitant la durée d'exploitation du terminal flottant et en améliorant l'évaluation des émissions de gaz à effet de serre associées à son fonctionnement

A. En commission, des modifications rédactionnelles et une limitation à 5 ans de la durée d'exploitation du terminal flottant

Lors de l'examen du texte en commission des affaires économiques puis en commission des affaires sociales à l'Assemblée nationale, les députés ont adopté 10 amendements rédactionnels sur proposition de la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques Maud Bregeon (de 432 à 441 ). Ils ont également un adopté un amendement de la rapporteure cosigné par Mme Marie-Noëlle Battistel et plusieurs membres du groupe socialiste et apparentés, membre de l'intergroupe NUPES visant à inscrire dans la loi la limitation à cinq ans de la durée maximale d'exploitation du terminal méthanier flottant au Havre . La prorogation ou le renouvellement de l'autorisation d'exploitation nécessitera une disposition législative.

Un autre amendement adopté par les députés, sur proposition de la rapporteure, mérite d'être mentionné, même s'il porte sur l'article 13 du projet de loi. Il prévoit l'intervention d'un décret en Conseil d'État pour préciser les obligations incombant à l'opérateur du terminal en matière de démantèlement des installations à l'issue de leur exploitation et fixer des obligations en matière de renaturation des espaces artificialisés en vue de l'implantation du terminal ainsi que de la construction de ses réseaux de raccordement et des installations annexes.

B. En séance publique, l'introduction d'un complément sur l'évaluation des conséquences du projet en termes d'émissions de gaz à effet de serre

Lors de l'examen du texte en séance à l'Assemblée nationale, les députés ont adopté, avec avis favorable de la rapporteure Maud Bregeon, un amendement de Mme Marie-Noëlle Battistel réécrivant les dispositions relatives à la durée maximale d'exploitation du terminal.

Cette disposition s'impose donc, le cas échéant, au dispositif administratif prévu par l'article 13 du projet de loi prévoyant la possibilité pour le ministre chargé de l'énergie de prendre un arrêté afin d'imposer à l'opérateur d'un terminal méthanier flottant une date de mise en service obligatoire et une durée d'exploitation .

Les députés ont également adopté un amendement de M. Pierre Cazeneuve, notamment cosigné par la rapporteure Maud Bregeon , visant à prévoir la remise, par l'exploitant, dans les six mois à compter de la mise en service du terminal flottant, d'une étude sur son empreinte carbone , pour l'ensemble de sa durée de vie. Cette étude est réalisée par l'exploitant et doit être rendue au maximum 6 mois après la mise en service commerciale du terminal.

IV. La position de la commission : valider le dispositif juridique proposé par le Gouvernement pour « passer » le cap des hivers difficiles annoncés, tout en apportant des garanties complémentaires au bénéfice

Si la commission a regretté un manque d'anticipation de la part du Gouvernement face à cette situation de tensions sur l'approvisionnement énergétique en gaz , dont l'aspect conjoncturel lié au conflit à l'Est de l'Europe ne peut faire oublier qu'elles pourraient s'amplifier dans les prochaines années du fait de la raréfaction des énergies fossiles disponibles, elle a toutefois validé , pour l'essentiel, le dispositif qui lui était soumis.

Outre un amendement rédactionnel ( COM-237 ), la commission a adopté, sur proposition du rapporteur pour avis Bruno Belin, 8 amendements visant à :

- renforcer les exigences de protection de l'environnement applicables au porteur de projet, en prévoyant que le porteur de projet devra également présenter les mesures permettant d'éviter et de réduire les incidences du projet sur l'environnement et la santé humaine dans le dossier qu'il établira en application de l'alinéa 9 du présent article, afin d'inscrire son projet en pleine cohérence avec la séquence « ERC » - éviter, réduire, compenser - qui est au fondement du droit de l'environnement ( COM-238 ) ;

- supprimer une mention non nécessaire ( COM-239 ) ;

- mieux encadrer les atteintes potentielles à la biodiversité dans le cadre des travaux et aménagements portuaires, en abaissant de 6 à 4 mois le délai dans lequel les mesures de compensation nécessaires seront prescrites par l'autorité compétente à compter de la délivrance de la dérogation concernée et de 2 ans à 18 mois le délai maximal pour la mise en oeuvre de ces mesures ( COM-240 ) ;

- modifier le dispositif adopté par les députés visant à ce que l'exploitant du terminal méthanier flottant réalise une étude sur « les conséquences en termes d'émissions de gaz à effet de serre directes et indirectes induites sur la durée de vie de l'installation » . En premier lieu, il précise que la mise à disposition du public de l'étude est opérée par le préfet de département , qui doit également la transmettre sans délai aux collectivités territorialement concernées . En second lieu, il supprime la notification de l'étude aux ministres compétents en matière d'installations classées, d'énergie et de réduction des émissions de gaz à effet de serre, considérant que la notification au préfet suffit pour assurer l'information du Gouvernement. En troisième lieu, il insère une procédure permettant au préfet de demander à l'exploitant de compléter le contenu de cette étude , dans le cas où celui-ci apparaîtrait insuffisant ou incomplet. Cette procédure n'a aucune incidence sur les délais de réalisation du projet visé par l'article 14 puisqu'elle n'emporte aucune conséquence sur les conditions d'exploitation et de mise en service de l'infrastructure ( COM-241 ) ;

- augmenter de 15 jours le délai prévu par le projet de loi pour permettre aux collectivités territoriales concernées par la construction et l'exploitation de la canalisation de transport de gaz naturel de rendre un avis sur la demande d'autorisation de la canalisation, à compter de la communication de la demande d'avis, avant que cet avis ne soit réputé favorable ( COM-242 ) ;

- améliorer l'articulation du présent article avec les dispositions inscrites à l'article 13 du présent projet de loi ( COM-243 ) ;

- prévoir que le préfet communique aux membres de la commission de suivi de site (CSS) territorialement compétente des informations relatives aux nuisances, dangers et inconvénients éventuellement présentés par les installations et infrastructures concernées par l'article 14. Il prévoit également que la CSS rende un avis sur la décision de dispense d'évaluation environnementale qui serait accordée par le ministre chargé de l'environnement ( COM-244 ) ;

- instaurer la compétence du bureau d'enquête accidents sur les risques industriels (BEA-RI) , créé à la suite de l'incendie des usines Lubrizol et Normandie Logistique à Rouen en septembre 2019, sur des incidents significatifs et accidents qui pourraient survenir sur le périmètre du projet régi par l'article 14 du présent projet de loi et une saisine automatique de ce bureau par le ministre chargé de l'environnement dans de tels cas, afin que l'évènement en cause fasse l'objet d'une enquête technique ( COM-245 ).

La commission propose à la commission des affaires sociales d'adopter l'article 14 ainsi modifié.

Article 16 (délégué)

Obligation de compensation carbone en cas de mobilisation accrue
de centrales à charbon

Cet article prévoit une obligation de compensation carbone en cas de mobilisation accrue de centrales à charbon, qui pourrait être rendue nécessaire pour garantir la sécurité d'approvisionnement en électricité du pays l'hiver prochain.

Des modifications essentiellement rédactionnelles ont été adoptées à l'Assemblée nationale, sans remise en cause du dispositif initial.

La commission considère le prolongement du fonctionnement des centrales à charbon au-delà de 2022 comme une régression dommageable d'un point de vue environnemental, tout en prenant acte de la réalité du risque pesant sur l'approvisionnement en électricité de la France.

Dans un souci de pragmatisme réaliste, elle a donc adopté deux amendements et un sous-amendement, pour assurer le ciblage géographique et sectoriel des programmes de compensation, rehausser l'obligation de compensation au niveau législatif et prévoir un avis du Haut conseil pour le climat sur le décret d'application de l'article 16.

La commission propose à la commission des affaires sociales d'adopter l'article 16 ainsi modifié.

I. Dans la perspective d'une extinction définitive de la production d'électricité à partir de charbon, les émissions de gaz à effet de serre des centrales plafonnées depuis la loi « Énergie Climat » de 2019

Les émissions de gaz à effet de serre des installations de production d'électricité à partir de combustibles fossiles sont encadrées par l' article L. 311-5-3 du code de l'énergie , introduit par l'article 12 de la loi « Énergie Climat » de 2019 14 ( * ) . Cet article dispose que le Gouvernement fixe par décret « un plafond d'émissions applicable, à compter du 1 er janvier 2022, aux installations de production d'électricité à partir de combustibles fossiles situées sur le territoire métropolitain continental et émettant plus de 0,55 tonne d'équivalents dioxyde de carbone par mégawattheure ».

Ce seuil correspond en pratique aux centrales à fioul et à charbon .

En application de cette disposition, un décret de décembre 2019 15 ( * ) a fixé un seuil annuel de 700 tonnes d'équivalent dioxyde de carbone par mégawatt de puissance électrique installée (700 tCO 2 par MW et par an), soit l'équivalent d'environ 700 heures de fonctionnement annuel pour une centrale thermique utilisant du charbon.

Cette valeur a été définie dans la perspective de la fermeture progressive des centrales à charbon, initialement prévue par le Gouvernement en 2022.

Compte tenu des risques pesant sur la sécurité d'approvisionnement en électricité lors de l'hiver 2021-2022 du fait de la faible disponibilité du parc nucléaire, un second décret 16 ( * ) pris en 2022 a rehaussé ce plafond à 1000 tCO 2 /MW entre le 1 er janvier et le 28 février 2022 , tout en l'abaissant à 600 tCO 2 /MW pour le reste de l'année.

La décision a par ailleurs été prise de repousser à 2024 la fermeture de deux unités de production ouvertes de 600 MW chacune de production électrique à partir de charbon de Cordemais . Une unité supplémentaire de 600 MW (centrale de St-Avold ) s'est quant à elle arrêtée fin mars 2022.

II. Une obligation de compensation carbone en cas de mobilisation accrue de centrales à charbon, qui pourrait être rendue nécessaire pour garantir la sécurité d'approvisionnement en électricité

La France devrait faire face, l'hiver prochain, à des risques très probables pesant sur la sécurité de son approvisionnement en électricité qui imposent d'en anticiper les conséquences .

Ces risques s'expliquent principalement par la faible disponibilité attendue du parc nucléaire -- du fait notamment de problèmes de corrosion sous contrainte et des suites de la crise sanitaire -- ainsi que par les incertitudes sur l'approvisionnement en gaz résultant de la guerre en Ukraine .

Le Gouvernement estime que tous les leviers permettant d'augmenter la production d'électricité (mobilisation de moyens complémentaires, appui sur les interconnexions pour l'importation d'électricité) et de réduire la consommation (appel à la baisse des usages, mobilisation des mécanismes d'effacement ou d'interruptibilité) seront pleinement activés afin d'aider au passage de l'hiver à venir. L'annonce le 23 juillet 2022 d'un « plan de sobriété » visant à réduire les consommations d'énergie de 10 % en deux ans s'inscrit dans cette démarche.

Cette mobilisation ne serait toutefois pas suffisante pour assurer l'équilibre entre l'offre et la demande d'électricité : le Gouvernement considère donc indispensable, en plus de tous les autres leviers, de permettre une utilisation accrue des centrales à charbon. Deux centrales à charbon , représentant 3 tranches de 600 MW, seraient concernées : celle de St-Avold, fermée depuis mars 2022, et celle de Cordemais, comprenant deux tranches .

Pour limiter l'impact climatique qui résulterait de cette mobilisation accrue de centrales, l'article 16 assujettit leur exploitation à une obligation de compensation carbone .

Il prévoit ainsi, d'une part, que le décret rehaussant le plafond d'émissions fixé en application de l'article L. 311-5-3 du code de l'énergie, en cas de menace sur la sécurité d'approvisionnement en électricité de tout ou partie du territoire national, soumet également les exploitants des installations concernées à une obligation de compensation des émissions de gaz à effet de serre résultant de ce rehaussement. Ce décret doit également déterminer le niveau et les modalités de cette compensation .

Il précise, d'autre part, que cette obligation de compensation des émissions ne dispenserait pas, le cas échéant, l'exploitant de ces installations du respect des obligations qui lui incombent au titre du système d'échange de quotas d'émission de l'Union européenne ( SEQE-UE ), en application de l'article L. 229-7 du code de l'environnement.

Le projet de décret en cours de consultation prévoit ainsi d'augmenter le plafond d'émissions sur la période allant du 1 er octobre 2022 au 31 mars 2023, en autorisant sur cette période l'émission de 2500 tCO 2 /MW supplémentaires , correspondant à 2700 heures de fonctionnement pour les centrales à charbon . Le plafond, une fois ce rehaussement pris en compte, serait alors fixé à 3100 tCO 2 /MW entre le 1 er mars 2022 et le 31 mars 2023, à condition de ne pas dépasser 600 tCO 2 /MW entre le 1 er mars et le 30 septembre 2022.

La hausse du plafond de 2500 tCO 2 /MW conduirait à des émissions totales de 4,5 millions de tCO 2 . Le Gouvernement assure que la France sera, malgré tout, en mesure de respecter le budget assigné au secteur de l'énergie dans le cadre de la deuxième Stratégie nationale bas-carbone (SNBC 2) pour la période 2019-2023, même si les cibles annuelles, quant à elles indicatives, pourraient être dépassées pour 2022 et 2023.

La mobilisation des 3 tranches permettra de produire 5 TWh supplémentaires et d'augmenter ainsi d'environ 1 % la consommation annuelle d'électricité (523 TWh) et d'absorber 2 % de la pointe de consommation (88,4 GW).

Par ailleurs, le projet de décret en cours de consultation définit les modalités de mise en oeuvre de la compensation . Il prévoit ainsi un système de versement libératoire à hauteur de 27,5 euros/tCO 2 à un fonds chargé de financer des projets de compensation. En somme, le montant total des compensations ainsi dégagées pour l'automne-hiver 2022 pourrait atteindre 120 millions d'euros .

Il prévoit également que l'exploitant verse la somme libératoire au fonds avant fin mai 2023 , puis que la moitié de ces ressources versées devra être utilisée dans un délai de trois ans, et la totalité dans un délai de 6 ans.

III. À l'Assemblée nationale, une réécriture ne remettant pas en cause le dispositif initial

À l'Assemblée nationale, en commission, à l'initiative de la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, Mme Maud Bregeon, un amendement a été adopté pour mieux distinguer les deux objets de l'article 16 : d'une part, la possibilité de rehausser les plafonds d'émissions de gaz à effet de serre en cas de menace sur la sécurité d'approvisionnement en électricité et d'autre part, l'obligation de compensation pour les exploitants des centrales concernées.

Ce même amendement précise les principes régissant cette compensation, en l'inscrivant dans le cadre de l' article L. 229-55 du code de l'environnement, issu des travaux de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat sur la loi « Climat et résilience » 17 ( * ) , qui prévoit que les réductions et séquestrations d'émissions issues de projets de compensation de gaz à effet de serre soient mesurables, vérifiables, permanentes et additionnelles .

En séance publique, le dispositif n'a été modifié qu'à la marge par un amendement rédactionnel de la rapporteure pour avis.

IV. Le besoin d'assurer le ciblage géographique et sectoriel des programmes de compensation et de rehausser l'obligation de compensation au niveau législatif

La commission considère en premier lieu le prolongement du fonctionnement des centrales à charbon au-delà de 2022 comme une régression dommageable d'un point de vue environnemental, et en particulier, climatique.

Elle estime que les risques sur la sécurité d'approvisionnement
-- antérieurs à la guerre en Ukraine -- auraient pu être mieux anticipés
, par un effort plus déterminé à maîtriser la demande d'électricité des Français et par une mobilisation accélérée de moyens de production, nucléaires, hydrauliques et, en particulier, renouvelables.

S'il aurait pu être mieux anticipé, le risque avéré pesant sur l'approvisionnement en électricité de la France amène toutefois à considérer le rehaussement du plafond d'émission comme un mal nécessaire .

De plus, la volonté du Gouvernement de compenser l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre résultant de la mobilisation accrue des centrales à charbon doit être accueillie favorablement, bien que dans le cadre du triptyque « éviter, réduire, compenser », la compensation constitue le levier le moins satisfaisant sur le plan environnemental .

C'est pourquoi il importe que cette obligation de compensation respecte des critères d'intégrité environnementale . Le rapporteur pour avis se félicite donc du renvoi, par l'Assemblée nationale, à l' article L. 229-55 du code de l'environnement, issu des travaux de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat dans le cadre de la loi « Climat et Résilience », qui prévoit que les réductions et séquestrations d'émissions issues de projets de compensation de gaz à effet de serre soient mesurables, vérifiables, permanentes et additionnelles .

Souhaitant aller plus loin, la commission a adopté un amendement COM-247 du rapporteur pour avis visant à préciser que les programmes de compensation prévus à l'article 16 devront être situés sur le territoire français et cibleront le renouvellement forestier, l'agroforesterie, l'agrosylvopastoralisme ou, plus généralement, l'adoption de toute pratique agricole réduisant les émissions de gaz à effet de serre ou de toute pratique favorisant le stockage de carbone dans les sols .

Cette rédaction s'inspire du cadre juridique créé par la loi « Climat et résilience » concernant la compensation des émissions de gaz à effet de serre des vols effectués à l'intérieur du territoire national (L. 229-56 à L. 229-60 du code de l'environnement), tout en limitant le périmètre d'application aux seuls programmes situés sur le territoire français , en excluant les programmes qui pourraient être développés sur le territoire d'autres États membres de l'Union européenne.

La commission a également adopté un amendement COM-246 du rapporteur pour avis visant à rehausser au niveau législatif le principe de la compensation , par les exploitants, des émissions supplémentaires induites par la mobilisation accrue des centrales à charbon, alors que cette obligation avait vocation à être inscrite au niveau réglementaire dans la rédaction issue de l'Assemblée nationale.

Elle a enfin adopté un sous-amendement COM-13 de Ronan Dantec à l'amendement COM-246 afin de soumettre le décret d'application de l'article 16 à l'avis du Haut conseil pour le climat.

Il renvoie par ailleurs au pouvoir réglementaire le soin de définir un régime de sanctions associé à cette obligation . Aucune sanction n'est en effet prévue à ce jour dans le texte proposé, contrairement au dispositif applicable au transport aérien qui avait été construit, à l'initiative du Sénat, dans la loi « Climat et résilience ».

La commission propose à la commission des affaires sociales d'adopter l'article 16 ainsi modifié.

TITRE IV

DISPOSITIONS RELATIVES AU TRANSPORT ROUTIER
DE MARCHANDISES
Article 20 (délégué)

Transport routier de marchandises -
Extension du mécanisme d'indexation gazole à l'ensemble
des produits énergétiques

Cet article vise à élargir le dispositif d'indexation gazole applicable aux contrats de transport de marchandises à l'ensemble des produits énergétiques .

Des modifications rédactionnelles ont été adoptées à l'Assemblée nationale, sans remise en cause du dispositif initial .

Favorable à cette mise à jour bienvenue, la commission a adopté trois amendements de précision et de coordination .

La commission propose à la commission des affaires sociales d'adopter l'article 20 ainsi modifié.

I. Des modalités d'indexation pour l'heure perfectibles, faute de prise en compte des énergies alternatives au gazole

A. Un mécanisme d'indexation du prix du gazole visant à protéger les transporteurs face à la volatilité des prix

Le prix du carburant représente environ 30 % du coût d'une prestation de transport de marchandises . Or ce poste de dépenses peut connaître des variations significatives , et peut notamment évoluer entre le jour de la commande de l'opération de transport et le jour de sa réalisation.

Afin de protéger les transporteurs routiers face à ce risque, un mécanisme d'indexation a été introduit par l'article 23 de la loi n° 2006-10 du 5 janvier 2006 relative à la sécurité et au développement des transports, codifié dans le code des transports 18 ( * ) .

Deux cas de figure doivent ainsi être distingués :

- l'article L. 3222-1 du code des transports traite des situations dans lesquelles le contrat de transport mentionne les charges de carburant retenues pour l'établissement du prix de l'opération de transport. Cet article précise que « le prix de transport initialement convenu est révisé de plein droit pour couvrir la variation des charges liée à la variation du coût du carburant entre la date du contrat et la date de réalisation de l'opération de transport » ;

- l'article L. 3222-2 du même code prévoit qu' à défaut de stipulations contractuelles identifiant les charges de carburant 19 ( * ) , « le prix du transport initialement convenu est révisé de plein droit en appliquant aux charges de carburant la variation de l'indice gazole publié par le Comité national routier , sur la période allant de la date de la commande de l'opération de transport à sa date de réalisation ». L'indice CNG gazole professionnel est l'indice du coût du carburant, hors TVA, tenant compte des différents modes d'approvisionnement (pompe et cuve) et du remboursement partiel de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques.

La Direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM), interrogée par le rapporteur pour avis, ne dispose pas de données permettant de connaître la proportion de contrats relevant de chacun des deux régimes. Néanmoins, la source de référence principale émane du CNR, d'après des enquêtes conduites sur un panel d'entreprises à partir des mentions relevées dans les contrats ou appliquées par défaut.

Un mécanisme d'indexation analogue est également prévu en cas de variation des charges de carburant s'agissant du fonctionnement de groupes frigorifiques autonomes .

Le transport frigorifique
(ou « transport sous température dirigée »)

On dénombre environ 145 000 véhicules de transport frigorifique qui interviennent pour le compte de nombreux secteurs (agro-alimentaire, industrie pharmaceutique et cosmétique notamment). Le transport frigorifique nécessite des équipements spécifiques.

Il existe deux catégories de poids lourds :

- les véhicules à motorisation unique : le moteur utile à la propulsion génère également de l'énergie nécessaire au groupe frigorifique pour le refroidissement de la caisse (en cas d'arrêt du véhicule, le refroidissement est interrompu) ;

- les véhicules à groupe autonome , dotés d'un moteur pour la propulsion et d'un autre pour le groupe de refroidissement afin d'assurer un fonctionnement continu en cas d'arrêt du véhicule. Cette seconde catégorie - qui représente 85 % du parc de véhicules à température dirigée - utilise principalement du gazole non routier (GNR) pour le refroidissement. Le GNR utilisé pour les groupes frigorifiques bénéficie d'une fiscalité spécifique, qui devrait être supprimée au 1 er janvier 2023, mais que le projet de loi de finances rectificatives pour 2024 (article 2 prévoit de reporter.

Source : DGITM

La méconnaissance de ces mécanismes d'indexation par le cocontractant du transporteur routier est punie d'une amende de 15 000 euros (article L. 3242-3 du code des transports).

Le contexte de crise, caractérisée par des hausses brutales du prix des carburants, donne tout son sens aux dispositifs ainsi mis en place par le législateur. Pour autant, leur application est très loin d'être satisfaisante. La DGITM a en effet indiqué au rapporteur pour avis que « beaucoup d'entreprises ignoraient ces dispositions ou ne les appliquaient pas ».

B. Un dispositif qui ne prend pas en compte le développement des énergies alternatives de propulsion

En l'état actuel du droit, ce mécanisme fait uniquement référence aux « carburants », qui correspondent aux carburants liquides et gazeux (gazole, essence, gaz), ce qui exclut en pratique les poids lourds fonctionnant grâce à certaines énergies alternatives (électricité et hydrogène). En outre, en cas de défaut de stipulation contractuelle, le dispositif d'indexation des prix prévu à l'article L. 3222-2 du code des transports est encore plus restrictif en se limitant au seul indice gazole .

Le droit en vigueur ne tient pas compte du développement des énergies alternatives au gazole dans le transport routier de marchandises . 99,20 % des poids lourds disposent d'une motorisation au gazole. Pour autant, l'atteinte de l'objectif de décarbonation complète du secteur des transports terrestres d'ici à 2050 , fixé à l'article 73 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM), conduit à des changements pour l'instant peu significatifs, mais qui vont prendre de l'ampleur : les immatriculations de véhicules industriels dotés d'une motorisation alternative progressent et vont inexorablement se développer. La fin de vente des véhicules lourds neufs affectés au transport de personnes ou de marchandises et utilisant majoritairement des énergies fossiles d'ici 2040 constitue d'ailleurs un objectif intermédiaire prévu par la LOM qui ne fera qu'accélérer ce mouvement.

Le gaz naturel pour véhicules (GNV) et les biocarburants constituent des alternatives au gazole d'ores et déjà disponibles . La motorisation électrique est également appelée à se développer, notamment celle des poids lourds de petits gabarits utilisés dans le cadre de la logistique urbaine. Enfin, la motorisation hydrogène fait toujours l'objet de recherches et n'est pas, à ce stade, une technologie suffisamment mature. En définitive, 1 % du parc de poids lourds et 4,8 % des immatriculations de poids lourds neufs en 2021 (contre 1,7 % en 2017) disposent d'une motorisation alternative au gazole 20 ( * ) .

Ces évolutions plaident donc pour faire évoluer le mécanisme d'indexation trop restrictif, car circonscrit à la motorisation gazole, au risque de freiner les transporteurs dans le verdissement de leurs flottes . La période d'inflation actuelle caractérisée par une forte hausse du coût du carburant rend ces changements d'autant plus urgents.

Les conséquences du conflit ukrainien
sur le coût du carburant dans les contrats de transports

Le conflit ukrainien s'est traduit par une augmentation brutale et forte des coûts de l'énergie.

Tout d'abord, et avant cette crise géopolitique et économique, le gaz naturel véhicule (GNV) avait déjà augmenté d'environ 90 % entre juin 2021 et mars 2022, alors que le coût du gazole professionnel sur cette même période avait varié à la hausse de 25 %.

Entre février et mars 2022, les variations du coût du GNV et du gazole ont été sensiblement identiques (20 % environ).

Entre juin 2021 et mai 2022, les variations du coût du GNV et du gazole professionnel ont atteint respectivement 110 % et 55 %.

Sur cette période d'une année , et à défaut de stipulations contractuelles, l'indexation fondée sur les dispositions de l'article L. 3222-2 dans sa rédaction actuelle conduit à un manque à gagner pour les transporteurs d'environ 50 % de leurs coûts de carburant , soit une perte de 10 à 15 % par rapport au coût total de l'opération de transport, alors même que le secteur est caractérisé par une faible rentabilité (environ 2 %). D'après la Fédération nationale des transporteurs routiers (FNTR), le prix du gaz atteignait 120 €/MWh début 2022 (contre 20 €/MWh en novembre 2021).

Aussi, si le CNR fournit désormais un indice spécifique au GNV que les entreprises peuvent utiliser pour répercuter les évolutions du prix du gaz vers leurs clients, l'augmentation des prix a profondément déséquilibré le modèle économique des entreprises de transports et la transition énergétique du secteur.

II. L'élargissement du mécanisme d'indexation aux autres produits énergétiques

L'article 20 du projet de loi - article unique du titre IV relatif au transport routier de marchandises - a pour objectif d'étendre le dispositif d'indexation prévu par le code des transports à l'ensemble des produits énergétiques de propulsion , d'une part, et des produits énergétiques nécessaires pour le fonctionnement de groupes frigorifiques autonomes, d'autre part.

Son I vise à modifier les articles L. 3222-1 et L 3222-2 du code des transports dans un triple objectif :

- remplacer toute référence au « carburant » par celle de « produits énergétiques de propulsion » et, pour ce qui concerne les groupes frigorifiques autonomes, par le terme de « produits énergétiques » ;

- à l'article L. 3222-2, supprimer la référence à l'indice gazole publié par la Comité national routier pour lui privilégier la référence aux indices des produits énergétiques. L'article 20 du projet de loi tend néanmoins à préciser, en son I. 2° b) que l'indice gazole demeure l'indice utilisé « par défaut » ;

- clarifier, au sein de ce même article L. 3222-2, le point de départ de l'indexation en faisant référence non plus à la date de la commande, comme le prévoit le droit en vigueur, mais à la date du contrat . La date du contrat devient donc le point de départ du mécanisme d'indexation.

Le II de l'article 20 du projet de loi prévoit que les dispositions du I s'appliquent aux contrats de transports conclus à compter du 1 er janvier 2023 .

En conséquence, son III vise à abroger le VIII bis de l'article 60 de la loi n° 2019-1479  du 28 décembre 2019 de finances pour 2020, qui prévoyait l'entrée en vigueur au 1 er janvier 2023 des mesures relatives au mécanisme d'indexation des prix du coût du carburant pour le fonctionnement de groupes frigorifiques autonomes au II des articles L. 3222-1 et L 3222-2 du code des transports.

III. Une rédaction modifiée à la marge à l'Assemblée nationale

À l'Assemblée nationale, trois amendements rédactionnels 21 ( * ) de la rapporteure, Mme Parmentier-Lecocq, ont été adoptés au stade de l'examen du texte en commission.

IV. Une évolution bienvenue pour soutenir les transporteurs routiers dans leur démarche de verdissement du parc

La commission souscrit aux évolutions proposées, qui permettront d'accompagner les transporteurs routiers dans la décarbonation de leur flotte et de sécuriser les contrats de transport réalisés à l'aide de véhicule disposant de motorisations alternatives face à la hausse des coûts du carburant .

Cette mesure permettra en effet de renforcer la compétitivité des entreprises de transport routier de marchandises , qui est un secteur atomisé, composé en grande majorité de TPE ou de PME, et dont les marges de profit sont très faibles (1 à 2 %). Comme le relève l'étude d'impact du projet de loi, « les relations contractuelles entre transporteurs et donneurs d'ordre sont caractérisées par un déséquilibre en faveur de ces derniers, à la fois lors de la négociation et lors de différends éventuels ». Cette situation s'explique, d'une part, par le fait que le poids économique et financier d'une entreprise de transport est très inférieur à celle de son client et, d'autre part, par la surcapacité structurelle du transport routier pour lequel l'offre est supérieure à la demande.

Les modifications prévues par l'article 20 devraient donc pouvoir rééquilibrer ces relations en demandant aux donneurs d'ordre de payer le prix réel de l'énergie utilisée, sans référence à l'indice gazole. Le rapporteur pour avis estime néanmoins que cette mesure est susceptible d'être inflationniste et de se répercuter, dans une certaine mesure, sur le consommateur final.

La commission a adopté un amendement de coordination COM-248 du rapporteur pour avis, visant à modifier le chapitre 1 er du titre II du livre II de la troisième partie du code des transports relatif aux dispositions communes applicables aux contrats de transport routier de marchandises. Par cohérence avec les dispositions proposées au I de l'article 20 du projet de loi adopté par les députés, cet amendement vise à supprimer la notion de « carburant » pour lui substituer celle de « produits énergétiques de propulsion ».

Elle a également adopté un amendement COM-249 à l'initiative du rapporteur pour avis, visant à préciser les modalités de calcul faute d'indice synthétique du Comité nationale routier pour définir la part des charges de produits énergétiques utilisés pour réaliser l'opération de transport . En complément de la définition d'un indice par défaut pour la variation du prix des énergies, il convient en effet de définir un indice part par défaut du coût des énergies dans le prix du transport. Par parallélisme des formes avec la formule proposée pour la variation des prix de l'énergie, cet amendement propose de se référer à la part des charges d'énergie relative au gazole dans les cas de figure où le CNR n'aurait pas publié d'indice relatif à une autre énergie de propulsion.

Elle a enfin adopté un amendement rédactionnel COM-250 du rapporteur pour avis pour préciser qu'en l'absence d'indice du Comité national routier (CNR) pour certains produits énergétiques, la référence utilisée pour le fonctionnement frigorifique est bien l'indice gazole publié par le CNR pour le fonctionnement de ces groupes frigorifiques autonomes (et non l'indice gazole « générique »).

La commission propose à la commission des affaires sociales d'adopter l'article 20 ainsi modifié.

Article 20 bis (délégué) (nouveau)

Création d'un prêt à taux zéro pour l'acquisition d'un véhicule lourd
peu polluant affecté au transport de marchandises

Cet article, inséré à l'initiative de M. Philippe Tabarot, vise à créer, pour une période transitoire de 7 ans, un prêt à taux zéro pour l'achat de poids lourds peu polluants.

La commission propose à la commission des affaires sociales d'adopter l'article 20 bis ainsi rédigé.

Environ 99 % des poids lourds du parc français fonctionnent au gazole. Afin d'atteindre les objectifs de décarbonation du secteur du transport routier de marchandises , et dans le contexte de forte hausse des prix des carburants , il est impératif de mettre en place des leviers efficaces d'accompagnement des transporteurs dans la transition écologique de leur flotte , en rendant plus accessibles les offres alternatives. Les prix des poids lourds dotés de moteurs fonctionnant avec des produits énergétiques moins polluants restent à ce jour souvent prohibitifs, comme l'a relevé la mission d'information relative au transport de marchandises face aux impératifs environnementaux 22 ( * ) .

Dans cette perspective, l'amendement COM-45 rect. de M. Philippe Tabarot, introduit en commission, propose de créer un prêt à taux zéro pour l'acquisition de poids lourds peu polluants affectés au transport de marchandises , pour une période allant du 1 er janvier 2023 au 31 décembre 2023. Les véhicules concernés sont ceux dont le poids total autorisé en marchandises est supérieur ou égal à 2,6 tonnes et qui utilisent exclusivement une ou plusieurs des énergies suivantes :

- le gaz naturel et le biométhane carburant ;

- une combinaison de gaz naturel et de gazole nécessaire au fonctionnement d'une motorisation biocarburant de type 1A ;

- le carburant ED95 composé d'un minimum de 90 % d'alcool éthylique d'origine agricole ;

- l'énergie électrique ;

- l'hydrogène ;

- le carburant B100 constitué à 100 % d'esters méthyliques d'acides gras, lorsque la motorisation du véhicule est conçue en vue d'un usage exclusif et irréversible de ce carburant.

Cet article permet une réduction d'impôt au bénéfice des établissements de crédit et les sociétés de financement accordant ces prêts.

La commission propose à la commission des affaires sociales d'adopter l'article 20 bis ainsi rédigé.

TITRE V

DISPOSITIONS RELATIVES AUX CARBURANTS
Article 21 (délégué)

Autorisation de l'utilisation d'huile alimentaire usagée comme carburant

Cet article a pour objectif d'autoriser l'utilisation d'huile alimentaire usagée comme carburant pour véhicules.

La commission a adopté 3 amendements pour mieux encadrer et assurer le suivi de la mise en oeuvre de cette mesure novatrice dont il est pour l'heure difficile d'appréhender les effets.

La commission propose à la commission des affaires sociales d'adopter l'article 21 ainsi modifié.

I. L'huile alimentaire usagée ne figure, actuellement, pas dans la liste des carburants.

Aux termes de l'article 265 ter du code des douanes, l'utilisation à la carburation, la vente ou la mise en vente pour la carburation de produits dont l'utilisation et la vente pour cet usage n'ont pas été spécialement autorisées par des arrêtés du ministre chargé du budget et du ministre chargé de l'industrie sont interdites .

L'arrêté du 19 janvier 2016 23 ( * ) liste en son article 1 er les produits autorisés à la vente et à l'utilisation pour la carburation et précise les usages autorisés pour chacun d'entre eux. À titre d'exemple, le supercarburant sans plomb peut être utilisé dans tous les moteurs à allumage commandé. Les fiouls lourds peuvent quant à eux être utilisés dans les moteurs des bateaux.

Les huiles alimentaires usagées , qu'un arrêté du 24 août 2016 24 ( * ) définit comme des résidus de matières grasses d'origine végétale ou animale utilisées pour l'alimentation humaine, en industrie agroalimentaire, en restauration collective ou commerciale, ne figurent pas dans l'arrêté du 19 janvier 2016. Elles sont donc, de facto , interdites d'utilisation pour la carburation . Elles peuvent néanmoins être incorporées, sous forme d'ester méthylique dans le gazole (jusqu'à un taux de 7 % en volume) ou dans le gazole B30 (jusqu'à un taux de 30 % en volume). Le rapporteur pour avis a notamment pris connaissance d'expérimentations conduites au sein de la communauté d'agglomération Béthune-Bruay Artois Lys Romane ou encore à Charleville-Mézières avec des véhicules roulant au gazole B30.

Une exception est cependant prévue à ce principe général d'interdiction (deuxième alinéa du 1 de l'article 265 ter du code des douanes). Par dérogation, les ministres chargés du budget et de l'industrie peuvent, par décision conjointe, autoriser l'utilisation temporaire de produits non autorisés , dans le cadre de projets d'expérimentations pilotes afin de permettre le développement de carburants moins polluants .

II. Un article introduit à l'Assemblée nationale pour autoriser l'utilisation des huiles alimentaires usagées comme carburants pour véhicules

L'article 21 du projet de loi a été inséré à l'Assemblée nationale, à l'initiative de M. Julien Bayou, avec un avis défavorable de la commission - la rapporteure ayant toutefois indiqué y être favorable à titre personnel -- et un avis de sagesse du Gouvernement. Le dispositif ainsi adopté vise à autoriser l'utilisation d'huile alimentaire usagée valorisée comme carburant .

Un sous-amendement de Mme Parmentier Lecocq renvoie les conditions de cette autorisation à un décret en Conseil d'État pris après avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail. Ce sous-amendement précise également que l'utilisation de ces huiles ou des carburants dérivés doit atteindre au moins les performances des carburants ou biocarburants autorisés en matière d'émissions de polluants atmosphériques .

Enfin, le dernier alinéa de l'article 21 prévoit que les huiles alimentaires usagées valorisées peuvent être utilisées pures ou en mélanges comme carburant dans les véhicules et les assujettit à la taxe intérieure de consommation, au tarif applicable au gazole identifié à l'article 265 du code des douanes.

III. Une évolution qui présente des avantages, mais dont le déploiement mérite d'être encadré et évalué

Le rapporteur pour avis considère que le déploiement des biocarburants constitue une solution transitoire pour atteindre nos objectifs de décarbonation du secteur du transport -- premier secteur émetteur de gaz à effet de serre en France.

Aussi, l'évolution proposée à l'article 21 constitue un premier pas . L'utilisation de ces huiles permettrait en effet de réduire les émissions de gaz à effet de serre d'environ 90 % par rapport au gazole . À cet égard, l'article 29 de la directive (UE) 2018/2001 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables définit des critères de durabilité et de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour les biocarburants.

Par ailleurs, et comme le souligne l'objet de l'amendement adopté par les députés ayant inséré l'article 21 dans le projet de loi, ces huiles ne sont pas en concurrence avec l'alimentation, comme peuvent l'être d'autres types de biocarburants. En outre, dans le contexte actuel de l'augmentation des coûts du carburant, elles pourraient présenter un avantage comparatif en termes de prix. Enfin, ce dispositif s'inscrit dans une démarche d'économie circulaire, les huiles n'étant, pour l'heure, pas systématiquement recyclées.

Le rapporteur pour avis, conscient du caractère novateur de ce dispositif, estime cependant opportun de l'encadrer précisément et de l'évaluer avec sérieux . En premier lieu, l'autorisation de l'utilisation de ces huiles comme carburants suppose de définir précisément les conditions de distribution de ces produits. En outre, comme le soulignent deux réponses à des questions écrites de Sénateurs de 2009 25 ( * ) , il semble que dans certains cas de figure, l'utilisation de ces huiles ne soit pas compatible avec des moteurs existants et favorise l'encrassement du moteur. C'est pourquoi la commission a adopté un amendement COM-251 du rapporteur pour avis précisant que le décret en Conseil d'État doit notamment définir leurs conditions de distribution ainsi que les catégories de véhicules concernés par cette autorisation . L'objectif est d'identifier les véhicules les plus à même d'être compatibles avec ces carburants, à la fois d'un point de vue technique (risque moteur) et d'un point de vue environnemental.

Par ailleurs, si l'utilisation des huiles alimentaires usagées comme carburant permet une très forte diminution des émissions de gaz à effet de serre, l'impact induit sur les émissions de polluants atmosphériques pourrait faire l'objet d'une évaluation . C'est notamment l'objectif de l'amendement COM-253 , adopté par la commission à l'initiative du rapporteur pour avis dans le but d'évaluer la mise en oeuvre de cette autorisation, d'un point de vue environnemental, économique et technique.

La commission a enfin adopté un amendement COM-252 rédactionnel du rapporteur pour avis, pour supprimer la référence à l'article 265 du code des douanes, abrogé par l'ordonnance n° 2021-1843 du 22 décembre 2021 portant partie législative du code des impositions sur les biens et services et transposant diverses normes du droit de l'Union européenne. Les graisses et huiles animales ou végétales sont bien mentionnées au 6° de l'article L. 3123 du code des impositions sur les biens et les services comment faisant partie du champ des produits énergétiques soumis à l'accise, le maintien de cette référence n'est donc plus nécessaire.

La commission propose à la commission des affaires sociales d'adopter l'article 21 ainsi modifié.


* 1 La production du gisement de Lacq, dernier gisement actif en France, n'est plus injectée dans le réseau depuis 2013.

* 2 Le gazoduc Franpipe reliant les installations de production situées en mer du Nord norvégienne à un point d'atterrage situé à Loon-Plage présentant une capacité d'importation maximale de 570 GWh PCS/j, l'interconnexion d'Alveringem permettant d'exporter jusqu'à 270 GWh PCS/j vers la Belgique, les deux interconnexions de Taisnières-Blaregnies permettant d'importer respectivement jusqu'à 640 GWh PCS/j de gaz à haut pouvoir calorifique et 230 GWh PCS/j de gaz à bas pouvoir calorifique depuis la Belgique, l'interconnexion d'Obergailbach-Medelsheim permettant d'importer jusqu'à 620 GWh PCS/j depuis l'Allemagne, l'interconnexion d'Oltingue-Redersdorf permettant d'exporter jusqu'à 260 GWh PCS/j ou d'importer jusqu'à 100 GWh PCS/j avec la Suisse et les interconnexions de Larrau et Biriatou permettant conjointement d'importer ou d'exporter jusqu'à 225 GWh PCS/an avec l'Espagne.

* 3 À Fos Cavaou, les capacités ont été augmentées de 11 TWh pouvoir calorifique supérieure (TWh PCS) pour 2022 et de 13 TWh pour 2023 selon l'étude d'impact du projet de loi. Les terminaux de Dunkerque et Montoir ont également lancé des processus d'optimisation pour accroître leurs capacités, dans des proportions plus limitées toutefois.

* 4 Ainsi, GRTgaz a indiqué, le 17 juin 2022, que depuis les 5 premiers mois de l'année, les entrées de GNL avaient augmenté de 66 %, soit 51 TWh supplémentaires.

* 5 Floating Storage and Regasification Unit .

* 6 À Montoir de Bretagne, Dunkerque, Fos Tonkin et Fos Cavaou.

* 7 Total Énergies a estimé les capacités de stockage de GN du terminal FSRU du Havre à 143 000 m 3 et la capacité de regazéification d'environ 5 Gm 3 par an.

* 8 Article L. 554-6 du code de l'environnement.

* 9 Chapitre V du titre V du livre V du code de l'environnement.

* 10 Chapitre I er du titre V du livre V du code de l'environnement.

* 11 Chapitre II du titre II du livre I er du code de l'environnement.

* 12 Chapitre I er du titre I er du livre IV du code de l'environnement.

* 13 Rapport d'information n° 754 (2021-2022) de Mme Martine Filleul, MM. Pascal Martin et Philippe Tabarot, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable le 6 juillet 2022.

* 14 Loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat.

* 15 Décret n° 2019-1467 du 26 décembre 2019 instaurant un plafond d'émission de gaz à effet de serre pour les installations de production d'électricité à partir de combustibles fossiles.

* 16 Décret n° 2022- 123 du 5 février 2022 modifiant le plafond d'émission de gaz à effet de serre pour les installations de production d'électricité à partir de combustibles fossiles.

* 17 Loi du n° 2021-1104 du 22 août 2021, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

* 18 Au chapitre II : « Le contrat de transport » du titre II du livre II de la troisième partie du code des transports.

* 19 D'après les acteurs auditionnés par le rapporteur pour avis, la pratique des contrats oraux est encore fréquente.

* 20 Source : étude d'impact du projet de loi.

* 21 Amendements n° AS419 , AS421 et AS420 .

* 22 Transport de marchandises : se donner les moyens d'une transition nécessaire , rapport d'information de Mme Nicole Bonnefoy et M. Rémy Pointereau, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, n° 604 (2020-2021) -- 19 mai 2021.

* 23 Arrêté du 19 janvier 2016 relatif à la liste des carburants autorisés au regard des dispositions de l'article 265 ter du code des douanes.

* 24 Arrêté du 24 août 2016 fixant les critères de sortie du statut de déchet pour les déchets graisseux et les huiles alimentaires usagées pour un usage en tant que combustible dans une installation de combustion classée sous la rubrique 2910-B au titre de la nomenclature des installations classées pour la protection de l'environnement et d'une puissance supérieure à 0,1 MW et les esters méthyliques d'acides gras fabriqués à partir de ces déchets destinés à être incorporés dans un produit pétrolier.

* 25 Question écrite n° 10826 de M. Serge Andreoni (Bouches-du-Rhône - SOC) publiée dans le JO Sénat du 12/11/2009 - page 2609 et Question écrite n° 05897 de M. Marcel Deneux (Somme - UC)

publiée dans le JO Sénat du 23/10/2008 - page 2100.

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