AVANT PROPOS

Le Gouvernement a présenté, le 6 juillet dernier, un projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat. 20 articles composaient initialement le texte, regroupés au sein de quatre titres :

- le titre premier , dédié à la protection du niveau de vie des Français , cible la prime de partage de la valeur, appelée à succéder à la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat (PEPA) instituée en 2018 (article 1 er ), la baisse des cotisations sociales des indépendants (article 2), des mesures de simplification et d'assouplissement visant l'intéressement et la négociation des salaires au niveau des branches (articles 3 et 4), la revalorisation, par anticipation, des prestations sociales, des pensions de retraite et des aides personnelles au logement (articles 5 et 6) mais aussi la déconjugalisation de l'allocation adultes handicapés (article 5 bis ) ou l'approfondissement des règles en matière de compléments de loyers (article 6 bis ) ;

- le titre II, consacré à la protection des consommateurs et centré sur l'extension des possibilités de résiliation de contrats, dont ceux d'assurance, (articles 7, 8 et 8 bis ), l'extension des sanctions contre les pratiques commerciales trompeuses ou agressives (article 9) ou le remboursement des sommes indûment prélevées sur les comptes bancaires (articles 9 bis et 9 bis A) ;

- le titre III, qui vise à renforcer la souveraineté énergétique , en facilitant la constitution de stocks de gaz naturel (article 10), l'extension de la possibilité de contractualisation des capacités interruptibles avec les consommateurs de gaz naturel et l'adoption de mesures en faveur de la protection des consommateurs (articles 11, 11 bis , 17 et 18), la prise de mesures par l'État en matière de sécurité d'approvisionnement (articles 12, 15 bis , 15 ter et 19), l'encadrement de l'installation de terminaux méthaniers flottants sur le territoire et l'accélération du terminal méthanier flottant au large du Havre (articles 13 et 14), la possibilité, pour les énergéticiens, de réembauche de salariés en congés de reclassement pour faire face à d'éventuelles difficultés d'approvisionnement (article 15), l'assouplissement des conditions d'activité des centrales à charbon (article 16), le plafonnement du volume de l'accès régulé à l'énergie nucléaire historique (article 18 bis ), la fixation d'un prix minimum de vente de l'électricité (article 18 ter ) ;

- le titre IV , centré sur le transport routier de marchandises , dont les articles proposent de faciliter la révision d'un prix convenu pour une opération afin de prendre en compte la variation du coût du carburant (article 20) ;

- le titre V , introduit à l'Assemblée nationale, qui prévoit de reconnaître l'huile de friture comme carburant (article 21) et une demande de rapport sur l'actualisation du zonage des aides personnelles au logement (article 22).

Au regard de ses effets certains sur les finances publiques, la commission des finances a souhaité initialement se saisir pour avis du titre I de ce texte. L'adoption, au cours des débats à l'Assemblée nationale, des articles 9 bis A et 9 bis relatifs à la fraude bancaire et modifiant, à cet effet, le code monétaire et financier, l'a conduit à étendre sa saisine à ces dispositions.

I. UN TEXTE COMPOSITE ET COÛTEUX QUI RELÈVE POUR L'ESSENTIEL D'UNE LOGIQUE D'EFFET D'ANNONCE

Le projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat constitue une nouvelle tentative du Gouvernement de répondre au défi du pouvoir d'achat des ménages, fragilisé par l'inflation depuis la fin de l'année 2021. Le collectif budgétaire de fin de gestion 2021 2 ( * ) avait déjà conduit à la mise en place :

- d'une indemnité inflation de 100 euros pour les personnes gagnant moins de 2 000 euros ;

- d'un complément de 100 euros au chèque énergie versé aux ménages bénéficiaires du dispositif.

Le coût de ces mesures était estimé à 4,4 milliards d'euros .

La loi de finances pour 2022 prévoyait, de son côté, la mise en oeuvre d'un « bouclier tarifaire », destiné à contenir les fortes progressions des prix du gaz (gel des prix de vente du gaz à leur niveau d'octobre 2021 et modulation de la taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel) et de l'électricité (diminution de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité) 3 ( * ) . Le coût de ce dispositif, censé s'appliquer du 1 er février 2022 au 31 janvier 2023 (30 juin 2022 pour le gaz) estimé initialement à 5,9 milliards d'euros a été revu à la hausse à 7,4 milliards d'euros (soit 8,1 milliards d'euros enannée pleine) au regard des prix réels de marché .

La guerre en Ukraine et la crise des approvisionnements qu'elle a générée avaient conduit le Gouvernement à compléter, en mars dernier, ces mesures par un plan de résilience économique et sociale , matérialisé, au plan financier, par le décret d'avance du 7 avril dernier dont le montant atteignait 5,9 milliards d'euros 4 ( * ) . Celui-ci permettait notamment de financer :

- la mise en oeuvre, jusqu'au 31 juillet 2022, d'une remise des prix sur les carburants pour les ménages et les entreprises et d'un soutien spécifique pour les pêcheurs ;

- une aide en faveur du secteur agricole ;

- une aide forfaitaire exceptionnelle et ponctuelle aux transporteurs routiers (personnes et marchandises) ;

- des dispositifs de soutien pour les entreprises affectées par la volatilité des prix de l'énergie.

Le présent projet de loi ne résume pas pour autant l'intégralité de l'effort du nouveau Gouvernement en faveur du pouvoir d'achat, un certain nombre de dispositions étant contenues au sein du premier projet de loi de finances rectificative pour 2022. Celui-ci tire en premier lieu les conséquences, pour le budget de l'État, de la revalorisation des prestations sociales prévues à l'article 5 du présent projet de loi. Il prévoit, en outre, diverses mesures présentées comme favorables au pouvoir d'achat :

- la suppression de la contribution à l'audiovisuel public (CAP) dès 2022 ;

- le versement d'une aide exceptionnelle de rentrée aux bénéficiaires de certaines allocations (revenu de solidarité active, allocation adulte handicapé) ;

- le prolongement, jusqu'en septembre 2022, de la remise sur les carburants de 18 centimes mise en place en avril dernier ;

- la mise en place, à compter d'octobre 2022, d'une indemnité carburant ;

- le maintien du bouclier tarifaire sur les prix de l'énergie sur toute l'année 2022.

A. UNE AGRÉGATION DE MESURES AUX EFFETS INCERTAINS SUR LE POUVOIR D'ACHAT

L'équilibre général du texte tend à distinguer deux grandes orientations : des mesures en faveur du pouvoir d'achat d'une part (titres I, II voire IV) et dix articles centrés sur les questions de souveraineté énergétique, dont certains ont un lien plus que ténu avec la question du coût de la vie , d'autre part. Le titre III relève, en effet, plus d'une logique de mise en oeuvre d'une stratégie industrielle face au risque d'une rupture d'approvisionnement en gaz que de mesures ponctuelles destinées à permettre aux Français de faire face à l'augmentation des prix de l'énergie.

Des réserves s'imposent également s'agissant des mesures sur la protection des consommateurs , contenues dans le titre II . Ainsi, en ce qui concerne l'extension des possibilités de résiliation des contrats souscrits par voie électronique (articles 7 et 8), l'étude d'impact annexée au projet de loi se contente de mettre en avant un supposé effet vertueux sur la concurrence, et donc sur les prix, sans l'étayer d'éléments chiffrés . Le renforcement des sanctions et les améliorations procédurales prévues à l'article 9 dédié à la lutte contre les pratiques commerciales déloyales participent du même objectif sans que l'impact en matière de pouvoir d'achat ne soit là encore précisé.

Seul, in fine , le titre I er et en particulier les articles 1 er (prime de partage de la valeur), 2 (baisse des cotisations des indépendants), 5 (revalorisation des prestations sociales) et 6 (revalorisation des aides au logement), dont la commission des finances s'est saisie pour avis pourraient avoir , à des degrés divers, un impact réel sur le pouvoir d'achat .

Le titre I er couvre trois types de mesures aux incidences inégales pour les finances publiques. Il est ainsi possible de distinguer :

- les mesures qui reposent, en premier lieu, sur la capacité des entreprises à pouvoir les financer , qu'il s'agisse de la pérennisation de la prime exceptionnelle de pouvoir d'achat ou des mesures de simplification et d'assouplissement en faveur des accords de branche ou de l'intéressement (articles 1 er , 3 et 4) ;

- la baisse de cotisations sociales, concentrée sur les indépendants , qui induit donc un manque à gagner pour les administrations de sécurité sociale (article 2) ;

- la revalorisation, par anticipation, des pensions et des prestations sociales à la charge de l'État et des administrations de sécurité sociale (articles 5, 5 bis et 6).


* 2 Loi n° 2021-1549 du 1 er décembre 2021 de finances rectificative pour 2021.

* 3 Loi n° 2021-1900 du 31 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 4 Décret n° 2022-512 du 7 avril 2022 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance.

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