EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 18 janvier 2022 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a examiné le rapport pour avis de M. Jean-Baptiste Blanc sur la proposition de loi n° 225 (2021-2022) pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l'assurance emprunteur , déposée à l'Assemblée nationale le 29 octobre 2021 par Mme Patricia Lemoine, M. Olivier Becht et plusieurs de leurs collègues.

M. Claude Raynal , président . - Nous examinons cet après-midi le rapport pour avis de Jean-Baptiste Blanc sur la proposition de loi pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l'assurance emprunteur, dont l'examen au fond revient à la commission des affaires économiques.

M. Jean-Baptiste Blanc , rapporteur pour avis . - Cette proposition de loi a été déposée à l'Assemblée nationale par notre collègue Patricia Lemoine et adoptée le 25 novembre dernier.

L'assurance emprunteur est un marché important, qui représente 10,3 milliards d'euros par an, dont plus des deux tiers concernent l'assurance associée à un crédit immobilier. Le coût du crédit proprement dit ayant fortement baissé en raison de l'évolution des taux d'intérêt, le coût de l'assurance, qui a moins diminué, attire de plus en plus l'attention des emprunteurs. Il est donc nécessaire de leur permettre de faire jouer la concurrence entre les différentes assurances, sans être liés au contrat de groupe qui est généralement proposé par le prêteur lors de la souscription d'un crédit, notamment immobilier. Pour mémoire, le contrat de groupe est un contrat aux clauses standard, dont les conditions tarifaires varient moins selon le profil de l'emprunteur que les contrats dits « alternatifs » : ces derniers, qui peuvent être proposés aussi bien par les filiales des banques accordant le prêt que par des assureurs dits « externes », sont beaucoup plus adaptés aux caractéristiques propres de chaque emprunteur.

Le Parlement a été particulièrement actif au cours des dix dernières années sur ce sujet. En 2010, la loi portant réforme du crédit à la consommation, dite « loi Lagarde », a posé le principe du libre choix d'une assurance lors de la souscription du prêt. En 2014, la loi relative à la consommation, dite « loi Hamon », a permis de changer d'assurance à tout moment au cours des douze premiers mois du prêt. En 2017, ce que l'on appelle couramment l'« amendement Bourquin » a instauré, au-delà des douze premiers mois, la possibilité de résilier le contrat d'assurance emprunteur chaque année, à date fixe.

Ce dispositif est encore imparfait : la résiliation du contrat est parfois difficile parce que les prêteurs répondent aux demandes avec retard, ou n'expliquent pas suffisamment les raisons pour lesquelles ils refusent la substitution d'un autre contrat à celui d'origine.

C'est pourquoi la proposition de loi, dans les articles 2 à 5 du titre I er , renforce l'information des emprunteurs ainsi que la motivation des refus de substitution d'assurance, tout en prévoyant des sanctions administratives en cas de non-respect de ces obligations. En outre, l'avenant au contrat de prêt devrait être émis dans un délai de dix jours seulement, ce qui est une exigence forte.

On ne peut qu'approuver ces dispositions, qui renforcent l'effectivité du droit au changement d'assurance emprunteur et qui permettront d'harmoniser les pratiques d'un réseau bancaire à un autre. Certaines d'entre elles nécessiteront des adaptations, qui relèvent surtout du droit de la consommation : le rapporteur au fond, M. Daniel Gremillet, avec qui j'ai travaillé en plein accord, fait des propositions utiles à ce sujet.

En tant que rapporteur pour avis de la commission des finances, c'est surtout sur l'article 1 er que je concentrerai mes propositions. Cet article contient la mesure phare de la proposition de loi, en ce qu'il instaure la possibilité de résilier à tout moment le contrat d'assurance emprunteur.

Comme je l'ai dit précédemment, la résiliation est actuellement possible à tout moment pendant les douze premiers mois, et seulement à la date anniversaire par la suite. Nous devons donc nous demander quels sont l'objectif et la portée d'un principe de résiliation à tout moment.

La concurrence entre les entreprises est d'ores et déjà effective. Entre 2017 et 2019, le nombre des souscriptions a augmenté de 46,1 % pour les assureurs et grossistes non liés à une banque et de 6 % pour les intermédiaires d'assurance, alors qu'il diminuait de 12,8 % pour les banques et bancassureurs. L'objectif visé par l'intitulé de la proposition de loi, à savoir l'accès des entreprises au « marché de l'assurance emprunteur », paraît donc en partie satisfait.

Toutefois, il me semble que, au-delà de cet intitulé, l'accès de tel ou tel acteur au « marché » de l'assurance emprunteur n'est pas l'objectif le plus important. En effet, nous devons viser à ce que les emprunteurs eux-mêmes bénéficient des meilleurs prix tout en maintenant un haut niveau de garantie. Il s'agit de prendre en compte tous les emprunteurs, pas seulement ceux que les assureurs considèrent comme ayant un « bon profil ».

Or les travaux du Comité consultatif du secteur financier (CCSF) montrent que, au-delà de la part de marché des assureurs externes, il faut prendre en compte le développement de contrats alternatifs proposés par les groupes bancaires qui accordent le prêt. Ces contrats alternatifs, tous acteurs confondus, représentent 25,5 % de la production annuelle sur la période allant de 2017 à 2020.

Le CCSF, qui rassemble l'ensemble du secteur financier au-delà des intérêts de tel ou tel type d'acteurs, le dit clairement : grâce aux réformes intervenues depuis dix ans - souvent sous l'impulsion du Sénat -, l'assurance emprunteur est devenue un marché concurrentiel, au bénéfice du consommateur. Les coûts de l'assurance ont diminué depuis 2010 : de 33 % sur les contrats alternatifs et de 13 % à 26 % sur les contrats de groupe pour les classes d'âge inférieures à 50 ans. En ce qui concerne les plus de 55 ans, en revanche, on commence à constater une certaine hausse sur les contrats de groupe : ce signe, s'il se confirmait, devrait nous alerter.

Or, au risque de remettre en cause certaines idées reçues, un droit de résiliation « à tout moment » ne constituerait pas nécessairement un progrès pour l'ensemble des consommateurs.

En premier lieu, l'auteure de la proposition reprend des montants de gains impressionnants qui résulteraient du changement d'assurance emprunteur, soit entre 5 000 et 15 000 euros pour l'emprunteur. D'après les éléments que j'ai obtenus, ces chiffres sont probablement très exagérés : ils concernent certains profils peu risqués et supposent que le prêt est conservé jusqu'à son terme, alors que la plupart des prêts sont dénoués à la moitié de leur durée, voire avant, notamment lorsque l'emprunteur change de logement. Le gain réel moyen est probablement plutôt de l'ordre de 1 500 euros sur l'ensemble de la durée effective d'un prêt de 200 000 euros, pour de « bons profils », c'est-à-dire non-fumeurs et relativement jeunes. Pour les personnes plus âgées, surtout si elles ne sont pas cadres ou qu'elles fument, le contrat alternatif est généralement moins intéressant que le contrat de groupe.

D'ailleurs, ces gains ne sont pas augmentés par la proposition de loi, puisque la résiliation est d'ores et déjà possible tous les ans, avec les mêmes effets, même si certains obstacles existent, notamment dans la détermination de la date à laquelle on peut procéder à la résiliation - je reviendrai sur ce point dans un instant.

Au-delà de ces gains pour les personnes ayant un « bon profil », il faut souligner le risque que pourrait entraîner une généralisation des contrats alternatifs, qu'ils soient fournis par un assureur externe ou par le prêteur lui-même. Ce risque est celui de la démutualisation, c'est-à-dire que les prix étant adaptés très précisément à la situation de chacun, l'assurance emprunteur pourrait devenir beaucoup plus chère, voire inaccessible, à des personnes plus âgées ou moins favorisées. Comme je l'ai dit, ce mouvement de démutualisation semble avoir commencé pour les plus de 55 ans du fait de l'intensification de la concurrence depuis dix ans.

En outre, une possibilité de résiliation à tout moment aurait certainement comme effet pratique de multiplier les actions de démarchage. Pour l'instant, en effet, le démarcheur ne peut pas savoir à quelle date telle ou telle résiliation est possible, ce qui lui laisse moins de chances de tomber sur un client susceptible d'être « capté », pour reprendre le vocabulaire en usage.

On peut donc se demander si le jeu en vaut vraiment la chandelle.

La difficulté à résoudre, en réalité, est surtout celle de procédures trop complexes, et variables selon les réseaux bancaires. Pour faciliter pleinement l'exercice du droit de résiliation et pour mettre à égalité l'ensemble des emprunteurs, quelles que soient les pratiques du réseau bancaire auprès duquel ils ont souscrit leur crédit, il est essentiel de bien définir dans la loi la date à laquelle la résiliation peut avoir lieu.

Le CCSF a travaillé sur le sujet et proposé que ce soit la date anniversaire de la signature du prêt, bien connue de l'emprunteur, ou bien toute date figurant dans le contrat de prêt.

Le Sénat a déjà proposé d'inscrire cette date dans la loi, avec un nouvel amendement de notre collègue Martial Bourquin, lors de l'examen en février 2020 du projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique (ASAP). Ce dispositif a fait l'objet d'un accord entre les deux assemblées réunies en commission mixte paritaire. Il n'était alors pas entré en vigueur parce que le Conseil constitutionnel a considéré, à la fin de 2020, qu'il s'agissait d'un cavalier législatif. À l'époque, ce dispositif consensuel avait été soutenu par le Gouvernement, qui s'était même opposé à des amendements allant dans le sens du texte qui nous est proposé aujourd'hui. Je m'étonne donc de l'urgence à légiférer sur une disposition qui n'avait obtenu l'approbation ni du Parlement ni du Gouvernement il y a moins de deux ans.

Je crois qu'il est temps de reprendre ce dispositif, sur lequel nous pouvons trouver un consensus. Au moment où les Français ressentent, comme jamais auparavant, le besoin de trouver un logement conforme à leurs aspirations - les transactions atteignent un niveau record -, l'assurance doit rester disponible à un coût abordable pour l'ensemble des emprunteurs, et pas seulement pour les « bons profils ».

Je vous proposerai donc un amendement qui reprend, à l'article 1 er , la définition de la date d'échéance déjà adoptée dans le projet de loi ASAP, ainsi qu'un amendement de conséquence qui modifie l'intitulé du titre I er .

J'en viens désormais au titre II de la proposition de loi, qui comprend trois articles, dont deux demandes de rapport au Parlement. Le principal dispositif, prévu à l'article 7, traite des évolutions envisageables de la convention dite « Aeras » (s'assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé). Comme vous le savez, celle-ci encadre les conditions tarifaires appliquées aux personnes présentant un risque de santé aggravé qui souhaitent souscrire un contrat d'assurance emprunteur. Signée par les professionnels de la banque et de l'assurance, l'État et les associations de malades et de consommateurs, cette convention repose sur deux dispositifs.

D'une part, le droit à l'oubli prévoit que l'assuré peut ne pas déclarer de pathologies cancéreuses au-delà d'un certain délai après la fin du protocole thérapeutique. D'autre part, la grille de référence Aeras définit les pathologies pour lesquelles, sous certaines conditions, aucune surprime ni exclusion de garantie ne peut être appliquée ; elle fixe aussi le plafond des surprimes applicables par les assureurs.

La convention Aeras est un dispositif précieux pour l'assurabilité des personnes souffrant de certaines pathologies. Toutefois, les auditions que j'ai menées ont aussi fait état de limites importantes, qui sont d'ailleurs pleinement partagées par les auteurs de la proposition de loi dans l'exposé des motifs.

Par exemple, s'agissant du droit à l'oubli, celui-ci est encore limité aux pathologies cancéreuses et ne concerne pas les maladies chroniques qui, une fois prises en charge, peuvent n'avoir aucune incidence sur l'espérance de vie.

Plus généralement, l'application de ces dispositifs est conditionnée aux données scientifiques disponibles permettant d'attester des progrès médicaux et thérapeutiques, donc de proportionner le coût de l'assurance emprunteur au plus juste pour l'assuré.

Alors que le coût de l'assurance emprunteur est un véritable enjeu de pouvoir d'achat, dans un contexte marqué par une hausse continue des prix de l'immobilier, il me semble urgent de proposer des dispositions ambitieuses pour permettre aux profils « plus risqués » d'accéder à la propriété. Sur ce point, l'article 7 de la proposition de loi ne me semble pas à la hauteur des enjeux, en ce qu'il se contente de prévoir la tenue de négociations entre les signataires de la convention sur l'élargissement du droit à l'oubli, la grille de référence, et l'augmentation du montant maximal du prêt pouvant être assuré aux termes de la convention Aeras. La loi aurait pu prévoir des dispositions plus concrètes pour régir l'accès à l'assurance emprunteur des personnes malades.

L'enjeu est donc de trouver un équilibre entre une tarification sur mesure de l'assurance emprunteur et la nécessaire mutualisation des risques et des coûts, pour permettre au plus grand nombre d'emprunteurs d'accéder à la propriété.

Cette problématique interroge le rôle du questionnaire médical, qui constitue un outil majeur dans la tarification du coût de l'assurance. En théorie, le questionnaire médical permet à l'assureur d'équilibrer son portefeuille de prêts assurés et de maîtriser le coût des sinistres. En pratique, il s'apparente à un révélateur de risques très perfectible. En effet, eu égard au manque de données médicales, ce questionnaire peut conduire à appliquer des surprimes sans lien avec le risque sur l'espérance de vie. Ainsi, pour un emprunteur porteur du VIH, la surprime appliquée à la garantie décès peut s'élever jusqu'à 100 %, alors que l'espérance de vie est désormais semblable à celle des personnes non porteuses.

En outre, même si l'essentiel des personnes présentant des risques aggravés de santé se voient proposer une offre assurantielle, celle-ci peut être assortie de surprimes et d'exclusions de garantie importantes. Cette situation est incompréhensible pour l'assuré qui s'acquitte d'une assurance très coûteuse, mais n'obtient qu'une protection minimaliste contre les aléas de la vie.

Au-delà des négociations prévues par le texte pour faire évoluer la convention Aeras, je vous propose, en accord avec le rapporteur au fond, la suppression du questionnaire et des examens médicaux, sous certaines conditions, pour la souscription d'un contrat d'assurance emprunteur garantissant un prêt immobilier. L'objectif est d'offrir des conditions d'indemnisation homogènes à une large palette d'assurés, en supprimant les différences de tarification fondées sur leur état de santé.

Certains m'opposeront que ce dispositif pourrait entraîner une hausse généralisée des primes, l'assureur étant alors privé d'un outil de connaissance du risque qu'il couvre. Toutefois, cet écueil doit être relativisé.

En effet, le marché de l'assurance emprunteur permet une large répartition des risques, grâce à un taux de couverture de 92 % et une part de personnes avec un risque de santé aggravé relativement stable depuis plusieurs années.

De plus, une plus grande mutualisation des risques ne signifie pas pour autant une homogénéisation des conditions tarifaires. Outre les risques de santé, le coût de l'assurance emprunteur varie également en fonction de l'âge, de la catégorie socioprofessionnelle, du caractère fumeur ou non de l'assuré, du montant du prêt, ou encore de la localisation du bien immobilier. Cette proposition ne se traduit pas par l'abandon du principe de tarification individuelle.

Enfin, le risque assumé par l'assureur est plus modéré qu'on pourrait l'imaginer. D'une part, cette prise de risque s'étale sur la durée effective du prêt, soit environ dix ans, et non sur la durée de remboursement initialement prévue. D'autre part, je propose d'assortir la suppression du questionnaire médical de deux conditions cumulatives pour contenir l'exposition des assureurs aux risques. La première est celle du plafonnement à 200 000 euros du prêt pouvant être assuré sans questionnaire médical, ce qui s'approche du montant moyen d'un crédit immobilier. La seconde est que l'échéance de remboursement du prêt doit intervenir avant le soixante-cinquième anniversaire de l'assuré, ce qui correspond à l'âge approximatif de la fin de la vie active. Cette limite d'âge permet a priori de cibler une population encore relativement jeune, présentant un risque aggravé de santé moindre.

Mes chers collègues, le principe cardinal que je vous propose de suivre est celui d'une forte solidarité entre les assurés, celui d'un droit à l'oubli enfin réel et immédiat et celui de la fin des discriminations selon l'état de santé. La mutualisation des risques est au coeur du fonctionnement de l'assurance, comme notre commission l'a souvent rappelé au cours des derniers mois, avec la crise sanitaire. En aucun cas il ne s'agit de pénaliser les « bons profils » pour l'accès à l'assurance emprunteur, car ce marché leur est déjà grand ouvert. Nous devons être au rendez-vous pour les profils les plus fragiles, d'autant plus que l'accès à la propriété conditionne nettement le niveau de vie à la retraite.

M. Daniel Gremillet , rapporteur de la commission des affaires économiques . - Je partage les réflexions que Jean-Baptiste Blanc vient de vous présenter. Nous avons travaillé ensemble et mené des auditions en commun de manière productive. Des amendements identiques seront présentés dans nos deux commissions.

L'assurance emprunteur est un sujet dont on discute depuis une décennie. L'amendement Bourquin, adopté en 2017, a ouvert la possibilité pour les emprunteurs de résilier leur contrat d'assurance. Le dispositif a fonctionné, puisque de nombreux clients ont renégocié leur contrat et que certaines banques qui proposent aussi une assurance emprunteur ont revu leurs tarifs à la baisse, à hauteur de 20 % à 40 % pour les plus jeunes de leurs clients et de 30 % pour les plus de 55 ans.

En revanche, les médias s'agitent inutilement lorsqu'ils évoquent des économies de l'ordre de 15 000 à 30 000 euros sur l'assurance emprunteur. La réalité est bien différente, puisque, selon les simulations réalisées par la direction générale du Trésor, pour un prêt de 190 000 euros, les économies seront de 130 euros par an ou 1 300 euros sur dix ans, en moyenne. La fourchette peut monter jusqu'à 5 000 euros pour des emprunts plus importants.

Comme l'a dit Jean-Baptiste Blanc, l'enjeu essentiel reste l'information des clients. Nous avons donc veillé à renforcer l'obligation d'une information annuelle et l'obligation de bien cadrer le délai dans lequel l'assuré peut renégocier, à risques identiques, son contrat d'assurance emprunteur.

Autre point essentiel, nous avons veillé à permettre une forme de solidarité ou de mutualisation de la gestion des risques. Nous avons entendu de nombreux acteurs. L'attente sociétale est immense, notamment parmi les jeunes qui peuvent également être touchés par des problèmes de santé. Il faut donc qu'ils puissent bénéficier d'une baisse des tarifs.

Nous avons aussi souhaité faire disparaître le questionnaire de santé pour les personnes âgées de moins de 45 ans qui souhaitent emprunter sur vingt ans. Le curseur a été fixé à 200 000 euros, ce qui s'approche du montant moyen d'un crédit immobilier, sans prendre en compte toutefois la situation très particulière des villes où la pression immobilière est importante, notamment à Paris. Là encore, il faudra ouvrir la possibilité d'accéder à l'emprunt sans questionnaire de santé. Nous continuons de travailler sur ce sujet d'ici à la séance publique.

Enfin, le droit à l'oubli doit aussi valoir pour les plus de 45 ans. La convention Aeras prévoit un délai de dix ans dans le cas d'un cancer, et cela fonctionne bien. Il faudrait exclure également du questionnaire médical certaines maladies chroniques, comme le diabète ou l'insuffisance rénale. Nous peaufinerons notre travail sur ce sujet avant l'examen du texte en séance.

Je tiens à remercier la commission des finances pour son accueil et son écoute.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Je fais le pari que le travail que les deux rapporteurs ont mené de concert a permis de placer le véritable sujet au coeur de la proposition de loi, à savoir une nouvelle forme de mutualisation dans laquelle la solidarité entre les générations est organisée quels que soient l'âge et l'état de santé de l'emprunteur. Ce point est essentiel.

Je crois me souvenir que, lorsque l'idée de la résiliation infra-annuelle à tout moment avait déjà été poussée à l'occasion de l'examen de textes précédents, l'on avait déjà plutôt fait machine arrière vers la résiliation annuelle pour éviter de tomber dans des chausse-trappes qui auraient permis aux assureurs de bénéficier de quelques niches rentables tout en pénalisant certaines personnes pour des considérations de santé ou d'âge.

Avant l'examen du dernier projet de loi de finances, j'avais entendu l'association Séropotes, avec qui j'avais échangé et convenu qu'il faudrait prendre leur sujet à bras le corps même si leur proposition devait encore être travaillée. Le Sénat l'a tout de même adopté lors de l'examen de la première partie de la loi de finances pour 2022 et j'interprète ce vote comme l'adoption d' mesure de progrès qui constitue un appel de nos concitoyens.

Je m'inscris donc dans la démarche des rapporteurs. Nous marquerions ainsi notre volonté de réaliser un véritable progrès. En effet, dès lors qu'il n'y aura plus de questionnaire de santé, le droit à l'oubli s'appliquera de facto .

M. Pascal Savoldelli . - Je crois que nous pourrions trouver une position unanime sur l'amendement COM-37 du rapporteur pour avis, relatif à la suppression du questionnaire médical. En tout cas, je veux dire de manière générale que la question fondamentale est celle du coût du foncier. De ce point de vue, un seuil de 200 000 euros n'aura pas le même impact partout sur le territoire.

Je suis d'accord avec la position exprimée par les rapporteurs sur le droit à l'oubli. J'ajoute que la période me semble tout à fait favorable pour que le Sénat fasse bouger les choses sur ce sujet.

J'ai cependant une interrogation. Aujourd'hui, 56 % des demandes de résiliation n'aboutissent pas, et ce malgré les différentes évolutions législatives votées ces dernières années. Il faut croire que les banques, qui représentent encore plus de 80 % du marché, ont mis en place des dispositifs très efficaces... Comment lever les obstacles qui persistent ? Il faut quand même savoir que, sur 100 euros encaissés en assurance, 68 euros sont conservés par les assureurs dans le cas d'un crédit immobilier - 32 euros sont décaissés pour les sinistres -, 32 euros en cas d'assurance habitation et 21 euros pour l'automobile. Je précise que ces chiffres datent de 2018, donc d'avant l'épidémie de covid.

M. Vincent Capo-Canellas . - Il est évidemment très positif de renforcer le droit au changement d'assurance, mais cela concernera principalement le stock de contrats signés. Comment améliorer l'information au moment où les gens doivent s'assurer ? À ce moment-là, les gens pensent d'abord à l'obtention de leur prêt avant de songer à discuter de l'assurance. L'organisme qui accorde le prêt est donc dans une position privilégiée. On peut penser que, si la concurrence existe dès le départ, les gains seront plus importants. Comment avancer sur ce sujet ?

Mme Sylvie Vermeillet . - Je suis d'accord avec la position exprimée par les rapporteurs sur le titre II de la proposition de loi et avec leur proposition de supprimer le questionnaire de santé. Il restera à travailler sur le seuil, mais il s'agit d'un premier pas intéressant.

En ce qui concerne le titre I er , j'ai les mêmes chiffres que Pascal Savoldelli. Dans ces conditions, quelle est la véritable marge de progression ? Je comprends le danger de la démutualisation, mais il n'est pas certain que la mutualisation entraîne des tarifs plus homogènes. Comment aller plus loin ?

En cas d'accession à la propriété, le demandeur va discuter et se battre pour obtenir son prêt et pour en négocier le taux, mais se mobilisera peu sur le taux de l'assurance, car il est souvent pris par le temps. Il me semble qu'il faudrait améliorer la comparabilité des offres. Protéger les consommateurs ne passe-t-il pas par la capacité de leur fournir une comparaison entre plusieurs offres ?

M. Emmanuel Capus . - Il est assez effrayant de penser qu'il existe encore des discriminations sur la santé dans le domaine des assurances, alors que la loi interdit les discriminations dans de nombreux secteurs. C'est pourquoi la suppression du questionnaire de santé me semble aller dans le bon sens. Je rappelle d'ailleurs que le Sénat a déjà adopté une mesure du même ordre dans le cadre de l'examen d'un projet de loi de finances. Néanmoins, le seuil de 200 000 euros est certainement faible.

Je suis plus réservé sur l'autre point de ce texte. Il ne me semble pas pertinent de détricoter le texte voté par l'Assemblée nationale sur l'initiative de plusieurs députés et avec le soutien, cette fois, du Gouvernement. Encore aujourd'hui, les banques sont en position de force dans la négociation, ce qui explique qu'elles fournissent toujours la très grande majorité des contrats d'assurance et que 56 % des demandes de résiliation échouent. La possibilité de résilier son contrat à tout moment peut paraître excessive, mais n'est-ce pas le seul moyen de faire avancer les choses et d'imposer aux banques un véritable changement ? Les clients sont déjà contents d'obtenir un prêt, ils regardent rarement l'assurance qui va avec. En outre, il est rare que les clients connaissent les dates anniversaires des contrats. Le Sénat est traditionnellement attaché à la fois à la protection des plus faibles et à la libre concurrence ; il doit donc être attentif à ne pas dénaturer le texte qui lui est proposé.

M. Hervé Maurey . - Il est tout à fait positif d'améliorer l'information et la transparence, en particulier en ce qui concerne la date anniversaire des contrats. Il est également positif d'assouplir la règle du questionnaire de santé et de renforcer le droit à l'oubli. Il est particulièrement préoccupant que des gens n'aient pas la possibilité de s'assurer, simplement parce qu'ils ont été malades des années auparavant.

Par ailleurs, cela a été dit, il est tellement difficile d'obtenir un prêt que l'on ne fait guère attention à l'assurance. Je suis donc davantage réservé sur l'idée de revenir sur la possibilité de résilier un contrat à tout moment. D'abord, pour une raison politique : cela ne va pas dans le sens des consommateurs. Ensuite, pour une raison pratique : la relation entre l'assureur et le consommateur est très déséquilibrée. On nous dit que les gains ne seraient pas si importants, mais peu importe finalement : ils existent et la capacité de résilier offre un moyen de négociation. Je suis donc très réservé sur l'amendement COM-36 présenté par le rapporteur pour avis.

M. Jean-Baptiste Blanc , rapporteur pour avis . - Le coût du foncier est évidemment un sujet important et le seuil que nous proposons est une base de travail.

Il est vrai qu'aujourd'hui un grand nombre de demandes de résiliation échouent. Nous voulons justement corriger cette situation. Le compromis que nous avions trouvé au moment de l'examen du projet de loi ASAP, c'est-à-dire une résiliation annuelle, était intéressant, mais il faut aussi renforcer l'information et les sanctions. Daniel Gremillet proposera des amendements allant dans ce sens à la commission des affaires économiques.

En ce qui concerne la question de la date de résiliation, je rappelle qu'un assuré peut déjà résilier son contrat à tout moment durant les douze premiers mois.

Sylvie Vermeillet a évoqué l'importance de pouvoir comparer des offres. C'est l'objectif du taux annuel effectif global (TAEG), qui rassemble les différents frais à la charge de l'emprunteur. Il permet d'éclairer le choix du consommateur.

Le Sénat doit défendre les plus faibles et il serait injuste de retenir de nos propositions que nous ne voulons pas nous tourner vers la jeunesse. Nous souhaitons mettre un terme aux discriminations, ce qui me semble constituer un message fort. Nous disposons de peu d'éléments chiffrés sur les gains réalisés à la suite des résiliations ; le ministère est d'ailleurs assez gêné sur ce sujet précis, qui n'est pas bien documenté et pour lequel les gains constatés varient considérablement selon les hypothèses retenues. Il faut souligner, en outre, que le Gouvernement a, en deux ans, changé d'avis...

Je crois que nous devons nous poser la question de savoir dans quelle société nous voulons vivre, notamment en termes de mutualisation. La résiliation infra-annuelle favorise naturellement les courtiers. Je crois plus intéressant de partir des travaux du Sénat, censurés par le Conseil constitutionnel pour une raison de forme : il faut mieux informer les consommateurs, notamment sur la date anniversaire du contrat. Il n'y a pas de raison que cela ne fonctionne pas.

Le seuil de 200 000 euros que nous proposons à ce stade de nos débats couvrirait près de 80 % des contrats d'assurance emprunteur, tout en contenant les risques pour les assureurs, puisque les coûts des sinistres sont limités contractuellement. Mais, nous l'avons dit, ce chiffre pourra évoluer.

Pour conclure, je dirai que la résiliation à tout moment n'est pas l'outil le plus important pour éviter les manoeuvres dilatoires, puisque celles-ci existent, alors que les contrats peuvent être résiliés à tout moment durant les douze premiers mois.

M. Daniel Gremillet , rapporteur de la commission des affaires économiques . - Une partie des demandes échouent par le fait que les banques prennent divers prétextes pour refuser ou ne pas répondre. Nous voulons justement encadrer les pratiques pour éviter de telles manoeuvres. Cela repose notamment sur la bonne information du consommateur et sur les délais dont dispose l'assureur pour répondre.

Depuis quatre ans, l'expérience montre clairement que les personnes qui sont au courant des procédures - les initiés, si je puis dire - n'ont pas besoin du texte de l'Assemblée nationale, c'est-à-dire de pouvoir résilier à tout moment. En outre, on constate que les tarifs ont baissé. À ce stade, il faut rendre obligatoire l'information annuelle.

Il s'agit d'un sujet qui passionne beaucoup ; je salue d'autant plus la qualité du travail réalisé en commun avec Jean-Baptiste Blanc.

EXAMEN DES ARTICLES

Titre I er

M. Jean-Baptiste Blanc , rapporteur pour avis . - L'amendement COM-35 de conséquence met en cohérence l'intitulé du titre I er avec le contenu de l'article 1 er , tel que modifié par l'amendement COM-36 , que nous allons examiner ensuite.

L'amendement COM-35 est adopté.

Article 1 er

M. Jean-Baptiste Blanc , rapporteur pour avis . - L'amendement COM-36 remplace le principe de la résiliation à tout moment, proposé par la présente proposition de loi, par une meilleure définition de la date à laquelle peut être mise en oeuvre la résiliation annuelle prévue par les textes existants.

L'amendement COM-36 est adopté.

Après l'article 7

M. Jean-Baptiste Blanc , rapporteur pour avis . - L'amendement COM-37 vise à supprimer, sous certaines conditions, les questionnaires et examens médicaux auxquels doivent se soumettre les emprunteurs, lorsqu'ils souscrivent une assurance emprunteur dans le cadre de leur prêt immobilier.

L'amendement COM-37 est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption de la proposition de loi sous réserve de l'adoption de ses amendements.

M. Claude Raynal , président . - Ces amendements seront donc présentés à la commission des affaires économiques, au nom de notre commission, pour l'élaboration de son texte.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page