EXAMEN DES ARTICLES

Article 4
Délit de harcèlement scolaire et universitaire

Cet article tend à créer un délit spécifique de harcèlement lié à la présence initiale du ou des auteurs des actes et de l'élève victime au sein d'un même établissement d'enseignement.

1. Le dispositif de la proposition de loi initiale

Il existe à l'heure actuelle quatre infractions relatives au harcèlement dans le code pénal :

- le harcèlement sexuel (article 222-33) ;

- le harcèlement moral (article 222-33-2) ;

- le harcèlement moral au sein du couple (article 222-33-2-1) ;

- le délit général de harcèlement (article 222-33-2-2).

Leur rédaction est, pour l'essentiel, issue de la loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes qui a, d'une part, harmonisé les éléments constitutifs des délits de harcèlement moral au travail et de harcèlement psychologique au sein du couple avec la définition du délit de harcèlement sexuel, et d'autre part, créé le délit général de harcèlement, susceptible d'être aggravé notamment en cas d'utilisation d'un moyen de communication au public en ligne ou lorsque la victime est particulièrement vulnérable ou mineure de quinze ans. Les peines prévues par l'article 222-33-2-2 sont majorées (trois ans de prison et 45 000 euros d'amende) lorsqu'aux moins deux circonstances aggravantes sont réunies.

La loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes a complété ces articles pour permettre de qualifier de harcèlement les actes dirigés par plusieurs personnes contre une seule victime, même si chacune n'a agi qu'une fois.

Comme le soulignent tant les rapports de notre ancienne collègue Virginie Klès que ceux du député Sébastien Denaja, l'objectif de l'article 222-33-2-2 est de lutter contre le cyberharcèlement, particulièrement en milieu scolaire.

Les auteurs de la proposition de loi ont cependant considéré que l'absence de délit spécifique était de nature à rendre plus difficile le dépôt de plainte et le traitement judiciaire des infractions liées au milieu scolaire ainsi que le suivi du phénomène.

Surtout trois critiques sont adressées à l'article 222-33-2-2 :

- la distinction des peines selon l'âge de la victime créerait un effet de seuil difficilement compréhensible dans le milieu scolaire autour de l'âge de quinze ans ;

- le harcèlement serait davantage sanctionné lorsqu'il a lieu en ligne que lorsqu'il se déroule au sein d'un établissement, ce qui paraît incohérent avec l'objectif de lutte contre le harcèlement scolaire ;

- le quantum de peine proposé serait trop faible au regard de celui prévu pour le harcèlement au travail ou au sein du couple alors que la situation de huis clos serait similaire.

L'article 4 de la proposition de loi propose de sanctionner spécifiquement le harcèlement scolaire, caractérisé par renvoi à l'article 222-33-2-2 et dont il constitue donc un cas particulier. Un élément constitutif supplémentaire est prévu. Les faits doivent avoir commencé alors que le ou les auteurs et l'élève victime étudiaient ou exerçaient une activité professionnelle au sein du même établissement d'enseignement. La victime est donc nécessairement élève, tandis que les auteurs peuvent être élèves ou tout autre intervenant en milieu scolaire (professeurs, administratifs, intervenants extérieurs, etc .).

Le quantum de peine est pour sa part supérieur à celui prévu par l'article 222-33-2-2 et aligné sur celui prévu pour l'infraction de harcèlement conjugal. Il varie en fonction du préjudice subi par la victime. Il est de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende, ce qui est la peine maximale prévue par l'article 222-33-2-2, si le harcèlement a causé une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours, ou lorsqu'il n'a entraîné aucune incapacité totale de travail ; de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende lorsque les faits ont causé une incapacité totale de travail de plus de huit jours ; de dix ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende quand ces faits ont amené la victime à mettre fin à ses jours ou à tenter d'y mettre fin.

Par ailleurs, le droit pénal ne distinguant pas les établissements selon qu'il s'agit d'établissements scolaires (écoles, collège, lycée) ou autres, ce sont tous les établissements d'enseignement, quel que soit leur niveau, qui sont concernés.

Tous les faits de harcèlement, physique ou en ligne, sont également punis, et aucune circonstance aggravante n'est prévue.

2. La position de la commission des lois

La commission des lois partage l'analyse faite par l'Assemblée nationale sur la nécessité de sanctionner spécifiquement les faits de harcèlement au sein des établissements d'enseignement. Cependant, fonder la possibilité de sanctions lourdes sur la seule présence commune de l'auteur et de la victime au sein d'un même établissement d'enseignement paraît trop restrictif par rapport à la réalité des faits de harcèlement susceptibles de toucher élèves et étudiants. Ainsi, les cas de harcèlement impliquant des élèves d'établissements différents mais réunis géographiquement ou survenant à l'occasion d'un ramassage scolaire seraient moins sévèrement sanctionnés, sans que la victime puisse davantage se soustraire à la présence physique du ou des auteurs que s'ils se trouvaient dans la même structure juridique.

Le quantum de peine proposé paraît par ailleurs trop élevé par rapport à l'objectif affiché de la proposition de loi, qui est de prévenir le harcèlement scolaire et non de sanctionner par de lourdes peines de prison les mineurs qui peuvent s'en rendre coupables. L'effet dissuasif d'une échelle de sanction lourde est par ailleurs contestable et ne peut se substituer à la nécessité d'une action pédagogique résolue au niveau de chaque établissement.

Enfin, il a paru à la commission nécessaire de distinguer ce qui relève du harcèlement entre élèves et les faits impliquant des adultes, personnels des établissements d'enseignement. Ces faits doivent être sanctionnés mais ne peuvent être appréhendés de la même manière.

La commission a donc adopté l' amendement COM-4 présenté par le rapporteur, tendant à prévoir que le harcèlement entre élèves d'un même établissement constitue une nouvelle circonstance aggravante du harcèlement moral tel que défini à l'article 222-33-2-2 du code pénal. Seront ainsi sanctionnés par un quantum de peine identique tous les cas de harcèlement impliquant des élèves, avec un niveau de peines renforcé lorsque la victime a moins de quinze ans ou est particulièrement vulnérable, ou encore lorsque le harcèlement est à la fois physique et en ligne.

La commission propose à la commission saisie au fond d'adopter l'article ainsi modifié.

Article 4 bis
Saisie des instruments ayant permis l'accès à un service de communication au public en ligne dans le cadre d'un harcèlement scolaire

Cet article tend à faciliter la saisie et la confiscation de téléphones portables, tablettes et ordinateurs qui auront été utilisés par des personnes pour harceler un élève en utilisant les réseaux sociaux.

1. Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

Cet article est issu d'un amendement adopté en séance publique à l'Assemblée nationale à l'initiative de Zivka Park et de plusieurs de ses collègues. Il tend à compléter l'article 131-21 du code pénal relatif à la peine de confiscation, afin de rendre plus efficace la répression du délit de harcèlement scolaire en précisant que si une infraction a été commise en utilisant un service de communication au public en ligne, l'instrument utilisé accéder à ce service sera considéré comme un bien meuble ayant servi à commettre l'infraction et pourra être confisqué, et qu'il pourra être saisi au cours de l'enquête ou de l'instruction conformément aux dispositions du code de procédure pénale. Ces dispositions permettent ainsi la saisie et la confiscation des téléphones portables et des ordinateurs qui auront été utilisés par des personnes pour harceler un élève en utilisant les réseaux sociaux.

Cette possibilité, comme le note les auteurs de l'amendement, découle déjà de l'article 222-44 du code pénal dont le 7° prévoit « la confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l'infraction ».

2. La position de la commission

Aux yeux du rapporteur, l'impact de cet article et sa portée normative semblent relativement limités au rapporteur. Toutefois, dans une décision n° 2021-949/950 QPC du 24 novembre 2021, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution six alinéas de l'article 131-21 du code pénal au motif que cet article ne prévoit pas que l'époux non condamné doit être mis en mesure de présenter ses observations sur la mesure de confiscation devant la juridiction de jugement qui envisage de la prononcer lorsque celle-ci porte sur un bien commun. Cette décision, dont les effets sont différés au 31 décembre 2022, aura pour conséquence, si l'article 131-21 n'est pas modifié afin d'en tirer les conséquences, de supprimer la peine de confiscation à compter de cette date. Il a donc paru opportun à la commission, en adoptant l' amendement COM-2 du rapporteur, de réécrire l'article 4 bis afin de procéder aux modifications exigées par cette décision QPC, en prévoyant notamment que toute personne ayant un droit de propriété sur un bien susceptible de confiscation, et pas uniquement un tiers (ce qui peut être compris comme excluant le conjoint de la personne poursuivie), doit pouvoir s'expliquer devant la juridiction.

Par ailleurs, dans sa décision n° 2021-952 QPC du 3 décembre 2021, le Conseil constitutionnel a censuré les dispositions du code de procédure pénale relatives aux réquisitions, au motif qu'elles permettent de requérir des données de connexion sans prévoir de garanties propres à assurer une conciliation équilibrée entre le droit au respect de la vie privée et la recherche des auteurs d'infractions, et il a également différé les effets de sa décision, au 31 décembre 2022.

Ces réquisitions sont cependant indispensables pour identifier les auteurs de harcèlement scolaire commis par le biais de réseaux sociaux, ce qui est fréquemment le cas. Dès lors, afin d'éviter l'impunité de ces personnes, il a paru à la commission nécessaire de compléter le code de procédure pénale pour prévoir, en matière de réquisition de données de connexion, des garanties répondant aux exigences constitutionnelles. L' amendement COM-5 du rapporteur prévoit ainsi que ces réquisitions ne seront possibles que pour les crimes ou les délits punis d'au moins trois ans d'emprisonnement, et si les nécessités de la procédure l'exigent (ces conditions étant notamment similaires à celles prévues par l'article 100 du CPP pour les écoutes téléphoniques).

La commission propose à la commission saisie au fond d'adopter l'article ainsi modifié.

Article 5
Enregistrement de l'audition du mineur victime de harcèlement
dans le cadre d'une procédure pénale

Cet article tend à favoriser l'enregistrement de l'audition des mineurs victimes de harcèlement en inscrivant explicitement cette possibilité dans le code de procédure pénale.

1. Le dispositif de la proposition de loi initiale

L'article 706-52 du code de procédure pénale prévoit que l'audition d'une victime mineure, au cours de l'enquête policière et de l'information judiciaire, fait obligatoirement l'objet d'un enregistrement audiovisuel pour un certain nombre d'infractions d'une particulière gravité, afin d'éviter à la victime la multiplication des témoignages. Ne figurent pas parmi les cas d'enregistrement obligatoire les situations de harcèlement dont un mineur serait victime. La Chancellerie encourage cependant cette pratique.

Afin de la conforter, le présent article complète l'article 706-52 pour inclure dans le champ des enregistrements obligatoires les cas de harcèlement et de harcèlement scolaire lorsque la victime est mineure.

2. La position de la commission

Si le rapporteur s'interroge sur le caractère véritablement incitatif de cette mesure, il n'en demeure pas moins que la pratique de l'enregistrement doit être encouragée. En conséquence, la commission a jugé utile le maintien de ce dispositif et adopté l' amendement COM-6 de coordination proposé par le rapporteur.

La commission propose à la commission saisie au fond d'adopter l'article ainsi modifié.

Article 6
Stage de responsabilisation à la vie scolaire

Cet article tend à ouvrir la possibilité que les stages prononcés dans le cadre des mesures éducatives judiciaires comportent des modules relatifs au harcèlement scolaire.

1. Le dispositif de la proposition de loi initiale

Cette disposition tend à compléter le code de la justice pénale des mineurs pour prévoir que les stages prononcés par le procureur comme alternative au jugement ou par la juridiction de fond comme complément ou alternative aux poursuites puissent comporter un volet spécifique de sensibilisation au risque liés au harcèlement scolaire.

2. La position de la commission

Cet article relevant du domaine réglementaire, la commission a adopté l' amendement COM-7 du rapporteur supprimant cet article.

La commission propose à la commission saisie au fond de supprimer cet article.

Article 7
Lutte contre le harcèlement scolaire par les prestataires de services de communication au public en ligne

Cet article tend à obliger les fournisseurs d'accès à internet et les hébergeurs à mettre en place un dispositif de signalement accessible à toute personne et à informer promptement les autorités compétentes des faits qui leur sont signalés. Les opérateurs de plateforme les plus importants seront en outre astreints à des obligations renforcées.

1. Le dispositif de la proposition de loi initiale

Cet article tend à aligner les obligations pesant sur les fournisseurs d'accès internet et les hébergeurs en matière de harcèlement scolaire et universitaire sur celles existant en matière de harcèlement sexuel, de pédopornographie et d'apologie du terrorisme. Ces obligations consistent essentiellement dans l'obligation de mettre en place un dispositif de signalement accessible à toute personne et d'informer promptement les autorités compétentes des faits qui leur sont signalés.

2. La position de la commission

La lutte contre le cyberharcèlement appelle nécessairement une plus grande implication des plateformes d'accès. Le présent article tend à renforcer les obligations en la matière par l'intermédiaire des fournisseurs d'accès. Toute réponse en ce domaine reste cependant nécessairement partielle en l'absence de normes européennes qui sont actuellement en cours d'élaboration.

Par coordination avec la réécriture de l'article 4, qui réintègre le harcèlement au sein des établissements d'enseignement à l'infraction générale de harcèlement, mais aussi dans l'attente d'une disposition d'ensemble cohérente sur les obligations des plateformes internet, la commission a adopté l'amendement COM-8 du rapporteur supprimant cet article.

La commission propose à la commission saisie au fond d'adopter de supprimer cet article.

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