N° 169

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 novembre 2021

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2022 ,

TOME VI

ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

Par M. Alain MARC,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet, président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Alain Richard, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche, vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Agnès Canayer, secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Nadine Bellurot, Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Ludovic Haye, Loïc Hervé, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mmes Lana Tetuanui, Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 4482 , 4502 , 4524 , 4525, 4526 , 4527 , 4597 , 4598 , 4601 , 4614 et T.A. 687

Sénat : 162 et 163 à 169 (2021-2022)

L'ESSENTIEL

Après avoir entendu Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice 1 ( * ) , le mardi 9 novembre 2021, la commission des lois, réunie le mercredi 17 novembre 2020 sous la présidence de François-Noël Buffet (Les Républicains - Rhône), a donné, sur le rapport d' Alain Marc (Les Indépendants - Aveyron), un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 107 « Administration pénitentiaire » de la mission « Justice », inscrits au projet de loi de finances pour 2022 .

Pour la deuxième année consécutive, les crédits de paiement progressent au rythme élevé de 9 %, hors contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) Pensions (qui retrace les crédits consacrés au financement des pensions versées par l'État). En incluant les dépenses relatives aux pensions, les crédits s'établissent à 4,584 milliards d'euros , en hausse de 316,4 millions d'euros par rapport à la loi de finances pour 2021. Les autorisations d'engagement s'établissent à 6,5 milliards d'euros, en progression de 4,4 %.

Cette dynamique des dépenses s'explique, en grande partie par la poursuite du programme « 15 000 », qui vise à augmenter de 15 000 places la capacité du parc pénitentiaire. Ce programme entraîne d'importantes dépenses immobilières et rend indispensables des recrutements pour assurer le fonctionnement des futurs établissements. Elle résulte aussi d'investissements destinés à améliorer la sécurité dans les établissements pénitentiaires et d'améliorations de la situation indemnitaire des personnels.

Ces moyens importants sont justifiés au regard des besoins de l'administration pénitentiaire et des retards accumulés. Ils posent cependant la question de l'évaluation de l'action de l'administration pénitentiaire , qui demeure insuffisamment développée : rares sont les études qui permettent d'apprécier les effets d'une peine de prison, d'une peine de détention à domicile sous surveillance électronique, d'une peine de travail d'intérêt général (TIG), notamment, sur le taux de récidive et les chances de réinsertion du condamné. Les indicateurs figurant dans le projet annuel de performance (PAP) fournissent plus une mesure de l'activité des services qu'une estimation de l'effet des peines prononcées sur le parcours des personnes placées sous main de justice. L'administration pénitentiaire, et le ministère de la justice de manière plus générale, gagneraient à investir plus fortement le champ de l'évaluation.

Le Parlement doit également assurer pleinement sa mission de contrôle. À cet égard, le rapporteur pour avis regrette que, pour la deuxième année consécutive, aucune réponse à son questionnaire budgétaire ne lui soit parvenue le 10 octobre 2021, date limite fixée par la loi organique sur les lois de finances, ce qui l'a privé d'informations utiles à son travail d'analyse.

I. LE PROGRAMME DE CONSTRUCTION ACCUSE UN RETARD EN DÉPIT DE LA FORTE PROGRESSION DES CRÉDITS

Comme en 2021, les dépenses d'investissement pour l'immobilier pénitentiaire devraient fortement progresser l'an prochain, passant de 555,8 millions d'euros de crédits de paiement à 636,3 millions d'euros, soit un montant en hausse de 14,5 % par rapport à la loi de finances pour 2021 . Pourtant, la livraison de 7 000 places de prisons d'ici à la fin de l'année 2022, première tranche du programme « 15 000 », ne pourra être assurée en raison des retards accumulés.

A. UN REPORT À 2023 DE L'ACHÈVEMENT DES 7 000 PREMIÈRES PLACES

L'an dernier, le rapporteur s'était interrogé sur la capacité de l'État à mener à bien la première tranche de 7 000 places dans le délai prévu. L'administration pénitentiaire reconnaît désormais que le calendrier ne sera pas tenu et que la première tranche ne sera pas achevée avant 2023.

Différents facteurs peuvent expliquer ce glissement du calendrier : la difficulté de trouver des terrains, notamment dans les zones denses d'Ile-de-France ; la crise sanitaire, qui a interrompu provisoirement certains chantiers puis a ralenti les travaux en raison de l'application des protocoles sanitaires ; des goulets d'étranglement en région parisienne, les entreprises du BTP étant très sollicitées par les projets du Grand Paris et par la préparation des Jeux Olympiques de 2024 ; des contraintes environnementales de plus en plus fortes.

Un autre facteur limitant réside dans le dimensionnement de l'Agence publique pour l'immobilier de la justice (APIJ), qui est le principal opérateur de maîtrise d'ouvrage du ministère de la justice, en charge de la construction des établissements pénitentiaires et des palais de justice. Ses moyens ont été significativement renforcés, puisque l'agence comptait environ 90 collaborateurs il y a une dizaine d'années alors qu'elle en emploie aujourd'hui 140. Quelques recrutements supplémentaires paraissent cependant nécessaires, afin de se rapprocher des 150 ETP, si l'on veut que l'APIJ soit en mesure de piloter les nombreux projets en cours et à venir.

En ce qui concerne l'état d'avancement de la première tranche de 7 000 places, l'administration pénitentiaire indique que 2 049 places supplémentaires auront été livrées à la fin de l'année 2021. Dans la mesure où l'ouverture de nouveaux établissements s'accompagne de la fermeture d'établissements vétustes, plus de 4 000 places ont dû être construites pour atteindre cet objectif.

En novembre 2021, les 520 places du centre pénitentiaire de Lutterbach ont été mises en service, ce qui a permis de fermer en parallèle les maisons d'arrêt de Colmar et de Mulhouse, construites au XIX e siècle, qui comptaient 397 places.

Sont en cours les chantiers des centres pénitentiaires de Caen-Ifs, Troyes-Lavau, Bordeaux-Gradignan et Koné, en Nouvelle-Calédonie, la maison d'arrêt de Basse-Terre et les structures d'accompagnement vers la sortie (SAS) de Caen, Le Mans-Coulaines, Avignon, Valence, Osny et Meaux. Ils aboutiront à l'ouverture de 2 541 places nettes. Les autres chantiers nécessaires à l'achèvement des 7 000 places débuteront au premier semestre 2022. Ils concerneront les centres pénitentiaires de Baie-Mahaut et Baumettes-3 et les SAS de Ducos, d'Orléans, de Noisy-le-Grand, Colmar et Toulon, pour un total de 2 500 places supplémentaires.


* 1 Le compte rendu de cette réunion est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20211108/lois.html#toc4

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