Avis n° 165 (2021-2022) de MM. Bruno SIDO et Guillaume GONTARD , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 18 novembre 2021

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Synthèse du rapport (803 Koctets)


N° 165

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 novembre 2021

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2022 ,

TOME III

ACTION EXTÉRIEURE DE L' ÉTAT

Français à l'étranger et affaires consulaires (Programme 151)

Par MM. Bruno SIDO et Guillaume GONTARD,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon, président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Olivier Cigolotti, André Gattolin, Guillaume Gontard, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Pierre Laurent, Philippe Paul, Cédric Perrin, Gilbert Roger, Jean-Marc Todeschini, vice-présidents ; Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, Isabelle Raimond-Pavero, M. Hugues Saury, secrétaires ; MM. François Bonneau, Gilbert Bouchet, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Alain Cazabonne, Pierre Charon, Édouard Courtial, Yves Détraigne, Mmes Catherine Dumas, Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Bernard Fournier, Mme Sylvie Goy-Chavent, M. Jean-Pierre Grand, Mme Michelle Gréaume, MM. André Guiol, Abdallah Hassani, Alain Houpert, Mme Gisèle Jourda, MM. Alain Joyandet, Jean-Louis Lagourgue, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Panunzi, François Patriat, Gérard Poadja, Stéphane Ravier, Bruno Sido, Rachid Temal, Mickaël Vallet, André Vallini, Yannick Vaugrenard.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 4482 , 4502 , 4524 , 4525, 4526 , 4527 , 4597 , 4598 , 4601 , 4614 et T.A. 687

Sénat : 162 et 163 à 169 (2021-2022)

L'ESSENTIEL

Alors que l'administration consulaire retrouve progressivement son niveau d'activité antérieure à la crise sanitaire et que le ministre a annoncé le maintien des aides en 2022, vos rapporteurs signalent - et s'étonnent - que, à périmètre constant et déduction faite des crédits dédiés aux scrutins de 2022, le budget du programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » baisse de 3 % , pour s'établir à un niveau inférieur aux crédits consommés en 2020 et votés pour 2021.

Il en ressort deux préoccupations majeures relatives :

- au risque de sous-budgétisation de plusieurs dispositifs d'aides pour continuer à faire face à la crise sanitaire ;

- et à l'effectivité du déploiement des réformes de modernisation de l'administration consulaire .

I. LES CARACTÉRISTIQUES DU BUDGET 2022

A. L'ORGANISATION DES ÉLECTIONS PRÉSIDENTIELLES ET LÉGISLATIVES

D'un montant de 374,2 M€ en crédits de paiement pour 2022, le budget du programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires » reste stable - la progression n'étant que de 0,5 % - par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiales pour 2021 (372,3 M€). Cette stabilité n'est qu'apparente.

Une évolution majeure de périmètre doit être prise en compte : l'année 2022 se caractérisera par l'organisation des élections présidentielles et législatives , ces dernières devant faire l'objet pour la première fois d'un scrutin électronique , et l'affectation d'une enveloppe spécifique (13,3 M€) en provenance du programme 232 « Vie politique, culturelle et associative » du ministère de l'intérieur.

B. UN BUDGET, À PÉRIMÈTRE CONSTANT, EN BAISSE DE 3 % POUR 2022

Vos rapporteurs pour avis constatent que, à périmètre constant et déduction faite des crédits dédiés aux scrutins de 2022, le budget du programme 151 baisse de 3 %, pour s'établir à un niveau inférieur aux crédits consommés en 2020 et votés pour 2021. Hors coût des élections, la dotation s'établit à 360,9 M€ .

Baisse à périmètre constant des crédits du programme 151 pour 2022

(en million d'euros)

Source : Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées d'après les documents budgétaires (rapport annuel de performance 2020, projets annuels de performance 2021 et 2022)

C. UNE ADMINISTRATION CONSULAIRE QUI S'EST PLEINEMENT MOBILISÉE POUR RELEVER LE DÉFI DE LA CRISE SANITAIRE

L'année 2020 a été fortement impactée par les vagues successives de la pandémie de Covid, à la fois brutalement et de manière très aléatoire selon les pays. Si bien que le gouvernement a rapidement réagi (loi du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020) en ouvrant 100 M€ de crédits supplémentaires en faveur de l'aide à la scolarité et du secours occasionnel de solidarité (SOS-Covid). À cet égard, les rapporteurs pour avis saluent à la fois cette initiative et les agents de l'administration et des 207 postes consulaires dans le monde qui se seront mobilisés depuis 2020 pour la vaccination des Français établis hors de France (60 000 vaccinés et plus de 100 000 QR code de passe sanitaire) et venir en aide aux quelque 87 000 bénéficiaires à ce jour de l'aide ponctuelle SOS-Covid.

Postes consulaires
dans le monde

Personnes vaccinées dans une soixantaine de pays

Bénéficiaires du secours occasionnel de solidarité (SOS) depuis avril 2020

Les 100 M€ supplémentaires n'auront pas été intégralement consommés mais ils auront été en partie nécessaires : la loi de règlement pour 2020 a ainsi établi à 398,4 M€ les dépenses consommés en 2020, soit 25,9 M€ de plus que le montant voté en LFI 2020 (372,5 M€). Dans ce contexte, et alors que les rapporteurs ont été informés du dépassement en cours d'année 2021 de plusieurs dispositifs d'aide, ils considèrent que le budget pour 2022 , doté de 360,9 M€ à périmètre constant, présente un risque de sous-budgétisation de plusieurs dispositifs d'aide pour continuer à faire face à la crise sanitaire .

Au sortir de ces deux dernières années, 2020 et 2021, qui auront mobilisé des crédits supplémentaires pour faire face aux effets de la crise sanitaire, cette baisse significative de crédits ne semble pas tenir compte du fait que l'administration consulaire retrouve progressivement son activité antérieure et que le ministre a annoncé le maintien des aides en 2022.

II. UN RISQUE DE SOUS-BUDGÉTISATION DE PLUSIEURS DISPOSITIFS D'AIDE

Au cours de leurs auditions, les rapporteurs ont identifié plusieurs points de vigilance.

A. L'AIDE À LA SCOLARITÉ : UNE SOUS-BUDGÉTISATION VOLONTAIRE DEVANT ÊTRE COMPLÉTÉE PAR L'EXCÉDENT DE TRÉSORERIE DE L'AGENCE POUR L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS À L'ÉTRANGER (AEFE)

Près de 140 M€ ont été versés pour l'aide à la scolarité en 2020. Or pour 2022, les crédits dédiés à l'aide à la scolarité ne s'élèvent qu'à 95 M€, en baisse de 8 % par rapport à 2021. Cette dotation, volontairement sous-évaluée par le ministère, a vocation à être complétée par les excédents de trésorerie que l'AEFE a constitués au fil des ans sur la base de crédits alloués mais non consommés. Le ministère évalue à 71 M€ la « soulte » mobilisable par l'AEFE pour compléter la dotation budgétaire. Cette situation semble soutenable pour les deux ou trois années à venir, mais les rapporteurs ont convenu avec la direction des Français à l'étranger (DFAE) que ce système ne pouvait pas être pérenne . Il requiert en tout état de cause une plus grande rigueur de l'Agence dans la prévision et la consommation des crédits budgétaires qui lui sont versés pour le financement des bourses scolaires.

B. LES AIDES SOCIALES ET LE MAINTIEN EN 2022 DU SOS-COVID ENTRAINENT UN RISQUE MAJEUR DE DÉPASSEMENT DE CRÉDITS EN COURS D'ANNÉE

En 2020, le total général de l'aide sociale a atteint un niveau de consommation de 17,8 M€ réparti entre 12,7 M€ d'allocation en faveur de 4211 bénéficiaires, 4,9 M€ au titre du SOS-Covid décidés en avril 2020 (29 000 versements de SOS en 2020) et 200 000 euros d'aides exceptionnelles. En 2021, près de 58 000 nouveaux bénéficiaires étaient recensés début novembre, soit un total d'environ 87 000 bénéficiaires depuis avril 2020. La progression du dispositif SOS-Covid, dont le ministre a annoncé le maintien en 2022, risque donc de dépasser la dépense constatée en 2020. Dans ces conditions, la prévision de dépense globale de 15,2 M€ pour 2022 risque d'être insuffisante sachant que, comme le précise le projet annuel de performances du programme 151, « indépendamment de la crise sanitaire, une partie des Français résidant à l'étranger continue à se paupériser » notamment par les effets de crises locales au Venezuela, en Égypte, au Brésil, en Argentine et au Liban.

C. LES ORGANISMES LOCAUX D'ENTRAIDE ET DE SOLIDARITÉ (OLES) DEVRONT CONTINUER À ÊTRE ACCOMPAGNÉS À UN NIVEAU DÉJÀ SUPÉRIEUR AUX CRÉDITS PRÉVUS POUR 2022

Pour 2022, la budgétisation de 1,4 M€ en faveur de 123 associations est maintenue au même niveau que celui de 2021, lequel représentait déjà une augmentation d'un million d'euros par rapport à 2020 (0,4 M€). Mais là encore, le besoin excède déjà la prévision si l'on se réfère au niveau de consommation des crédits de 2020 (2,17 M€ pour 108 associations) et de l'année 2021 en cours où, d'ores et déjà 1,7 M€ ont été versés.

D. LE DISPOSITIF D'AIDE DE LA CAISSE DES FRANÇAIS DE L'ÉTRANGER (CFE) DOIT ÊTRE MIEUX DIFFUSÉ AUPRÈS DES FRANÇAIS LES PLUS DÉMUNIS

Enfin, la situation sanitaire a également entraîné une hausse du nombre de bénéficiaires de la catégorie dite "aidée", qui a pour objet de permettre aux Français expatriés les plus démunis de bénéficier de la protection sociale offerte par la CFE tout en s'acquittant d'une cotisation minorée (201 € par trimestre). En 2020, la dotation initiale de 380 000 € a été portée à 960 000 € pour tenir compte de l'augmentation du nombre d'adhérents (2097 bénéficiaires) et mieux équilibrer entre l'État et la caisse le coût global du dispositif qui s'établit à 3,8 M€. Rapporté au nombre estimatif de 2,5 millions Français de l'étranger (1,7 million sont inscrits au registre des Français établis hors de France), les rapporteurs se sont étonnés du nombre restreint de bénéficiaires de cette aide et ont incité la CFE et l'administration consulaire à mieux faire connaître le dispositif sous réserve de la revalorisation par le Gouvernement de la dotation prévue pour 2022 (inchangée à 380 000 € mais d'ores et déjà insuffisante).

D'autre part, la possibilité d'une augmentation pérenne de la contribution de l'État devrait être étudiée. En effet, la subvention de l'État ne prend aujourd'hui en charge que 10 % du coût du dispositif. Or d'après le directeur de la caisse, le modèle de financement actuel pose de sérieuses questions pour l'avenir puisque ce taux devait être de 50% à la création de cette aide.

Au final, sur tous les points évoqués ci-dessus, le constat de vos rapporteurs pour avis est que ce budget en baisse pour 2022 ne tient pas compte des besoins réels et des perspectives de dépenses liées à la crise sanitaire.

III. POURSUIVRE LA MODERNISATION DE L'ADMINISTRATION CONSULAIRE

A. LES PROJETS DE MODERNISATION

Trois projets mobiliseront l'administration dans le cadre de la modernisation des services consulaires :

• L'achèvement en 2022 du processus de dématérialisation des documents d'état-civil au moyen du registre de l'état-civil électronique (RECE) ;

• L'expérimentation depuis octobre 2021 de la plateforme d'accueil consulaire par téléphone ou courriel dans 5 pays pilotes (Croatie, Danemark, Irlande, Slovénie et Suède) dans l'optique d'un déploiement à l'échelle de l'Union européenne fin 2022 et du monde en 2023 ;

• L'organisation des scrutins présidentiels et législatifs à la fois sur le plan matériel avec la tenue des bureaux de vote physiques (866 bureaux pour l'élection présidentielle de 2017 et 717 pour les législatives) et sur le plan de la communication afin d'informer les citoyens des modalités spécifiques de vote électronique par internet pour les législatives, ainsi que pour la diffusion de la propagande électorale qui demeure soumise à des envois postaux sous format papier (lesquels, selon les délais et la performance postale des différents pays, peuvent parvenir à leurs destinataires après les élections).

B. LES PRÉCONISATIONS ET PISTES DE RÉFLEXION

Les rapporteurs formulent plusieurs préconisations et pistes de réflexion à l'attention de l'administration consulaire dans la poursuite de sa modernisation :

- accélérer le rythme de déploiement du nouveau Service France Consulaire à l'Union européenne et au reste du monde ;

- le processus de dématérialisation des services ne doit pas pour autant conduire à négliger la sécurisation et l'amélioration de l'accueil des usagers lorsque leur présence physique reste indispensable (il est précisé que le Service France Consulaire est compétent pour répondre à des demandes d'information générale mais que chaque consulat demeure en charge du suivi des dossiers individuels et des visas) ;

- Des dysfonctionnements caractérisent les outils actuels de prise de rendez-vous dans les consulats : améliorer le service et fluidifier l'accueil des usagers en généralisant le nouveau logiciel de prise de rendez-vous actuellement en cours de validation par le ministère ;

- Étudier avec le ministère de l'Intérieur la possibilité d'expérimenter pour les Français de l'étranger la dématérialisation des demandes de renouvellement de pièces d'identité , puis d'envois postaux des documents dans les pays où la sûreté postale est suffisante ;

- Étudier avec le ministère de l'Intérieur la possibilité pour les électeurs de bénéficier d'une transmission par voie électronique de la propagande électorale pour les élections organisées hors de France ;

- Veiller au maintien de bureaux de vote physique pour les élections législatives où le scrutin numérique sera également mis en place.

Réunie le 17 novembre 2021, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 17 novembre 2021, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Christian Cambon, président, a procédé à l'examen des crédits du programme 151 - Français à l'étranger et affaires consulaires - de la mission « Action extérieure de l'Etat ».

M. Bruno Sido, rapporteur pour avis . - Monsieur le président, mes chers collègues, avant de vous présenter avec mon collègue Guillaume Gontard nos observations sur les crédits du programme 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires », je voudrais rappeler combien nos compatriotes établis hors de France ont été depuis 2020 fortement impactés par les vagues successives de la pandémie de Covid, à la fois brutalement et de manière très aléatoire selon les pays. Le gouvernement avait rapidement réagi en ouvrant 100 M€ de crédits supplémentaires en faveur de l'aide à la scolarité et du secours occasionnel de solidarité (SOS-Covid). J'en profite pour saluer la mobilisation des agents de nos 207 postes consulaires. Ils ont notamment rendu possible la vaccination de 60 000 Français établis hors de France, sont venu en aide à environ 87 000 bénéficiaires de l'aide ponctuelle SOS-Covid.

Il faut préciser, comme l'a rappelé le ministre lors de son audition que le soutien aux Français de l'étranger les plus démunis se poursuivra en 2022. La crise sanitaire n'est donc pas encore derrière nous.

De plus, l'année 2022 se caractérisera par l'organisation des élections présidentielles et législatives, ces dernières devant faire l'objet pour la première fois d'un scrutin électronique. L'affectation d'une enveloppe spécifique de 13,3 millions d'euros en provenance du ministère de l'intérieur est prévue pour couvrir ces frais supplémentaires.

Aussi, au sortir de ces deux années, 2020 et 2021, qui auront mobilisé des crédits supplémentaires pour faire face aux effets de la crise sanitaire, ma première observation est celle d'un certain étonnement. En effet, on ne peut que s'étonner que, à périmètre constant et déduction faite des crédits dédiés aux élections, le budget du programme 151 baisse de 3 % par rapport à la loi de finances pour 2021 pour s'établir à 360,9 millions d'euros. Ce niveau est très inférieur aux crédits consommés en 2020, qui étaient de 398,4 millions d'euros. Alors que l'administration consulaire retrouve progressivement son activité antérieure au Covid et que le ministre a donc confirmé le maintien des aides en 2022, avec mon co-rapporteur, nous exprimons deux préoccupations majeures :

- d'abord le risque de sous-budgétisation de plusieurs dispositifs d'aide pour continuer à faire face à la crise sanitaire, mon collègue vous en dira un mot ;

- ensuite le bon déploiement des réformes de modernisation de l'administration consulaire.

Sur ce second point, j'ai échangé avec la direction des Français de l'étranger plusieurs préconisations et pistes de réflexion pour accélérer le rythme de déploiement du nouveau Service France Consulaire à l'Union européenne et au reste du monde. Par ailleurs, il me semble important de rappeler que le processus de dématérialisation des services ne doit pas pour autant conduire à négliger la sécurisation et l'amélioration de l'accueil des usagers lorsque leur présence physique reste indispensable. À cet égard, il faut rappeler que le Service France Consulaire n'est compétent que pour répondre aux demandes d'informations générales. Chaque consulat demeure en charge du suivi des dossiers individuels et des visas. L'expérience de la crise sanitaire montre que le maintien d'un accueil physique reste fondamental.

Par ailleurs, nous avons identifié des marges de progression qui ne semblent pas prises en compte dans les objectifs de dématérialisation. Je propose, à l'image de ce qui existe déjà pour les Britanniques à l'étranger, d'étudier avec le ministère de l'Intérieur la possibilité d'expérimenter pour les Français la dématérialisation totale des demandes de renouvellement de pièces d'identité. De même, pourquoi maintenir l'envoi postal de la propagande électorale à l'étranger qui est coûteux et peu fiable dans de nombreux pays. Là encore je propose d'étudier la possibilité d'une transmission par voie électronique pour les élections organisées hors de France.

Le processus de modernisation du service public consulaire me semble donc encore devoir être clarifié. Sous ces réserves, je formule un avis favorable à l'adoption des crédits de ce budget pour 2022.

Je passe maintenant la parole à mon co-rapporteur.

M. Guillaume Gontard, rapporteur pour avis . - Monsieur le président, mes chers collègues, j'ajouterai aux préconisations de Bruno Sido sur l'organisation des élections présidentielles et législatives qu'il faudra tout particulièrement veiller au maintien de bureaux de vote physique pour les élections législatives où le scrutin numérique sera également mis en place, des problèmes ayant été relevés dans plusieurs pays lors des dernières échéances électorales, ce qui pose de sérieux problèmes démocratiques.

J'en viens maintenant à nos sujets de préoccupations budgétaires.

Le budget pour 2022 ne peut être fixé indépendamment des constats effectués sur les dépenses réelles des deux exercices précédents que sont l'année 2020, au début de la crise Covid, et l'année en cours 2021 où nous constatons que le nombre de bénéficiaires d'aides sociales a continué à augmenter.

Il faut rappeler que le niveau des dépenses consommés en 2020 s'est établi à 398,4 millions d'euros, soit 25,9 millions d'euros de plus que le montant voté en loi de finances initiale pour 2020. Nos auditions ont de plus confirmé le dépassement en cours d'année des crédits prévus pour 2021 de plusieurs dispositifs d'aide. Dans ces conditions, le budget pour 2022 présente un risque de sous-budgétisation de plusieurs dispositifs d'aide pour continuer à faire face à la crise sanitaire.

J'émets avec mon co-rapporteur plusieurs points de vigilance.

S'agissant de l'aide à la scolarité : nous constatons une sous-budgétisation volontaire devant être complétée par l'excédent de trésorerie de l'agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE). Le ministère évalue à 71 millions d'euros la « soulte » mobilisable par l'AEFE pour compléter la dotation budgétaire. Cette situation semble soutenable à court terme, mais ce système ne peut pas être pérenne.

Concernant les aides sociales et le maintien en 2022 du SOS-Covid, il y a un risque majeur de dépassement de crédits en cours d'année. De l'avis même de l'administration consulaire, indépendamment de la crise sanitaire, une partie des Français résidant à l'étranger continue à se paupériser notamment par les effets de crises locales au Venezuela, en Égypte, au Brésil, en Argentine et au Liban. En 2020, le total général de l'aide sociale a atteint un niveau de consommation de 17,8 millions d'euros. Depuis, le nombre de bénéficiaire du dispositif SOS-Covid ne cesse de progresser. Dans ces conditions, la prévision de dépense globale de 15,2 millions d'euros pour 2022 risque d'être insuffisante.

Le constat est le même pour les organismes locaux d'entraide et de solidarité (OLES). La budgétisation de 1,4 million d'euros est insuffisante. Le besoin excède déjà la prévision si l'on se réfère au niveau de consommation des crédits de 2020 (2,17 millions d'euros pour 108 associations) et de l'année 2021 en cours où, d'ores et déjà 1,7 million d'euros ont été versés.

Enfin, je voudrais évoquer le dispositif d'aide de la caisse des Français de l'étranger (CFE). La situation sanitaire a également entraîné une hausse du nombre de bénéficiaires de la 3 e catégorie dite « aidée », qui a pour objet de permettre aux Français expatriés les plus démunis de bénéficier de la protection sociale offerte par la CFE tout en s'acquittant d'une cotisation minorée. On compte actuellement plus de 2 000 bénéficiaires, mais de l'avis même du directeur de la caisse, ce dispositif ne semble pas suffisamment connu des Français les plus démunis. En 2020, la dotation initiale de 380 000 € avait été portée à 960 000 € pour tenir compte de l'augmentation du nombre d'adhérents et mieux équilibrer entre l'État et la caisse le coût global du dispositif qui s'établit aujourd'hui à 3,8 millions d'euros. D'une part, nous incitons la CFE et l'administration consulaire à mieux faire connaître le dispositif, sous réserve de la revalorisation par le Gouvernement de la dotation prévue pour 2022 dont le montant de 380 000 € apparaît d'emblée insuffisant. D'autre part, la possibilité d'une augmentation pérenne de la contribution de l'État devrait être étudiée, puisque comme nous l'avons dit, l'État ne prend aujourd'hui en charge que 10 % du dispositif contre 50 % lors de sa création. Le modèle de financement actuel pose de sérieuses questions pour l'avenir, d'après le directeur de la caisse.

Au final, mon constat sur tous les points évoqués est que ce budget pour 2022 est en baisse et ne tient pas compte des besoins réels et des perspectives de dépenses. C'est pourquoi, à titre personnel, je m'abstiendrai sur le vote de ce budget.

Mme Hélène Conway-Mouret . - Je pense que, comme pour la réforme de la haute fonction publique, nous pourrions engager un travail sur le vote électronique car nous testerons à grande échelle un mode de scrutin dont l'analyse sera utile pour une éventuelle adaptation au niveau national. En revanche, je ne suis pas d'accord avec la préconisation de dématérialisation totale des demandes de renouvellement des pièces d'identité. Il faut réaliser qu'un grand nombre de nos compatriotes ne sont pas connectés pour raisons diverses, de génération ou de manque de réseau dans leur pays de résidence. Si on dématérialise complètement la propagande électorale, cela priverait certains électeurs d'une communication qui par ailleurs n'existe pas dans les médias. Plus généralement, faisons attentions aux limites de la dématérialisation. On en voit les conséquences dans les consulats où il n'y a plus de standard téléphonique pour prendre rendez-vous.

Pour les bourses scolaires, je voudrais dénoncer ce qui se fait au niveau local sur des économies volontaires de certains postes qui ne dépensent pas totalement les enveloppes qui leur sont attribuées pour justifier à Paris de leur bonne gestion. Cela au dépend des familles qui déscolarisent leurs enfants. C'est très malheureux.

Mme Michelle Gréaume . - Ce rapport point les insuffisances de ce budget dont la légère augmentation concerne une mission ponctuelle, celle des élections. À périmètre constant, les crédits baissent. J'ai une préoccupation concernant le fait d'encourager le Gouvernement à accélérer la dématérialisation des services consulaires. La plateforme téléphonique commune est intéressante, mais elle ne doit pas conduire à fermer les antennes consulaires. Il faudrait que la dématérialisation soit une possibilité et non une obligation pour les usagers car certains d'entre eux ne peuvent accéder aux procédures à distances.

M. Rachid Temal . - Le vote électronique pose la question de la sécurité. Je rappelle qu'il avait été tenté puis retiré. Face aux risques d'attaques quelles sont les garanties apportées par l'administration consulaire ? Sur les autres points, effectivement 100 % des crédits affectés aux bourses scolaires ne sont pas attribués. C'est un sujet récurent mais aussi compliqué. Concernant la dématérialisation, je vous invite à lire un excellent article du journal Le Monde sur la question du service public que l'on veut choisir pour répondre vraiment aux besoins.

M. Bruno Sido, rapporteur pour avis . - Concernant le vote électronique, chacun sait que cela peut apporter une réponse à l'abstention importante et favoriser le vote. Je suis tout à fait d'accord avec ma collègue Hélène Conway-Mouret pour analyser et faire le bilan du scrutin en ligne par internet qui ne s'appliquera, je le rappelle, qu'aux élections législatives.

L'administration poursuit surtout la dématérialisation des pièces d'état-civil, mais pas des passeports et des cartes d'identité. La question du renouvellement des passeports provient d'un échange sur la situation à Londres où le consulat est mal équipé pour recevoir le public. Cela dit, les Britanniques ont de leur côté réussi à dématérialiser la procédure de renouvellement des passeports. Au Royaume-Uni, les Français doivent se déplacer à Londres même s'ils habitent au nord de l'Ecosse. Et encore, il s'agit d'un pays où les moyens de communication fonctionnent. Je précise que la préconisation ne concerne que la possibilité d'expérimenter une telle procédure dématérialisée, pas l'obligation d'y recourir.

M. Guillaume Gontard, rapporteur pour avis . - Je suis d'accord avec les remarques qui ont été faites sur le vote électronique. L'expérience du vote aux élections consulaires qui se sont tenues en mai dernier a ainsi révélé des problèmes. Car pour qu'il y ait vote électronique, il faut aussi des bureaux de vote physique. Or nous n'avons pas été en capacité d'en organiser partout ce qui représente autant de manquements. Par ailleurs, je ne souhaite pas l'installation d'un vote à 100 % numérique.

Le numérique peut être intéressant pour d'autres usages également, par exemple les passeports, mais pour de nombreuses demandes qui peuvent être très complexes, il faudra toujours préserver un accueil physique. Cela nécessite des moyens sur lesquels il faudra toujours être vigilant.

M. Christian Cambon, président . - Nous allons procéder au vote global sur les trois rapports pour avis de l'action extérieure de l'État.

M. Jean-Marc Todeschini . - Le groupe socialiste s'abstiendra. Il s'agit d'une abstention de vigilance, certains crédits étant en hausse et d'autres en baisse. Cette vigilance s'impose car nous n'aurons probablement pas de débat en séance publique.

M. Christian Cambon, président . - Je mets aux voix les trois avis favorables formulés par les rapporteurs des programmes 105 « Action de la France en Europe et dans le monde », 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » et 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires ».

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Auditions en réunion plénière

- M. Jean-Yves LE DRIAN , ministre de l'Europe et des affaires étrangères.

- M. François DELATTRE , secrétaire général du ministère de l'Europe et des affaires étrangères.

Auditions des rapporteurs pour avis

- Ministère de l'Europe et des affaires étrangères - Direction des Français à l'étranger et de l'administration consulaire : M. Raphaël TRANNOY , Directeur-adjoint, Mme Michelle CARRET-GIRAUD , Chargée de mission Affaires transversales et lutte contre la fraude, Mme Charlotte HERNANDEZ , chef de la cellule budgétaire, de la performance et de l'évaluation.

- Ambassade de France au Royaume-Uni : M. Guillaume BAZARD , Consul général de France à Londres.

- Caisse des Français de l'étranger : M. Éric PAVY , Directeur général.

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