Avis n° 165 (2021-2022) de MM. Ronan LE GLEUT et André VALLINI , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 18 novembre 2021

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N° 165

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 novembre 2021

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2022 ,

TOME II

ACTION EXTÉRIEURE DE L'ÉTAT

Diplomatie culturelle et d'influence (Programme 185)

Par MM. Ronan LE GLEUT et André VALLINI,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon, président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Olivier Cigolotti, André Gattolin, Guillaume Gontard, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Pierre Laurent, Philippe Paul, Cédric Perrin, Gilbert Roger, Jean-Marc Todeschini, vice-présidents ; Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, Isabelle Raimond-Pavero, M. Hugues Saury, secrétaires ; MM. François Bonneau, Gilbert Bouchet, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Alain Cazabonne, Pierre Charon, Édouard Courtial, Yves Détraigne, Mmes Catherine Dumas, Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Bernard Fournier, Mme Sylvie Goy-Chavent, M. Jean-Pierre Grand, Mme Michelle Gréaume, MM. André Guiol, Abdallah Hassani, Alain Houpert, Mme Gisèle Jourda, MM. Alain Joyandet, Jean-Louis Lagourgue, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Panunzi, François Patriat, Gérard Poadja, Stéphane Ravier, Bruno Sido, Rachid Temal, Mickaël Vallet, André Vallini, Yannick Vaugrenard.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 4482 , 4502 , 4524 , 4525, 4526 , 4527 , 4597 , 4598 , 4601 , 4614 et T.A. 687

Sénat : 162 et 163 à 169 (2021-2022)

L'ESSENTIEL

Les luttes d'influence sont devenues un enjeu majeur au plan international. La mondialisation, la transformation des médias à l'ère du numérique ont engendré l'apparition d'une opinion publique internationale versatile. Dans ce contexte, il est nécessaire que la diplomatie culturelle et d'influence de la France monte rapidement en puissance dans ses différentes dimensions, afin de soutenir un réseau historique universel, qui n'a pas d'équivalent dans le monde, et dont le rôle est crucial pour promouvoir l'image de la France et ses valeurs.

D'un montant de 731 M€, le budget du programme 185 augmente de 2 %. Cette stabilisation est bienvenue. Le contexte actuel milite toutefois pour une véritable relance du « soft power » français.

Les préconisations de la commission sont les suivantes :

1. Le doublement des effectifs de l'enseignement français à l'étranger (EFE) à l'horizon 2030 nécessite d'autoriser l'AEFE à emprunter à moyen et long terme pour financer ses opérations immobilières ;

2. Le réseau de l'EFE au Liban est en danger : ce réseau doit continuer de bénéficier d'une aide budgétaire spécifique. Le soutien aux écoles chrétiennes francophones, qui scolarisent 20 % des élèves libanais, doit être poursuivi et renforcé.

3. Le contrat d'objectifs et de moyens (COM) de l'AEFE est expiré depuis trois ans, ce qui met à mal le droit de regard du Parlement sur la stratégie mise en oeuvre par l'opérateur. En application de la loi de 2010 sur l'action extérieure de l'Etat, le nouveau projet de COM doit être transmis sans délai au Parlement. Ce COM devra garantir à l'opérateur des moyens suffisants dans la durée pour parvenir aux objectifs fixés.

4. Le réseau culturel doit remonter en puissance. Certains pays ont bien compris l'atout que constituent les réseaux culturels, qui sont de puissants outils diplomatiques et économiques. La création d'un institut français à Erevan (Arménie) serait particulièrement bienvenue. Les alliances françaises, très impactées par la crise, doivent également être soutenues.

5. La France a rétrogradé de la 3 ème à la 7 ème place s'agissant de l'accueil des étudiants étrangers. La politique d'accueil et de bourses doit devenir plus visible, répondre à des critères unifiés dans le cadre d'une gouvernance transformée pour s'adapter à une concurrence internationale croissante.

6. Enfin, les moyens de l'agence Atout France doivent être confortés et rendus plus prévisibles, dans un cadre pluriannuel, afin de ne pas rater le tournant de la relance touristique. Cette relance doit être quantitative mais aussi qualitative pour s'adapter aux nouvelles pratiques et permettre à la France de conserver son rang dans ce secteur économique dont l'importance est majeure.

I. L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS À L'ÉTRANGER : UNE DYNAMIQUE À RENFORCER

Une subvention de

Un réseau en croissance

À ce rythme, un doublement des effectifs en l'an

2 053

stable (+0 %)

élèves supplémentaires à la rentrée 2021 (+ 2 %)

Le réseau de l'enseignement français à l'étranger (EFE) est un véritable fleuron de notre diplomatie culturelle et d'influence. En 2021, ce réseau compte :

ü 543 établissements (+5)

ü 376 000 élèves (+2 %). Le nombre d'élèves a augmenté d'environ 8 000, dont 3 000 en raison de nouvelles homologations d'établissements. La proportion d'élèves étrangers dans le réseau s'accroît, en raison d'une baisse de 1 % du nombre d'élèves français.

Le réseau de l'EFE a été identifié, à juste titre, comme un domaine d'action prioritaire par le Président de la République dans son discours du 20 mars 2018 à l'Institut de France sur l'ambition pour la langue française et le plurilinguisme.

ü Doubler les effectifs à l'horizon 2030 : telle est l'ambition. Au rythme actuel, toutefois, ce doublement n'interviendrait qu'en 2053.

A. UN BUDGET STABILISÉ MAIS UNE POLITIQUE IMMOBILIÈRE ENTRAVÉE

La subvention à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) est stable, ce qui signifie que l'augmentation allouée en LFI 2020 (24,6 M€) pour mettre en oeuvre l'objectif présidentiel est pérennisée. Toutefois :

ü La trésorerie de l'AEFE sera très sollicitée : 10 M€ seront prélevés en 2022 pour abonder les crédits de l'aide à la scolarité (P 151) ; 10 M€ seront mobilisés en faveur des établissements français au Liban. L'AEFE anticipe une diminution substantielle de sa trésorerie, qui sert aussi à venir en aide aux établissements en difficulté. C'est un facteur de fragilité.

ü Ces ponctions sont d'autant plus préjudiciables à l'Agence qu'elle ne peut pas emprunter. Elle ne peut avoir recours qu'aux avances de l'Agence France Trésor, de courte durée (un an). L'atteinte de l'objectif présidentiel passe nécessairement par des opérations immobilières pour développer les capacités d'accueil des établissements en gestion directe (EGD). L'Agence a besoin d'un mécanisme de financement compatible avec les exigences d'un investissement immobilier. Il serait légitime de la sortir de la liste des organismes divers d'administration centrale , auxquels l'emprunt est interdit (au titre de la loi de finances pour 2011), dans la mesure où l'EFE n'est pas majoritairement financé par l'État mais par les familles (à hauteur de 59 % pour les EGD et les établissements conventionnés).

ü Par ailleurs, il est regrettable que le dispositif qui se substitue à l'Association nationale des écoles françaises de l'étranger (ANEFE) soit moins favorable que celui qui pré-existait. Mis en place par l'article 198 de la loi de finances pour 2021 et par un arrêté du 2 avril 2021, ce nouveau mécanisme prévoit en particulier une rémunération de la garantie par une commission variable en fonction des risques encourus, alors que cette commission était auparavant unique et mutualisée. Une première réunion de la commission interministérielle d'octroi doit se tenir début 2022.

B. L'ENSEIGNEMENT FRANÇAIS AU LIBAN MENACÉ D'EFFONDREMENT

Le réseau au Liban compte 55 établissements et 16 % des effectifs mondiaux scolarisés dans l'EFE soit 59 000 élèves.

Le secteur de l'éducation, reconnu comme particulièrement performant au Liban, est extrêmement fragilisé par la crise sans précédent que traverse ce pays. C'est un risque majeur pour la francophonie dont ce pays est l'un des piliers.

ü Le réseau de l'EFE au Liban est en très grande difficulté, face à la baisse du nombre d'inscriptions (de l'ordre de 9 % à la rentrée 2021 pour les établissements conventionnés), aux difficultés de recouvrement des frais de scolarité, et au départ de nombreux enseignants (le salaire moyen d'un enseignant recruté local dans un établissement d'enseignement français étant aujourd'hui équivalent à 200 USD).

ü Le réseau libanais, qui est l'un des piliers de l'EFE, doit continuer à être aidé de façon spécifique. La seule mise à contribution de la trésorerie de l'AEFE (10 M€) n'apporte pas de perspectives durables. En 2020, 21 M€ d'aides directes ont été consacrées au réseau libanais. En 2021, ce sont 18,6 M€ d'aides directes qui sont en cours de versement. 4 établissements partenaires ont été conventionnés à titre temporaire pour pouvoir bénéficier de personnels mis à disposition. En 2022, des crédits budgétaires doivent venir prolonger et compléter ces mesures de soutien.

ü Le concours du MEAE au Fonds pour les écoles francophones chrétiennes au Moyen-Orient, soit 1 M€ en 2020, puis à nouveau 1 M€ en 2021, doit être reconduit et renforcé. Ce fonds permet d'agréger diverses sources de financement (OEuvre d'Orient, collectivités territoriales) pour des écoles qui jouent un rôle essentiel puisqu'elles scolarisent 20 % des élèves au Liban.

C. UN CONTRAT D'OBJECTIFS ET DE MOYENS SANS CESSE REPORTÉ

Le dernier contrat d'objectifs et de moyens (COM) de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) portait sur les années 2016-2018. Il a été prolongé une première fois en 2019 dans l'attente des orientations du plan de développement de l'enseignement français à l'étranger, puis une seconde fois en 2020 en raison de la crise sanitaire.

Ce contrat d'objectifs et de moyens n'a toujours pas été soumis pour avis aux commissions parlementaires compétentes, comme le prévoit la loi du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'État. Le droit de regard du Parlement sur la stratégie mise en oeuvre est ainsi mis à mal, au mépris de l'article 1 er de la loi de 2010.

Conformément à cette même loi, il conviendra que ce nouveau COM garantisse des moyens suffisants dans la durée pour assurer la mise en oeuvre des objectifs ambitieux fixés.

II. LE RÉSEAU CULTUREL FRANÇAIS : UNE MONTÉE EN PUISSANCE EST INDISPENSABLE

Une dotation pour opérations aux instituts français de

Des subventions aux alliances françaises de

Une subvention à l'Institut français de

stable

stable

stable

Le Ministre de l'Europe et des affaires étrangères doit détailler prochainement une « feuille de route influence ». Dans l'attente, ce projet de loi de finances comporte quelques éléments saillants : une contribution à l'Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones de conflit (5 M€), un soutien aux postes pour promouvoir les industries culturelles et créatives (1,6 M€), une relance spécifique aux États-Unis à travers la Villa Albertine (1 M€), ou encore le développement de campus franco-étrangers dans la zone indopacifique notamment (1 M€). Le budget et les effectifs du réseau culturel public sont globalement stables : 585 emplois sous plafond du ministère sur le P185 (auxquels il faut ajouter 1 065 emplois sur le P209) et 3 411 emplois d'agents de droit local, qui font l'objet d'un autre plafond, également stable.

92 instituts français
6 centres culturels binationaux
22 instituts français de recherche à l'étranger (IFRE)

832 alliances françaises

dont 440 conventionnées et/ou soutenues par le MEAE

Dans un monde qui est devenu le théâtre de véritables guerres d'influence, certains pays ont bien compris l'impact des réseaux culturels, qui sont de puissants outils de diplomatie linguistique, culturelle et économique.

Créé en 2004, le réseau des instituts Confucius compterait 525 instituts dont 18 en France. Ce réseau vient s'insérer au sein d'universités étrangères, tout en restant contrôlé par un organisme émanant de l'administration chinoise (le Hanban).

Dans ce contexte, il est nécessaire de revenir à une logique de remontée en puissance du réseau. La numérisation est indispensable mais ne doit pas devenir le prétexte à un recul des implantations physiques du réseau culturel. En 2019, le MEAE a décidé la fermeture de 4 instituts français (IF Amérique centrale, IF Brésil, IF Norvège, Centre culturel français Canada), dont les recettes de cours n'étaient pas jugées significatives au regard de dépenses de fonctionnement. Une partie de leurs agents de droit local ont rejoint les effectifs des services des ambassades. Cette politique est quelque peu erratique puisque, s'agissant de l'IF Norvège, après nouvel examen, il a été décidé de conserver un établissement à autonomie financière (EAF) pour maintenir un cadre propice à de nombreux partenariats, notamment scientifiques, noués avec les institutions locales. Lorsque ce ne sont pas les EAF qui ferment, ce sont parfois des antennes, à l'image de celles de Stavanger en Norvège en 2019 ou de Valence en Espagne en 2020.

La création d'un institut français à Erevan (Arménie) serait particulièrement bienvenue, dans ce pays en proie comme le Liban à de grandes difficultés, où des puissances telles que la Russie ou la Chine développent leur influence.

Le statut des établissements à autonomie financière (EAF), c'est-à-dire des instituts français, doit être consolidé dans le cadre de l'examen de la proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques. Ce point est d'autant plus crucial que les EAF s'autofinancent à hauteur de 70 %. La question, pendante depuis plusieurs années, semble en voie de résolution.

Le réseau des alliances françaises doit être soutenu. En 2020, les alliances ont en effet subi une baisse de 24 % de leur chiffre d'affaires en raison de la crise. Le nombre d'apprenants a chuté de 22 %. L'enseignement à distance aiguise la concurrence. Ces alliances, autofinancées à 90 %, sont un modèle pertinent de diffusion de la langue et de la culture françaises, à un coût relativement modeste pour le contribuable. Il convient de continuer à soutenir les alliances en difficulté et de veiller à ce que la crise n'ait pas d'effet structurel à long terme sur le réseau.

III. L'ACCUEIL DES ÉTUDIANTS ÉTRANGERS : LA FRANCE EN PERTE DE VITESSE ?

Des crédits de bourses étudiantes de

Une forte augmentation de la mobilité étudiante dans le monde

La France au

en hausse de 10 %

en 5 ans

rang des pays d'accueil en 2019 (4 places perdues en 10 ans)

En 2019-2020, la France a accueilli 370 000 étudiants étrangers (+3 %), dont 51 % originaires d'Afrique ou du Moyen-Orient (+33 % en cinq ans), 25 % d'Europe (+17 %), 15 % d'Asie ou d'Océanie (+11 %) et 9 % des Amériques (+21 %).

L'accueil d'étudiants étrangers est un investissement en termes d'influence. Or, dans un contexte de plus en plus concurrentiel, la France est en perte de vitesse.

En dix ans, la France est passée du 3 ème au 7 ème rang des pays d'accueil. Alors qu'elle était auparavant le premier pays non anglophone, elle est désormais devancée par l'Allemagne, la Russie et le Canada.

La France pourrait être bientôt dépassée par les Émirats Arabes Unis qui mènent une politique d'attractivité dynamique et occupent la 8 ème place.

Pour l'accueil d'étudiants européens, la France n'est qu'à la 9 ème place, après la Turquie, l'Italie et la Pologne.

La crise ne devrait toutefois pas aggraver cette situation, car la France est restée l'un des rares pays ouverts aux étudiants étrangers, accueillis au titre du « motif impérieux ». L'enseignement à distance a été développé tout en maintenant autant que possible des enseignements en « présentiel », ce qui n'a pas été le cas dans tous les pays. De nombreux étudiants ont toutefois rencontré de grandes difficultés durant cette période.

Les bourses étudiantes figurent parmi les rares postes du P185 en augmentation, à 64 M€ (+6 M€). Il ne s'agit en réalité que d'un retour au niveau antérieur à la pandémie de covid-19, après une baisse de 9 % l'an dernier.

Il est urgent de répondre aux remarques formulées par la Cour des comptes, dans son rapport de 2019 sur la mobilité internationale des étudiants. Ce rapport a en effet mis en évidence la dispersion de la gouvernance de cette politique d'accueil, caractérisée par une coordination lacunaire, une déconnexion entre mobilités entrante et sortante, et une attention insuffisante à la réussite des étudiants. Si Campus France gère les bourses, leur attribution est décidée par le MEAE et par les ambassades.

Étant donné la forte concurrence entre États, la politique des bourses doit devenir plus visible, avec l'instauration d'une « marque » dédiée, des appels à candidatures mondiaux et un recrutement selon des critères unifiés, ce qui passe par une transformation de la gouvernance.

Cette transformation de la gouvernance doit permettre de réduire l'écart mis en évidence par la Cour des comptes, de l'ordre de 10 M€ en 2018, entre le montant prévu pour les bourses d'études sur le programme 185 et le montant effectivement consommé.

Comme pour l'AEFE, le nouveau contrat d'objectifs et de moyens de Campus France doit être transmis rapidement pour avis aux commissions parlementaires compétentes, le précédent ayant expiré en 2020. Il est souhaitable que ce COM comporte des indications en termes non seulement d'objectifs mais aussi de moyens afin de donner des perspectives de long terme à la politique des bourses et de l'inscrire dans une stratégie cohérente de regain d'attractivité à l'horizon 2030.

IV. LE TOURISME : NE PAS RATER LE TOURNANT DE LA RELANCE

De subvention à Atout France (+ 2 %)

de touristes internationaux en 2020 (-55 %)

Après la forte chute de l'activité touristique engendrée en 2020 par la pandémie de covid-19, le tourisme est aujourd'hui à un moment clef. La dernière saison estivale a permis une reprise, avec des résultats qui restent en retrait par rapport à 2019, mais sont moins dégradés qu'en début d'année.

Les projections pour 2021 conduisent à évaluer à 50 millions le nombre de visiteurs internationaux accueillis en France sur l'année, après 40 millions en 2020 et 90 millions en 2019. Pour mémoire, une cible de 100 millions de touristes internationaux avait été fixée pour 2020, avant la pandémie ;

La France a généré 28,7 Md€ de recettes touristiques internationales en 2020, après 57 Md€ en 2019 (en baisse de 50 %), en retrait de l'objectif de 60 Md€ de recettes fixé pour 2020 avant la pandémie.

Alors qu'Atout France s'adresse habituellement à des publics internationaux, l'agence s'est adaptée en recentrant son activité sur des campagnes de promotion de la destination France auprès :

- du public domestique : #CetEtéJeVisiteLaFrance , #JeRedécouvreLaFrance

- puis de pays européens : #ExploreFrance .

Le budget opérationnel d'Atout France est abondé, chaque année, par une attribution de produits représentant la part des recettes générées par les droits de visa affectée au MEAE. Cette part est fixée à 3 % des recettes des droits de visa de l'année n-1, dont 75 % sont reversés à Atout France. Pour l'agence, ces recettes ont représenté 5 M€ en 2020 mais seulement 1,3 M€ en 2021, ce qui a nécessité une « rallonge » de crédits de 2 M€.

ü Pour 2022, les droits de visas ne seront connus qu'au début de l'an prochain. Ils devraient être légèrement supérieurs à ceux de cette année, tout en restant en retrait de leur niveau antérieur à la pandémie. Une nouvelle « rallonge » sera dès lors nécessaire, pour soutenir le budget opérationnel d'Atout France et ne pas rater le tournant de la reprise.

ü Il conviendrait que l'agence Atout France puisse bénéficier de davantage de visibilité quant à l'évolution de ses moyens dans le temps, comme c'est le cas pour beaucoup d'agences homologues à l'étranger, qui mettent en place des plans de relance de grande ampleur. 35 M€ ont par exemple été alloués sur 5 ans en Espagne à la relance de la destination espagnole. En Autriche (pour la destination hiver), en Grèce, en Suisse, en Italie, des moyens très importants sont consacrés à la relance touristique post-covid auprès des publics étrangers.

Le mercredi 17 novembre 2021, sous la présidence de M. Christian Cambon, président, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 17 novembre 2021, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Christian Cambon, président, a procédé à l'examen des crédits du programme 185 - Diplomatie culturelle et d'influence - de la mission « Action extérieure de l'Etat » inscrits dans le projet de loi de finances pour 2022.

M. Ronan Le Gleut, rapporteur pour avis. - Monsieur le président, mes chers collègues, le budget du programme 185 sera en légère progression, de +2%, l'an prochain. C'est une source de satisfaction, même si nous aurions souhaité une véritable relance de la politique d'influence française.

En la matière, en effet, nous ne soutenons pas les appels à la rigueur budgétaire : notre commission est bien placée pour constater à quel point les luttes d'influence sont devenues un enjeu majeur dans la compétition internationale.

Je dirai même, pour reprendre la formule du nouveau chef d'état-major des armées, que la diplomatie culturelle et d'influence est l'un des instruments à notre disposition pour « gagner la guerre avant la guerre ».

La France a la chance de pouvoir déployer sa politique d'influence à partir d'un réseau historique universel qui a peu d'équivalents au plan mondial. Il s'agit aujourd'hui de saisir les opportunités offertes par ce réseau, et d'éviter à tout prix un repli, synonyme de recul, non seulement pour la francophonie, mais aussi pour nos valeurs et pour notre économie, car tous ces aspects - la langue, la culture, l'économie - sont bien sûr liés.

Dans ce contexte, nos préconisations sont les suivantes :

S'agissant de l'enseignement français à l'étranger, la subvention à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) est, certes, stable, mais la trésorerie de l'agence sera très sollicitée, à hauteur de 10 M€ pour abonder les crédits d'aide à la scolarité, et de 10 M€ supplémentaires, en faveur du Liban. L'AEFE anticipe par conséquent une diminution substantielle de sa trésorerie. Or celle-ci lui sert aussi à venir en aide aux établissements en difficulté.

Ces ponctions sont d'autant plus préjudiciables que l'Agence ne peut pas emprunter, en dehors du système des avances de l'Agence France Trésor c'est-à-dire à l'échelle d'un an.

Nous souhaitons que l'Agence soit autorisée à emprunter à moyen et long terme pour financer ses opérations immobilières. C'est indispensable pour atteindre l'objectif de doublement des effectifs à l'horizon 2030. Au rythme actuel, cet objectif serait atteint en 2053... Il faut maintenant donner un coup d'accélérateur, en veillant à ne pas nuire à la qualité de l'enseignement.

Notre rapport souligne par ailleurs les risques qui pèsent sur l'enseignement français au Liban. Ce réseau, qui compte 55 établissements et représente 16 % des effectifs mondiaux, a bénéficié d'aides importantes en 2020 puis en 2021. Mais en 2022, aucun crédit budgétaire spécifique n'est programmé, en dehors du prélèvement que je viens de mentionner sur la soulte de l'AEFE. Cela ne nous paraît ni suffisant, ni pérenne.

Le ministère partage notre constat d'un risque d'effondrement de l'enseignement français au Liban. Des crédits budgétaires doivent donc être programmés. Par ailleurs, le concours de l'État au Fonds pour les écoles francophones chrétiennes au Moyen-Orient doit être reconduit et renforcé.

Enfin, nous demandons que le projet de contrat d'objectifs et de moyens de l'AEFE nous soit rapidement transmis. Le précédent COM a expiré en 2018... Le droit de regard du parlement sur la stratégie mise en oeuvre, institué par la loi du 27 juillet 2010 sur l'action extérieure de l'État, est mis à mal par l'absence de nouveau COM. L'objectif de doublement des effectifs imposerait, au contraire, que nous puissions porter un jugement éclairé sur la stratégie suivie.

Nous demandons, enfin, que ce COM soit gage de prévisibilité, c'est-à-dire qu'il prévoie une trajectoire de moyens suffisants dans la durée pour atteindre les objectifs.

Sous réserve de ces remarques, et de celles que va maintenant présenter André Vallini, nous vous proposons d'émettre un avis favorable à l'adoption de ce budget.

M. André Vallini, rapporteur pour avis. - Monsieur le président, mes chers collègues, après l'enseignement français, le réseau culturel est un autre atout majeur de notre diplomatie d'influence.

Le budget et les effectifs du réseau culturel public sont globalement stables, ce qui est satisfaisant compte-tenu du contexte économique. Mais nous souhaitons que le réseau soit préservé, afin que la conjoncture n'ait pas d'effet structurel à long terme, et que la capacité de notre diplomatie culturelle à remonter en puissance soit préservée.

Or, en 2019, le ministère a fermé 3 instituts français (Amérique centrale, Brésil et Canada). Deux antennes ont par ailleurs été supprimées, à Stavanger en Norvège et à Valence en Espagne. Nous le regrettons. En dehors des recettes issues des cours de langue française, le potentiel de ressources propres de ces instituts n'a-t-il pas été sous-exploité ?

La question du statut des établissements à autonomie financière est en voie de résolution, dans le cadre de l'examen de la proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques. Ce point est resté incertain pendant plusieurs années, suite aux réserves émises par la Cour des comptes. Il faut que cette clarification permette de dynamiser et de diversifier les ressources des instituts français, lorsque les seuls cours de langue ne permettent pas une rentabilité suffisante.

Le soutien aux alliances françaises en difficulté doit par ailleurs se poursuivre.

S'agissant de l'accueil des étudiants étrangers, en dix ans, la France est passée du 3e au 7e rang des pays d'accueil. Alors qu'elle était auparavant le premier pays non anglophone à accueillir des étudiants étrangers, elle est désormais devancée par l'Allemagne, la Russie et le Canada. Le prochain pays qui risque de passer devant la France, ce sont les Émirats Arabes Unis. La Turquie et l'Arabie saoudite font des efforts considérables pour attirer des étudiants étrangers.

Les bourses étudiantes sont l'un des rares postes en augmentation de ce budget. Deux réserves toutefois à ce sujet :

- d'une part, il ne s'agit que d'un retour au niveau antérieur à la pandémie de covid-19 ;

- d'autre part, la Cour des comptes a mis en évidence un écart, de l'ordre de 10 M€ en 2018, entre le montant prévu pour les bourses d'études et le montant effectivement consommé.

La Cour des comptes a souligné aussi la dispersion de la gouvernance de cette politique d'accueil et, en particulier, l'insuffisante coordination entre le ministère, les ambassades, les établissements d'enseignement supérieur, et Campus France. Cette politique doit donc être revue. Nous proposons l'instauration d'une marque dédiée, bien visible, et un recrutement mondial selon des critères unifiés.

Comme pour l'AEFE, le contrat d'objectifs et de moyens de Campus France se fait attendre. La pandémie ne peut pas tout justifier, et surtout pas un manque de considération pour le Parlement. C'est le contraire qui devrait prévaloir, alors que les opérateurs de l'action extérieure de l'État sont contraints de revoir en profondeur leurs stratégies.

Je terminerai en évoquant le tourisme. Le programme 185 porte en effet la subvention de l'État à l'agence Atout France. La pandémie a eu des effets dévastateurs : alors que nous espérions atteindre une cible de 100 millions de touristes internationaux par an, ce sont 40 millions de touristes qui sont venus en France en 2020, et probablement 50 millions cette année même si la reprise de la pandémie introduit des incertitudes. Les recettes tirées des visas ont fortement baissé. Or ces recettes viennent abonder chaque année le budget opérationnel d'Atout France. Une rallonge budgétaire est donc nécessaire, pour ne pas rater le tournant de la reprise du tourisme. Des pays - la Grèce, l'Espagne - font des efforts considérables pour attirer les touristes grâce à des campagnes de communication de grande ampleur

Sous ces réserves, je serai moi aussi favorable à l'adoption de ce budget pour 2022.

Mme Hélène Conway-Mouret. - Je partage les analyses des rapporteurs, notamment concernant le Liban.

Vous avez indiqué que la France était passée de la troisième à la septième place du classement des pays d'accueil des étudiants étrangers. Quelles sont les raisons de ce recul ? Le processus d'obtention des visas, la non-reconnaissance de certains vaccins sont-ils en cause ?

L'Institut français d'Oslo est aujourd'hui réduit à quelques bureaux et ses professeurs de langue ont été licenciés. Une école privée a été créée. Cet institut français n'a donc plus de ressources. N'aurions-nous pas intérêt à analyser de plus près les causes de ces fermetures ? À chaque fois, c'est la France qui disparaît, de façon non seulement physique mais aussi hautement symbolique.

M. André Vallini, rapporteur pour avis. - Ces fermetures sont en effet très dommageables pour l'image de la France mais aussi pour son économie. Quand la présence française recule, la France se rétracte globalement. Plus on diminue les moyens des instituts français, plus ils sont contraints de réduire leur activité, ce qui conduit finalement à les fermer.

Concernant l'accueil d'étudiants étrangers, l'augmentation des frais d'inscription a pu jouer. Il faut se préoccuper aussi de l'image que l'actuelle campagne électorale donne de la France à l'étranger.

M. Ronan Le Gleut, rapporteur pour avis. - Les fermetures d'instituts français et la stabilité des budgets doivent être analysées au regard des luttes d'influence qui existent au plan mondial. La Chine a, en particulier, créé en 2004 le réseau des instituts Confucius qui compterait aujourd'hui 525 instituts dont 18 en France. Ce réseau s'insère au sein d'universités étrangères tout en restant contrôlé par un organisme émanant de l'administration chinoise. C'est dans ce contexte global qu'il faut analyser la diplomatie culturelle et d'influence de la France.

M. Jean-Marc Todeschini. - Disposez-vous de chiffres sur l'orientation, après le baccalauréat, des élèves de l'enseignement français à l'étranger ? Au Liban, en particulier, il semble que les élèves de l'enseignement français partent bien souvent vers des universités américaines. Pour que cet enseignement français porte ses fruits, il est essentiel que les élèves poursuivent leurs études dans le système français.

M. André Vallini, rapporteur pour avis. - La Chine, la Turquie, la Russie, l'Arabie saoudite font des efforts considérables pour attirer des étudiants. Une prise de conscience est nécessaire.

M. Christian Cambon, président. - La problématique est bien connue : les déclarations sont ambitieuses mais les moyens ne suivent pas. À Vienne, par exemple, la vente du palais Clam-Gallas a des impacts en termes de rayonnement. Le Qatar y a fait son ambassade. Cela donne le sentiment d'un déclassement de la France.

La liste des cessions immobilières est impressionnante, alors même que le Ministre nous avait indiqué que ce mouvement serait stoppé. La pression de Bercy se fait probablement sentir.

M. Ronan Le Gleut, rapporteur pour avis. - En 2020, sur 17 955 bacheliers, 9 400 élèves scolarisés dans un établissement homologué ont accepté une proposition d'admission dans l'enseignement supérieur français.

Mme Hélène Conway-Mouret. - À ce sujet, nous avons signalé des difficultés avec Parcoursup.

Pour revenir sur le sujet des cessions, Bercy a été jusqu'à demander la vente d'une ambassade qui nous avait été donnée par les autorités du pays concerné... Là encore, cela donne une image déplorable.

M. Christian Cambon, président. - Comme ce fut longtemps le cas pour les forces armées, les moyens reculent chaque année, jusqu'au moment où il deviendra évident que l'on a été au-delà du raisonnable. Ce sujet devrait être davantage présent dans le débat public, d'autant que nous parlons d'un budget de trois milliards d'euros, relativement raisonnable à l'échelle de l'État, mais contribuant directement au rayonnement de la France.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

• Auditions en commission :

Mercredi 20 octobre 2021

- M. Jean-Yves Le DRIAN , ministre de l'Europe et des Affaires étrangères

Mercredi 3 novembre 2021

- M. François DELATTRE , secrétaire général du Ministère de l'Europe et des Affaires étrangères

• Auditions des rapporteurs :

Mercredi 22 septembre 2021

- Campus France : Mme Béatrice KHAIAT , directrice générale, M. Thierry VALENTIN , directeur général adjoint.

Jeudi 23 septembre 2021

- Institut français : M. Thomas HANNEBIQUE , secrétaire général, M. Jean-Philippe DOURCHE , directeur des affaires administratives et financières.

- Fédération des associations de parents d'élèves des établissements d'enseignement français à l'étranger (FAPEE) : M. François NORMANT , président.

- Fondation des Alliances françaises : M. Yves BIGOT , président, M. Marc CERDAN , secrétaire général.

Mercredi 13 octobre 2021

- Atout France : Mme Caroline LEBOUCHER , directrice générale.

Mercredi 10 novembre 2021

- Direction générale de la mondialisation, de la culture, de l'enseignement et du développement international : M. Cyrille PIERRE , directeur général adjoint, M. Jean-François PACTET , directeur adjoint de la culture, de l'enseignement, de la recherche et du réseau, M. Bertrand POUS , délégué des programmes et des opérateurs.

- Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) : M. Jean-Paul NEGREL , directeur adjoint, Mme Raphaëlle DUTERTRE , conseillère aux relations institutionnelles.

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