TRAVAUX EN COMMISSION

MERCREDI 18 NOVEMBRE 2020

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M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis des crédits du programme patrimoine . - La crise sanitaire a frappé de plein fouet le secteur des patrimoines. Tous les acteurs ont vu leur activité durement touchée en 2020 : les monuments historiques, les musées, les sites, l'architecture, l'archéologie préventive et la restauration du patrimoine. Cette situation a entraîné des pertes immenses en ressources tout en étant à l'origine de surcoûts.

Les perspectives pour 2021, voire 2022, demeurent très dégradées, pour deux raisons. D'une part, il faut s'attendre à une activité très faible et irrégulière, au moins pendant le premier semestre 2021. Les pertes des acteurs du patrimoine continueront à s'accumuler. D'autre part, les ressources du mécénat baissent significativement, pour diverses raisons. Le chantier de Notre-Dame de Paris a mobilisé un soutien très important et la loi de finances pour 2020 a encadré le mécénat des grandes entreprises. De surcroît, les difficultés économiques dues à la crise sanitaire ont amené certains mécènes à financer de préférence des actions dans le domaine social ou médico-social. Il faudra donc surveiller dans les prochaines années l'évolution de cette ressource, pour comprendre s'il s'agit d'un effet temporaire ou d'une tendance de fond.

À cela s'ajoutent les interrogations sur la date de reprise du tourisme international. Les touristes étrangers sont essentiels pour les grands opérateurs comme Versailles. Le tourisme interne au pays a lui-même diminué cette année. J'ajoute que les élections municipales, avec le report du deuxième tour, ont contribué à une baisse des nombres d'opérations patrimoniales engagées par les communes, préjudiciables aux entreprises de restauration.

À ces circonstances exceptionnelles, l'État a répondu avec un soutien exceptionnel que je salue. Les mesures transversales mises en place en 2020 ont profité aux acteurs du secteur des patrimoines. L'activité partielle exceptionnelle et les prêts garantis ont permis à beaucoup d'entreprises de passer le cap. En outre, les opérateurs rencontrant les plus graves difficultés de trésorerie ont été accompagnés dans la loi de finances rectificative 2020, avec 42,4 millions d'euros dégagés pour Versailles, le musée d'Orsay, l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), le Centre Pompidou et Chambord. L'État sera également présent en 2021 avec des moyens d'une ampleur inédite pour le patrimoine, pour un montant total qui dépasse le milliard d'euros. Aux 43 millions d'euros supplémentaires au titre du programme 175 s'ajoutent 614 millions d'euros sur les deux années à venir, 2021 et 2022, dans le cadre du Plan de relance.

La fragilisation des principaux opérateurs de l'État et des entreprises de restauration du patrimoine m'ont amené à privilégier ces deux axes pour le rapport sur avis sur le programme patrimoine en 2021.

La crise sanitaire frappe d'autant plus les opérateurs que la part des ressources propres dans leur financement est élevée. La fermeture pendant le confinement, la réduction des jauges et la crise du tourisme ont pesé considérablement sur les ressources de billetterie et sur les recettes de valorisation des sites : boutiques, concessions, privatisation des locaux. Avant le deuxième confinement, on évaluait à environ 360 millions d'euros les pertes nettes des principaux opérateurs en 2020.

Il ne faut pas espérer des résultats positifs en 2021. La reprise est lente, les capacités d'accueil réduites et les risques importants. Ceux-ci sont de plusieurs natures : ils sont culturels, car les opérateurs pourraient manquer de moyens pour financer leur offre ; économiques, les établissements étant au centre d'un écosystème avec des entreprises de restauration et des entreprises d'accueil, au savoir-faire rare et difficile à renouveler ; et touristiques puisque ces établissements contribuent très largement au rayonnement et à l'attractivité de notre pays.

C'est la raison pour laquelle des moyens importants ont été mis en place dans le cadre du Plan de relance, soit 334 millions d'euros en autorisations d'engagement et 231 millions d'euros en crédits de paiement pour les grands opérateurs que j'ai déjà évoqués, auxquels s'ajoutent le Louvre, la Réunion des musées nationaux (RMN) et le Centre des monuments nationaux, qui gère une centaine de monuments.

Nous devons saluer l'effort de l'État mais aussi les efforts engagés par les opérateurs eux-mêmes pour réaliser des économies. L'exercice s'avère délicat pour eux. En renonçant à la programmation culturelle et à la billetterie, ils courent le risque de perdre de l'attractivité. S'ils abandonnent les projets de travaux, ils perdent leurs futures recettes et cela pénalise les entreprises de restauration. C'est pourquoi la plupart des opérateurs ont décidé de décaler leur programmation culturelle et d'étaler les travaux dans le temps.

Cependant, la crise a montré leur vulnérabilité et nous amène à nous interroger sur leur modèle économique, fondé sur le développement de leurs ressources propres. Ce modèle peut être préservé si l'État accepte de jouer le rôle d'assureur en dernier ressort quand surgit une crise majeure. On peut imaginer un système reposant uniquement sur la subvention publique mais je doute qu'il soit soutenable pour l'État ou, à l'inverse, un modèle où l'État n'interviendrait plus, ce qui ferait courir des risques considérables à ces établissements. À titre d'exemple, les grands musées américains ont licencié massivement leur personnel et ont vendu une partie de leurs collections pour faire face à la crise. Notre modèle conserve tout son sens, à condition que le soutien de l'État se confirme, mais aussi que le tourisme reprenne et que les mécènes maintiennent leur soutien. La question reste posée sur le long terme.

La crise sanitaire amènera des changements dans le fonctionnement de nos établissements, avec les billets horodatés, le développement de l'offre numérique et la régulation des flux. Il faudra veiller à ce que ces nouveautés n'entraînent pas d'effets pervers sur la fréquentation.

Après la situation des opérateurs de l'État, j'évoquerai la restauration du patrimoine, qui pâtit de la conjoncture de plusieurs façons. Depuis le début de la crise sanitaire, les chantiers ont été interrompus sur une courte période en mars et, depuis leur reprise, les coûts ont augmenté du fait des protocoles sanitaires. En outre, le nombre d'appels d'offres baisse toujours les années d'élections municipales. À cela s'ajoute la chute du mécénat. En 2020, le choc a toutefois été amorti grâce aux mesures de soutien. Les entreprises ont globalement conservé leurs salariés, ce dont il faut se féliciter, car leurs compétences sont rares. Le Plan de relance sur 2021/2022 a pour but de créer pour ces entreprises une activité soutenue. Il prévoit 260 millions d'euros de crédits en autorisations d'engagement et 103 millions d'euros en crédits de paiement en 2021.

Il est important que la répartition de ces crédits irrigue tout le territoire. L'essentiel des crédits du Plan de relance seront consacrés au patrimoine de l'État : les 87 cathédrales dont une quarantaine présentent la nécessité de travaux très urgents, le château de Villers-Cotterêts et la centaine de monuments gérés par le CMN. Le soutien en matière de restauration du patrimoine des collectivités ne représente que 6,5 % du Plan de relance, soit 40 millions d'euros en dotations d'engagement. Je regrette ce montant un peu faible, qui s'explique par la durée du Plan de relance sur deux ans. Cette durée ne permet d'accompagner que de grosses opérations, déjà prêtes, dont la maîtrise relève de l'État ou de ses opérateurs. Le ministère s'est néanmoins engagé à aider au moins une opération par département et à faire en sorte que les opérations lancées dans le cadre du plan de relance donnent du travail à tous les corps de métiers.

J'ajoute que d'autres ressources peuvent financer la restauration du patrimoine des collectivités territoriales et du patrimoine privé, comme le Fonds incitatif et partenarial pour les petites communes à faibles ressources (FIP), qui permet d'associer l'État et les Régions au financement de la restauration des monuments historiques de proximité, et dont les crédits sont revalorisés de 5 millions d'euros en 2021. S'y ajoutent le Loto du patrimoine et l'avantage fiscal associé au label de la Fondation du patrimoine. Le premier, pour sa nouvelle édition, poursuit le rééquilibrage en cours entre les monuments historiques classés et ceux qui ne le sont pas qui atteignent désormais 46 %. Il veille aussi à l'équilibre entre les monuments qui appartiennent à des personnes publiques et ceux qui relèvent de propriétaires privés, qui représentent 44 % des projets sélectionnés. Le nombre d'opérations a également été réduit pour éviter un effet de saupoudrage. Le Loto du patrimoine financera ainsi 119 opérations dans toutes les régions. Le label de la Fondation du Patrimoine a été étendu, dans le cadre de la troisième loi de finances rectificative pour 2020, aux immeubles bâtis et non bâtis situés dans des communes de moins de 20 000 habitants.

Notre collègue Dominique Vérien était à l'origine de cette proposition destinée à mobiliser le label dans le cadre de la rénovation des centres-villes et centres-bourgs.

En conclusion, j'aurai trois suggestions à présenter à la ministre. Je propose d'augmenter temporairement le taux de subvention de l'État pour les opérations des collectivités et des propriétaires privés et de relever le plafond des subventions pour les immeubles inscrits. Je suggère aussi d'encourager les travaux d'entretien et pas seulement ceux de restauration. Enfin, je pense qu'il faudrait renforcer l'assistance à maîtrise d'ouvrage qui est faible, car les services déconcentrés sont en sous-effectif. De manière générale, je crois qu'il faudrait imaginer une collaboration plus étroite entre l'État et les Régions dans le domaine des monuments historiques, peut-être dans le cadre des nouveaux contrats de Plans État-Région qui doivent être conclus l'année prochaine.

Je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 175 « Patrimoine » du projet de loi de finances pour 2021.

Mme Sonia de La Provôté . - Il est important, en matière de patrimoine, de relier le Plan de relance au projet de loi de finances. Les deux apportent un accompagnement important aux grands opérateurs de l'État et aux projets patrimoniaux d'envergure. Cependant, les chutes de fréquentation exceptionnelles ne donnent pas de perspectives. C'est pourquoi un suivi dans le temps est important. En outre, sans rentrer dans le combat patrimonial entre l'Île-de-France et le reste de la France, touchée par une différence manifeste de traitement, je constate que le Plan de relance renforce ce sentiment d'iniquité.

Les territoires sont confrontés à des difficultés sur les projets portés par de petites communes ou des entreprises privées, projets souvent de faible envergure. Il est plus facile de consacrer une enveloppe à quarante projets onéreux, bien portés par des compétences et des structures adéquates qu'à une centaine de projets dans chaque département français. Nous ne nous sommes pas donné les moyens d'un accompagnement renforcé sur ces territoires, notamment en matière d'entretien du patrimoine, qui réduirait significativement le coût des opérations de restauration à mettre en oeuvre par la suite. L'État peut intervenir rapidement et fortement auprès des cathédrales, ce dont nous nous réjouissons, mais le bât blesse en matière de répartition budgétaire et de priorités affichées. Le FIP augmente certes de 5 millions d'euros pour les communes à faibles ressources, mais il ne permettra pas de compenser ces difficultés. Le manque d'entretien constaté sur les cathédrales touche au même titre les églises, dont le nombre est incalculable. Il s'agit d'un réel problème dans ce Plan de relance.

Ces difficultés dans les petites communes reposent sur un défaut d'organisation à l'échelle territoriale. Malgré le nombre d'intervenants, les compétences, l'accompagnement financier, le mécénat et la participation des collectivités territoriales, une stratégie reste à mettre en oeuvre pour le petit patrimoine. Un recensement plus complet du patrimoine serait nécessaire, de même qu'une plus grande considération de la part de l'État. Il ne peut y avoir un patrimoine qui compte pour l'État et un autre qui ne compte pas. Faute d'ingénierie et d'organisation structurelle dans les territoires, il nous est impossible, à l'occasion de ce Plan de relance, de proposer 100 projets par département. Ceux-ci existent, ils sont prêts, mais ne sont ni identifiés ni portés.

Je conclurai sur l'assistance à maîtrise d'ouvrage qui n'est plus proposée par l'État dans les territoires. Dans les régions où les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) ont conservé cette compétence, par exemple en Bretagne, les crédits sont consommés. Nous sommes donc soumis à une double peine : faute de compétences disponibles, les crédits ne sont pas consommés pour ces projets qui seraient pourtant essentiels pour l'attractivité de nos territoires. En outre, ce petit patrimoine n'est pas considéré comme une priorité ni dans le budget ni dans le Plan de relance.

Mme Marie-Pierre Monier . - Je félicite le rapporteur pour la pertinence de son analyse du budget. Nous saluons également l'augmentation des crédits du programme patrimoine 175 qui dépasse le milliard d'euros après une stagnation en 2020. Pour autant, nous gardons à l'esprit que le patrimoine continue à souffrir de la crise sanitaire. Les pertes s'avèrent particulièrement importantes pour toutes les opérations patrimoniales liées au tourisme, les musées nationaux, les métiers liés à l'entretien, mais aussi l'archéologie préventive. Les missions des acteurs du patrimoine sont en outre rendues plus coûteuses par les mesures sanitaires. La situation est grave pour certains opérateurs et musées dont une part importante des ressources est fondée sur leurs ressources propres. Des aides en trésorerie de 42 millions d'euros ont été adoptées fin juillet dans le cadre de la troisième loi de finances rectificative pour soutenir les musées nationaux et l'Inrap. Dans les dispositions du Plan de relance, 334 millions d'euros assureront le complément indispensable pour combler ces pertes d'exploitation. Ces moyens exceptionnels ne doivent pas être pris dans le budget ordinaire afin de permettre de poursuivre les opérations prévues ou engagées. Les autres mesures du Plan de relance concernant le patrimoine viendront soutenir les entreprises de la restauration et les métiers d'art à hauteur de 280 millions d'euros, par l'intermédiaire du soutien à la restauration patrimoniale des monuments.

Je souhaite souligner que les crédits destinés à la restauration du château de Villers-Cotterêts dans le Plan de relance ont été rendus nécessaires par l'impossibilité de trouver un mécène à hauteur de 25 millions d'euros. Cette problématique nous amène à nous interroger sur l'avenir du mécénat, dont la fiscalité a été durcie dans la loi de finances 2020.

En ce qui concerne le Plan cathédrales et la rénovation de Notre-Dame de Paris, qui devrait commencer en 2021, il me semble impensable que ces chantiers soient confiés à des entreprises spécialisées dans la rénovation de monuments historiques et dont le savoir-faire constitue aussi une part de notre patrimoine.

Je voudrais attirer votre attention sur le Loto du patrimoine dont le succès s'amplifie, avec 27 millions d'euros attendus pour la troisième édition. Il serait souhaitable que la compensation des taxes soit pérennisée. Je note avec regret que l'action 2 du programme 175 qui concerne l'architecture et les espaces protégés, stagne depuis quatre exercices budgétaires. J'insiste sur la place du patrimoine dans la reconquête des centres-villes anciens, les moyens nécessaires pour les sites patrimoniaux remarquables et les villes et pays d'art et d'histoire, notamment en complément à la politique « Coeur de ville ». Ces outils patrimoniaux méritent d'être valorisés. Dans l'action 3, nous comptons 10 millions d'euros en faveur des petits musées, qui compensent la baisse des années précédentes. Dans l'action 9, je constate que les centres de conservation et d'études stagnent à 4 millions d'euros, en dépit de l'augmentation des fonds archéologiques issus de découvertes. Nous regrettons que ces lieux de rencontre entre l'archéologie, le public, les enseignants et les groupes scolaires ne soient pas mieux pris en compte dans le Plan de relance et doivent partager une ligne de 20 millions d'euros avec les archives.

En conclusion, je salue les suggestions qui seront faites à la ministre en ajoutant qu'il faudra veiller à la répartition des crédits sur tout le territoire et à l'approfondissement du lien entre les acteurs du patrimoine et le grand public.

M. Pierre Ouzoulias . - Ce Plan de relance met paradoxalement en évidence un état de carence. Ses contraintes obligent à axer la quasi-totalité des aides financières sur le patrimoine de l'État et mettent en lumière son incapacité à prendre en charge son patrimoine avec le budget récurrent de la Culture. Concernant le Plan cathédrales, nous sommes surpris de découvrir le manque d'entretien des cathédrales pendant tant d'années. Il a fallu le drame de Notre-Dame pour en prendre conscience.

Le Plan de relance montre aussi l'incapacité du ministère de la Culture à s'adresser directement aux collectivités territoriales par l'intermédiaire des DRAC. Cela renforce nos questionnements sur le rôle et les missions du ministère de la Culture en régions. Sans une augmentation des moyens humains des DRAC qui leur permettraient de satisfaire les besoins de maîtrise d'ouvrage des collectivités et des partenaires privés, nous n'arriverons pas à faire en sorte que le patrimoine national bénéficie de tous les crédits du ministère de la Culture.

J'ajouterai que l'architecte des bâtiments de France (ABF) a perdu son avis conforme et qu'il aurait été souhaitable que le ministère de la Culture lui donne, par l'intermédiaire de ce Plan de relance, les moyens d'assurer la maîtrise d'ouvrage. Ces moyens auraient permis de recréer un tissu entre les ABF, les DRAC et les collectivités.

Je reviendrai également sur la situation de l'Inrap dans le domaine de l'archéologie préventive. L'institut affronte une rupture concurrentielle forte face à des opérateurs privés qui ont, eux, bénéficié du chômage partiel et de crédits de l'État. Un correctif serait nécessaire pour compenser des pertes de ressources propres importantes pour l'Inrap. Je regrette aussi que la partie recherche, publicité et valorisation de l'Inrap soit si peu subventionnée cette année, à hauteur de 5 millions d'euros, alors que l'Inrap estime ses besoins à 10 millions d'euros.

Dans le cadre de la discussion sur la loi de programmation de la recherche, nous regrettons que le ministère de l'Enseignement et de la Recherche soit absent des missions de recherche et de valorisation de l'Inrap. Je suis convaincu qu'en matière d'archéologie, nous avons besoin d'une structure interministérielle pour répartir les efforts budgétaires sur les différentes missions, entre la culture, l'enseignement supérieur et la recherche, le ministère de l'éducation nationale et celui des affaires étrangères.

Pour ces raisons, nous demeurerons dans une abstention constructive.

M. Max Brisson . - Je m'exprime au nom de Catherine Dumas, retenue au Conseil de Paris.

Je salue le rapport très dense de Philippe Nachbar, dans lequel il a montré les multiples ramifications et amplifications de la crise que connaît ce secteur.

Philippe Nachbar sait qu'une politique patrimoniale s'inscrit dans la durée et que nous sommes à la croisée des chemins. La crise de la Covid s'avère révélatrice et amplificatrice de la remise en cause du mécénat et surtout de la présence de l'État dans les territoires. L'État pense à lui dans ce Plan de relance, avec une politique régalienne par excellence. Il fut un temps où l'État proposait du conseil et de l'accompagnement ; aujourd'hui, il propose de la norme, des contraintes et des sanctions. Les maires se retrouvent seuls pour l'entretien du patrimoine, car les intercommunalités n'ont pas la compétence en la matière. La modification de la gouvernance remet en cause l'entretien de notre patrimoine.

Catherine Dumas souhaitait aussi vous entretenir des difficultés des artisans d'art. Ce sont souvent de toutes petites entreprises, au savoir-faire exceptionnel et appartenant au patrimoine immatériel de la Nation et qui assurent l'entretien du patrimoine de la Nation. Nous soutenons les préconisations présentées, mais je pense qu'il faut s'intéresser à ces artisans d'art en difficulté, qui n'ont pas obligatoirement accès au système d'aides mises en place par l'État, en raison de leur statut ou de la faiblesse de leur chiffre d'affaires.

M. Julien Bargeton . - Le patrimoine représente la fondation de notre pays, sur laquelle notre identité repose. Je salue l'effort massif réalisé pour le patrimoine, notamment au titre de la relance. Nous avons auditionné M. Bélaval le 3 novembre, qui nous avait précisé que le patrimoine était l'un des importants bénéficiaires du Plan de relance, avec 200 millions d'euros, dont 40 millions d'euros pour les différents projets, notamment Aigues-Mortes, Carcassonne, Reims, le Mont-Saint-Michel, beaucoup de projets territoriaux ; et puis 100 millions d'euros pour Villers-Cotterêts. Je souhaiterais obtenir des précisions sur ce sujet.

Ma deuxième question concerne la baisse du mécénat. Certaines opérations sont malgré tout menées à terme. Auriez-vous des précisions sur ce sujet ?

Enfin, je souhaiterais vous entendre sur les différents scénarios pour l'avenir. En matière patrimoniale, la Toussaint est une période importante, ainsi que la fin d'année. Nous ne savons s'il y aura un confinement ou non en 2021. Il est nécessaire de bien poser les conséquences en fonction des différents scénarios. Selon M. Bélaval, aucun abandon de projet n'aurait été constaté en novembre, mais plutôt des retards de travaux de six mois à un an.

Mme Catherine Morin-Desailly . - Philippe Nachbar a conclu son intervention sur le rôle des collectivités territoriales dans le cadre des Contrats de plan État-Région (CPER) en cours de discussion. Les collectivités territoriales ont été très mobilisées dans le cadre de cette crise pour développer des dispositifs et mettre en place des crédits permettant d'amortir le choc sur l'ensemble des secteurs qui concernent notre commission.

Sur le patrimoine et son corollaire, le patrimoine alimentant les politiques touristiques, ce secteur a terriblement souffert avec une activité pratiquement à l'arrêt. L'année 2021 sera donc cruciale. Je soutiens mes collègues au sujet de l'abandon du patrimoine des petites communes, tout aussi important que les cathédrales et les grands monuments d'État. Il n'existe aucune stratégie région par région sur ces sujets. Il y a une vraie carence de l'État en la matière depuis plusieurs années. J'en veux pour preuve l'absence de déclinaison du Conseil territorial des collectivités (CTC), réactivé il y a deux ans. Ce Conseil devait se décliner région par région dans les six mois, regroupant élus et État. En juin, lorsque les CTC se sont déroulés, nous nous sommes contentés d'un état des lieux sans énoncer aucune stratégie. En conclusion, les outils existent, mais l'État doit s'en emparer et les animer.

Par ailleurs, certaines collectivités territoriales ont décidé de conserver leur compétence culturelle, mais elles ont parfois des difficultés à travailler les unes avec les autres. La Conférence territoriale de l'action publique (CTAP) se réunit trop peu. Les bonnes volontés sont présentes, les moyens peuvent être complétés par les fonds privés, le mécénat et le Loto du patrimoine, mais il faudrait une vision stratégique. La Fondation du patrimoine joue souvent ce rôle dans les territoires. Elle réalise un état des lieux de ce patrimoine vernaculaire. Les acteurs ne manquent pas, à commencer par les commissions régionales du patrimoine et de l'architecture, dont la présidence est confiée à un élu local. Peut-être faudrait-il rappeler à la ministre l'importance d'une bonne coordination pour protéger le patrimoine.

En ce qui concerne le Loto du patrimoine, j'insiste sur la nécessaire vigilance pour que l'ensemble des fonds perçus aille bien à la culture et que Bercy n'en prélève pas pour son fonds de finances publiques. Il faudra également rester vigilant sur l'octroi des crédits des donateurs à Notre-Dame, sous la surveillance du Comité de suivi du financement des travaux. La Cour des comptes a alerté sur ce sujet, nous devons rester mobilisés.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis . - Sonia de La Provôté a souligné que le Plan de relance devant se terminer fin 2022, il n'a pu soutenir beaucoup de projets. Je le regretterai dans le rapport, de même que le fait que le Plan de relance ne concerne que de très grandes opérations attribuées pour l'essentiel aux opérateurs de l'État. J'évoquerai aussi l'insuffisance de la maîtrise d'ouvrage de l'État, allégée au fil des ans et dégradée.

Pour ce qui est de l'archéologie préventive, celle-ci a souffert parce qu'elle ne dispose pas de la rapidité dont disposent les grands opérateurs de l'État, ni des moyens humains.

Concernant le mécénat, tout comme le souhait que les travaux de Notre-Dame soient attribués aux entreprises de restauration, ce principe semble à peu près acquis. Enfin, j'évoquerai le peu d'intérêt attaché au Centre de conservation du patrimoine, qui permettrait pourtant de mettre en valeur les travaux de l'Inrap et d'atténuer le caractère contraignant des recherches archéologiques.

Pour le Plan de relance et le Plan cathédrales, il est vrai que les délais sont très difficiles à tenir, mais j'insiste sur le fait qu'il faut associer au maximum des entreprises locales aux travaux.

Les effectifs des ABF sont, en effet, en réduction, mais je ne suis pas d'accord pour renforcer le rôle normatif de l'ABF au travers de l'avis conforme. Je pense qu'il faudrait plutôt renforcer son rôle de conseil. L'avis conforme a simplement été allégé dans certains domaines très précis, mais il existe toujours.

Pour ce qui est de l'Inrap, j'ai noté les problèmes de personnel et de moyens qui rendent les recherches archéologiques parfois difficiles.

En réponse à Mme Dumas, les métiers d'art ont souffert, mais ils sont néanmoins associés à de très grands chantiers à Versailles et sont présents sur des marchés considérables. Leurs difficultés sont chroniques et il est nécessaire de les soutenir massivement. Sans les entreprises des métiers d'art, il n'y aurait pas de restauration du patrimoine.

Julien Bargeton a posé des questions sur le mécénat. Les mécènes se sont désengagés du financement d'expositions, mais les engagements de long terme tiennent bon pour l'instant. Les conventions pluriannuelles sont entièrement maintenues. Pour ce qui est du financement de l'opération de Villers-Cotterêts dans le cadre du Plan de relance, je vous invite à interroger plus précisément la ministre.

Enfin, Catherine Morin-Desailly a évoqué le rôle des collectivités territoriales. La Fondation du patrimoine joue un rôle considérable et irremplaçable dans la protection du patrimoine. Pour le Loto du patrimoine, aucun prélèvement supplémentaire de Bercy n'est prévu en dehors des taxes qui s'appliquent à toute opération de loterie.

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