B. UN MODÈLE À REPENSER ?

1. Les efforts des opérateurs pour réduire leurs dépenses

Il convient de saluer les efforts importants réalisés par les opérateurs pour réaliser des économies sur leurs dépenses , en 2020 comme en 2021, de l'ordre de 100 millions d'euros. L'exercice s'est révélé complexe en raison de la forte rigidité de la structure de leurs dépenses et le travail de réduction de leurs dépenses déjà engagé depuis quelques années. Leurs marges de manoeuvre étaient donc réduites.

Les arbitrages se sont par ailleurs révélés délicats. Renoncer à une partie de la programmation culturelle fait courir le risque aux établissements de perdre en attractivité auprès des visiteurs, avec de moindres recettes de billetterie en perspective. Abandonner des projets de travaux peut compromettre de futures recettes d'activité et pénalise par ailleurs les entreprises de restauration qui comptent sur l'ouverture de nouveaux chantiers.

Dans leur très grande majorité, les opérateurs ont choisi de décaler leur programmation culturelle , malgré des difficultés à reprogrammer des expositions en co-productions, et d'étaler sur un temps plus long les travaux qu'ils envisageaient , le ministère de la culture les ayant d'ailleurs très largement exhortés à ne pas remettre en cause leurs projets. La reconfiguration du projet du Grand Palais est principalement justifiée par la nécessité de tenir les délais pour le lancement des Jeux olympiques en 2024 et de respecter l'enveloppe budgétaire initiale, tout en intégrant dans celle-ci la restauration des statuaires, corniches et pot-à-feux et le coût révisé du curage.

En revanche, tous les projets considérés comme non-urgents ont été mis en suspens . Le président du Centre des monuments nationaux a ainsi indiqué avoir ajourné ses discussions avec des propriétaires de monuments historiques sollicitant une reprise en gestion de leurs monuments par son établissement. Il a estimé que cette question allait néanmoins devenir de plus en plus pressante, la crise sanitaire ayant encore aggravé les difficultés des collectivités territoriales et des propriétaires privés qui avaient été à l'origine de ce type de demandes.

2. Des évolutions en perspective

La crise sanitaire a révélé la grande vulnérabilité aux chocs externes des principaux opérateurs dans le domaine des patrimoines, au point de susciter des interrogations sur la pertinence de leur modèle économique , fondé depuis plusieurs années sur le développement de leurs ressources propres.

Ce modèle repose en effet sur plusieurs conditions :

- que l'État accepte , comme il le fait aujourd'hui, de jouer le rôle d'assureur en dernier ressort quand survient une crise ;

- que le tourisme international renoue, à l'issue de la crise sanitaire, avec les niveaux qu'il connaissait avant ;

- que les recettes de mécénat se maintiennent.

Face à ces deux dernières inconnues, il apparait difficile aujourd'hui de déterminer s'il y a lieu de faire évoluer le modèle économique de nos grands établissements patrimoniaux, d'autant que les autres modèles possibles ne sont pas sans risque. Un modèle de fonctionnement fondé intégralement sur la subvention publique ne serait pas soutenable pour les finances publiques. Quant à un modèle de fonctionnement dont l'État serait totalement désengagé, il présenterait des risques pour notre patrimoine : les grands musées américains, contraints de procéder à des licenciements massifs et même parfois, à vendre une partie de leurs collections pour faire face à la crise, en sont l'illustration.

Il n'en demeure pas moins que la crise sanitaire va forcément entraîner des changements dans l'organisation et le fonctionnement des établissements.

La pratique des billets horodatés développée pour répondre aux contraintes de jauges réduites pourrait constituer un élément de réponse aux problématiques actuelles rencontrées par les grands établissements en termes de régulation des flux. Celle de l'extension des horaires d'ouverture des établissements pourrait constituer une autre piste.

Le développement de l'offre numérique des établissements pendant la période de crise va dans le sens des réflexions conduites en matière de démocratisation culturelle, même si le numérique ne remplacera jamais le contact direct avec les oeuvres et les monuments. Il serait important que des évaluations soient conduites pour vérifier dans quelle mesure un premier contact avec un établissement patrimonial sur Internet débouche par la suite sur une visite. Il ne faut pas négliger le manque à gagner pour les établissements si les offres numériques demeurent gratuites.

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