II. L'ÉTAT AU SECOURS DE SES OPÉRATEURS

A. UN SOUTIEN NÉCESSAIRE

1. Une situation particulièrement préoccupante pour les opérateurs qui ont le plus développé leurs ressources propres

Les musées, sites et monuments ouverts au public ont enregistré des pertes de recettes importantes depuis le mois de mars en raison, d'une part, de la fermeture au public de leurs portes pendant les deux périodes de confinement et, d'autre part, des baisses très sensibles de fréquentation enregistrées pendant la période de réouverture entre juin et octobre. Ces baisses de fréquentation sont à la fois liées à la réduction des jauges pour garantir le respect des règles de distanciation physique et à la baisse du tourisme.

Les opérateurs qui ont les taux de ressources propres les plus importants sont les plus affectés , dans la mesure où leurs dépenses excèdent chaque année très largement le niveau des subventions de l'État. C'est le cas de la Réunion des musées nationaux - Grand Palais (Rmn-GP) (74 %), du château de Versailles (68 %) et du musée du Louvre (61 %), du musée d'Orsay et de l'Orangerie (58 %). Le Centre des monuments nationaux, dont la part des ressources propres est de 48 %, est également en grande difficulté, puisque ses ressources propres financent 80 % de ses dépenses de fonctionnement. Sous l'effet de la crise, ces établissements ont enregistré des chutes dramatiques de leurs recettes de billetterie, de leurs recettes de valorisation des sites (boutiques, redevances de concession, privatisation des locaux), auxquelles se sont ajoutées des pertes de recettes de mécénat.

Même si la crise a mécaniquement réduit le niveau de leurs dépenses, compte tenu de moindres dépenses de fluide, d'un moindre recours à des contrats temporaires venant en renfort sur les expositions rencontrant un important succès, ou du décalage de la programmation des expositions et événements, l'impact de la crise sur les recettes est bien plus élevé que son impact sur les dépenses. La diminution des ressources propres des grands établissements patrimoniaux pourrait s'élever à un minimum de 360 millions d'euros en 2020 , un montant qui pourrait être révisé à la hausse en fonction de la durée du second confinement. Le musée du Louvre évalue, en 2020, le montant de ses pertes à un niveau situé entre 90 et 100 millions d'euros, selon que le confinement est ou non prolongé jusqu'à la fin de l'année.

La situation des opérateurs en 2021 devrait demeurer extrêmement complexe. L' estimation des pertes reste très élevée, de l'ordre de 130 millions d'euros . La reprise de la fréquentation s'annonce lente et les capacités d'accueil du public resteront réduites pour assurer la sécurité sanitaire des visiteurs. Les recettes générées par les locations, les coproductions et les délocalisations à l'étranger devraient rester affectées par la baisse durable des échanges internationaux, les redevances de concession et les loyers par les baisses de chiffre d'affaires en 2020 et les recettes de mécénat par la crise économique.

2. Un accompagnement de l'État important

L'accumulation de ces pertes menace aujourd'hui les principaux opérateurs patrimoniaux et fait courir de multiples dangers. Elle constitue également une menace sur le plan économique , car ces établissements, par leur poids financier, sont au coeur d'un écosystème. Ils jouent un rôle essentiel pour la filière de la restauration, de par la nature des travaux qu'ils commandent, et contribuent à préserver des savoir-faire pour lesquels la France est mondialement reconnue. Enfin, les risques qui pèsent sur les opérateurs pourraient affaiblir le potentiel touristique de notre pays , puisque le rayonnement et l'attractivité touristique de la France reposent très largement sur ces fleurons de notre patrimoine culturel. Elle présente un danger d'un point de vue culturel , dans la mesure où ces opérateurs pourraient se retrouver à court de moyens pour développer leur offre.

Ces arguments légitiment le montant des crédits consacrés par l'État en 2021 pour accompagner les opérateurs , notamment au travers du plan de relance. Sur le volet patrimonial du plan de relance, près de 55 % des crédits en AE, soit 334 millions d'euros, et 67 % des crédits en CP (231,7 millions d'euros) sont spécifiquement destinés aux opérateurs. Ces crédits devraient être répartis entre les opérateurs qui ont subi les plus lourdes pertes , afin de les aider à assurer leurs dépenses de fonctionnement, mais aussi ceux dont la poursuite des investissements pourrait le plus favoriser l'emploi dans les secteurs de la construction, des bâtiments et des travaux publics, de l'architecture et du patrimoine .

Répartition des crédits du plan de relance
pour les années 2021 et 2022 entre les opérateurs

Opérateur

Montant (en millions d'euros)

Centre des monuments nationaux

92,8

Établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles

87

Musée du Louvre

46

Réunion des Musées nationaux - Grand Palais

40

Centre Pompidou

21,7

Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP)

20

Musée d'Orsay et musée de l'Orangerie

15

Domaine national de Chambord

11,5

Total

334

Source : Ministère de la culture

Les montants des aides aux opérateurs ont toutefois été calculés en septembre, dans un contexte de reprise progressive de l'activité. La fermeture au public à laquelle ils sont contraints depuis la fin du mois d'octobre est venue depuis dégrader leur situation. Si la plupart des opérateurs se félicitent de l'aide salutaire octroyée par l'État et reconnaissent l'ampleur des efforts auxquels il consent, beaucoup s'inquiètent pour leurs capacités en 2022, en l'état actuel des perspectives .

Dans le cadre du programme 175 « Patrimoines », plusieurs établissements bénéficient par ailleurs d'un soutien renforcé du ministère de la culture pour la mise en oeuvre de leurs opérations d'investissement. La dotation en fonds propres du Palais de la Porte dorée augmente d'un million d'euros pour contribuer au financement du plan pluriannuel d'investissement, celle du Centre Pompidou augmente de 3 millions d'euros pour permettre la mise en oeuvre de travaux anticipés du schéma directeur et celle de la Rmn-GP augmente de 3 millions d'euros au titre de la restauration du Grand Palais et celle du château de Versailles augmente de 4 millions d'euros au titre du soutien à la réalisation de schéma directeur de rénovation. La subvention pour charges de service public de l'INRAP augmente de 5 millions d'euros au titre du financement des diagnostics d'archéologie préventive. Le ministère de la culture a par ailleurs indiqué que les établissements dont la situation justifierait un soutien et qui n'auraient pas bénéficié de mesures au titre de la LFR3 ou du plan de relance pourraient faire l'objet d'un accompagnement en gestion, déterminé au cas par cas.

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