II. POUR 2021, UN BUDGET EN HAUSSE DONT LES PRIORITÉS SERONT SOUMISES À L'ÉVOLUTION DE LA CRISE

A. DES CRÉDITS EN HAUSSE DE 10,5 % POUR 2021

Les crédits demandés par le projet de loi de finances pour 2021 progressent de 10,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2020 et s'élèvent à 2 200 millions d'euros en crédits de paiement. C'est sur l'action 12, consacrée aux actions de veille sociale, d'hébergement et de logement adapté, que porte principalement cette augmentation.

Crédits par action votés pour 2020 et demandés pour 2021

LFI 2020

PLF 2021

Évolution en montant

Évolution en %

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action 11

50 361 191 €

52 361 191 €

2 000 000 €

4,0 %

Action 12

1 905 920 629 €

1 931 720 629 €

2 113 024 919 €

2 138 506 152 €

207 104 290 €

206 785 523 €

10,9 %

10,7 %

Action 14

9 132 657 €

9 132 657 €

0

0 %

Total

1 965 414 477 €

1 991 214 477 €

2 174 518 767 €

2 200 000 000 €

209 104 290 €

208 785 523 €

10,6 %

10,5 %

Source : Commission des affaires sociales d'après le PAP 2021 et les réponses au questionnaire budgétaire.

1. Les crédits alloués à la veille sociale

Les crédits alloués à la veille sociale permettent de financer l'activité des SIAO, les maraudes et les dispositifs d'accueil tels que les haltes de nuit ou les accueils de jour. Ces crédits progresseraient de 12,2 % par rapport à ceux votés en LFI pour 2020.

Crédits alloués à la veille sociale votés pour 2020 et demandés pour 2021 (AE = CP)

LFI 2020

PLF 2021

Évolution en montant

Évolution en %

Veille sociale

148 343 294 €

166 475 083 €

18 131 789 €

12,2 %

Source : Commission des affaires sociales d'après les réponses au questionnaire budgétaire

L'augmentation des crédits permettra de soutenir le fonctionnement des SIAO pour lesquels le recrutement de 150 ETP supplémentaires est prévu pour l'année 2021 . L'année prochaine permettra en outre de poursuivre l'amélioration des outils à la disposition des SIAO afin de renforcer leur rôle de coordinateurs de la politique d'hébergement et d'insertion sur le territoire. À cet égard, une refonte de l'outil informatique des SIAO (SI-SIAO) a été engagée en 2018 afin de fusionner les volets « urgence » et « insertion » et de proposer aux gestionnaires une application unique permettant de faciliter la gestion des demandes d'hébergement et de l'orientation du public vers l'ensemble des solutions d'accueil. La nouvelle version de l'outil informatique a été livrée au mois de septembre mais a connu de graves dysfonctionnements qui ont perturbé le fonctionnement des opérateurs pendant plusieurs semaines. Ces difficultés ont été progressivement résolues par les services de l'État.

Si la quasi-totalité des départements disposent dorénavant d'un SIAO unique, les efforts de coordination entre SIAO sont à poursuivre, en particulier dans les zones tendues . Une étape a été franchie en Ile-de-France pour la réservation des nuitées hôtelières confiée à un opérateur régional unique, le Samu social de Paris. Une mutualisation des moyens sur les autres champs de compétences des SIAO pourrait être envisagée en région parisienne mais aussi dans les autres régions soumises à une forte demande d'hébergement.

L'augmentation des crédits permettra enfin de renforcer les moyens consacrés aux accueils de jour , qui constituent un outil de suivi des personnes en grand exclusion et permettent, au-delà d'une mise à l'abri la journée et d'éventuelles aides alimentaires, d'accompagner ces personnes dans leur accès aux droits et leurs démarches d'insertion.

2. L'importante augmentation des crédits consacrés aux dispositifs d'hébergement

Crédits dédiés à l'HU et aux CHRS votés pour 2020 et demandés pour 2021

LFI 2020

PLF 2021

Évolution en montant

Évolution en %

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

HU

760 554 914 €

784 754 914 €

865 972 076 €

891 453 309 €

105 417 162 €

106 698 395 €

13,9 %

13,6 %

CHRS

631 003 521 €

648 220 444 €

17 216 923 €

2,7 %

Source : Commission des affaires sociales d'après les réponses au questionnaire budgétaire

La progression significative des crédits finançant l'hébergement d'urgence suit la hausse importante des capacités d'accueil et la décision du Gouvernement de pérenniser 14 000 des places d'hébergement temporaires ouvertes pour l'hiver 2019-2020 puis du fait de la crise sanitaire. Cette progression reflète la difficulté de contenir le recours aux dispositifs d'urgence, en particulier les nuitées hôtelières, objectif pourtant fixé par le plan « logement d'abord ».

Les capacités d'hébergement d'urgence ont doublé en six ans et le nombre de places à l'hôtel et en CHU devrait dépasser les 125 000 à la fin de l'année 2021. Cette augmentation constante révèle que le choix d'une mise à l'abri dans l'urgence a longtemps été privilégié aux solutions d'insertion plus durables par le logement adapté ou le logement social. En effet, la réservation de nuitées hôtelières se présente souvent comme la solution de facilité pour l'hébergement les personnes à la rue. La situation sanitaire vient ainsi s'ajouter à une progression continue et inexorable des capacités d'accueil depuis une dizaine d'années, malgré les initiatives pour favoriser l'insertion par le logement. Ces difficultés sont essentiellement dues aux difficultés d'accès au logement social et à la présence significative de personnes hébergées en situation administrative précaire qui ne peuvent prétendre à un emploi stable ou à un logement social car elles ne résident pas de façon régulière sur le territoire. En conséquence, l es crédits consacrés à l'hébergement d'urgence, qui ont atteint 884 millions d'euros en 2019, ont presque doublé en cinq ans, suivant la hausse constante des capacités d'accueil.

En outre, la progression limitée des crédits alloués aux CHRS tient compte de la neutralisation de la démarche de convergence tarifaire décidée cette année en raison de la crise et permet de poursuivre la démarche de transformation de places du statut « CHU » (régime de la déclaration, financé par subventions) au statut « CHRS » (régime de l'autorisation, financé par dotations).

Ces transformations sont soutenues par le rapporteur qui considère qu'il existe de moins en moins de différences dans la nature de l'hébergement entre ces types de places et que le statut de la déclaration, qui implique un financement par dotations pluriannuelles, permet d'assurer un meilleur pilotage du parc d'hébergement par les services de l'État.

3. Le financement des dispositifs de logement adapté

Le logement adapté permet d'offrir des solutions de logement aux personnes vulnérables dont la situation ne leur permet pas d'accéder au logement social ou ordinaire. Le programme 177 finance ainsi des places en pensions de famille , en intermédiation locative et en résidences sociales dont le nombre de places s'élève à 247 196 places à la fin 2019.

Crédits dédiés au logement adapté pour 2019 et demandés pour 2020 (CP)

LFI 2020

PLF 2021

Évolution en montant

Évolution en %

Pensions de famille

125 892 922 €

154 443 222 €

28 550 300 €

22,7 %

IML

121 931 981 €

148 834 481 €

26 902 494 €

22,1 %

Résidences sociales

26 000 000 €

26 000 000 €

0

0 %

ALT 1

73 468 934 €

74 754 550 €

1 285 616 €

1,8 %

Source : Commission des affaires sociales d'après le PAP 2019 et les réponses au questionnaire budgétaire

Le développement des places de logement adapté , en particulier en pensions de famille et en intermédiation locative, fait partie objectifs du plan « Logement d'abord » selon une approche d'accès direct de la rue au logement , plutôt que par l'intermédiaire de dispositifs d'hébergement, afin de limiter les ruptures dans le parcours d'insertion par des changements successifs de lieux d'accueil et d'accompagnement.

L'augmentation des crédits alloués aux pensions de famille doit permettre de poursuivre la création de places nouvelles pour ces structures de petites taille gérées par un hôte rémunéré et offrant un accompagnement social aux personnes qui y sont hébergées sans limitation de durée. Alors que le financement par jour et par place était fixé à 16 euros depuis 2007, ce forfait sera porté à 18 euros en 2021 , ce qui devrait permettre de mieux soutenir ces structures et d'encourager leur développement. L'objectif fixé par le plan « logement d'abord » de créer 10 000 places supplémentaires en cinq ans (2018-2022) risque toutefois de ne pas être atteint puisque seulement 3 638 places nouvelles ont été ouvertes entre 2017 et 2019.

Les moyens consacrés à l'intermédiation locative sont également en nette augmentation afin de poursuivre la dynamique de création de places initiée par le plan « logement d'abord », qui a fixé pour objectif de créer 40 000 places nouvelles en cinq ans. Ce dispositif consiste à verser une aide à des associations ou organismes de logement social afin qu'ils louent des logements du parc privé pour les sous-louer à un tarif social à des personnes défavorisées suffisamment autonomes pour occuper un logement. Les objectifs fixés risquent également de ne pas être atteints, même s'il faut saluer une réelle dynamique dans la création de places , puisque 6 107 places nouvelles ont été ouvertes en 2018 et 8 253 en 2019.

Les moyens alloués aux résidences sociales et à l'aide au logement temporaire ALT1 sont stables. S'agissant des crédits consacrés aux résidences sociales, soutenues par l'intermédiaire de l'aide à la gestion locative sociale (AGLS), ils sont reconduits pour 2021 pour un montant inchangé depuis cinq ans. Il est toutefois regrettable que cette enveloppe soit sous-exécutée chaque année (18,4 M€ consommés en 2019 sur une enveloppe de 26 M€ ouverte en LFI), du fait de redéploiements de crédits au profit de l'hébergement d'urgence. Ces moyens permettent pourtant de soutenir une solution de logement adapté en cohérence avec les orientations fixées par le plan « Logement d'abord ».

4. Les crédits des actions 11 et 14 restent stables

Les crédits de l'action 11 « prévention de l'exclusion » connaissant une faible progression pour 2021 (+ 4 %). Ils permettent de financer des allocations et prestations d'aide sociale aux personnes âgées et handicapées , par dérogation à la compétence des conseils départementaux. En effet, l'État se substitue aux collectivités de façon résiduelle pour attribuer ces prestations aux personnes sans domicile et qui ne pourraient pas en bénéficier dans le cadre du financement des départements, faute de domiciliation stable. Cette action finance également le fonctionnement des aires d'accueil des gens du voyage , par le versement d'une aide (ALT2) aux gestionnaires de ces aires.

Les crédits de l'action 14 « conduite et animation des politiques de l'hébergement et de l'inclusion sociale » demandés pour 2021 sont identiques à ceux ouverts pour 2020. Ils permettent de financer des actions d'ingénierie pour l'élaboration d'outils de pilotage et d'évaluation des dispositifs d'hébergement, à destination des opérateurs, tels que les systèmes d'information des SIAO. Ces crédits apportent également un soutien financier aux associations tête de réseaux du secteur de l'hébergement et de l'insertion pour leur fonctionnement et des actions de professionnalisation et de promotion des bonnes pratiques auprès du personnel sur le territoire.

5. Les moyens supplémentaires figurant dans le plan de relance

L'action 8 « soutien aux personnes précaires » du programme 364 « cohésion » de la mission « plan de relance » prévoit l'ouverture de 100 millions d'euros en AE et 49,5 millions d'euros en CP pour le secteur de l'hébergement et de l'insertion . Cette enveloppe de 100 millions d'euros en autorisations d'engagement serait ainsi répartie :

- 50 millions d'euros pour la création de places d'hébergement supplémentaires et l'humanisation des centres d'hébergement et des accueils de jour ;

- 30 millions d'euros pour financer des programmes de rachat d'hôtels et de construction de logements modulaires ainsi que pour accélérer la transformation des foyers pour travailleurs migrants ;

- 20 millions d'euros destinés à réhabiliter des aires d'accueil des gens du voyage.

Ces moyens supplémentaires permettront de renforcer les restructurations nécessaires pour accueillir et accompagner les personnes vulnérables dans de meilleures conditions. Il est toutefois regrettable que ces crédits ne figurent pas au sein du programme 177 alors qu'ils financent des dispositifs qui lui sont pleinement rattachables et qu'ils ne relèvent pas à proprement parler d'une politique de relance économique. Leur rattachement à la mission « plan de relance » nuit à la lisibilité budgétaire et crée des incertitudes sur leur destination, compte tenu de possibles redéploiements de crédits au sein de cette mission selon les besoins.

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