B. DES MESURES EXCEPTIONNELLES DANS LE SECTEUR DE L'HÉBERGEMENT POUR LUTTER CONTRE L'ÉPIDÉMIE ET SES CONSÉQUENCES

1. Une mobilisation d'aides et de capacités d'accueil exceptionnelles depuis le mois de mars

Des mesures exceptionnelles ont été prises dans le secteur de l'hébergement et de l'insertion depuis le début de la crise afin de lutter contre l'épidémie de covid-19.

Elles ont consisté à accroitre significativement les capacités d'hébergement d'urgence afin de mettre à l'abri un maximum de personnes et de diminuer la densité d'occupation des structures existantes pour respecter les consignes sanitaires. Ce sont ainsi 35 000 places exceptionnelles qui ont été ouvertes en complément des places pérennes du parc généraliste. Elles étaient ainsi réparties :

- prolongation des 14 000 places temporaires ouvertes pour l'hiver 2019-2020 ;

- ouverture de 17 000 places supplémentaires à l'hôtel, en centres d'hébergement et dans des locaux à titre exceptionnel ;

- ouverture de 3 600 places en centres d'hébergement spécialisés (CHS) pour personnes malades de la covid-19.

Le parc d'hébergement généraliste a ainsi atteint près de 180 000 places d'accueil entre fin avril et fin juin 2020.

S'agissant des CHS pour personnes sans-abri malades , ils ont été créés afin d'accueillir des personnes atteintes de formes peu graves de la covid-19 mais ne pouvant être hébergées dans des structures d'hébergement, faute de pouvoir les isoler et au regard des facteurs de vulnérabilités des personnes. L'orientation en CHS était donc une solution de dernier ressort, effectuée après avis médical et recueil du consentement de l'intéressé. La personne hébergée en CHS bénéficie d'une consultation médicale entre le 6 ème et le 8 ème jour de la maladie puis en fin de suivi ainsi que de la visite d'un infirmier au moins deux fois par jour .

La capacité des CHS a atteint 3 620 places le 5 mai 2020, réparties dans l'ensemble des régions, puis a progressivement diminué pour atteindre 757 places ouvertes au 25 août. Du 16 mars au 25 août le taux d'occupation national moyen des places de CHS ne s'est élevé qu'à 10 % des capacités , même si cette moyenne cache des situations ponctuelles de saturation qui se sont présentées dans certains territoires, pendant de courtes durées. Au total, le coût de ces places ouvertes sur cette période, financées à hauteur de 80 € par jour et par place, est estimé à 27,3 millions d'euros.

Les capacités exceptionnelles à l'hôtel et en lieux temporaires ont également diminué à partir de la sortie du premier confinement . Si ces capacités ont atteint 35 000 places jusqu'à la fin du mois de mai, elles s'élevaient à 29 000 places au 25 août. Le Gouvernement a pris deux décisions pour accompagner cette décroissance. D'une part, l'instruction ministérielle du 2 juillet 2020 a conditionné la fermeture des places temporaires à la proposition d'une solution d'hébergement pérenne, de logement adapté ou de logement. D'autre part, il a été décidé de pérenniser 14 000 de ces places temporaires , dont 10 000 en hébergement généraliste, 1 000 en places pour l'hébergement de femmes victimes de violences et 3 000 en places d'intermédiation locative. Ces pérennisations s'effectueront en deux vagues, à la fin de cette année puis dans le courant de l'année 2021.

En matière de veille sociale, des équipes mobiles sanitaires départementales ont été mises en place par les ARS. Ces équipes, composées d'un médecin et de deux infirmiers 2 ( * ) , se sont déplacées vers les personnes à la rue ou en centres d'hébergement et ont été en capacité de prendre en charge une cinquantaine de personnes par semaine, intervenant à la demande du personnel des centres d'hébergement ou assurant des maraudes. Ces équipes avaient pour mission de détecter des cas d'infection, d'évaluer la nécessité d'orienter ces personnes vers des CHS, de suivre les personnes infectées en ambulatoire et de sensibiliser le personnel des structures d'hébergement aux protocoles sanitaires. Même si ces équipes n'étaient pas suffisantes pour couvrir l'ensemble des besoins, le ministère chargé du logement et les acteurs de l'hébergement ont constaté leur grande utilité afin de renforcer les liens entre les secteurs social et sanitaire, alors que le public hébergé est bien souvent en situation de grande vulnérabilité. C'est la raison pour laquelle les conclusions du Ségur de la Santé comportent l'instauration d'équipes mobiles « santé précarité » régulées par la SIAO et financées par l'assurance maladie.

En outre, un dispositif de chèques services pour les personnes sans domicile a été mis en place à partir du mois d'avril afin que ces personnes vulnérables puissent acheter des produits alimentaires et de première nécessité.

Cinq livraisons de chèques services ont été effectuées dans l'ensemble des départements, pour un montant de 43,3 millions d'euros. Les chèques, d'une valeur unitaire de 3,5 euros, ont été distribués par des associations sélectionnées par les préfets de département. Selon les informations transmises au rapporteur par le ministère chargé du logement, 90 000 personnes ont bénéficié de chèques services dont 20 % de mineurs. Plus du quart des chèques a été distribué à des personnes hébergées à l'hôtel.

2. Des conditions d'accueil et d'accompagnement rendues difficiles pendant la crise

Lorsqu'est intervenu le premier confinement, de nombreuses actions de veille sociale (accueils de jour, maraudes, distribution alimentaire) ont du s'interrompre car, dans certaines situations, les consignes sanitaires ne pouvaient être appliquées (distanciation physique, équipements de protection individuelle) et parce que ces activités reposent en partie sur des bénévoles qui n'ont pas pu poursuivre leur mission, notamment en raison de leur âge.

Face à cette déstabilisation, les acteurs de la veille sociale ont constaté une hausse significative des sollicitations pour obtenir une aide alimentaire , notamment dans les grandes villes, alors que les personnes en grande précarité parviennent la plupart du temps à subvenir à leurs besoins alimentaires grâce à la mendicité et aux dons, qui se sont interrompus du fait du confinement, ainsi qu'aux dispositifs de veille sociale. A contrario , la hausse des capacités d'accueil et l'absence de rotation des publics dans le parc d'hébergement en raison du confinement a contribué à une réduction importante des appels au 115 , de l'ordre de 50 % à 70 % au niveau national selon la fédération des acteurs de la solidarité.

Le secteur a également été fragilisé par des difficultés d'approvisionnement en équipements de protection individuelle pour le personnel et les personnes hébergées. La priorité ayant été donnée au personnel soignant pendant les premiers mois de la crise, les acteurs de l'hébergement ont dû prendre des initiatives individuelles, parfois avec l'appui de collectivités territoriales, avant que ne se mettent en place des commandes groupées coordonnées par l'État, en lien avec l'UGAP 3 ( * ) et l'association La Clé solidaire. Les aménagements rendus nécessaires par la crise ont impliqué des surcoûts pour les opérateurs dont la prise en charge par l'État a été définie cet été 4 ( * ) . Les dépenses prises en compte concernent les achats d'équipements de protection et les dépenses supplémentaires de personnel.

En outre, l'État a décidé de financer le versement d'une prime exceptionnelle d'un montant maximum de 1 000 euros au personnel du secteur de l'hébergement , qui représente une dépense de 20 millions d'euros pour le programme en 2020.

3. Les évolutions du secteur de l'hébergement et de l'insertion mises en suspens

Les évolutions structurelles du parc d'hébergement, destinées à améliorer son efficience et ses capacités en logements adapté ont connu un net ralentissement du fait de la crise, puisque la priorité a été donnée à la mise à l'abri et au respect des consignes sanitaires.

Tout d'abord , les créations de places de logement adapté ont été très réduites cette année et les objectifs fixés ne pourront pas être atteints. Ces objectifs s'inscrivent dans le cadre du plan « Logement d'abord » mis en place par le Gouvernement pour les années 2017-2022. Ce plan est destiné à accélérer la production de logements adaptés aux personnes sans-abris afin d'améliorer l'accès au logement, à renforcer l'accompagnement des plus vulnérables et à recentrer l'hébergement d'urgence sur ses missions de réponse immédiate et inconditionnelle. Dans ce cadre, le plan a fixé pour objectif de créer en cinq ans 10 000 places supplémentaires en pensions de familles et 40 000 places en intermédiation locative (IML). S'agissant des pensions de famille, 3 770 places ont été ouvertes entre 2017 et 2019, dont 1 279 en 2019, ce qui représente 38 % de l'objectif fixé par le plan à l'horizon 2022. Sur les six premiers mois de 2020, seulement 82 places de pensions de famille ont été ouvertes , alors que l'objectif fixé pour 2020 s'élevait à 2 000 places nouvelles. Pour l'IML, ce sont 6 107 places qui ont été créées en 2018 et 8 253 places en 2019. L'objectif de créer 8 850 places fixé en 2019 a été reconduit pour 2020.

Les évolutions en cours concernant la tarification et le pilotage des places de centres d'hébergement ont également été ralenties par la crise sanitaire. La démarche de convergence tarifaire applicable aux centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), initiée en 2018, a été suspendue cette année 5 ( * ) . Cette démarche avait été initiée alors qu'une enquête nationale des coûts avait fait état d'importantes disparités entre les CHRS selon les territoires. Elle a consisté en la mise en place de tarifs plafonds fixés selon l'activité et les missions des CHRS. Cet exercice devait permettre de réaliser une économie de 5,1 millions d'euros en 2020 selon les objectifs fixés par le Gouvernement.

En outre, la généralisation de la contractualisation pluriannuelle d'objectifs et de moyens entre l'État et les CHRS , prévue par l'article 125 de la loi dite « ELAN 6 ( * ) » à l'horizon 2022 a été également freinée en 2020, ainsi que les démarches en cours visant à transformer des places d'hébergement du statut de la déclaration au statut de l'autorisation. Les services déconcentrés et les opérateurs de l'hébergement, mobilisés par la gestion de crise, n'ont pas eu le temps de poursuivre ces démarches cette année. Par exemple, les services déconcentrés de la région Hauts-de-France ont indiqué au rapporteur que toutes les négociations de contrats prévues cette année ont été reportées en 2021.


* 2 En équivalent temps plein.

* 3 Union des groupements d'achats publics.

* 4 Instruction n° DGCS/SD5/SD4/2020/127 du 24 juillet 2020 relative à la prise en charge par le budget de l'État (programmes 177 et 137) des surcoûts occasionnés par la crise sanitaire.

* 5 Instruction n° DGCS/SD5A/SD5C/SD1A/2020/139 du 31 août 2020 relative à la campagne budgétaire des centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) pour 2020.

* 6 Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique.

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