II. LES DANGEREUSES IMPASSES DE LA POLITIQUE IMMOBILIÈRE

Les crédits pour l'immobilier à l'étranger sont portés à 80,3 M€ et augmentent de 26,9 M€ (+33%) en 2021 . L'essentiel de cette hausse concerne l'immobilier à l'étranger (+25,8 M€) et plus particulièrement une mesure nouvelle de 24,2 M€ qui doit notamment permettre au titre de l'entretien lourd la rénovation des ambassades en Italie et en Grèce et le remplacement des systèmes de climatisation à Riyad et Djeddah.

Les crédits d'entretien lourd atteignent 41,6 M€ en 2021 , alors que les besoins annuels du MEAE dans ce seul domaine sont compris entre 60 et 80 millions d'euros par an vu l'étendue du patrimoine concerné.

La dotation d'entretien et maintenance des implantations à l'étranger est passée de 2 M€ en 2015, à 7 M€ en 2016, 12 M€ en 2017, 8 M€ en 2018, à 9 M€ en 2019, puis 5 M€ en 2020, à 9 M€ en 2021. Les besoins dans ce domaine peuvent varier naturellement, mais la variabilité de la dotation semble tenir plutôt des contraintes budgétaires pesant sur le budget du ministère que de l'adéquation avec les besoins constatés .

La politique immobilière à l'étranger est à réinventer de toute urgence . Elle est grevée par le choix qui a été fait pendant plusieurs années de faire dépendre l'entretien normal des bâtiments des recettes exceptionnelles de cessions d'immeubles .

Ce système qui revient à appauvrir l'État a en outre été en partie capté par le désendettement de l'État jusqu'en 2017 à hauteur de 207 M€. Il est en voie d'essoufflement au point qu'il est désormais nécessaire , pour pallier le manque à financer dû aux cessions non réalisées , d'augmenter les crédits budgétaires.

Le système de financement des dépenses de sécurisation par avance des crédits du CAS pose un réel défi : pour rembourser les 100 M€ prévus, vu le mécanisme mis en oeuvre, ce ne sont pas 143 M€ qui sont nécessaires et correspondent au plan de cessions présenté par le MEAE mais 200 M€ de produits de cessions qui seraient nécessaires, sous réserve que le retour à 100 % au MEAE de ces ventes reste garanti, ce que la commission soutient vivement.

Or les plus belles cessions ont déjà été réalisées. De 2006 à 2014, 194 ventes ont été signées pour un montant total de 503,12 M€ . Le rythme annuel de ventes s'est ralenti après 2015, et la vente d'une partie du vaste campus diplomatique en Malaisie, à Kuala Lumpur, amenant le produit de cessions, cette année-là, à un peu plus de 230 M€.

L'encours espéré était de 45,5 M€ en 2020, mais dans le contexte de crise sanitaire internationale 1,4 M€ seulement a pour l'heure été enregistré (vente de l'ex-trésorerie à Dakar et de la villa des Affaires maritimes à Abidjan). La vente du Terrain des Marchands de légumes à Beyrouth pour 19,7 M€ est remise en cause du fait de la pandémie, tout comme la vente de l'ancienne ambassade d'Assomption initialement estimée à 3,3 M€ pour laquelle une offre à 1,5 M€ avait finalement été proposée. Trois ventes sont toutefois en cours de réalisation (vente du CEMCA au Mexique, vente de l'ancienne résidence à Nairobi, et vente de terrains en Jamaïque) et pourraient aboutir d'ici la fin de l'année 2020. Leur montant estimé s'élève à 12,6 M€.

En 2021 , les produits de cessions escomptés pourraient permettre de rapporter près de 26 M€. Cette prévision s'appuie pour plus de la moitié sur la vente d'un immeuble de logements à New York (14 M€) qui aurait dû être vendu cette année mais dont la procédure de vente a été annulée du fait de la crise sanitaire. Les autres ventes envisagées concernent notamment l'immeuble du Consulat à Séville (1,7 M€), un immeuble à Berne (2,6 M€), l'ancienne section consulaire à Athènes, l'ancienne Ambassade de Namibie et des logements de fonction à Copenhague (3,2 M€), Rome et Nairobi (1,6 M€).

La commission s'est déjà prononcée contre le principe de la vente des biens immobilier du quai d'Orsay. Sa faisabilité est en outre aujourd'hui en cause.

Le plan de cession de 140 M€ soumis en gage par le MEAE à Bercy a déjà pris du retard. Il est essentiel que les remboursements de l'avance pour dépenses de sécurisation ne soient réalisés qu'au fur et à mesure des cessions . Si la pandémie devait retarder les ventes, le remboursement devrait également être reporté.

Faire face à ce besoin de financement de la politique immobilière implique de l'imagination . La piste des mutualisations et les colocalisations , a été explorée. C'est avec le Service européen d'action extérieure que les projets sont les plus aboutis au Timor oriental, au Rwanda, au Soudan du Sud, au Honduras, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, au Canada (Assomption au Québec), et en Turquie (Gaziantep), et au Nigéria. Les colocalisations avec l'Allemagne sont effectives en Chine, en République du Congo, en Corée du Nord, au Brésil, en Érythrée, au Brunei, au Koweït, au Bangladesh (à venir : Khartoum).

D'autres pistes doivent être explorées et les services sont interrogés avec précision sur la possibilité de mettre en oeuvre des financements innovants, comme les collectivités territoriales ont su le faire.

Enfin, le projet immobilier relatif à la rénovation du Quai d'Orsay, dit QO21 semble en meilleure voie qu'il n'était. Il a été adapté à la décision de la ville de Paris de fermer le restaurant administratif qui accueillait les personnels et intègre un restaurant administratif sur l'emprise . Le projet a été validé en comité stratégique interministériel au mois de juillet, l'avant-projet définitif est attendu pour mars 2021, la fin des travaux interviendrait en 2024 pour les bâtiments et 2025 pour la nouvelle tranche du restaurant. Selon les informations communiquées, l'enveloppe budgétaire du projet global n'aurait pas augmenté, ce qui fera l'objet d'un suivi attentif tout au long de l'exécution des travaux .

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