EXAMEN EN COMMISSION

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Réunie le lundi 4 mai 2020, sous la présidence de M. René-Paul Savary, vice-président, la commission examine le rapport pour avis de M. Alain Milon, rapporteur sur avis, sur le projet de loi (n° 414, 2019-2020) prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions.

M. René-Paul Savary , président . - Mes chers collègues, notre ordre du jour appelle la demande de saisine de notre commission, la désignation d'un rapporteur et l'examen du rapport pour avis sur le projet de loi prorogeant l'état d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19. Je précise que notre commission n'a pas reçu de délégation de la commission des lois saisie au fond, et que, par conséquent, nous ne nous réunirons pas cet après-midi pour l'examen d'amendements de séance.

Pour des raisons sanitaires, je rappelle que certains de nos collègues participent à nos travaux par visioconférence.

La commission demande à être saisie pour avis du projet de loi n° 414 (2019-2020) prorogeant l'état d'urgence sanitaire et complétant ses dispositions et désigne M. Alain Milon en qualité de rapporteur pour avis.

M. René-Paul Savary , président . - Je vous prie d'excuser l'absence d'Alain Milon, qui nous rejoindra un petit peu plus tard. En attendant, Mme Catherine Deroche nous présentera les conclusions de son rapport.

Mme Catherine Deroche , rapporteure pour avis, en remplacement de M. Alain Milon, rapporteur pour avis . - À l'issue de bientôt deux mois de confinement, et alors que nous nous réunissons aujourd'hui pour la première fois depuis l'adoption de la première loi d'urgence, je ne peux entamer mon propos sans vous faire part d'une grande satisfaction, dont la période qui s'achève s'est pourtant montrée particulièrement avare. Pendant que le pays, dépourvu à ce jour de toute certitude sur son avenir, est engagé dans un moment de son histoire dont il gardera pour longtemps la mémoire et les marques, le Parlement n'a pas un instant cessé d'exercer, dans la tempête sanitaire dont nous avons été et continuons d'être violemment secoués, la vigilance essentielle et indispensable à tout état d'exception.

Alors que nous avons à examiner aujourd'hui le second projet de loi d'urgence, par lequel le Gouvernement nous demande de proroger l'état d'urgence sanitaire jusqu'au 23 juillet prochain inclus, l'avis de notre commission des affaires sociales reste à mon sens plus déterminant que jamais.

Je vous propose que notre avis porte plus particulièrement sur les articles 2, 3 et 6.

L'article 2 du projet de loi, qui apporte plusieurs restrictions matérielles aux compétences du Premier ministre en cas de déclaration de l'urgence sanitaire, s'attarde plus particulièrement sur les cas de mise en quarantaine, qui concerne les personnes potentiellement atteintes du Covid-19, et de mise à l'isolement pour les personnes qui en sont effectivement atteintes. La mise en oeuvre généralisée du confinement, dont le présent projet de loi prépare la sortie, a jusqu'à présent rendu logiquement inutile la prise de mesures individuelles de cet ordre.

La question se posera néanmoins avec une acuité particulière à partir du 11 mai, lorsque nous recouvrerons tous notre liberté d'aller et venir. Par quels moyens pourrons-nous alors nous protéger de cette « seconde vague » d'hospitalisations, légitimement tant redoutée, et à laquelle notre système hospitalier durement éprouvé par deux mois de tensions ininterrompues ne manquerait pas de succomber ? La solution proposée par l'article 2, qui ne réserve les cas de quarantaine et d'isolement contraint qu'aux entrées sur le territoire national et aux déplacements entre la partie continentale et les parties insulaires de la République, est à mon sens bien trop limitée. Pire, elle est dangereuse. En désignant aussi explicitement les seuls cas d'isolement prophylactique contraint, elle fait courir le risque réel d'une insouciance de nos concitoyens qui, légitimement grisés par leur liberté retrouvée, ne manqueront pas d'y voir le signe abusif que le danger est écarté tant qu'on reste au sein des frontières terrestres du pays. J'y vois là une imprudence majeure.

Je ne peux bien sûr que m'associer à la volonté du Gouvernement d'emprunter désormais des voies décisionnelles plus incitatives que coercitives, mais, alors que la menace est encore loin d'être écartée, notre vigilance doit se maintenir. C'est pourquoi je vous proposerai de prévoir un autre cas d'isolement prophylactique contraint, imposé au patient qui, par un refus réitéré des prescriptions médicales qui lui sont faites, contribuerait à un inéluctable rebond de l'épidémie. J'ai conscience que cette position n'emportera pas que des adhésions, surtout à quelques jours de la levée tant attendue du confinement. Je l'estime néanmoins de responsabilité, et je lui trouve la marque distinctive du souci que la commission des affaires sociales a toujours pris des impératifs de santé publique.

L'autre grand sujet de ce projet de loi dont nous nous sommes saisis figure à l'article 6, et concerne l'ouverture d'un fichier de données nominatives relatives aux patients atteints ou potentiellement atteints du Covid-19.

En cohérence avec l'avis que j'ai précédemment formulé sur l'article 2, les dérogations importantes qu'appelle la création d'un pareil outil me paraissent parfaitement fondées au regard de l'objectif d'intérêt général qu'il entend servir : le suivi sanitaire, aussi dénommé tracing, de tout patient atteint et de l'ensemble des cas contacts. Cela ne s'est certes jamais vu, mais, au regard du caractère extrêmement transmissible de l'épidémie que nous traversons et de l'obligation qui est la nôtre de réussir notre sortie de confinement, les moyens sont, à mon sens, justifiés par la fin.

Je tiens néanmoins à apaiser les alarmes légitimes : la levée du secret médical et la suspension du recueil obligatoire du consentement du patient à la collecte de ses données personnelles de santé ne me semblent pas présenter de menace particulière, pour autant qu'on ait très soigneusement circonscrit les données visées. Le texte présentait à cet égard une lacune importante, que je proposerai de combler par amendement.

Voilà, mes chers collègues, en quelques mots, résumée la doctrine de que je vous propose de défendre, au nom de la commission des affaires sociales.

M. Philippe Mouiller . - Je tiens à saluer le travail de notre rapporteur alors que nous examinons ce texte dans des conditions très difficiles. À cause de la brièveté des délais, nous manquons quelque peu de recul et nous n'avons pas pu nous coordonner avec la commission des lois.

Exiger des personnes touchées par le virus un confinement obligatoire soulève la question de l'articulation entre les exigences de santé publique et les libertés individuelles. L'amendement de M. Milon concerne les patients qui refusent, de manière réitérée, de suivre les prescriptions médicales et risquent de propager l'épidémie. Si je comprends bien, il appartiendrait au médecin de faire remonter ces comportements anormaux. Mais est-ce bien le rôle du médecin ? Pourriez-vous nous apporter des précisions sur l'application des mesures prévues par cet amendement ?

Mme Catherine Deroche , rapporteure pour avis . - C'est le préfet qui, sur la base d'un signalement du médecin, prendra la décision d'isolement.

M. Philippe Mouiller . - Je souscris à l'objectif, mais il conviendra toutefois d'être vigilant sur sa rédaction et sur les modalités de mise en oeuvre. Le médecin ne connaît pas toujours bien la situation du patient.

M. Olivier Henno . - Le débat est celui de l'équilibre entre la sécurité sanitaire et la protection des libertés publiques. J'ai certaines réserves sur l'extension du champ de l'article 2 ainsi que sur l'article 6. Dès lors que l'on autorise l'ouverture de données nominatives de santé, on met le doigt dans un engrenage qui peut être lourd de conséquences : qu'adviendra-t-il de ces données plus tard ? Pourront-elles être utilisées par les assurances ou la sécurité sociale ? Attention à ne pas trancher de manière précipitée ce débat entre sécurité et libertés, même si je comprends l'urgence.

Mme Laurence Rossignol . - La crise sanitaire affecte fortement le fonctionnement du Parlement et l'affaiblit. L'état d'urgence donne à l'Exécutif des capacités d'action qui échappent en grande partie à notre contrôle. Cela est encore aggravé par la communication de ce gouvernement, qui fait de nous des spectateurs des déclarations des uns ou des autres, en espérant que celles-ci soient cohérentes avec celles de la veille... Il conviendrait de mettre un terme à l'habilitation à légiférer par ordonnances. La question de l'articulation entre les libertés publiques et la protection collective est trop grave. Nous ne pouvons plus nous dessaisir de nos prérogatives. Avec le confinement, l'agenda parlementaire n'est plus si chargé... Nous avons donc le temps d'examiner le contenu des mesures que le Gouvernement souhaite adopter par ordonnances. Nous avons été trop laxistes le 23 avril dernier en autorisant le recours à l'article 38 de la Constitution. On découvre ainsi, au gré de la publication des ordonnances, les évolutions du dispositif de chômage partiel. Il serait à l'honneur du Parlement de débattre avec attention de l'articulation entre les exigences d'ordre public et les libertés individuelles. Les clivages traversent d'ailleurs les groupes politiques. Nous faillirions à notre tâche de gardiens des libertés publiques si nous ne prenions pas le temps de ce débat.

Mme Laurence Cohen . - La période est inédite et les circonstances sont exceptionnelles, mais je déplore que nous ne soyons appelés, de nouveau, à nous prononcer que par le biais d'une sorte de vote de confiance. Le Gouvernement décide sans concertation réelle ni avec le Parlement ni avec les partenaires sociaux.

Ce texte remet en cause les libertés. Or on le sait très bien, en dépit de toutes les belles déclarations du Gouvernement, les mesures votées en cette période d'état d'urgence risquent de durer et d'entrer dans le droit commun.

L'article 2 est flou. Imposer le confinement à une personne qui refuse de se soigner et qui, par son comportement, risque de mettre en danger la vie d'autrui semble une mesure de bon sens si l'on veut la soigner et éviter un rebond de l'épidémie. Toutefois, n'est-ce pas contradictoire avec le respect du secret médical ? Le Covid-19 serait ainsi la seule maladie susceptible de donner lieu à une obligation de soins, avec la psychiatrie où le préfet peut ordonner des hospitalisations d'office, sans consentement. Cela crée un précédent. On ne peut voter cet article 2 sans penser à la gestion calamiteuse de la crise par le Gouvernement. Il suffit de songer à la cacophonie sur les masques... Aura-t-on ainsi, dans dix jours, les moyens de tester et d'isoler ? Comment les personnes récalcitrantes seront-elles hébergées ? Devront-elles aller à l'hôpital ? Les services sont saturés. À l'hôtel ? Mais dans quelles conditions ? Nous ne voterons pas ce texte.

M. Daniel Chasseing . - Les services de réanimation sont en état d'embolie. Les cas de Covid-19 restent nombreux. Pour réussir la levée du confinement, nous devrons tester et isoler les malades, comme en Allemagne. On peut parvenir à réaliser les 100 000 tests par jour annoncés, car les laboratoires vétérinaires peuvent désormais réaliser des tests, en lien avec les médecins généralistes. Si l'on veut être efficace, nous devons aussi détecter et tester les cas contacts. Nous devons constituer pour cela des équipes pour les repérer, les tester et les suivre sur le plan médical. C'est fondamental pour barrer la route à l'épidémie. Ces mesures ne sont en rien liberticides. Ensuite, il faudra transmettre les résultats au médecin et isoler les malades en quarantaine. La grande majorité d'entre eux se laisseront convaincre par leur médecin traitant ou leur famille. Sans doute certains peuvent-ils avoir des troubles du comportement, mais il faut faire confiance à la persuasion. Je suis donc tout à fait favorable à la position de notre rapporteur.

Mme Pascale Gruny . - La liberté des uns s'arrête là où commence celle des autres. C'est pourquoi je suis plutôt favorable au dispositif dans son esprit, mais la rédaction n'est pas claire et on risque de donner un énième chèque en blanc au Gouvernement. De même, qui aura accès au système d'information prévu à l'article 6 ? Sera-t-il sécurisé ?

M. René-Paul Savary , président . - Oui. C'est l'un des enjeux du texte dont va se saisir la commission des lois. En l'état actuel de sa rédaction, rien ne s'opposerait à ce que le fichier contienne des données médicales sur le statut virologique des patients, mais aussi sur les comorbidités, ce qui est excessif : elles ne devraient pas être transmises, sans le consentement du patient, à des personnes qui ne sont pas assujetties au secret médical.

Mme Florence Lassarade . - J'ai bien noté l'enthousiasme de M. Chasseing, mais les médecins que j'ai rencontrés semblent plus perplexes. La rémunération supplémentaire proposée par l'assurance maladie de quelques euros par cas contact renseigné est curieuse. Qu'en sera-t-il aussi des patients qui n'ont pas de médecin traitant ? Finalement, j'étais beaucoup plus favorable à l'application StopCovid, qui était anonyme, grâce à son fonctionnement décentralisé, et qui avait un champ plus large.

Mme Nassimah Dindar . - L'alinéa 4 de l'article 2 prévoit la mise en quarantaine des personnes en provenance des territoires ultramarins relevant de l'article 72-3 de la Constitution. Ne serait-il pas possible de faire une distinction entre les territoires en fonction de la circulation du virus ? Mayotte est ainsi placée au stade 3 de l'épidémie tandis que La Réunion est au stade 2. La durée de quarantaine pourrait donc être différente entre les Réunionnais qui vont en métropole et ceux qui viennent de Mayotte. Je suis d'accord avec M. Chasseing : les tests virologiques PCR devraient être systématiquement utilisés pour tester les personnes qui prennent l'avion et passent d'un territoire à un autre.

M. Michel Amiel . - Les articles 2 et 3 me semblent entrer dans le cadre de la proposition de loi que j'avais déposée et qui a été adoptée par le Sénat en février dernier. Ces mesures sont, certes, exceptionnelles, mais certaines d'entre elles, quels que soient leurs aspects liberticides, entreront tout de même dans le droit commun.

S'agissant de l'article 6, certains confrères médecins nourrissent des réticences envers cette altération du secret médical ; pour ma part, comme Daniel Chasseing, je considère que, dans les circonstances que nous connaissons, ces dispositions sont acceptables, car elles sont strictement limitées à l'épidémie. Il faut cependant rester prudent quant aux dérives possibles.

M. René-Paul Savary , président - En effet, la rédaction initiale de l'article 2 s'inspirait fortement du texte relatif à la sécurité sanitaire que le Sénat avait adopté. Depuis la saisine du Conseil d'État, elle a été modifiée : l'isolement n'est finalement obligatoire que pour les voyageurs en provenance de l'extérieur du territoire national, ou voyageant entre le continent et les parties insulaires de la République.

Mme Véronique Guillotin - Je suis d'accord : il est difficile de travailler sur des textes aussi importants dans des délais aussi contraints. N'aurait-on pas pu décaler l'examen de ce projet de loi ? La prolongation de l'état d'urgence me paraît prudente, car nous sommes encore dans une période d'épidémie, mais il faudra que l'on en sorte.

En revanche, l'article 6 me semble poser plus de problèmes. Je ne suis pas farouchement opposée à la contrainte quand elle est nécessaire, mais il y a une contradiction : on n'impose pas de contrainte quant au port du masque sur la voie publique, mais on discute de la levée du secret médical. En outre, je peux entendre que le partage des informations se fasse avec l'accord du patient, mais une obligation imposée, le cas échéant, contre son accord me semble plus problématique. Il faut trouver une ligne de crête entre liberté et sécurité sanitaire.

M. Martin Lévrier . - Nous avons voté la proposition de loi relative à la sécurité sanitaire, qui était initialement plus sévère que ce que le Gouvernement propose aujourd'hui. Je ne suis pas médecin : je ne me permettrais donc pas d'avoir un avis sur l'article 6, mais je me pose la question de la transmission des données du médecin traitant au médecin de l'agence régionale de santé (ARS), qui pourrait gérer ce dossier directement. En s'inspirant du système des maladies à déclaration obligatoire, le problème de la levée du secret médical pourrait être en partie levé.

M. René-Paul Savary , président - On pourrait aussi imaginer la transmission au médecin de l'assurance maladie, qui dispose déjà de certaines données. Cela pourrait suffire. Il faut trouver des mesures qui rassemblent la population et qui soient comprises ; à défaut, nous ne serons pas efficaces.

Mme Catherine Deroche , rapporteure pour avis - En situation normale, nous n'avons déjà pas suffisamment de temps pour travailler, c'est bien pire en période de crise !

Un des amendements proposés à l'article 6 vise à limiter les données concernées à celles qui sont directement liées au Covid-19 : sérologie, virologie et éléments cliniques probants, comme le scanner.

À l'article 3, la procédure de déclaration obligatoire prévue est proche, en effet, de ce que prévoit la proposition de loi relative à la sécurité sanitaire, dont le rapporteur était M. Lévrier.

Mme Laurence Cohen . - L'obligation de déclaration de maladie est une mesure qui existe déjà. Ce qui pose problème, en revanche, c'est l'obligation d'isolement et le flou dont elle est entourée. Il y a beaucoup d'inconnues.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 2

Mme Catherine Deroche , rapporteure pour avis - L'amendement COM-168 a pour objectif d'étoffer les cas dans lesquels le préfet se verra habilite' par le décret du Premier ministre instituant l'état d'urgence sanitaire a` arrêter des mesures individuelles de mise en quarantaine et d'isolement, en y ajoutant celui d'un refus réitéré d'une mesure médicale et individuelle d'isolement prophylactique.

L'amendement COM-168 est adopté.

Article 3

Mme Catherine Deroche , rapporteure pour avis - L'amendement COM-169 vise a` préciser le circuit de transmission du certificat médical sur la base duquel le préfet de département prendra la décision de mise en quarantaine et d'isolement. Afin de ne pas doubler ce circuit d'information, l'amendement tend à rattacher la procédure de transmission du certificat médical a` celle qui est actuellement applicable aux maladies a` déclaration obligatoire, afin de garantir la stricte confidentialité des informations qui y figurent.

L'amendement COM-169 est adopté.

Article additionnel après l'article 3

Mme Catherine Deroche , rapporteure pour avis - L'amendement COM-170 vise à renforcer les garanties en matière de droit du travail assurées aux personnes visées par des mesures de quarantaine, dont l'infection peut ne pas être effective, mais simplement présumée. Contrairement aux personnes effectivement atteintes, couvertes par les dispositions de droit commun relatives aux arrêts maladie, ces dernières se trouveraient, à défaut, dans une situation de fragilité et d'ambiguïté a` l'égard de leur employeur.

L'amendement COM-170 est adopté.

Article 6

Mme Catherine Deroche , rapporteure pour avis - L'amendement COM-171 a pour objet de sécuriser le périmètre des données de sante' dont les fichiers consacrés au suivi sanitaire des patients atteints ou potentiellement atteints de Covid-19 seront alimentés.

Bien que la commission des affaires sociales se montre favorable a` la levée du secret médical et du consentement du patient a` la transmission de ses données, elle estime indispensable que, en contrepartie, les données collectées soient strictement circonscrites et limitées au seul statut virologique du patient ainsi qu'a` certains éléments probants de diagnostic clinique. Il ne saurait être question que ce fichier soit renseigne' par des données relatives aux comorbidités.

Mme Chantal Deseyne . - Je m'interrogeais sur le risque de croisement de fichiers, notamment avec ceux des caisses primaires d'assurance maladie (CPAM). Cet amendement répond à cette inquiétude.

Mme Véronique Guillotin - N'aurait-il pas été plus simple, et surtout plus respectueux de la protection des données personnelles de santé, d'intégrer les données Covid-19 au droit commun des maladies à déclaration obligatoire ?

M. Alain Milon , rapporteur pour avis - Ce point a fait l'objet de nos discussions ce week-end, nous tenions à faire en sorte que la déclaration de Covid-19 soit obligatoire, mais qu'elle ne s'accompagne pas de la révélation des comorbidités éventuelles du patient. Par ailleurs, deux obstacles nous ont retenus : en premier lieu, la nature réglementaire de l'inscription d'une maladie au sein de la liste des maladies à déclaration obligatoire et, en deuxième lieu, la sensibilité encore inconnue du Covid-19 aux mutations, qui pourrait, dès la fin de l'épidémie, rendre obsolète l'inscription de sa forme actuelle au sein de cette liste. L'ouverture d'un fichier dédié et ponctuel nous a donc paru la forme la plus adaptée.

Mme Catherine Deroche , rapporteure pour avis - En outre, il s'agit ici véritablement d'identifier les contacts, ce qui n'est pas à ce jour prévu dans la procédure de déclaration obligatoire des maladies.

L'amendement COM-171 est adopté.

Mme Catherine Deroche , rapporteure pour avis - L'amendement COM-172 vise à permettre l'intégration du patient a` la procédure de tracing sur la base de certains éléments de diagnostic clinique, notamment la perte du goût et de l'odorat, dont la valeur probatoire est plus certaine et plus rapide qu'un dépistage virologique de biologie médicale, comme nous l'ont confirmé les praticiens de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) que nous avons auditionnés.

M. René-Paul Savary , président - Il en va de même des images de scanners, des engelures, etc.

Mme Véronique Guillotin - Je suis tout à fait d'accord avec cet amendement : dans certains services, ces signes ont été plus utiles que le test PCR lui-même, avec ses 30 % de faux négatifs.

Mme Catherine Deroche , rapporteure pour avis - Cela démontre en outre qu'il est intéressant de porter un regard médical, et pas seulement virologique, sur la situation.

L'amendement COM-172 est adopté.

Mme Catherine Deroche , rapporteure pour avis - La composition des futures brigades sanitaires est explicitement limitée par la loi aux personnels des gestionnaires de fichiers que sont Sante' publique France, les ARS et l'assurance maladie, ainsi qu'à des professionnels de sante', ce dont nous nous félicitons. Toutefois, l'amendement COM-173 tend à permettre de l'élargir aux personnels des établissements sociaux et médico-sociaux, dont font notamment partie les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), ainsi qu'aux équipes de soins primaires, dont les missions sont identiques a` celles des maisons et des centres de sante', et aux services de sante' au travail.

Par ailleurs, l'amendement entend préciser que l'accès des brigades sanitaires aux données de sante' contenues dans ces fichiers est strictement limité a` des finalités d'identification des patients et des contacts, de prescription d'isolement prophylactique et de suivi épidémiologique.

M. René-Paul Savary , président - Le personnel des conseils départementaux, qui est habilité à partager un certain nombre d'informations serait donc impliqué.

Mme Pascale Gruny . - L'intégration des personnels de l'action sociale me dérange vraiment : je suis conseiller départemental et je sais comment les informations circulent.

Mme Véronique Guillotin - Qu'en sera-t-il des médecins scolaires ? Sur les personnels de l'action sociale, je suis d'accord avec Mme Gruny.

Mme Laurence Rossignol . - Ces brigades et ce système de traçage existent déjà dans certaines structures hospitalières. Pour que le dispositif soit efficace, il ne faut pas se contenter du téléphone, il faut aller voir les gens. Il faut donc donner des indications à des équipes qui vont se déplacer sur le terrain. Il n'est pas forcément question d'accès aux données, mais de transmission d'indications aux équipes mobilisées, par des gens qui, eux, ont accès aux données.

M. Olivier Henno . - Je partage les réserves exprimées par Mme Gruny, je crains que l'absence d'anonymat ne donne lieu à des bavardages et à des discriminations.

M. René-Paul Savary , président - On peut faire confiance aux équipes de travailleurs sociaux des départements. On a vu comment les ARS ont traité les Ehpad et comment ces derniers ont eu du mal à faire remonter leurs données à Santé publique France. Ce sont ces travailleurs sociaux qui pourront mener les enquêtes nécessaires.

Mme Catherine Deroche , rapporteure pour avis - Les travailleurs sociaux sont astreints au secret professionnel. Lorsqu'il faudra juger de la situation du logement pour une mise en quarantaine, ce sont eux qui le feront, ils sont donc déjà dans la boucle.

M. Michel Amiel . - Les travailleurs sociaux ne seront-ils pas eux-mêmes réticents, compte tenu de leur sensibilité au secret professionnel partagé, comme on l'a vu avec la protection de l'enfance ? Ils sont, certes, bien placés pour assurer le maillage du territoire, mais leur culture est peu compatible avec cette démarche.

Mme Pascale Gruny . - Il faut faire très attention à ces informations. Dans mon département, une personne a été suspectée d'avoir eu le Covid-19 ; aujourd'hui, ses collègues de travail menacent de faire grève si elle revient dans l'entreprise.

M. Alain Milon , rapporteur pour avis - Cela, c'est de l'ignorance. Nous parlons de secret médical. Seul le Covid-19 est concerné par la levée de ce secret et on en sort guéri de l'hôpital. Ce n'est pas une maladie dans laquelle la longueur de l'affection imposerait le secret médical. Mme Rossignol parlait d'efficacité, il est vrai qu'une équipe pluridisciplinaire sera plus efficace. S'il n'y avait que des professionnels de santé dans ces plateformes, qu'en serait-il des personnes âgées ou handicapées ? Pour que les équipes soient complètes, il faut y intégrer des spécialistes du contact avec ces personnes. En outre, les personnels des Ehpad sont assujettis au secret et sont spécialisés. Pourquoi les écarter ?

Mme Laurence Rossignol . - Il en va de même des étrangers vivant en situation irrégulière dans des conditions précaires, des gens qui sont à la rue : on ne les tracera pas par un coup de téléphone, il faut un contact humain.

L'amendement COM-173 est adopté.

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