B. UNE FEUILLE DE ROUTE DANS LE DOMAINE DE LA SANTÉ

La prise en charge de la santé des personnes détenues conditionne la bonne exécution de la mesure privative de liberté et est déterminante dans leur parcours de réinsertion.

Notre collègue Nathalie Delattre a récemment attiré l'attention de la commission sur les problèmes posés par la présence en prison d'un grand nombre de personnes souffrant de troubles psychiatriques. Ces détenus sont difficiles à gérer par le personnel pénitentiaire et la peine d'emprisonnement n'a souvent guère de sens pour eux. Avec notre collègue Jean Sol, désigné par la commission des affaires sociales, elle a été nommée rapporteur d'un groupe de travail chargé d'étudier dans quelle mesure les conditions dans lesquelles se déroulent les expertises psychiatriques peuvent contribuer à expliquer cette situation.

Dans ce contexte, votre rapporteur se réjouit que le Gouvernement ait adopté la feuille de route « santé des personnes placées sous main de justice 2019-2022 », signée par les ministres de la justice et des solidarités et de la santé. Cette feuille de route constitue la déclinaison opérationnelle de la stratégie santé des personnes placées sous main de justice lancée en 2017. Pendant deux ans, des groupes de travail interministériels se sont réunis afin de déterminer les mesures à mettre en oeuvre en priorité.

La feuille de route comprend vingt-huit actions réparties selon les six axes de la stratégie santé . Sans les présenter de manière exhaustive, il peut être intéressant de rappeler ces grands axes et de mentionner quelques mesures parmi les plus emblématiques.

La première orientation vise à mieux connaître l'état de santé des personnes placées sous main de justice afin de déterminer leurs besoins en matière de santé . Sur la santé mentale, deux études vont être menées, la première portant sur les sortants de vingt maisons d'arrêt, la seconde sur la prévalence des troubles mentaux chez les détenus et l'évolution de ces troubles au cours de la détention, avec un focus sur les radicalisés.

Le deuxième axe consiste à promouvoir la santé des personnes placées sous main de justice tout au long de leur parcours , en s'appuyant notamment sur l'intervention d'étudiants du service sanitaire 17 ( * ) . Une expérimentation sera menée dans les Hauts-de-France pour la prévention du suicide.

Le troisième axe porte sur le repérage et le dépistage des pathologies dont peuvent souffrir les personnes placées sous main de justice , avec une attention particulière portée au dépistage de l' hépatite C, très présente chez les personnes détenues, et un effort de formation au repérage des addictions pour les professionnels de santé et les personnels de l'administration pénitentiaire.

La quatrième axe tend à améliorer l'accès au soin des personnes détenues , notamment en exploitant les potentialités de la télémédecine, en engageant, avant la fin du quinquennat, les travaux pour la création de nouvelles places en unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) 18 ( * ) , en organisant des stages pour les internes en médecine et en améliorant le repérage du handicap et de la perte d'autonomie.

Concernant les UHSA, il est regrettable que la feuille de route demeure vague sur le calendrier. Un programme de construction d'UHSA a été lancé en 2011 et l'unité la plus récente a ouvert à Marseille en 2018. Un deuxième vague de constructions d'unités était initialement prévue mais ce projet n'a guère avancé et les nouvelles places ne seront pas livrées avant encore de longues années, alors que les besoins en matière de soins psychiatriques sont immenses.

Le cinquième axe vise à organiser la continuité de la prise en charge lors des sorties de détention et des levées de mesures de justice. Dans ce cadre, des unités sanitaires dédiées aux structures d'accompagnement vers la sortie (SAS) vont être créées et des partenariats développés entre les SPIP et les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

Le dernier axe tend à favoriser la coopération des acteurs impliqués dans la mise en oeuvre de la stratégie de santé des personnes placées sous main de justice. Des stages d'immersion, en milieu hospitalier pour le personnel pénitentiaire et en établissements pénitentiaires pour le personnel médical, vont être organisés afin de permettre une meilleure connaissance des missions, rôles et contraintes des différents acteurs. Les services médico-psychologiques régionaux (SMPR) vont sensibiliser les personnels pénitentiaires aux conduites à tenir face à des personnes présentant des troubles psychiatriques. De nouveaux outils vont être proposés aux acteurs de terrain pour formaliser les échanges entre professionnels de santé et autorité judiciaire.

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Votre rapporteur constate , dans ce projet de loi de finances pour 2020, la poursuite de l'effort budgétaire engagé depuis 2017 en faveur du programme « Administration pénitentiaire ».

Il regrette néanmoins que cet effort demeure insuffisant pour faire face à l'ampleur des besoins. Rétablir des conditions de travail satisfaisantes pour les personnels et des conditions de détention dignes pour les condamnés suppose de dégager des moyens encore plus importants, dans la durée.

Il déplore également que la trajectoire budgétaire approuvée en 2019 dans la loi de programmation ne soit pas respectée dès 2020, ce qui conduit à douter du réel volontarisme du Gouvernement en la matière.

Pour ces raisons, votre commission a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits du programme « Administration pénitentiaire » inscrits au projet de loi de finances pour 2020.


* 17 Depuis la rentrée 2018, tous les étudiants en santé doivent effectuer un service sanitaire, constitué de trois étapes réparties selon une durée totale de six semaines : un temps de formation théorique et pratique, un temps d'intervention concrète auprès de publics prédéfinis, un temps d'évaluation de l'action.

* 18 Ces unités ont vocation à prendre en charge des personnes incarcérées nécessitant des soins psychiatriques en hospitalisation complète.

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