B. UN CHAMP D'ACTION TOUJOURS PLUS GRAND

Au cours des années, les juridictions financières ont vu leurs missions se multiplier, tandis que leur schéma d'emplois a été revu à la baisse.

En particulier, le champ d'action des CRTC semble toujours plus vaste, alors que leurs missions de contrôle des collectivités territoriales sont plus que jamais essentielles à l'heure où les moyens accordés au contrôle de légalité et au conseil sont à « un niveau historiquement bas » dans le budget 2020 selon les termes du rapporteur spécial de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » 33 ( * ) - avec 121,5 millions d'euros contre 153,4 millions d'euros en 2019. Votre rapporteur considère en effet que le renforcement de l'autonomie des collectivités territoriales doit aller de pair avec un renforcement du contrôle par les chambres.

1. Un risque d'éviction au détriment des missions exercées auprès des collectivités territoriales

Lors du grand débat national organisé par le Gouvernement au cours de l'été 2019 à la suite des manifestations des « gilets jaunes », les répondants ont spontanément été plus de 42,8 % à demander une meilleure information des citoyens sur l'utilisation des impôts . 2,9 % ont même suggéré de rendre les rapports de la Cour des comptes plus contraignants.

Cette consultation, comme par ailleurs le succès des visites des chambres régionales des comptes pendant les Journées européennes du patrimoine les 21 et 22 septembre 2019, selon les témoignages des présidents des chambres d'Arras et de Marseille, traduit l'importance que les Français accordent au contrôle exercé par les juridictions financières sur le bon emploi de l'argent public , en particulier au niveau local.

Le suivi des recommandations des CRTC

La loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) a renforcé le suivi des observations des CRTC par les entités contrôlées 34 ( * ) en assurant la documentation et la traçabilité des mesures qu'ils ont prises.

Depuis 2001 35 ( * ) , le rapport d'observations définitives est communiqué par l'exécutif de la collectivité territoriale ou de l'établissement public à son assemblée délibérante et donne lieu à un débat.

La loi NOTRe y a ajouté l'obligation pour l'ordonnateur de la collectivité territoriale ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre de présenter dans l'année, dans un rapport devant cette même assemblée, les actions qu'il a entreprises à la suite des observations de la chambre régionale des comptes .

Ce rapport est ensuite communiqué à la chambre régionale des comptes, qui fait une synthèse annuelle des rapports qui lui sont communiqués. Cette synthèse est présentée par le président de la chambre régionale des comptes devant la conférence territoriale de l'action publique (CTAP). La CTAP est présidée par le président du conseil régional et comprend le président du conseil régional ; les présidents des conseils départementaux ; les présidents des EPCI de plus de 30 000 habitants ; un représentant des EPCI de moins de 30 000 habitants ayant leur siège dans chaque département et un représentant pour chaque catégorie de communes dans chaque département. Chaque chambre régionale des comptes transmet cette synthèse à la Cour des comptes en vue de la présentation du rapport public annuel.

Les deux présidents de la CRC rencontrés par votre rapporteur ont salué ce dispositif qui permet aux chambres de disposer d'une véritable tribune à l'échelle régionale et de justifier auprès du citoyen des suites concrètes données à leurs contrôles . Ils recommandent deux améliorations législatives : y ajouter l'obligation pour l'ordonnateur d'envoyer les pièces justificatives objectivant son rapport de suivi des recommandations, qui est pour le moment purement déclaratif ; étendre ce suivi à tous les contrôlés (autres que les collectivités territoriales et les EPCI).

Cette mission des CRTC auprès des collectivités territoriales est mise à mal par l'accroissement de leur champ d'activité à moyens constants. La programmation des contrôles doit désormais procéder à un panachage entre toutes les catégories d'organismes afin qu'il puisse être envisagé que chacun d'entre eux soit contrôlé un jour. Par exemple, s'agissant des Hauts-de-France, l'extension des compétences pour y intégrer les établissements et services médico-sociaux privés suppose d'intégrer chaque année 4 ou 5 établissements par an, alors que le ressort de la chambre en comporte 400 à 500. À l'échelle nationale, cela concerne potentiellement plusieurs dizaines de milliers d'établissements supplémentaires (38 000 dont 36 000 ESMS et 2 000 établissements privés), tant pour la Cour des comptes que pour les chambres régionales et territoriales des comptes.

Il résulte de cette situation à la fois une « priorisation » des travaux , qui se traduit par le fait que les programmes de contrôle doivent devenir de plus en plus fins et permettre une concentration des contrôles sur les situations qui présentent le plus de risques, et un véritable effet d'éviction sur les missions traditionnelles des juridictions financières, et en particulier sur le contrôle budgétaire.

2. Une multiplication des organismes à contrôler

Au-delà de l'élargissement des champs d'intervention des juridictions financières - expérimentation de la certification des comptes, contrôle des établissements et services médico-sociaux de santé privé et recours accru aux formations inter-juridictions -, un autre phénomène vient alourdir encore leurs tâches de contrôle : la multiplication des satellites des entités contrôlées.

Lors de son audition, le président de la chambre régionale des comptes Provence-Alpes-Côte-d'Azur a ainsi souhaité attirer l'attention de votre rapporteur sur les deux points suivants :

- de nombreux contrôles doivent être étendus à des sociétés publiques locales (SPL) lesquelles disposent d'une forte autonomie et bénéficient de transferts de patrimoine importants, notamment en foncier ; ces sociétés méritent d'autant plus que la chambre s'y intéresse que le préfet ne contrôle que la création de ces sociétés et non les transferts d'actifs qui interviennent ;

- les établissements et services médico-sociaux privés sont composés de myriade de sociétés privées (sociétés civiles immobilières, sociétés civiles de moyens, etc .) qu'il convient de contrôler en même temps que la clinique à proprement parler, sans d'ailleurs pouvoir remonter à la société mère qui perçoit les redevances.

La chambre régionale des comptes PACA a entrepris de mettre en place un réseau d'alerte avec l'agence régionale de santé et la direction régionale des finances publiques pour avoir une vision globale de ces satellites qui ne sont pas recensés.

La « floraison » de ces entités multiples a un impact non négligeable sur la programmation des chambres régionales des comptes.


* 33 Voir note de présentation de M. Jacques Genest.

* 34 Article L. 243-9 du code des juridictions financières, pour les chambres régionales des comptes.

* 35 Loi n° 2001-1248 du 21 décembre 2001 relative aux chambres régionales des comptes et à la Cour des comptes.

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