B. UNE ANNÉE 2020 À RISQUES POUR LES AUTRES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

Comme les années précédentes, le revers de la médaille du renforcement de la capacité de jugement de la CNDA est la faible capacité de recrutement conférée aux autres juridictions administratives : celles-ci totalisent ainsi 13 emplois nouveaux en 2020, soit 2 membres du Conseil d'État, 7 magistrats et 4 agents de greffe.

Par ailleurs, les cours administratives d'appel et les tribunaux administratifs seront autorisés à recruter 21 juristes assistants , mais à condition que ces emplois soient autofinancés en gestion grâce à un moindre recours aux vacataires.

Hors titre 2, deux millions d'euros sont prévus pour financer la première tranche des travaux d'installation de la neuvième cour administrative d'appel de la région Occitanie . Cette création, qui va rapprocher les justiciables de leur juge, constitue un point positif de ce budget.

La création d'une 9 e cour administrative d'appel à Toulouse

La présence du juge administratif sur le territoire va être renforcée par la création d'une neuvième cour administrative d'appel annoncée par la garde des sceaux lors de l'inauguration du tribunal administratif de Nice le 29 octobre 2018.

Cette nouvelle juridiction connaîtra en appel des jugements des tribunaux administratifs de Montpellier, Nîmes et Toulouse, reprenant ainsi une partie du contentieux des cours administratives d'appel de Marseille et de Bordeaux.

Elle devrait être installée d'ici la fin de l'année 2021 . Après avoir retenu dans une phase d'étude les villes de Toulouse et Montpellier, la garde des sceaux a annoncé, le 19 novembre 2019, le choix d'une implantation sur le site de l'ancien rectorat à Toulouse .

Le coût total de l'opération n'est pas encore arrêté. Il est prévu deux millions de crédits en projet de loi de finances pour 2020 . Hors immobilier, la création de cette nouvelle cour, comportant quatre chambres, s'opérera à moyens constants , par le redéploiement de chambres des cours de Marseille et de Bordeaux.

L'augmentation des moyens humains prévue dans le projet de loi de finances pour 2020 est sans proportion par rapport à la hausse du contentieux à laquelle sont confrontées les juridictions administratives, hausse qui sera aggravée en cette année d'élections par les contentieux relatifs aux élections municipales, ainsi qu'à la désignation des délégués sénatoriaux et aux candidatures pour les élections sénatoriales .

Votre rapporteur ne peut que constater que les juridictions administratives restent, cette année encore, les grands « laissés-pour-compte » du budget.

1. Une hausse historique du contentieux, en décalage avec la programmation triennale

La loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 a prévu pour cette période une dotation supplémentaire de 35 emplois pour les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, soit une augmentation cumulée sur quatre ans de 1 % seulement des effectifs totaux de ces juridictions (2 693 personnes en 2018). Dans ce cadre, seuls 10 ETPT s eront créés en 2020 à destination de ces juridictions 16 ( * ) , ce qui semble symbolique au regard des 2 720 personnes exerçant une activité juridictionnelle (+ 0,4 %).

Cette programmation triennale a été fondée sur des estimations établies en 2017, à un moment où le volume des entrées revenait à un niveau proche de 2014 pour les tribunaux administratifs.

Nombre d'affaires enregistrées en données nettes
par les juridictions administratives 17 ( * )

2014

2015

2016

2017

2018

Évolution

2017-2018

Entrées 2019 au 31/10/2019

Évolution au 31/10/2019

CE

9 456 18 ( * )

8 727

9 620

9 864

9 563

- 3 %

8 765

+ 9,6 %

CAA

29 857

30 597

31 308

31 283

33 773

+ 8 %

29 555

+ 4,9 %

TA

195 625

192 007

193 532

197 243

213 029

+ 8 %

193 915

+ 11 %

Source : commission des lois à partir des données du Conseil d'État

Évolution de l'activité des juridictions administratives depuis 2014

Source : commission des finances du Sénat,
note de présentation du rapporteur spécial, M. Didier Rambaud

Depuis, l'activité des juridictions a connu deux années consécutives de hausse sans précédent. Après un accroissement de plus de 8 % des entrées enregistrées dans les tribunaux et cours d'appel en 2018, celle-ci s'est encore accentuée depuis le début de l'année 2019 : 11 % dans les tribunaux et 4,9 % dans les cours. Cette progression s'accompagne d'une dégradation du taux de couverture des entrées par les sorties, qui est passé sous la barre des 100 %, et d'une augmentation des stocks d'affaires de plus de deux ans dans les deux niveaux de juridiction.

Pour autant, les crédits de dépenses de personnel (titre 2) accordés à ces juridictions dans le projet de loi de finances pour 2020 ne seront que très modérément augmentés : + 1,2 % pour le Conseil d'Etat, + 0,6 % pour les cours administratives d'appel et + 1,1% pour les tribunaux administratifs.

Évolution des crédits des actions « Fonctions juridictionnelles »
du programme 165

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après des documents budgétaires,
note de présentation du rapporteur spécial, M. Didier Rambaud

Sans remettre en cause la nécessité de renforcer les effectifs de la CNDA au regard des flux qu'elle va avoir à gérer, il convient de rappeler que le contentieux de l'asile crée également un fort contentieux devant les juridictions administratives , ce qui n'est pas pris en compte au niveau budgétaire.

La commission du contentieux du stationnement payant,
une nouvelle juridiction en plein développement

La commission du contentieux du stationnement payant (CSSP) obtient le renfort de 3 magistrats supplémentaires en 2020, ce qui, en proportion des 10 magistrats en poste actuellement, représente un accroissement significatif .

Depuis le 1 er janvier 2018, cette commission s'occupe du contentieux de l'avis de forfait de post-stationnement. Elle ne peut être saisie qu'après un recours administratif préalable auprès de la collectivité territoriale qui a émis l'avis.

La recevabilité du recours est subordonnée au paiement préalable du montant de l'avis de paiement du forfait de post-stationnement. Lors de l'examen de la mission devant l'Assemblée nationale, l'article 75 bis a été adopté à l'initiative du rapporteur spécial, Daniel Labaronne, avec l'avis favorable du Gouvernement. Il permettrait d'exempter de ce paiement préalable les personnes victimes de vol , d' usurpation de leur plaque d'immatriculation , d'une défaillance du système d'enregistrement des changements de propriétaire, ainsi que les personnes en situation de handicap.

La CCSP est installée dans l'ancienne caserne de Beaublanc à Limoges. Son budget (hors titre 2) est de 2,6 millions d'euros en 2019, dont 1,5 million d'euros d'affranchissement. Au 1 er juillet 2019, l'effectif de la CCSP était de 148 personnes , 10 magistrats et 138 agents, hors renforts saisonniers.

L'activité de la commission est en forte expansion et justifie une attention particulière. En 2018, 72 367 requêtes ont été enregistrées pour 11 584 sorties (décisions, ordonnances ou renonciations), engendrant la constitution d'un stock de plus de 60 000 dossiers la première année. Au 31 juillet 2019, l'estimation est de 83 000 requêtes pour 28 000 sorties.

Le contentieux est encore susceptible d'augmenter compte tenu du nombre d'avis de paiement de forfait de post-stationnement émis. En 2018, l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions (ANTAI) en a ainsi émis 7,8 millions .

2. Le poids toujours plus important du contentieux des étrangers

La part que représente le droit des étrangers est toujours plus importante d'année en année. L'augmentation des demandes d'asile se traduit en effet par un bond considérable du contentieux de l'éloignement et des référés liberté . Au sein du programme 165, les contentieux de la CNDA et des juridictions administratives sont donc très liés et augmenter les crédits de la Cour sans accroître ceux des autres juridictions ne revient qu'à traiter une partie du problème.

Le contentieux des étrangers a représenté en 2018, 37,5 % des affaires enregistrées devant les tribunaux administratifs, 49,4 % des affaires enregistrées devant les cours administratives d'appel et 20,7 % des dossiers enregistrés devant le Conseil d'État.

Il peut être observé que le Conseil d'État est moins affecté par la hausse de ce contentieux. Cela peut sans doute s'expliquer pour partie par les règles applicables en matière d'aide juridictionnelle devant la cour suprême : les dossiers de demande font en effet l'objet d'un contrôle sur les chances de succès raisonnables du pourvoi. Votre rapporteur rappelle à ce sujet qu'il avait appelé de ses voeux une réflexion portant sur le contrôle de l'attribution de l'aide juridictionnelle, au regard de la recevabilité et du bien-fondé du dossier. La présidente de la cour d`appel de Marseille a à son tour attiré son attention sur le fait que des requêtes déposées par les avocats en appel ne sont souvent que la reprise, à l'identique, des requêtes déposées en première instance, sans aucun argument nouveau.

Source : services du Conseil d'État

Depuis cinq ans, le contentieux des étrangers est celui qui a connu la plus forte augmentation en volume avec une progression de 37 %, soit 21 666 dossiers supplémentaires devant les tribunaux administratifs. La hausse enregistrée en 2018 a été de 21 % pour les tribunaux et 11 % pour les cours administratives. Au premier semestre 2019, le contentieux des étrangers devant les tribunaux augmente encore de 20,9 %.

Selon les informations communiquées par les services du Conseil d'État, une progression de ce niveau - dont il est très probable qu'elle se poursuive tout au long de l'année - aurait inévitablement pour conséquence une nouvelle dégradation des indicateurs d'activité : le taux de couverture serait ramené à un niveau de l'ordre de 90 % , entraînant une augmentation des stocks de 16 % dans les tribunaux et de 10 % dans les cours, ainsi qu'une dégradation de plus d'un mois du délai de jugement dans les deux niveaux de juridiction.

L'année 2020 se présente dans des conditions d'autant plus difficiles que la survenance des élections municipales, puis sénatoriales , augmentera de quelques milliers d'affaires supplémentaires les entrées enregistrées, avec un effet d'éviction important puisque ces dossiers doivent être tranchés dans les trois mois pour les réclamations contre les opérations électorales municipales 19 ( * ) , et dans les trois jours, en cas de recours contre le tableau des électeurs sénatoriaux établi par le préfet ou contre une déclaration de candidature 20 ( * ) .

Le droit des étrangers, une simplification en préparation

Par lettre du 31 juillet 2019, le Premier ministre a confié au Conseil d'État une mission afin de simplifier le contentieux des étrangers . Le groupe de travail, présidé par Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, devra rendre ses conclusions le 15 mars 2020.

Cette mission part du constat largement partagé que la sophistication toujours croissante du droit des étrangers et la multiplication des normes - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) a triplé de volume en quinze ans - a considérablement complexifié ce contentieux de masse, à l'origine relativement simple à traiter.

La multiplication des catégories de recours et des délais d'urgence imposés aux juridictions ont un impact considérable sur leur organisation et un fort effet d'éviction sur les autres contentieux. La loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie a aggravé cette situation en ajoutant deux nouveaux délais contraints de 96 heures et 144 heures aux quatre délais préexistants (3 mois, 6 semaines, 15 jours et 72 heures).

Source : services du Conseil d'État

Ainsi, au tribunal administratif de Marseille 21 ( * ) , qui ne compte pourtant pas parmi les plus touchés par l'augmentation du contentieux des étrangers, ce contentieux représente 6 à 7 dossiers par jour et occupe tous les présidents de chambre à tour de rôle. Il mobilise en permanence une équipe du greffe pour assister aux audiences, ce qui désorganise d'autant les autres formations.

Les agents de greffe rencontrés par votre rapporteur ont exprimé leurs grandes difficultés pour faire face tout à la fois à l'urgence et au nombre des requêtes, tout en étant en contact direct avec les requérants. Les magistrats, quant à eux, sont confrontés à un risque de perte de sens de leur métier avec l'impression de « faire du chiffre » et de rendre des décisions qui ne seront de toute manière - s'agissant de l'éloignement ou de l'hébergement des demandeurs d'asile - pas exécutées.

Votre rapporteur l'a déjà affirmé l'année dernière : les normes ne peuvent plus être décidées sans une évaluation sérieuse de leur impact sur l'activité des juridictions et sans l'allocation de moyens suffisants. À défaut , le fonctionnement de ces juridictions est mis en péril et il est porté atteinte à la qualité de la justice rendue à nos concitoyens.

3. Un défi relevé grâce à l'engagement de tous les personnels

À effectifs constants, les performances des juridictions administratives reposent sur l' augmentation de la charge de travail des magistrats et des personnels administratifs .

Charge moyenne de travail par magistrat en données nettes

Année

Affaires traitées par magistrat TA

Affaires traitées par magistrat CAA

2014

241

109

2015

244

114

2016

+ 8,7 %

250

+ 17,4 %

116

2017

262

122

2018

262

128

2019*

260

120

Source : services du Conseil d'État

* Prévisions actualisées

Il convient de préciser que la charge de travail des magistrats n'est pas uniquement représentée par le nombre d'affaires traitées, la présence des magistrats étant rendue obligatoire, par la loi ou le règlement, dans de nombreuses instances 22 ( * ) .

Charge moyenne de travail par agent de greffe en données brutes

Année

Affaires traitées par agent de greffe TA

Affaires traitées par agent de greffe CAA

2014

194

107

2015

198

110

2016

+ 7,7 %

200

+ 10,3 %

109

2017

221

127

2018

209

118

2019*

220

130

Source : services du Conseil d'État

* Prévision actualisée

Le nombre de dossiers traités par agent de greffe a progressé entre 2015 et 2018, avec une augmentation de 7,7 % dans les tribunaux administratifs, et de 10,3 % dans les cours.

Comme pour les magistrats, le nombre de dossiers traités ne représente pas le seul indicateur de la charge de travail des agents de greffe. En effet, le greffier en chef gère l'organisation administrative du tribunal. Par ailleurs, le traitement des séries, l'organisation d'audiences durant le week-end, en particulier dans le contentieux des étrangers, la gestion de « télérecours », avec l'obligation de numériser les dossiers ou de les imprimer en cas d'asymétrie, représentent une charge de travail extrêmement lourde pour le greffe des tribunaux et des cours.

La forte sollicitation des personnels ne peut se faire sans une attention particulière en matière de gestion des ressources humaines, en particulier le choix des chefs de juridictions, et de formation. Si la formation initiale est bien assurée, la charge de travail ne permet pas toujours de libérer les heures ou les jours indispensables à la formation continue.

Le centre de formation de la juridiction administrative

Le centre de formation de la juridiction administrative (CFJA) est une direction des services du Conseil d'État qui emploie douze agents sous l'autorité de sa directrice. Elle dispose de salles de formation dans les locaux du tribunal administratif de Montreuil.

Sa mission est d'assurer la formation de près de 4 000 personnes relevant de fonctions et statuts différents :

- 300 membres du Conseil d'État ;

- 1 400 magistrats ;

- 1 400 agents de greffe ;

- 400 agents du Conseil d'État ;

- 500 agents de la Cour nationale du droit d'asile.

Le coût général de la formation s'est élevé à 2,5 millions d'euros en 2018, dont 0,7 million d'euros de frais de formation payés aux formateurs internes occasionnels (environ 400 personnes) ou à des prestataires extérieurs (par exemple pour les langues) 23 ( * ) .

Le CFJA organise deux types de formation.

- La formation initiale

Le CFJA assure la formation initiale des conseillers de tribunal administratif et cour administrative d'appel 24 ( * ) . En 2018, le nombre moyen d'heures de la formation initiale pour les magistrats était de 558 heures. Cette formation initiale avait l'habitude de réunir en une promotion unique tous les primo-arrivants , quel que soit leur mode de recrutement. En 2020, cette promotion unique ne pourra être organisée en raison du raccourcissement de la formation de l'École nationale de l'administration.

Le plan de formation triennal 2019-2022 prévoit de mettre en place une nouvelle formation initiale obligatoire pour les personnes entrant dans des fonctions de greffe. Cette formation est particulièrement bienvenue car ce sont des fonctionnaires du ministère de l'intérieur qui découvrent les fonctions juridictionnelles . Cette formation sera élaborée conjointement par le CFJA et l'École nationale des greffes de Dijon.

- La formation continue

Des formations spécialisées sont proposées toute l'année selon les besoins des personnels concernés. Ainsi les magistrats administratifs se sont vu proposer des modules de police de l'audience ou de gestion du temps ou des stocks , de même que des modules relatifs au contentieux des commissions départementales de l'action sociale transférés en 2019 aux tribunaux administratifs. Les agents de la CNDA ont quant à eux eu accès à des formations de recruteurs.

La formation continue doit être facilitée par :

- l'organisation de sessions délocalisées . Cette initiative, très bien accueillie par les personnels que votre rapporteur a rencontrés, permettrait une augmentation du taux de formation et désengorgerait le site du tribunal administratif de Montreuil. Elle est particulièrement adaptée pour les agents de greffe qui représentent 44 % des personnels formés selon cette modalité ;

- la tenue de sessions à l'heure du déjeuner ou sous forme de cours en ligne ouverts à tous 25 ( * ) .

4. Des perspectives d'économie et de gain de productivité réduites

Le trio « dématérialisation, aide à la décision et médiation » ne semble pas pouvoir apporter des marges appréciables d'économie et de productivité en 2020.

- La dématérialisation et Télérecours

Les juridictions administratives ont su prendre le virage de la dématérialisation et le déploiement de l'application Télérecours depuis 2014 est un succès. Les économies sur les frais de fonctionnement ont été estimées à 3,9 millions d'euros en 2018. L'ouverture d'un « télérecours citoyens » accessible à tous depuis fin 2018 ne génère en revanche que peu de nouvelles économies (350 000 euros à l'horizon 2022).

Malgré les efforts entrepris, la dotation des frais de justice est à nouveau orientée à la hausse depuis 2018 pour tenir compte notamment de l'augmentation des tarifs postaux et de l'activité juridictionnelle, en particulier à la CNDA.

En projet de loi de finances pour 2020, elle s'élève globalement à 15,3 millions d'euros : 9,1 millions d'euros pour la CNDA - soit une hausse de 31,7 % - 5,8 millions d'euros pour les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel (+ 6,9 %), et 0,3 million d'euros pour le Conseil d'État (+6,3 %).

Évolution des frais de justice

Dotation

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020
(PLF)

Dotation LFI en M€

14,25

12,3

11,85

9,7

10,14

12,75

15,3

Évolution N/N-1

10,50%

-13,60%

-3,60%

18,10%

4,50%

25,70%

20%

Consommation en M€

11,2

9,9

9,3

8,8

9,2

11,5*

Évolution N/N-1

1,80%

-11,60%

-6,06%

-5,40%

4,55%

25%

Source : services du Conseil d'État

*Estimation

- L'aide à la décision

De nouveaux modes de collaboration, qualifiés d'aide à la décision, se sont développés ces dernières années afin de permettre aux membres des juridictions administratives d'augmenter le nombre de décisions rendues et de diminuer la durée de traitement des dossiers. L'intention est notamment de contenir l'impact du contentieux de masse en repérant en amont les séries.

Aux côtés des assistants de justice 26 ( * ) et des assistants du contentieux 27 ( * ) , la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice a créé la nouvelle catégorie des juristes assistants . Leur recrutement est plus sélectif. Il s'agit de personnes titulaires d'un doctorat en droit ou d'un autre diplôme sanctionnant une formation juridique au moins égale à cinq années d'études supérieures et disposant de deux années d'expérience professionnelle dans le domaine juridique. Ils sont nommés, à temps complet ou incomplet, pour une durée maximale de trois années, renouvelable une fois .

Votre rapporteur constate que l'aide à la décision n'est pas développée dans des conditions permettant une réponse efficace à l'accroissement du contentieux de masse : les crédits ne sont pas suffisants. Ainsi, seuls 21 postes de juristes assistants sont prévus dans le projet de loi de finances pour 2020 et à condition d'être autofinancés par un moindre recours aux vacataires. Par ailleurs, ces postes manquent d'attractivité, compte tenu de leur durée limitée dans le temps et du manque de perspective d'être intégré à plus long terme dans les juridictions.

- Le recours à la médiation

La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle , complétée par le décret n° 2017-566 du 18 avril 2017 relatif à la médiation dans les litiges relevant de la compétence du juge administratif , a étendu la possibilité de recourir à la médiation administrative, jusqu'alors réservée aux différends transfrontaliers, à tous les litiges relevant de la compétence du juge administratif, la seule limite tenant à ce que l'accord auquel parviennent les parties ne puisse porter atteinte à des droits dont elles n'ont pas la libre disposition.

Cette médiation a été rendue obligatoire à titre expérimental jusqu'au 31 décembre 2021 28 ( * ) , pour tous les différends entre les fonctionnaires et leur employeur et les requêtes relatives aux prestations, allocations ou droits attribués au titre de l'aide ou de l'action sociale , du logement ou en faveur des travailleurs privés d'emploi .

Cette expérimentation présente des succès variés selon la matière concernée. Dans le domaine de la fonction publique, une forte conflictualité empêche généralement de trouver un accord. En revanche, les médiations engagées dans le cadre de litiges sur les aides versées par Pôle Emploi aboutissent dans 90 % des cas : de manière révélatrice, il s'agit pour moitié de cas dans lesquels l'administration a revu sa position, mais pour l'autre moitié, de cas dans lesquels l'administré a accepté la décision initiale prise à son encontre.

Le développement de la médiation figure parmi les objectifs fixés en conférences de gestion aux chefs de cour et de juridiction. Sa mise en place généralisée nécessite toutefois un véritable changement de culture à la fois chez les avocats, qui craignent la concurrence des médiateurs et une perte de clientèle, mais également au sein de l'administration elle-même . Le vice-président du Conseil d'État, entendu par votre rapporteur, estime ainsi que cette dernière devrait revoir ses méthodes de travail, comme cela a déjà été fait par l'administration fiscale :

- en amont, pour faire preuve de pédagogie, en améliorant l'accueil et en apportant les explications nécessaires à l'administré ; nombre de saisines sont en effet suscitées par l' incompréhension de l'administré ;

- et en aval, pour mener une stratégie contentieuse en choisissant les dossiers sur lesquels transiger et les dossiers à maintenir en contentieux, pour faire trancher une question juridique.

En attendant ce changement de culture, la médiation n'aura que très peu d'impact sur le volume des recours exercés devant les juridictions administratives.


* 16 Hors commission du contentieux du stationnement payant.

* 17 Les données nettes excluent les affaires dites de « séries », c'est-à-dire celles qui présentent une question qui a déjà fait l'objet d'une décision juridictionnelle, sans appeler de nouvelle appréciation ou qualification des faits.

* 18 Hors affaires liées au découpage cantonal.

* 19 Article R. 120 du code électoral.

* 20 Articles R. 147 et L. 303 du code électoral.

* 21 Dans lequel votre rapporteur s'est rendu le 17 octobre 2019.

* 22 Ainsi les magistrats doivent notamment assister, le cas échéant en assurant leur présidence, aux commissions départementales des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, aux commissions des recours du Conseil supérieur de la fonction publique de l'État, aux commissions de déontologie, aux commissions d'expulsion, aux jurys d'entrée dans un centre régional de formation professionnelle des avocats, aux réunions des différents ordres, médecins, pharmaciens, infirmiers, sages-femmes, etc .

* 23 Lors de l'examen de la mission par l'Assemblée nationale, un amendement du Gouvernement adopté en seconde délibération a augmenté les crédits de la mission de 18 000 euros pour rehausser la prise en charge des frais de repas des agents publics en formation.

* 24 La formation initiale des membres du Conseil d'État est assurée en interne par tutorat.

* 25 Mooc : « massive open online course ».

* 26 Agents contractuels exerçant à temps incomplet, recrutés pour une durée maximale de deux ans renouvelable deux fois.

* 27 Fonctionnaires titulaires de catégorie A, pour l'essentiel des attachés.

* 28 Article 34 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

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