Avis n° 146 (2019-2020) de M. Thani MOHAMED SOILIHI , fait au nom de la commission des lois, déposé le 21 novembre 2019

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N° 146

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2019

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2020 ,

TOME III

OUTRE-MER

Par M. Thani MOHAMED SOILIHI,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas, président ; MM. François?Noël Buffet, Jean?Pierre Sueur, Mme Catherine Di Folco, MM. Jacques Bigot, André Reichardt, Mme Sophie Joissains, M. Arnaud de Belenet, Mme Nathalie Delattre, MM. Pierre?Yves Collombat, Alain Marc, vice?présidents ; M. Christophe?André Frassa, Mme Laurence Harribey, M. Loïc Hervé, Mme Marie Mercier, secrétaires ; Mme Esther Benbassa, MM. François BonhoMme , Philippe Bonnecarrère, Mmes Agnès Canayer, Maryse Carrère, Josiane Costes, MM. Mathieu Darnaud, Marc?Philippe Daubresse, Mme Jacky Deromedi, MM. Yves Détraigne, Jérôme Durain, Mme Jacqueline Eustache?Brinio, MM. Jean?Luc Fichet, Pierre Frogier, Mmes Françoise Gatel, Marie?Pierre de la Gontrie, M. François Grosdidier, Mme Muriel Jourda, MM. Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean?Yves Leconte, Henri Leroy, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Jean Louis Masson, Thani Mohamed Soilihi, Alain Richard, Vincent Segouin, Simon Sutour, Mmes Lana Tetuanui, Claudine Thomas, Catherine Troendlé, M. Dany Wattebled.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 2272 , 2291 , 2292 , 2298 , 2301 à 2306 , 2365 , 2368 et T.A. 348

Sénat : 139 et 140 à 146 (2019-2020)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS

Réunie le mercredi 27 novembre 2019, sous la présidence de Philippe Bas, président, la commission des lois du Sénat a examiné , sur le rapport pour avis de Thani Mohamed Soilihi 1 ( * ) , les crédits de la mission « Outre-mer » inscrits au projet de loi de finances pour 2020 .

Le rapporteur a présenté l'évolution des crédits budgétaires de la mission qui s'élèveraient à environ 2,5 milliards d'euros en 2020, en diminution par rapport à 2019 à la suite, d'une part, de trois mesures de périmètre et, d'autre part, d'une adaptation à la sous-exécution régulière des crédits du programme relatif aux conditions de vie outre-mer. Il a donc appelé de ses voeux une politique volontariste d'aide à l'ingénierie, de formation et d'adaptation des normes afin de donner aux collectivités ultramarines les moyens d'assurer la consommation des crédits qui leur sont attribués.

Il a toutefois signalé que la baisse des crédits de la mission « Outre-mer » devait être nuancée, car l'effort financier total de l'État en faveur des outre-mer s'élèverait en 2020 à 26,55 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 26 milliards d'euros en crédits de paiement, en hausse respectivement de 15,3 % et de 17,3 % par rapport à la loi de finances pour 2019 .

Examinant plus spécifiquement l'insertion des collectivités ultramarines dans leur environnement régional , le rapporteur a mis en exergue le fait que, malgré des compétences larges et des politiques de soutien à l'insertion des collectivités ultramarines dans leur environnement régional , celles-ci ne s'étaient pas encore entièrement saisies des possibilités qui leur sont offertes.

Considérant que le renforcement des relations entre les territoires français ultramarins et leur environnement régional permet à ces collectivités d'affirmer leur potentiel économique, culturel, scientifique et technique, et de développer la présence de la France dans toutes les zones du monde , il a estimé souhaitable d' encourager l'insertion des collectivités ultramarines dans leur zone géographique . Pour ce faire, il serait nécessaire de les inciter à faire usage des compétences dont elles disposent et à recourir aux nombreux dispositifs de financement existants. Il a également souhaité que des politiques facilitatrices soient mises en place, afin de renforcer les liens entre les habitants des différents territoires et d'améliorer l'acceptation des actions de coopération décentralisée.

Sur la proposition de son rapporteur, la commission des lois a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer » inscrits au projet de loi de finances pour 2020 .

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Après un premier budget en 2019 visant à redéfinir les grandes priorités nationales en faveur de nos territoires ultramarins, à la suite des Assises des outre-mer et de la publication du « Livre Bleu Outre-mer », l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2020 constitue un temps de consolidation.

En 2019, deux dépenses fiscales en faveur des territoires ultramarins avaient été modifiées (suppression de la TVA non perçue récupérable et recentrage de la réduction d'impôt sur le revenu dont bénéficient les résidents des territoires ultramarins). Le Gouvernement s'était alors engagé à ce que les gains ainsi dégagés, correspondant à 170 millions d'euros , abondent dans leur totalité des dispositifs en faveur des territoires ultramarins.

Ces engagements sont, pour la deuxième année consécutive, respectés : le fonds exceptionnel d'investissement et les dépenses visant à favoriser le développement économique des territoires d'outre-mer voient leurs crédits maintenus.

Malgré cela, les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2020 , répartis en deux programmes respectivement consacrés à l'emploi outre-mer et aux conditions de vie outre-mer, sont en diminution . Ils s'élèvent à 2,56 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 2,41 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une réduction de respectivement 3,96 % et 6,45 % par rapport à la loi de finances pour 2019 . Cette diminution s'explique en partie par des mesures de périmètre et de transfert. Une fois celles-ci prises en compte, la baisse se limite à 1,30 % en autorisations d'engagement et 3,88 % en crédits de paiement.

Le Gouvernement justifie cette diminution par une adaptation à la sous-exécution récurrente des crédits consacrés aux conditions de vie outre-mer. Plusieurs actions de soutien à l'ingénierie devraient être mises en place en 2020, et votre rapporteur espère qu'elles suffiront à inverser la tendance. Il n'est pas acceptable, alors même que le Président de la République a reconnu la nécessité de donner aux outre-mer les moyens de leur développement, que chaque année des crédits ne soient pas engagés faute de projets à la solidité suffisante.

Les crédits de la mission « Outre-mer » ne constituent néanmoins qu'un peu plus de 9 % de l' effort financier global de l'État en faveur des outre-mer . Celui-ci s'élève en 2020 à 26,55 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 26 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de respectivement 15,3 % et 17,3 % par rapport à 2019. Cette forte augmentation vient compenser la baisse des crédits de la mission « Outre-mer » , et démontrent la prise en compte par le Gouvernement de la nécessité d'un effort important en faveur de nos territoires ultramarins.

Dans le cadre de son examen des dispositions du projet de loi de finances pour 2020 , votre rapporteur a souhaité s'intéresser plus particulièrement à l'insertion des collectivités ultramarines dans leur environnement régional . Celle-ci permet à la fois à ces collectivités d'affirmer leur potentiel économique, culturel, scientifique et technique, et de contribuer au rayonnement de la France dans toutes les zones du monde.

Malgré des compétences larges et des politiques de soutien à l'insertion des collectivités ultramarines dans leur environnement régional, celles-ci ne se sont pas encore entièrement saisies des possibilités qui leur sont offertes.

Il est nécessaire d'encourager les collectivités ultramarines à faire usage des facultés dont elles disposent, tant en termes de compétences que d'offres de financement de projets . Afin de mieux faire connaître les possibilités existantes, des actions de formation à destination des élus et des fonctionnaires territoriaux pourraient être envisagées, et des échanges réguliers entre ces collectivités autour des bonnes pratiques organisés.

Il importe également de lever certains blocages afin de favoriser les liens régionaux . Cela passe par un renforcement des relations entre les habitants des différents territoires, notamment en facilitant les demandes de visas, par un travail sur l'acceptation des actions de coopération décentralisée par les pays et territoires voisins en co-construisant les politiques, et par une intervention subsidiaire de l'État lorsque les collectivités ne disposent pas des compétences nécessaires à la conduite de leurs projets.

Au bénéfice de ces observations et sur la proposition de son rapporteur, votre commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer » inscrits au projet de loi de finances pour 2020 .

* *

*

I. UNE LÉGÈRE DIMINUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION « OUTRE-MER » COMPENSÉE PAR LA HAUSSE DES CRÉDITS DE L'ÉTAT EN FAVEUR DES TERRITOIRES ULTRAMARINS

À la suite des Assises des outre-mer et de la publication du « Livre Bleu Outre-mer » 2 ( * ) , qui définit les priorités du quinquennat pour les territoires ultramarins, le Gouvernement a souhaité préciser le cadre d'action de l'État dans la mise en oeuvre de ces priorités. C'est ainsi qu'Annick Girardin, ministre des outre-mer, a lancé le 8 avril 2019 la « Trajectoire outre-mer 5.0 », qui comporte cinq objectifs : zéro carbone, zéro déchet, zéro polluant agricole, zéro exclusion, zéro vulnérabilité.

La « Trajectoire 5.0 » a pour ambition d'orienter l'action de l'ensemble des acteurs dans les territoires ultramarins en définissant les actions qui seront soutenues par l'État, par le biais notamment du Fonds exceptionnel d'investissement (FEI) ou des contrats de convergence et de transformation.

A. UNE IMPORTANTE HAUSSE DE L'EFFORT FINANCIER DE L'ÉTAT EN FAVEUR DES OUTRE-MER

1. Un effort dans la continuité des huit dernières années

La politique transversale de l'État à destination des outre-mer s'inscrira en 2020 dans la continuité des années précédentes : les axes fixant les priorités du Gouvernement n'évoluent pas cette année, que ce soit dans leur dénomination ou dans leur hiérarchisation 3 ( * ) . Ils sont les mêmes depuis le projet de loi de finances pour 2013 .

En 2020, la politique de l'État en faveur des territoires ultramarins sera portée par 90 programmes - dont les deux programmes de la mission « Outre-mer » - relevant de 30 missions. Parmi ces programmes, deux sont nouveaux (833 « Avances aux collectivités territoriales » et 343 « Plan France très haut débit » ) tandis que les programmes 333 « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées » et 307 « Administration territoriale » ont fusionné pour former le programme 354 « Administration territoriale de l'État » .

Seule une faible part de l'action de l'État en faveur des outre-mer est portée par la mission « Outre-mer » . Chaque ministère est en effet chargé de mettre en oeuvre ses politiques dans l'ensemble des territoires français, y compris les outre-mer. Charge au ministère des outre-mer de contribuer à la diffusion d'un « réflexe outre-mer » dans l'ensemble des ministères sectoriels.

2. Un effort financier en faveur des territoires ultramarins en forte augmentation

En incluant les politiques portées par l'ensemble des ministères, l' effort budgétaire de l'État en faveur des territoires ultramarins s'élève à 22,05 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 21,5 milliards d'euros en crédits de paiement.

Source : commission des lois du Sénat,
à partir du document de politique transversale Outre-mer pour 2020

Les dépenses fiscales complètent l'effort budgétaire de l'État en faveur des outre-mer. Elles sont estimées à 4,5 milliards d'euros pour 2020.

En incluant les dépenses fiscales, l'effort global de l'État en faveur des territoires ultramarins en 2020 représenterait 26,55 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 26 milliards d'euros en crédits de paiement (soit un peu plus de dix fois les crédits de la mission Outre-mer ). Cela représente une augmentation de plus de 15 % par rapport à 2019.

Source : commission des lois du Sénat,
à partir du document de politique transversale Outre-mer pour 2020

(en milliards d'euros)

LFI
2019

PLF
2020

Évolution
2019-2020

Autorisations d'engagement

23,02

26,55

+ 15,3 %

Crédits de paiement

22,17

26

+ 17,3 %

Source : commission des lois du Sénat,
à partir du document de politique transversale Outre-mer pour 2020

B. LES CRÉDITS ALLOUÉS À LA MISSION « OUTRE-MER » EN LÉGÈRE DIMINUTION À PÉRIMÈTRE CONSTANT

La hausse de l'effort financier global de l'État en faveur des outre-mer permet de nuancer la diminution des crédits de la mission « Outre-mer » . Celle-ci ne rassemble en effet que les crédits destinés à des politiques spécifiques aux territoires ultramarins.

Ils ne représentent en 2020 que 11,6 % en autorisations d'engagement et 11,2 % en crédits de paiement de l'effort budgétaire de l'État en faveur des territoires ultramarins, et 9,6 % en autorisations d'engagement et 9,2 % en crédits de paiement de l'effort financier total de l'État en direction de ces territoires.

1. Une diminution des crédits de la mission « Outre-mer », qui s'explique principalement par des mesures de périmètre

Le projet de loi de finances pour 2020 présente une baisse des crédits de la mission « Outre-mer » de 3,96 % en autorisations d'engagement et de 6,45 % en crédits de paiement par rapport à 2019.

Cette diminution est toutefois due pour partie à des mesures de périmètre. À périmètre constant en effet, les crédits budgétaires alloués à la mission « Outre-mer » ne sont en diminution que de 1,3 % en autorisations d'engagement et 3,88 % en autorisations d'engagement .

Crédits alloués à la mission « Outre-mer »
dans le projet de loi
de finances pour 2020

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2019

PLF 2020

Évolution

LFI 2019

PLF 2020

Évolution

138 - Emploi outre-mer

1 780 782 734 €

1 746 993 038 €

- 1,90 %

1 784 063 456 €

1 750 273 760 €

- 1,89 %

123 - Conditions de vie outre-mer

880 583 381 €

808 191 775 €

- 8,14 %

791 633 472 €

659 194 487 €

- 16,73 %

Mission Outre-mer

2 661 366 115 €

2 555 912 813 €

- 3,96 %

2 575 696 928 €

2 409 468 247 €

- 6,45 %

Source : commission des lois du Sénat,
d'après le projet annuel de performances (PAP) 2020

Crédits alloués à la mission « Outre-mer »
dans le projet de loi de finances pour 2020 à périmètre constant
(mesures de périmètre neutralisées)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2019

PLF 2020

Évolution

LFI 2019

PLF 2020

Évolution

138 - Emploi outre-mer

1 780 782 734 €

1 746 993 038 €

- 1,90 %

1 784 063 456 €

1 750 273 760 €

- 1,89 %

123 - Conditions de vie outre-mer

880 583 381 €

879 682 886 €

- 1,10 %

791 633 472 €

725 414 598 €

- 8,36 %

Mission Outre-mer

2 661 366 115 €

2 626 675 924 €

- 1,30 %

2 575 696 928 €

2 475 688 358 €

- 3,88 %

Source : commission des lois du Sénat,
d'après le projet annuel de performances (PAP) 2020

Trois mesures de périmètre viennent en 2020 impacter les crédits de la mission « Outre-mer » .

Les deux principales mesures de périmètre viennent modifier l'action 06 « Collectivités territoriales » du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » .

En premier lieu, et conformément à l'article 23 du projet de loi de finances pour 2020 , la dotation globale d'autonomie au bénéfice de la Polynésie française , dont le montant est fixé à 90 552 000 euros depuis 2017, est remplacée par un prélèvement sur recettes 4 ( * ) . Ces crédits sortent donc de ceux comptabilisés au sein de la mission « Outre-mer » .

D'une compensation de l'arrêt des activités nucléaires
à un prélèvement sur recettes en faveur de la Polynésie française

Afin de compenser les effets économiques négatifs de l'arrêt des essais nucléaires décidé en 1995 et la baisse des ressources publiques qui en a résulté, une Convention pour le renforcement de l'autonomie économique de la Polynésie française a été signée le 9 août 1996 entre l'État et le territoire polynésien. Celle-ci a créé le fonds pour la reconversion de l'économie de la Polynésie française (FREPF), instrument de la compensation de la cessation de cette activité. Le fonds était doté chaque année de 150,92 millions d'euros, correspondant au niveau évalué des flux financiers qui résultaient des activités du centre d'expérimentation du Pacifique (CEP). La durée de vie de ce fonds était de 10 ans.

Une nouvelle Convention pour le renforcement de l'autonomie économique de la Polynésie française a été signée le 4 octobre 2002, soit quatre ans avant la fin programmée du FREPF. Celle-ci a créé la dotation globale de développement économique (DGDE), qui se substitue au FREPF. La DGDE n'était plus limitée dans le temps, mais son fonctionnement était néanmoins critiqué. Par ailleurs, de nature conventionnelle, elle n'offrait pas les mêmes garanties que les autres dotations aux collectivités territoriales en termes de stabilité et de pérennité.

En 2010, la DGDE a donc été réformée. Trois instruments ont été institués, leur montant total restant égal à 150,92 millions d'euros :

- la dotation globale d'autonomie (DGA), dont le montant est de 90,552 millions d'euros, constitue une dotation de fonctionnement de la Polynésie française, et est donc libre d'emploi. Elle fait l'objet de versements mensuels ;

- la dotation territoriale pour l'investissement des communes (DTIC), d'un montant de 9,06 millions d'euros, finance des projets visant à la mise en oeuvre des compétences communales en matière de distribution d'eau potable, d'assainissement et de traitement des déchets ;

- le troisième instrument financier (3IF), d'un montant de 51,31 millions d'euros, a vocation à financer les investissements nécessaires notamment à l'amélioration de la desserte routière, maritime et aéroportuaire.

La DGA était initialement indexée sur la dotation globale de fonctionnement (DGF). Elle a de ce fait subi d'importantes baisses, liées aux baisses de la DGF réalisées entre 2014 et 2017. En 2017 cependant, la DGA a été « sanctuarisée », l'article 136 de la loi de finances pour 2017 fixant son montant à son niveau historique de 90,552 millions d'euros (article L. 6500 du code général des collectivités territoriales).

Le projet de loi de finances pour 2020 propose de transformer la DGA en prélèvement sur recettes. Cette modification répond à une demande des Polynésiens, qui considèrent que cette transformation permettra de garantir le stabilité et la pérennité de leur dotation, sans qu'elle ne puisse subir d'aléas de gestion en cours d'année. Il importe toutefois de souligner que, depuis 2011 et la création de la DGA, celle-ci n'a jamais subi d'évolution en cours d'année : elle a toujours été versée au niveau indiqué au début de l'année budgétaire.

En second lieu, et conformément à l'article 21 du projet de loi de finances pour 2020 , le prélèvement sur recettes destiné à compenser les pertes de recettes résultant, pour la collectivité territoriale de Guyane, de la suppression de la part d'octroi de mer de la collectivité au profit des communes est remplacé par une dotation budgétaire au plus égale à 27 millions d'euros. Ces crédits entrent donc parmi ceux comptabilisés dans la mission « Outre-mer » . Le Gouvernement souhaite ici mettre en oeuvre une recommandation de la Cour des comptes, qui a estimé que la situation financière de la collectivité territoriale de Guyane nécessitait une double action, à savoir un soutien de l'État conditionné à une maîtrise par la collectivité de ses dépenses de fonctionnement, ceci afin d'éviter une nouvelle crise financière à court ou moyen terme. Le projet de loi de finances pour 2020 conditionne donc la poursuite de ce versement à une amélioration de la situation financière de la collectivité 5 ( * ) .

Ces deux mesures de périmètre ont pour conséquence une diminution des crédits alloués à la mission « Outre-mer » de 63 552 000 euros (-90 552 000 + 27 000 000) et expliquent en quasi-totalité la baisse observée de l'action 06 du programme 123.

Par ailleurs, et en accord avec les décisions prises lors de la réunion interministérielle du 19 mars 2019, les crédits du contrat de convergence et de transformation de la Guyane sont intégrées à compter de 2020 dans le périmètre du programme 162 « Interventions territoriales de l'État » de la mission « Cohésion des territoires » . Cela se traduit par une diminution des crédits de l'action 02 « Aménagement du territoire » de 7 211 111 euros en autorisations d'engagement et de 2 668 111 euros en crédits de paiement.

2. Une baisse des crédits en adaptation à la sous-exécution récurrente du programme 123 « Conditions de vie outre-mer »

La baisse des crédits de la mission « Outre-mer » ne se limite toutefois pas aux mesures de périmètre exposées ci-dessus. À périmètre constant, la baisse demeure de 1,30 % en autorisations d'engagement et de 3,88 % en crédits de paiement.

Une sous exécution inquiétante
du programme 123 « Conditions de vie outre-mer »

En 2018, les crédits consommés de la mission « Outre-mer » représentaient 101,45 % des crédits votés. Ce résultat dissimule deux évolutions contradictoires : le programme 123 « Conditions de vie outre-mer » est marqué par une sous-exécution (les crédits consommés correspondent à 93,2 % des crédits de paiement disponibles), tandis que le programme 138 « Emploi outre-mer » , qui consiste majoritairement en des dépenses de guichet non pilotables, est en sur-exécution (106 %).

Au sein du programme 123, la consommation des crédits relatifs au logement est particulièrement basse . En 2018, seuls 71 % des crédits disponibles ont été consommés, alors même que les crédits votés dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2018 étaient déjà en diminution par rapport aux crédits de 2017.

De même, les crédits du fonds exceptionnel d'investissement (FEI) font face à une sous-exécution alarmante . Les crédits consommés en 2018 ne représentent que 92 % des autorisations d'engagement et 81 % des crédits de paiement disponibles. Cette sous-consommation est inquiétante car elle intervient en 2018, c'est-à-dire avant que le budget de ce fonds soit substantiellement revalorisée à l'occasion du budget 2019.

La sous-exécution des crédits du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » est liée à plusieurs facteurs . Peuvent notamment être citées les difficultés d'ingénierie, l'inadaptation de certaines normes aux réalités locales, les difficultés foncières, et la situation financière des collectivités ultramarines, ces facteurs rendant plus difficile la conduite de projets.

• Programme 123 « Conditions de vie outre-mer »

Les crédits alloués au programme 123 « Conditions de vie outre-mer » sont en baisse de 8,14 % en autorisations d'engagement et de 16,73 % en crédits de paiement. À périmètre constant, les autorisations d'engagement sont stables (- 0,1 %), mais les crédits de paiement diminuent de 8,36 % par rapport à 2019.

Les crédits de l'action 04 « Sanitaire, social, culture, jeunesse et sports » diminuent de 70,01 % en autorisations d'engagement et de 73,35 % en crédits de paiement par rapport à 2019. Cette évolution négative s'explique par l'arrêt de la participation de l'État au financement du régime de solidarité de la Polynésie française (RSPF). La convention prévoyant cette participation ne couvrait que la période allant de 2015 à 2018 et n'a pas été reconduite au-delà de 2019. Selon les informations recueillies par votre rapporteur, des négociations sont en cours pour définir les nouvelles formes de participation de l'État à ce secteur.

La baisse des crédits alloués aux actions 01 « Logement » , 02 « Aménagement du territoire » et 08 « Fonds exceptionnel d'investissement » , est plus inquiétante.

Crédits alloués aux actions 01, 02 et 08 du programme 123
dans le projet de loi de finances pour 2020 à périmètre constant

Action

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2019

PLF 2020

Évolution

LFI 2019

PLF 2020

Évolution

01- Logement

222 041 643 €

215 041 643 €

- 3,15 %

219 554 467 €

190 325 308 €

- 13,31 %

02- Aménagement du territoire

184 970 970 €

204 089 881 €

+ 10,34 %

174 227 578 €

164 539 378 €

- 5,56 %

08- Fonds exceptionnel d'investissement

110 000 000 €

110 000 000 €

0,00 %

65 000 000 €

60 000 000 €

- 7,69 %

Source : commission des lois du Sénat, d'après le projet annuel de performances (PAP) 2020

Cette baisse, de 43,9 millions d'euros en crédits de paiement, tend à ajuster les ressources au rythme de la dépense observée au cours des dernières années. La diminution des crédits de paiement des actions 02 et 08 ne se retrouve pas dans les autorisations d'engagement, ce qui corrobore le caractère temporaire de cette réduction, due à une sous-exécution des crédits des années précédentes.

En ce qui concerne la ligne budgétaire unique , toutefois, les autorisations d'engagement sont également en baisse. Il a été indiqué à votre rapporteur que la volonté du Gouvernement était de maintenir le niveau des crédits de la ligne budgétaire unique à un niveau important , afin de conserver la capacité à répondre aux besoins considérables des territoires ultramarins en la matière. Il est ainsi prévu que s'ajoute aux 215 millions d'euros affectés à l'action 01 en projet de loi de finances initiale une partie du produit de cession des sociétés immobilières d'outre-mer (SIDOM). Le montant à ajouter serait de 12,5 millions d'euros. Selon ces informations, le montant effectivement disponible en autorisations d'engagement en 2020 serait alors de 227,5 millions d'euros.

Crédits alloués à la ligne budgétaire unique en autorisations d'engagement
(action 01 Logement du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » )

LFI 2019

PLF 2020

Montant effectivement disponible en 2020

Évolution 2019-2020

225,56 millions d'euros

215 millions d'euros

227,5 millions d'euros

+ 1,94 million d'euros

Source : commission des lois du Sénat, à partir des informations recueillies en audition

• Programme 138 « Emploi outre-mer »

Les crédits alloués au programme 138 sont également en diminution 6 ( * ) . Cette baisse résulte exclusivement de la réduction de 2,31 % 7 ( * ) des crédits alloués à l'action 01 « Soutien aux entreprises » . Les dépenses portées par cette action constituent toutefois des dépenses de guichet, visant à compenser les exonérations de charges sociales patronales prévues pour les entreprises ultramarines. Le budget présenté dans la mission « Outre-mer » est basé sur les prévisions de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) réalisées en juin 2019. Or, à ce stade, l'ACOSS ne bénéficie que d'un recul limité pour réaliser ses prévisions, puisque les entreprises n'ont adopté le dispositif défini en loi de financement pour la sécurité sociale pour 2019 que progressivement au cours de l'année.

Les crédits alloués à cette action sont donc destinés à évoluer en fonction des demandes effectivement réalisées par les entreprises en 2020.

C. LES PRINCIPALES ORIENTATIONS DU BUDGET « OUTRE-MER » : UNE CONTINUITÉ AVEC LE BUDGET 2019

Le budget de la mission « Outre-mer » pour 2020 s'inscrit dans la continuité de celui présenté pour l'année 2019 . Cette année marquait en effet le premier budget à la suite des Assises des outre-mer. En contrepartie du plafonnement de la réduction d'impôt sur le revenu et de la suppression de la TVA non perçue récupérable dans collectivités régies par l'article 73 de la Constitution, 170 millions d'euros avaient été redirigés vers la mission « Outre-mer » , afin d'allouer des moyens budgétaires supplémentaires au financement des actions des deux programmes composant la mission, en fonction des priorités définies à la suite des Assises des outre-mer.

1. Programme 138 « Emploi outre-mer »

Le programme 138 « Emploi outre-mer » est doté de 1,747 milliard d'euros en autorisations d'engagement et de 1,750 milliard d'euros en crédits de paiement pour 2020. Il vise principalement à financer les exonérations de charges sociales, qui représentent 84 % des crédits du programme et 57 % des crédits de la mission.

a) La réforme des exonérations des charges sociales patronales

À la suite de la suppression du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) au 1 er janvier 2019, une réforme du dispositif d'exonération des charges sociales patronales spécifiques aux outre-mer s'avérait nécessaire. Celle-ci, portée par la loi de financement pour la sécurité sociale pour 2019 , visait à compenser la suppression du CICE par un renforcement des exonérations de cotisations patronales dans les outre-mer.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, une première évaluation de la réforme a été réalisée à partir des déclarations enregistrées jusqu'en août. Elle a mis en évidence une perte nette de certains secteurs, tels que l'industrie agro-alimentaire, les services informatiques ou encore la presse.

Afin de corriger cela, deux amendements au projet de loi de financement pour la sécurité sociale pour 2020 de notre collègue député Olivier Serva, dont l'un sous-amendé par le Gouvernement, ont été adoptés à l'Assemblée nationale 8 ( * ) . L'un inclut le secteur de la presse dans le régime renforcé d'exonération, et l'autre porte le seuil jusqu'auquel l'exonération est totale au sein de ce même régime de 1,7 SMIC à 2 SMIC .

À noter que l'examen du projet de loi de finances pour 2019 avait été l'occasion pour le Parlement de demander un rapport au Gouvernement sur les résultats et l'effectivité réelle des aides aux entreprises outre-mer 9 ( * ) , qui doit être remis avant le 31 décembre 2020. Cette clause de revoyure sera l'occasion d'évaluer les aides existantes ainsi que leurs potentielles évolutions.

b) La mise en place du plan SMA 2025

Le doublement de la capacité de formation du service militaire adapté (SMA) annoncée en 2009 a été atteint en décembre 2017 10 ( * ) . Un nouveau plan SMA 2025 a été défini en 2019, afin de répondre aux fragilités qu'a fait naître la montée en puissance rapide du SMA depuis une décennie. Quatre difficultés principales ont pu être soulignées :

- le taux moyen d'encadrement est passé de 21,5 % en 2009 à 15,5 % en 2019 ;

- la formation collective a été prioritaire sur l'évaluation des aptitudes et compétences sociales et professionnelles individuelles ;

- les jeunes abandonnant le dispositif ou n'ayant pas été insérés dans les six mois après leur sortie n'ont pas fait l'objet d'un accompagnement renforcé ;

- le doublement de la capacité de formation s'est traduit par un doublement de l'effectif initial de chaque régiment, sans qu'il ne soit tenu compte des spécificités démographiques de chaque territoire.

Le plan SMA 2025 vise à pallier ces difficultés, afin de permettre une employabilité durable de chaque volontaire du SMA. Ce plan se centre donc sur des améliorations qualitatives du programme, en renforçant notamment l'encadrement des volontaires et en permettant une meilleure adéquation du dispositif aux besoins du territoire.

En matière d'encadrement, 35 équivalents temps plein travaillé (ETPT) supplémentaires sont prévus en 2020. En Guyane par exemple, le plan d'encadrement du régiment du service militaire adapté prévoit un renforcement des effectifs entre 2018 et 2022 de 3 officiers et 14 sous-officiers, ainsi que l'affectation d'un psychologue au régiment en 2020.

Sur le second volet, le régiment du SMA de Guyane a par exemple récemment mis en place une formation à destination des jeunes des communes de l'intérieur. Les volontaires réalisent un parcours de formation professionnelle multi-technique de 10 mois, leur permettant de revenir dans leur commune outillés pour répondre aux besoins de leur communauté.

Votre rapporteur est sensible à l'attention portée par le Gouvernement au dispositif du SMA, exemplaire pour l'insertion d'un grand nombre de jeunes de nos territoires ultramarins. Améliorer la qualité et l'adéquation de l'encadrement et des formations dispensées permet de consolider ce dispositif dont l'utilité n'est plus à prouver.

c) Un premier bilan de l'action 04 « Financement de l'économie »

L'action 04 « Financement de l'économie » a été créée à l'occasion de la loi de finances pour 2019 . Elle porte à la fois sur la traditionnelle aide au fret et sur des dispositifs nouveaux issus des ressources générées par l'extinction de la TVA non perçue récupérable. Parmi ces nouveaux dispositifs, on trouve un prêt de développement outre-mer, qui finance le besoin en fonds de roulement des entreprises ultramarines, des subventions d'investissement dans le cadre d'appels à projets outre-mer, ainsi qu'un soutien au microcrédit 11 ( * ) . Selon les informations recueillies par votre rapporteur, ces dispositifs fonctionnent bien et les crédits alloués au microcrédit devraient être doublés d'ici 2022. L'objectif de cette action est de soutenir le développement économique de nos territoires ultramarins et de favoriser l'effervescence de projets.

Source : commission des lois du Sénat,
d'après le projet annuel de performances (PAP) 2020

2. Programme 123 « Conditions de vie outre-mer »

Le programme 123 « Conditions de vie outre-mer » , qui représente 808,9 millions d'euros en autorisations d'engagement et 659,2 millions d'euros en crédits de paiement, est structuré en huit actions visant à améliorer les conditions de vie des habitants des territoires ultramarins.

a) Les aides aux particuliers

Les crédits du programme 123 tendent en premier lieu à financer des actions à visée individuelle, par le biais de construction de logements sociaux ou du financement d'aides à la continuité territoriale.

(1) La construction de logements

2020 sera ainsi la première année de mise en oeuvre du plan Logement outre-mer 2019-2022 , arrêté à la suite de la Conférence logement lancée le 31 janvier dernier. Ce plan vise à adapter l'offre de logements aux besoins des territoires ultramarins. Parmi les mesures les plus emblématiques, peuvent être cités :

- le rétablissement d'une aide à l'accession sociale à la propriété et au sortir de l'habitat insalubre dans les territoires ultramarins ;

- le fléchage d'une enveloppe, au sein du budget « Outre-mer », sur l'ingénierie pour soutenir les directions de l'environnement de l'aménagement et du logement (DEAL) et les collectivités en matière de construction de logements sociaux ;

- la volonté de porter une négociation avec la Commission européenne sur la mise en place d'équivalence de normes CE pour les matériaux de construction accessibles dans les bassins géographiques des collectivités ultramarines ;

- un assouplissement des normes règlementaires prévu pour 2020.

Ces mesures, et plus particulièrement les trois dernières, ciblent certaines des causes de la sous-exécution récurrente du budget de la mission « Outre-mer » . Votre rapporteur espère que le soutien à l'ingénierie et l'assouplissement des normes portera ses fruits et permettra de faciliter la construction de logements dans les territoires ultramarins.

(2) Les aides à la mobilité

Le projet de loi de finances pour 2020 porte également une grande nouveauté en matière d'aides à la mobilité. Par un amendement adopté par l'Assemblée nationale, le Gouvernement a étendu les aides que peuvent percevoir les résidents ultramarins au titre du passeport pour la mobilité en stage professionnel et du passeport pour la mobilité pour la formation professionnelle aux stagiaires effectuant une mobilité dans les États ou territoires appartenant au bassin géographique de la collectivité où ils ont leur résidence habituelle 12 ( * ) .

Cette modification est bienvenue. Elle reprend la recommandation n° 18 du rapport d'information Contribution du transport aérien au désenclavement et à la cohésion des territoires de notre collège Josiane Costes 13 ( * ) , déposé le 24 septembre dernier. Elle permettra de développer les liens de nos collectivités ultramarines avec leur environnement régional.

b) Les aides aux collectivités territoriales

Les crédits du programme 123 ont pour objet en second lieu de financer des actions à visée plus collective, comme par exemple la construction d'infrastructures. 2020 verra ainsi la suite de la réalisation par l'État de ses engagements pris dans le cadre de l'accord de Guyane de 2017 ou du plan pour l'avenir de Mayotte de 2018.

(1) La mise en oeuvre des contrats de convergence et de transformation

2020 sera également la première année de plein exercice des contrats de convergence et de transformation 2019-2022 de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique, de Mayotte, de La Réunion, de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Wallis-et-Futuna, signés le 8 juillet 2019. Ces contrats prennent la suite dans les outre-mer des contrats de plan État-région.

Montant total contractualisé au titre des contrats de convergence
et de transformation 2019-2022 (en milliers d'euros)

Territoire

Part État

Part collectivité régionale

Part collectivité départementale

Part EPCI

Total contractualisé

Guadeloupe

209

112

36

45

402

Guyane

294

197

5

496

Martinique

182

269

23

474

Mayotte

609

350

46

1 005

Réunion

398

123

82

5

608

Saint-Pierre-et-Miquelon

19

19

38

Wallis-et-Futuna

32

4

36

Total

1 743

1 316

3 059

Source : Direction générale des outre-mer

En 2020, ce dispositif est doté de 182 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 138 millions d'euros en crédits de paiement, soit respectivement une hausse de 3 millions et une baisse de 19 millions par rapport à 2019.

(2) L'organisation d'une aide à l'ingénierie pour les collectivités territoriales afin de pallier la sous-exécution du budget « Outre-mer »

Pour pallier la sous-exécution des crédits inscrits au budget de la mission « Outre-mer » , l'État propose de rediriger des crédits vers l'aide à l'ingénierie pour les collectivités territoriales.

Cela fait suite aux engagements pris par l'État dans le cadre de la loi de règlement pour 2018 votée en juillet 2019 : le Gouvernement avait alors indiqué que la sous-exécution des crédits de la mission « Outre-mer » était liée à « des difficultés de réalisation des projets portés par plusieurs collectivités [...] qui est un indicateur de l'incapacité de certaines collectivités à assurer leur part de cofinancement et incite la mission à renforcer sa vigilance ».

Ce constat l'avait conduit à affirmer qu'il souhaitait accélérer « la mise en place de mécanismes d'accompagnement des collectivités en termes d'ingénierie, de maîtrise d'ouvrage ou de restauration de leur capacité financière , à travers par exemple des travaux sur la nouvelle organisation territoriale de l'État en Guyane, ou le renforcement des missions d'assistance à maîtrise d'ouvrage confiées à l'Agence française de développement (AFD) dans le cadre de la bonification des prêts qu'elle accorde ».

Les services de l'État en Guyane seront ainsi entièrement réorganisés à compter du 1 er janvier 2020 14 ( * ) , pour mieux s'adapter aux spécificités locales. Le service d'aides aux collectivités territoriales sera renforcé. Il accueillera une plateforme d'appui aux collectivités territoriales , destinée à apporter à ces dernières un soutien en ingénierie dans la réalisation de leurs projets.

De la même manière, en matière de construction de logements sociaux, 7 millions d'euros de la ligne budgétaire unique sont redirigés vers de l'aide à l'ingénierie .

Sans aller à l'encontre de la libre administration des collectivités territoriales, l'aide à l'ingénierie doit permettre aux acteurs locaux de mettre en oeuvre leurs projets . Cette mise en oeuvre conditionne en effet la consommation des crédits de la mission « Outre-mer » .

Comme le soulignait votre rapporteur à l'occasion de son précédent avis sur le budget de la mission « Outre-mer » , plusieurs dispositifs au sein du budget « [dépendent] de la dynamique et de l'ingénierie des territoires [puisque les dispositifs n'impulsent] pas les projets mais [apportent] un financement complémentaire aux initiatives du terrain. La réussite de la montée en charge des crédits [dépend] donc de la capacité des acteurs locaux à mettre en oeuvre les projets identifiés au même rythme que la croissance des crédits » 15 ( * ) . C'est par exemple le cas du Fonds exceptionnel d'investissement, doté 110 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 60 millions en crédits de paiement en 2020, qui est destiné à apporter une aide aux investissements structurants dans les territoires ultramarins.

Votre rapporteur sera donc attentif aux effets de cette aide en ingénierie apportée aux porteurs de projet ultramarins, et à son impact sur la consommation des crédits du budget « Outre-mer » .

Source : commission des lois du Sénat,
d'après le projet annuel de performances (PAP) 2020

Enfin, il importe de noter qu'en seconde délibération lors de la première lecture du projet de loi de finances pour 2020 , l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement minorant les crédits de la mission « Outre-mer » de 10 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, afin de tenir compte des votes intervenus en cours de discussion. Ces 10 millions se répartissent comme suit :

- une diminution de 1 578 457 euros au sein du programme 138 « Emploi outre-mer » ;

- une diminution de 8 421 543 euros au sein du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » .

Crédits alloués à la mission « Outre-mer »
dans le projet de loi de finances pour 2020 voté par l'Assemblée nationale

Autorisations d'engagement

LFI 2019

PLF 2020 (PAP)

PLF 2020 voté par l'Assemblée nationale

Évolution

138 - Emploi outre-mer

1 780 782 734 €

1 746 993 038 €

1 744 314 581 €

- 2,05 %

123 - Conditions de vie outre-mer

880 583 381 €

808 191 775 €

801 568 232 €

- 8,97 %

Mission « Outre-mer »

2 661 366 115 €

2 555 912 813 €

2 545 882 813 €

- 4,34 %

Crédits de paiement

LFI 2019

PLF 2020

PLF 2020 voté par l'Assemblée nationale

Évolution

138 - Emploi outre-mer

1 784 063 456 €

1 750 273 760 €

1 747 595 303 €

- 2,04 %

123 - Conditions de vie outre-mer

791 633 472 €

659 194 487 €

651 872 944 €

- 17,65 %

Mission « Outre-mer »

2 575 696 928 €

2 409 468 247 €

2 399 468 247 €

- 6,84 %

Source : commission des lois du Sénat

Le détail des économies demandées n'étant pas connu, le présent rapport se base sur les crédits tels que présentés par le projet annuel de performance . Votre rapporteur déplore toutefois cet effort supplémentaire pesant sur le budget de la mission « Outre-mer » , alors même que le Gouvernement a reconnu la nécessité d'une politique ambitieuse de rattrapage en faveur de nos territoires ultramarins.

Il lui semble d'autant plus fondamental dans ce cadre de s'assurer de la bonne consommation de l'ensemble des crédits restants de la mission, afin renforcer l'effectivité des politiques menées à destination des outre-mer .

II. L'INTÉGRATION DES COLLECTIVITÉS ULTRAMARINES DANS LEUR ENVIRONNEMENT RÉGIONAL : UNE OPPORTUNITÉ À SAISIR

Votre rapporteur a souhaité s'intéresser plus particulièrement à l'insertion des collectivités ultramarines dans leur environnement régional , soutenue, en partie, au sein du budget de la mission « Outre-mer » , par les crédits de l'action 07 « Insertion économique et coopérations régionales » du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » . Une bonne insertion des outre-mer français dans leur environnement régional permet en effet à la fois aux collectivités d'affirmer leur potentiel économique, culturel, scientifique et technique, mais aussi de contribuer au rayonnement de la France dans toutes les zones du monde.

A. DES COMPÉTENCES LARGES QUI S'ACCOMPAGNENT DE NOMBREUX OUTILS DE FINANCEMENT

1. Des larges compétences en matière internationale, sous la responsabilité de l'État
a) La responsabilité de l'État dans la conduite de l'action extérieure de la France

L'article 73 de la Constitution, auquel renvoie l'article 74, indique que les collectivités ultramarines ne peuvent être habilitées à fixer les règles portant sur « la politique étrangère ».

Il revient en effet à l'État de conduire la politique extérieure de la France et de conclure les accords internationaux avec les autres sujets de droit international 16 ( * ) .

Comme le rappelle la circulaire du 3 mai 2017 relative aux compétences exercées par les collectivités territoriales d'outre-mer en matière internationale à la suite de l'entrée en vigueur de la loi n° 2016-1657 du 16 décembre 2016 relative à l'action extérieure des collectivités territoriales et à la coopération des outre-mer dans leur environnement régional, « les engagements que peuvent souscrire les collectivités auprès d'autres États ou d'une organisation internationale, après y avoir été autorisées par un représentant de l'État et avoir été munies de pouvoirs de signature, doivent être regardés comme des accords internationaux conclus au nom de l'État ».

b) Des compétences internationales progressivement élargies afin de renforcer les relations des collectivités ultramarines avec leur environnement régional

Ce préalable posé, les collectivités territoriales disposent tout de même d'un rôle d'initiatrices en matière internationale , en pleine coopération avec les services de l'État afin d'assurer la cohérence de l'action de la France dans la zone géographique concernée. Leurs compétences en matière internationale visent à favoriser l'intégration des collectivités ultramarines avec leurs proches voisins . Ces relations, qui permettent de valoriser le potentiel de chacune des collectivités ultramarines , contribuent également au rayonnement de la France .

Les compétences internationales des collectivités ultramarines sont inscrites dans leurs statuts respectifs pour celles régies par l'article 74 de la Constitution 17 ( * ) , et relèvent de la loi en ce qui concerne les collectivités régies par l'article 73 18 ( * ) . Ces compétences, larges, n'ont cessé de croître au cours des vingt dernières années . Les collectivités ultramarines peuvent notamment :

- dans les domaines de compétences de l'État, se voir délivrer par l'État un pouvoir de négociation avec les États environnants et les organisations internationales. Les collectivités peuvent également se voir délivrer un pouvoir de signature des accords ainsi conclus ;

- dans les domaines de compétences de l'État, demander aux autorités de la République l'autorisation de négocier des accords internationaux « dans le respect des engagements de la République » ;

- se voir autoriser à représenter la France au sein d'organismes internationaux ;

- adhérer en leur nom propre à des organismes régionaux de leur zone géographique, sans que la France soit nécessairement membre de l'organisation ;

- affecter des agents chargés de les représenter au sein de missions diplomatiques. La Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie peuvent également mettre en place des représentations propres auprès d'États étrangers, territoires ou organisations internationales. Ces représentations n'ont toutefois pas de caractère diplomatique.

Afin de favoriser le développement des liens entre les collectivités ultramarines et leur environnement régional, la loi n° 2016-1657 du 5 décembre 2016 relative à l'action extérieure des collectivités territoriales et à la coopération des outre-mer dans leur environnement régional a par ailleurs permis aux présidents des exécutifs locaux de définir une politique de coopération régionale sur cinq ans .

2. De nombreux outils de financement

Accompagnant ces larges compétences, de nombreux outils de financement existent afin de favoriser les actions de coopération décentralisée, tant au niveau national qu'européen.

a) Au niveau national

Au niveau national, plusieurs fonds et structures sont dédiés ou participent au financement des actions menées par les collectivités ultramarines en matière internationale .

Le fonds de coopération régional (FCR) tout d'abord, créé par la loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer , est « destiné à promouvoir les échanges éducatifs, culturels ou sportifs des habitants de ces territoires vers la métropole ou vers les pays situés dans leur environnement régional » 19 ( * ) . Le FCR est géré par un comité de gestion régional dans chacun des territoires bénéficiaires du fonds, associant représentants de l'État et représentants des collectivités.

Les crédits dédiés à ce fonds sont portés par l'action 07 « Insertion économique et coopérations régionales » du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » . Ils représentent 789 500 euros en 2020, soit la même somme qu'en 2019.

Bilan global FCR 2018

Territoire

Allocation 2018

Consommation 2018

Taux de consommation 2018

Allocation 2019

Guadeloupe

143 704 €

143 704 €

100 %

125 000 €

Martinique

148 926 €

135 143 €

91 %

125 000 €

Guyane

110 000 €

110 948 €

101 %

170 000 €

La Réunion

180 000 €

150 320 €

84 %

150 000 €

Mayotte

180 000 €*

0 €

0 %

80 000 €

Saint-Pierre-et-Miquelon

53 000 €

65 305 €

123 %

50 000 €

Wallis-et-Futuna

10 000 €

10 000 €

100 %

5 000 €

Polynésie française

10 000 €

210 €

0 %

5 000 €

Adifap 20 ( * )

20 000 €

20 000 €

100 %

20 000 €

Source : Direction générale des outre-mer

* 5 000 euros ont été utilisés pour un projet lié à la musique. Le reliquat a été utilisé par fongibilité du BOP 123.

En 2018 :

- la Guadeloupe a utilisé son enveloppe FCR pour financer cinq projets : un en matière de santé, trois dans le domaine de l'environnement, et un de développement socio-économique ;

- la Martinique a utilisé son enveloppe pour financer l'organisation de la conférence de coopération Antilles-Guyane ;

- La Réunion s'est engagée sur six projets de coopération régionale, notamment en matière d'urbanisme et de francophonie ;

- enfin, la Guyane s'est engagée sur sept projets, notamment en matière de santé, de transport et de violences faites aux femmes.

Pour les collectivités du Pacifique , le Fonds de coopération économique, sociale et culturelle pour le Pacifique, dit Fonds Pacifique , rassemble les crédits destinés à leur insertion régionale. Il est doté d'1,5 million d'euros en 2018 et en 2019 inscrits au budget du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, et est présidé à tour de rôle pour deux ans par le président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et par celui de la Polynésie française. Il est géré par l'ambassadeur, secrétaire permanent pour le Pacifique. Dans le cadre de la prochaine organisation d'un évènement One Planet Submit océanien en Polynésie française en avril 2020, il est prévu de renforcer les moyens du Fonds afin qu'il puisse financer un plus grand nombre de projets.

À ces fonds s'ajoutent les appels à projet régulièrement lancés par la délégation pour l'action extérieure des collectivités territoriales (DAECT) . En 2019, la DAECT a lancé 11 appels à projets pour une offre de financement de 10 522 040 euros. Les projets financés sont portés par toutes les catégories des collectivités territoriales ultramarines et hexagonales ainsi que par les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.

Entre 2016 et 2019, les collectivités ultramarines ont déposé 18 projets, parmi lesquels 15 ont été retenus par la DAECT.

Coût total des projets ayant reçu un financement de la DAECT
dans les collectivités ultramarines
*

Territoire

2016

2017

2018

2019

Guadeloupe

0 €

167 000 €

234 500 €

66 840 €

Martinique

193 090 €

0 €

504 408 €

169 500 €

La Réunion

1 515 478 €

0 €

261 000 €

0 €

Saint-Pierre-et-Miquelon

0 €

0 €

0 €

3 400 €

Total

1 708 568 €

167 000 €

999 908 €

239 740 €

Source : Délégation pour l'action extérieure des collectivités territoriales

* Les collectivités ultramarines qui ne sont pas citées dans le tableau n'ont pas bénéficié de financement de la DAECT sur la période couverte.

L' Agence française de développement (AFD) est également un acteur majeur du financement des actions de coopération des collectivités ultramarines. Elle a développé une fonction d'accompagnement à la maîtrise d'ouvrage à Mayotte et à Saint-Martin , et soutient des projets de coopération entre nos collectivités et les pays voisins, concentrant ses interventions sur les projets liés au développement économique et social dans une optique durable. En 2018, l'AFD a financé 255 projets liés à nos collectivités ultramarines, représentant 1,7 milliard d'euros 21 ( * ) . Afin d'assurer l'efficacité de son action, elle a adopté en 2019 la stratégie « Trois Océans » , visant à renforcer l'intégration régionale de nos outre-mer.

b) Au niveau européen

L'Union européenne intervient également en finançant des projets destinés à renforcer la coopération régionale . Deux instruments sont mobilisés.

Il s'agit en premier lieu des programmes européens INTERREG , soutenus par le Fonds européen de développement régional (FEDER). Ils visent à atténuer l'effet frontière avec les territoires voisins, en facilitant l'insertion régionale de nos collectivités ultramarines. Les programmes INTERREG se déclinent en deux volets : un premier volet transfrontalier, qui tend à financer des projets dans le voisinage proche, et un second volet transnational, qui soutient des initiatives s'inscrivant dans des zones géographiques plus vastes.

Il existe cinq programmes opérationnels soutenant l'intégration régionale des collectivités régies par l'article 73 de la Constitution , représentant un montant d'environ 170 millions d'euros.

Les programmes INTERREG au bénéfice des collectivités ultramarines françaises

- Le programme INTERREG Amazonie, géré par la collectivité territoriale de Guyane :

Doté de 18,9 millions d'euros, il poursuit quatre axes prioritaires : renforcer l'offre de transport au sein de l'espace de coopération afin d'accroitre la mobilité dans cette partie de l'Amazonie ; protéger et valoriser la biodiversité exceptionnelle et le patrimoine naturel et culturel ; répondre aux problématiques sanitaires et sociales, en continuant la coopération scientifique et sanitaire ; et développer les échanges économiques dans les secteurs-clés, notamment l'agroalimentaire, les énergies renouvelables, les technologies de l'information et communication, de l'écotourisme, ainsi que des projets visant la meilleure connaissance réciproque des marchés et des formations conjointes destinées aux entrepreneurs ;

- Le programme INTERREG Océan indien, géré par la région de La Réunion :

Doté de 63,2 millions d'euros, il porte sur cinq priorités stratégiques : construire un espace de recherche et d'innovation ; consolider les échanges économiques ; développer les capacités d'adaptation au changement climatique et la prévention et la gestion des risques ; valoriser le patrimoine naturel et culturel ; et élever le niveau de compétence collective par le soutien aux actions de formations et d'échanges (mobilité) ;

- Le programme INTERREG Caraïbes, géré par la région de Guadeloupe :

Il se décline en six priorités et est doté de 64,3 millions d'euros. Il vise à : renforcer la compétitivité des entreprises ; renforcer la capacité de réponse aux risques naturels ; protéger l'environnement culturel et naturel ; répondre aux problématiques communes de santé à l'échelle de la Caraïbe ; soutenir le développement des énergies renouvelables ; et renforcer le capital humain par le développement de la formation en langues de la Caraïbe et de la mobilité étudiante et professionnelle au sein de la Caraïbe. Un projet de télécommunication dans toute la Caraïbe est par exemple actuellement en cours de développement ;

- Le programme INTERREG Saint-Martin-Sint-Maarten, géré par la préfecture de Saint-Martin :

Doté de 10 millions d'euros, ce projet vise à élever le niveau des infrastructures dans le domaine de l'eau et de l'assainissement ainsi que la protection de l'environnement, et à prévenir les risques d'inondation, en particulier dans la zone frontalière de Belle-Plaine. Des fonds sont également consacrés à l'assistance technique ;

- Le programme INTERREG Mayotte-Comores-Madagascar, géré par la préfecture de Mayotte :

Doté de 11,8 millions d'euros, ce fonds vise à : accroitre les échanges commerciaux dans la zone de coopération ; améliorer l'état de santé des populations et les capacités de secours aux personnes ; et à structurer, développer l'offre de formation et organiser la mobilité dans l'espace de coopération.

En second lieu, s'ajoute aux programmes INTERREG le Fonds européen de développement (FED) . Doté d'un budget de 30,5 milliards d'euros sur la période 2014-2020, il soutient des actions ayant pour objet la promotion du développement économique, social et humain ou la coopération régionale dans les pays et territoires en voie de développement.

S'il avait pu être regretté par le passé l'absence de coordination entre les différents instruments européens de financement, en particulier entre les financements assurés par le biais du FEDER et ceux du FED 22 ( * ) , la nouvelle programmation 2014-2020 a tenté de répondre à ces critiques. À titre d'exemple, une enveloppe de 2,94 millions d'euros de FED a été déléguée à l'autorité de gestion du programme INTERREG Caraïbe, ce qui permet de soutenir à la fois des porteurs de projets européens ( via INTERREG) et non-européens ( via le FED).

B. UNE INSERTION ENCORE HÉTÉROGÈNE DES COLLECTIVITÉS ULTRAMARINES

1. Un constat général de sous-utilisation par les collectivités ultramarines de leurs capacités d'action en matière internationale

Le développement des compétences internationales des collectivités ultramarines et des outils de financement part du principe que l'intégration des collectivités ultramarines dans leur environnement régional est à la fois bénéfique pour la collectivité elle-même et pour ses habitants, mais également pour le rayonnement de la France.

Toutes les collectivités ultramarines ne se sont toutefois pas saisies de la même manière de leurs potentialités d'action en la matière.

a) La zone Océan Indien

La Réunion et, dans une moindre mesure, Mayotte ont su progressivement s'intégrer dans leur bassin régional.

La coopération régionale concerne principalement les pays voisins, mais des actions de coopérations existent également avec des pays de l'Afrique australe et certains pays d'Asie. La Réunion est ainsi passée, depuis quelques années, d'une coopération insulaire de proximité à une coopération avec des pays plus lointains comme la Chine ou l'Australie.

Mayotte et La Réunion ne sont pour l'heure adhérents d'aucune organisation régionale : c'est la France qui en est membre. La coopération régionale de ces collectivités avec les pays voisins se développe pour autant au sein de ces instances, et plus particulièrement au sein de la Commission de l'océan Indien et de l'Association des États riverains de l'océan Indien.

Le conseil départemental de La Réunion a ainsi signé une convention cadre de partenariat avec l'organisation internationale de la francophonie en 2019, et le conseil régional de La Réunion en a signé une avec la commission de l'océan Indien en 2019.

Au sein de la Commission de l'océan Indien, la France n'est membre qu'au titre de La Réunion, tandis que la participation de Mayotte aux activités de cette organisation reste sensible. Un premier pas a toutefois été franchi en août 2019, l'Union des Comores ayant accepté le principe d'une association des Mahorais aux projets de l'organisation qui pourraient les intéresser, au titre du siège français.

La coordination de la voix de la France au sein de l'océan Indien se met également progressivement en place . Le conseil régional de La Réunion et les conseils départementaux de La Réunion et de Mayotte ont signé une déclaration d'intention pour la création de la plateforme de coopération de la France dans l'océan Indien le 27 octobre 2018, qui a vu le jour en 2019 .

Par ailleurs, le conseil départemental de Mayotte a adopté, le 17 juillet 2018, une stratégie de coopération décentralisée et d'action internationale en application de l'article L. 3441-4-1 du code général des collectivités territoriales. Deux axes principaux sont poursuivis : contribuer au développement de l'économie mahoraise et promouvoir l'île à l'international.

Le cadre stratégique de coopération décentralisée et d'action internationale
du conseil départemental de Mayotte

Le conseil départemental de Mayotte fait tout d'abord le constat de sa faible intégration dans son environnement régional, la collectivité se caractérisant par des échanges limités avec les pays voisins, alors même que les défis à relever sont communs avec les autres pays de la zone.

Le conseil départemental met toutefois en avant le potentiel dont dispose Mayotte - sa position géostratégique, sa richesse culturelle, mais également le cadre juridique et financier souple qui régit son action extérieure -, ainsi que les bénéfices que la collectivité aurait à coopérer davantage - le renforcement de l'intégration régionale, la multiplication des opportunités pour les jeunes mahorais, ainsi que l'élargissement du marché intérieur et l'abaissement des coûts de production.

La stratégie du conseil départemental poursuit donc deux objectifs, afin d'affirmer l'appartenance de Mayotte à deux grands ensembles : l'Union européenne et l'océan Indien.

Le premier objectif consiste à ancrer davantage Mayotte dans son environnement régional, et le second à oeuvrer pour sa reconnaissance. Pour ce faire, trois priorités ont été retenues :

- renforcer la présence et l'influence de Mayotte dans la zone par le développement d'une diplomatie territoriale ;

- renforcer les échanges socio-économiques et culturels avec les pays voisins pour l'enrichissement de Mayotte ;

- renforcer la capacité du conseil départemental pour la mise en oeuvre du cadre stratégique.

L'insertion régionale de ces collectivités est également appuyée par les autorités centrales. Le 22 juillet 2019, la France et les Comores ont ainsi signé un accord de partenariat tendant notamment à renforcer la coopération décentralisée avec les Comores. La coopération dans le cadre de cet accord visera principalement la santé, l'éducation, la formation, l'insertion professionnelle des jeunes, l'emploi, l'agriculture, ainsi que le développement rural. L'objectif poursuivi est de contribuer à l'amélioration durable des conditions de vie des ressortissants de l'Union des Comores . Les élus mahorais nationaux et locaux seront associés au suivi et à l'évaluation des engagements. Cet accord démontre que la coopération peut avoir pour objet la stabilisation des populations, les actions envisagées étant des actions gagnant-gagnant pour l'Union des Comores d'une part, et la France et ses collectivités d'autre part.

b) La zone Antilles-Guyane

Les actions de coopération décentralisée sont bien développées au sein du bassin caribéen , qui rassemble dans un ensemble régional un grand nombre d'États souvent insulaires ou micro-États. Les relations sont de tous ordres : commerciales, artistiques, touristiques, culturelles, etc .

Les collectivités de la zone Antilles-Guyane ont une politique historiquement active d'adhésion aux organisations régionales . En 2012, la Guadeloupe et la Martinique ont demandé à adhérer en leur nom propre à l'ensemble des organisations régionales de la Caraïbe. Ces deux collectivités sont désormais membres associés avec la France de l'Association des États de la Caraïbe (AEC), et membres de l'Organisation des États de la Caraïbe orientale (OECO). Elles sont également membres depuis 2012, et la Guyane depuis 2019, de la Commission économique pour l'Amérique latine et les Caraïbes (CEPALC). Des démarches sont actuellement en cours pour que la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane adhèrent à la Communauté des Caraïbes (CARICOM). La collectivité de Saint-Martin étudie quant à elle l'intérêt de devenir membre d'organisations régionales, étant d'ores et déjà membre de l'Association des États de la Caraïbe.

Participation des collectivités de la zone Antilles-Guyane
aux organisations régionales

AEC

OECO

CARICOM

CEPALC

Guadeloupe

Oui

Oui

Demande

Oui

Martinique

Oui

Oui

Demande

Oui

Guyane

Oui

Non

Demande

Oui

Saint-Martin

Oui

En cours

Non

Oui

Saint-Barthélemy

Oui

Non

Non

Non

Source : commission des lois du Sénat

L'insertion de la Guadeloupe, la Guyane et la Martinique dans leur environnement régional passe également par une meilleure association des autorités locales aux représentations extérieures de la France . La Martinique et la Guadeloupe ont signé en décembre 2012 une convention cadre avec l'État pour permettre le déploiement de représentants des collectivités au sein du réseau diplomatique français. La Guadeloupe dispose de représentants au Québec et auprès de l'Organisation des États de la Caraïbe orientale. La Guyane dispose également d'un représentant qui assure la valorisation de sa collectivité auprès des autorités surinamaises.

Les pays de la zone ayant des frontières terrestres avec d'autres États développent par ailleurs la coopération avec ces territoires frontaliers . La France a ainsi récemment souhaité favoriser la délivrance de visas de circulation aux Brésiliens justifiant de la nécessité de voyager fréquemment en Guyane. Par ailleurs, des commissions mixtes transfrontalières et des conseils du fleuve se réunissent régulièrement entre la France et le Brésil et entre la France et le Suriname.

Le cas de Saint-Martin est particulier. Cette collectivité et Sint-Maarten sont fortement interdépendants, la bi-nationalité constituant une des caractéristiques fortes du territoire. Des réunions quadripartites entre la France, les Pays-Bas, Saint-Martin et Sint-Maarten se tiennent régulièrement, la dernière réunion ayant eu lieu en 2019. Par ailleurs, la question de la délimitation de la frontière entre les deux collectivités a connu une actualité cette année, puisqu'une mission de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) s'est rendue sur l'île afin de déterminer la frontière terrestre, tandis que la question de la frontière maritime devait être abordée à l'automne.

c) La zone Pacifique

La France est le seul pays de l'Union européenne, avec le Royaume-Uni, à être présent dans le Pacifique. Elle est à ce titre reconnue par les autres États de la zone comme une nation du bassin Pacifique, et un partenaire engagé et utile.

La Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française disposent, de par leur statut, d'une grande latitude dans leur action internationale . Elles peuvent toutes deux 23 ( * ) adhérer à des organisations internationales sans limitation géographique.

Les trois collectivités françaises du Pacifique sont fortement intégrées dans les organisations internationales . À titre d'exemple :

- la Nouvelle-Calédonie accueille le siège de la Communauté du Pacifique 24 ( * ) , qui est la plus ancienne organisation régionale d'Océanie. La France et ses trois collectivités du Pacifique en sont membres de plein droit, tandis que le français est, avec l'anglais, la langue officielle de l'organisation ;

- la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis-et-Futuna sont membres du Programme régional océanien pour l'environnement ;

- les deux premières collectivités sont membres à part entière du Forum des îles du Pacifique 25 ( * ) , tandis que Wallis-et-Futuna en est membre associé ;

- les trois collectivités ont participé aux dernières réunions du Forum de développement des îles du Pacifique, sans pour autant adhérer pleinement à cette nouvelle organisation ;

- la Nouvelle-Calédonie est membre associée de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF) depuis janvier 2017 et de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (UNESCO) depuis octobre 2017.

La Nouvelle-Calédonie est particulièrement active en matière internationale. Elle dispose de délégués auprès des ambassades de France en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, aux Fidji et au Vanuatu. Elle a adopté en 2017 une loi du pays visant à professionnaliser le recrutement de ses délégués. Elle a signé en juillet 2018 une déclaration conjointe de coopération avec la Papouasie-Nouvelle-Guinée , et a négocié et signé en avril 2019, au nom de la France, un accord de libre-échange avec le Vanuatu .

La Polynésie française regarde quant à elle dans diverses directions . Ses relations avec la Chine sont en cours de développement : le 19 juillet 2016, l'ambassadeur de la République populaire de Chine en France, Zhai Jun, a ainsi estimé que « la relation entre la Chine et la Polynésie française est une composante importante des relations sino-françaises ». La Polynésie française a également engagé des négociations avec le Canada et le Brésil en matière de desserte aérienne en 2015. La Nouvelle-Zélande a quant à elle affirmé sa volonté de se rapprocher de la Polynésie française, afin de favoriser le développement des échanges entre les deux territoires. Enfin, le 1 er mars 2019, le président du gouvernement de la Polynésie française, président sortant de l'association des pays et territoires d'outre-mer (PTOM) de l'Union européenne, ouvrait le forum UE-PTOM en Polynésie française.

Quant à Wallis-et-Futuna, bien que son statut ne lui confie aucune compétence précise en matière internationale, la collectivité demeure active dans son environnement régional. Elle est ainsi devenue membre de l'organisation du tourisme du Pacifique Sud en 2019, et a signé le 22 mars 2019 une déclaration d'intention de renforcement du développement régional avec la République du Vanuatu. Le territoire a également affirmé souhaiter établir une convention cadre avec les Fidji.

2. La mise en place d'une politique d'incitations pour favoriser l'insertion régionale des collectivités ultramarines

De manière générale, et même si la situation reste hétérogène en fonction des collectivités, le bilan est à une sous-utilisation par les collectivités ultramarines de leurs compétences en matière internationale , plus particulièrement dans les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution. De ce fait, et afin de favoriser l'affirmation des collectivités ultramarines dans leurs compétences en matière internationale, une politique d'incitation et de soutien a été mise en place par l'État.

Dès 1985, la France a mis en place un conseil du Pacifique Sud 26 ( * ) , qui avait pour ambition de coordonner les différents aspects de la France dans le Pacifique Sud, notamment la coopération culturelle, scientifique et technique avec les États de la région.

Depuis 2002, des ambassadeurs délégués à la coopération régionale sont nommés dans chacune des zones géographiques de nos collectivités ultramarines. Sous double tutelle du ministère en charge des affaires étrangères et du ministère en charge de l'outre-mer, ils sont chargés de faciliter la coordination des actions de l'État et des collectivités territoriales, et d'appuyer les actions internationales de celles-ci.

La loi n° 2016-1657 du 5 décembre 2016 relative à l'action extérieure des collectivités territoriales et à la coopération des outre-mer dans leur environnement régional a également prévu la tenue annuelle d'une conférence de coopération régionale dans la zone Antilles-Guyane et dans la zone de l'océan Indien. Les conférences ont pour but de coordonner les politiques menées par l'État et par les collectivités, et sont l'occasion de diffuser des informations relatives aux actions menées dans les zones concernées.

La conférence de coopération régionale Antilles-Guyane (CCRAG) rassemble, outre des représentants de l'État et des collectivités, des représentants des organisations internationales auxquelles la France et, dans certains cas, les collectivités, participent. Plusieurs thématiques sont abordées au cours de cette rencontre annuelle, comme la santé, la sécurité, l'environnement, la formation, ou encore l'économie bleue.

La conférence de coopération régionale de l'océan Indien (CCROI) ne réunit que des représentants de l'État et des collectivités. Les thématiques abordées sont notamment le rôle de l'Agence française pour le développement, l'économie bleue ou la coopération universitaire.

Une circulaire a été diffusée le 3 mai 2017 27 ( * ) pour permettre la bonne compréhension par tous les acteurs concernés des compétences exercées par les collectivités d'outre-mer en matière internationale . Elle indique notamment qu'il appartient à ces différents acteurs « d'apporter aux collectivités territoriales d'outre-mer toute l'aide dont elles peuvent avoir besoin pour exercer les compétences qui leur sont reconnues en matière internationale et de veiller à la cohérence des initiatives d'action extérieure développées par les collectivités avec les orientations de la politique étrangère de la France ».

Enfin, des conseillers diplomatiques ont été placés auprès de certains préfets pour faciliter les relations entre les collectivités de ces zones régionales et leurs voisins . Ils servent de relai à l'action des ambassadeurs délégués à la coopération régionale. Il existe aujourd'hui trois postes : un auprès du préfet de Guyane, un auprès du préfet de La Réunion, et un dernier auprès du Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie.

3. Encourager l'insertion des collectivités ultramarines dans leur environnement régional
a) Mieux intégrer les collectivités ultramarines lors des négociations internationales avec les États de la zone

Les assemblées délibérantes des collectivités ultramarines régies par l'article 73 de la Constitution peuvent adresser au Gouvernement des propositions en vue de la conclusion d'engagements internationaux concernant la coopération régionale entre la France et les États ou territoires voisins, ou avec des organisations régionales des zones correspondantes 28 ( * ) .

Par la suite, la négociation et la signature des accords internationaux peuvent être réalisées par le président de l'assemblée délibérante de la collectivité ultramarine.

Lorsque ce n'est pas le cas, les collectivités régies par l'article 73 de la Constitution peuvent être consultées sur certains projets d'accords internationaux 29 ( * ) , avant leur signature . Une harmonisation pourrait être proposée pour que la Guadeloupe, Mayotte et La Réunion, à l'instar de la Martinique et de la Guyane, soient obligatoirement consultées sur les accords de coopération internationale conclus avec les pays de leur zone géographique, quel qu'en soit l'objet

La consultation intervient au stade de la signature : les collectivités ne donc peuvent pas proposer des modifications au projet de texte, mais seulement donner un avis favorable ou défavorable. Une modification pourrait là encore être envisagée afin de prévoir une consultation systématique au stade de la négociation, ce qui permettrait une meilleure prise en compte des spécificités ultramarines en cours de négociation.

b) Favoriser les échanges de bonnes pratiques entre les collectivités ultramarines et la co-construction des politiques entre les niveaux local, national et international

Le renforcement des relations entre les territoires français ultramarins et leur environnement régional permet à ces collectivités d'affirmer leur potentiel économique, culturel, scientifique et technique , et de développer la présence de la France dans toutes les zones du monde .

Par ailleurs, les collectivités ultramarines sont fréquemment des pays d'accueil de migrations venant de leur environnement proche , tout en pâtissant souvent de difficultés économiques supérieures à celles de la France hexagonale. Or, comme l'a indiqué le Secrétaire général des Nations unies en 2006, les phénomènes migratoires doivent constituer « une double chance, pour les territoires d'origine mais aussi d'accueil ». Pour ce faire, il importe de rééquilibrer les relations entre les territoires, en favorisant un développement partagé par des relations économiques et culturelles fortes.

Cela passe certes par des actions individuelles de la part de migrants se posant en partenaires du développement de leur territoire d'origine et d'accueil, mais également par un renforcement de l'action des collectivités dans leurs projets de coopération décentralisée.

Comme l'on a pu le voir, si l'intégration des collectivités ultramarines diffère en fonction des zones et au sein de ces zones, ceci n'est pas dû à un déficit de compétences ou dispositifs financiers, mais bien plutôt à un faible recours des collectivités à ces outils . Les dernières avancées législatives en la matière sont en effet récentes, et les collectivités n'ont pas nécessairement eu le temps de s'en saisir.

Au niveau local , on observe une certaine prise de conscience de la nécessité pour ces collectivités de renforcer leurs liens avec leur voisinage proche ou plus lointain . Il importe aujourd'hui de mettre en place des actions concrètes de coopération. Un instrument facilitateur peut être les conférences annuelles de coopération régionale, qui permettent aux différents acteurs de la zone de se retrouver et de présenter les actions menées et envisagés. La conférence de coopération régionale de la zone Antilles-Guyane, qui a eu lieu du 25 au 29 novembre 2019, a ainsi été l'occasion de faire le bilan de l'utilisation par les collectivités de leurs compétences internationales, en examinant les freins et perspectives. Dans la zone océan Indien, il pourrait être envisagé d'inviter à la conférence de coopération régionale, à l'instar de ce qui se fait dans les Antilles-Guyane, les organisations régionales de la zone. Cela permettrait en effet aux collectivités de mieux connaître leurs actions, et à ces organisations de mieux comprendre l'organisation de la France et le statut de nos territoires ultramarins.

Les collectivités pourraient également renforcer leur présence au sein des représentations diplomatiques de la France dans les pays voisins . Depuis 2016, il s'agit en effet d'une possibilité dont dispose l'ensemble des collectivités ultramarines. Elles ne s'en sont cependant, à l'exception de la Nouvelle-Calédonie, que peu saisi, alors même qu'il s'agit d'un vecteur efficace pour développer la coopération régionale.

La faible utilisation par les collectivités ultramarines de leurs compétences en matière internationale et des dispositifs de financement existants s'explique notamment par la faible connaissance de ces outils . Des actions de formation , à destination des élus et des fonctionnaires territoriaux, pourraient ainsi utilement être mises en place afin de faciliter les initiatives et le dépôt de réponses aux appels à projets.

Au niveau étatique , votre rapporteur considère fondamental l'appui apporté par les ambassadeurs délégués à l'action des collectivités , car ils permettent d'assurer la nécessaire cohérence entre action des collectivités et action étatique. L'action des collectivités n'étant possible que dans le respect des orientations de la politique extérieure de la France, il est primordial d'assurer la symbiose entre les différents acteurs. À ce titre, Sain-Pierre-et-Miquelon n'est aujourd'hui intégrée dans aucune zone d'action. Il pourrait être envisagé de transformer la zone Antilles-Guyane en zone Atlantique pour y inclure cette collectivité.

L'action des conseillers diplomatiques auprès des préfets de certaines des collectivités vient en appui à celle des ambassadeurs et lui est complémentaire. Toutefois, et même si ces conseillers diplomatiques sont également chargés d'assister les préfets des autres collectivités de la zone en tant que de besoin, votre rapporteur serait favorable à une réflexion sur l'opportunité d'ouvrir des postes de conseillers diplomatiques dans d'autres collectivités aux problématiques propres . Il semble que la création d'un tel poste à Mayotte soit à l'étude. Votre rapporteur souhaite encourager cette idée, car cela permettrait une meilleure prise en compte des liens existants entre Mayotte, les Comores et Madagascar.

c) Encourager les liens régionaux en levant certains blocages

Outre l'encouragement des collectivités ultramarines à utiliser pleinement leurs compétences internationales, des blocages existants pourraient être levés pour favoriser l'intégration des territoires ultramarins dans leur environnement régional.

En premier lieu, favoriser l'intégration régionale des collectivités ultramarines passe par un renforcement des liens entre les habitants des différents territoires . Dans ce cadre, votre rapporteur approuve les modifications au passeport mobilité apportées par le Gouvernement dans le cadre de l'examen actuel de la loi de finances pour 2020 30 ( * ) . En complément de la politique de continuité territoriale, une politique nationale de soutien à la mobilité internationale afin de favoriser l'intégration régionale des collectivités au sein de leur bassin géographique serait mise en place par l'État. Dans ce cadre, les passeports pour la mobilité en stage professionnel et en formation professionnelle pourraient être attribués aux stagiaires effectuant une mobilité dans les États ou territoires appartenant au bassin géographique de la collectivité d'outre-mer où ils ont leur résidence habituelle. La liste des États et territoires concernés serait fixée par arrêté conjoint du ministère des outre-mer et celui du budget.

Par ailleurs, les politiques facilitant l'octroi de visa doivent être encouragées , qu'il s'agisse de visas de court séjour à destination des entreprises et des touristes, ou des systèmes de visa permanent pour les frontaliers, sur le modèle de la carte frontalière existant entre le Brésil et la Guyane sur le fleuve Oyapock. Cette politique devra toutefois s'adapter à la maturité des relations entre les pays.

En deuxième lieu, renforcer l'intégration régionale de nos collectivités ultramarines passe aussi par une meilleure acceptation des actions de coopération décentralisée par les pays et territoires voisins . Il pourrait de ce fait être envisagé de définir les choix stratégiques de la politique de coopération en collaboration avec les acteurs concernés. À titre d'exemple, les axes d'intervention des programmes INTERREG pourraient être négociés et co-construits avec les territoires étrangers couverts par le programme. De la même manière, les autorités étrangères pourraient être associées au pilotage de certains axes particuliers, l'autorité de gestion demeurant toutefois la collectivité française. Enfin, Mayotte étant aujourd'hui la seule collectivité relevant de l'article 73 de la Constitution dont les fonds européens sont gérés par la préfecture, son régime pourrait être aligné sur celui des autres collectivités, qui gèrent elles-mêmes les programmes INTERREG. Ces différentes mesures faciliteraient l'acceptation des actions du programme, et permettrait une meilleure adaptation des projets soutenus aux besoins locaux .

En troisième lieu, si, dans la mesure du possible, l'insertion régionale des collectivités ultramarines doit être réalisée par les collectivités elles-mêmes, celles-ci peuvent être confrontées à certains freins dans la mise en place d'actions de coopération décentralisée. Il s'agit des barrières linguistiques, culturelles, mais également institutionnelles . La coopération décentralisée est en effet favorisée entre collectivités de même taille et aux compétences équivalentes. Les interlocuteurs de nos collectivités ultramarines ne sont toutefois pas systématiquement dans cette configuration. À titre d'exemple, l'État d'Amapa, au Brésil, interlocuteur de la collectivité territoriale de Guyane, dispose de plus de compétences que cette dernière. Autre exemple, les districts du Suriname, interlocuteurs privilégiés des communes guyanaises, n'ont pas de pouvoir de décision propre car l'État surinamais est fortement centralisé. Dans ce cadre, il importe qu'une fois les projets identifiés et lancés au niveau local, l'État puisse prendre le relai pour les faire avancer en mettant en oeuvre une négociation d'État à État ou avec les collectivités au titre de ses compétences propres.

* *

*

Les actions de soutien à l'intégration régionale des collectivités ultramarines sont une manifestation visible de la difficulté d'appréhender le budget consacré par l'État à nos territoires ultramarins uniquement par le biais du budget de la mission « Outre-mer » . Cette thématique ne peut en effet se concevoir qu'en s'intéressant, en sus du budget « Outre-mer » , à celui du ministère en charge des affaires étrangères.

L'architecture du budget permet donc difficilement d'appréhender les crédits alloués aux outre-mer. Si l'on peut déplorer la baisse des crédits de la mission « Outre-mer » , celle-ci est contrebalancée par la hausse des crédits globaux accordés aux outre-mer. La diminution s'explique en outre par les difficultés récurrentes de consommation du budget de cette mission. Votre rapporteur sera donc attentif à la portée qu'auront les différentes mesures annoncées afin de pallier cette sous-exécution.

* *

*

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à la mission « Outre-mer » inscrits au projet de loi de finances pour 2020 .

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET CONTRIBUTION ÉCRITE

Ministère des outre-mer, direction générale des outre-mer

M. Emmanuel Berthier , directeur général

M. Marc Demulsant , sous-directeur de l'évaluation, de la prospective et de la dépense de l'État

M. Étienne Desplanques , sous-directeur des politiques publiques

M. Jean-Pierre Balcou , sous-directeur des affaires juridiques et institutionnelles

Ministère de l'Europe et des affaires étrangères

Délégation pour l'action extérieure des collectivités territoriales

M. Jean-Yves Hazoumé , chargé de mission

Ambassadeurs délégués à la coopération régionale

M. Jean-Bernard Nilam , ambassadeur délégué à la coopération régionale dans la zone Antilles-Guyane

CONTRIBUTION ÉCRITE

M. Hervé Dejean de la Batie , ambassadeur, représentant permanent de la France auprès de la Communauté du Pacifique (CPS) et du Programme régional océanien de l'environnement (Proe)


* 1 Le compte rendu de cette réunion est consultable à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/lois.html .

* 2 Rendu public le 28 juin 2018, le « Livre Bleu Outre-mer » est consultable à l'adresse suivante : https://www.livrebleuoutremer.fr/ .

* 3 Pour rappel, ces axes sont au nombre de six : développer l'emploi, la production et l'investissement outre-mer ; offrir une véritable égalité des chances à la jeunesse outre-mer ; garantir la sécurité des citoyens outre-mer ; améliorer les conditions de vie des citoyens outre-mer ; favoriser le développement durable des territoires en partenariat avec les collectivités ; valoriser les atouts des outre-mer.

* 4 Cette disposition reprend une disposition votée par les deux assemblées lors de l'examen de la loi n° 2019-707 du 5 juillet 2019 portant diverses dispositions institutionnelles en Polynésie française . Cet article a toutefois été censuré par le Conseil constitutionnel, qui indiquait que les critères de détermination des charges étaient insuffisamment définis. L'article 23 du PLF pour 2020 propose donc une définition desdites charges (« Les charges mentionnées au premier alinéa sont déterminées par référence au montant des flux financiers qui résultaient de l'activité du centre d'expérimentation du Pacifique. Ces flux financiers sont composés, d'une part, des recettes fiscales et douanières perçues par le territoire de la Polynésie française et, d'autre part, des dépenses liées à l'activité du centre d'expérimentation du Pacifique ayant un impact économique effectuées sur le territoire »).

* 5 L'article 21 du PLF pour 2020 indique ainsi que « pour l'exercice 2020, le versement par l'État de la dotation [...] est conditionné à la conclusion, avant le 20 décembre 2019, d'une convention d'objectifs et de performance entre l'État et la collectivité territoriale de Guyane ».

* 6 De 1,89% en crédits de paiement et 1,90 % en autorisations d'engagement.

* 7 En autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

* 8 Nouveaux articles 8 quater et 8 quinquies du projet de loi de financement pour la sécurité sociale pour 2020 .

* 9 Article 246 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 10 Plan « SMA 6 000 ».

* 11 Le décret n° 2017-563 du 18 avril 2017 autorisant à titre expérimental une dérogation aux règles d'octroi de microcrédits professionnels dans le Département de Mayotte relève à titre expérimental le plafond d'octroi de microcrédits à 15 000 euros pour une durée de quatre ans.

* 12 Article 76 quindecies du projet de loi de finances pour 2020 , rattaché à la mission « Outre-mer » .

* 13 Rapport d'information n° 734 (2018-2019) Contribution du transport aérien au désenclavement et à la cohésion des territoires de notre collègue Josiane Costes, fait au nom de la mission d'information Transports aériens et aménagement des territoires, déposé le 24 septembre 2019, recommandation n° 18 : « Déployer des dispositifs d'aides permettant aux ultramarins de développer des liens, notamment professionnels, avec leur bassin régional ».
Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/notice-rapport/2018/r18-734-notice.html .

* 14 Projet OSE. Voir le décret n° 2019-894 du 28 août 2019 relatif à l'organisation et aux missions des services de l'État en Guyane .

* 15 Avis n° 153 (2018-2019) sur le projet de loi de finances pour 2019 : Outre-mer de votre rapporteur, fait au nom de la commission des lois, déposé le 22 novembre 2018. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/a18-153-3/a18-153-3.html .

* 16 Titre VI de la Constitution du 4 octobre 1958.

* 17 Les collectivités ultramarines qui disposent des plus larges compétences en matière internationale sont la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française, à qui certaines missions relevant des relations extérieures ont été en partie dévolues. La politique étrangère de la France demeure toutefois, là aussi, de la compétence de l'État.

* 18 Après une première dévolution de compétences relevant de l'action extérieure par la loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer ( LOOM ), de nouvelles compétences en la matière leur ont été attribuées par la loi n° 2016-1657 du 5 décembre 2016 relative à l'action extérieure des collectivités territoriales et à la coopération des outre-mer dans leur environnement régional .

* 19 Article 40 de la loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d'orientation pour l'outre-mer , tel que modifié par l'article 34 de la loi n° 2013-1029 du 15 novembre 2013 portant diverses dispositions relatives aux outre-mer et par l'article 54 de la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique .

* 20 Association pour le développement des intérêts de la France et de ses territoires en Asie-Pacifique.

* 21 Soit 15 % du total des engagements de l'AFD en 2018.

* 22 Voir, notamment, le rapport d'information n° 519 (2008-2009) Les DOM, défi pour la République, chance pour la France, 100 propositions pour fonder l'avenir , réalisé par notre ancien collègue Éric Doligé, au nom de la mission commune d'information outre-mer, déposé le 7 juillet 2009.

Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/rap/r08-519-1/r08-519-1.html .

* 23 Depuis la loi organique n° 2019-706 du 5 juillet 2019 portant modification du statut d'autonomie de la Polynésie française pour la Polynésie française

* 24 Il s'agit de la seule institution multilatérale ayant son siège dans l'un de nos territoires ultramarins.

* 25 Il s'agit de l'organisation politique à l'échelle du Pacifique insulaire, qui porte la voie du Pacifique notamment dans les domaines climatiques et environnementaux.

* 26 Décret n° 85-1410 du 30 décembre 1985 relatif au conseil du Pacifique sud .

* 27 Circulaire relative aux compétences exercées par les collectivités territoriales d'outre-mer en matière internationale à la suite de l'entrée en vigueur de la loi n° 2016-1657 du 16 décembre 2016 relative à l'action extérieure des collectivités territoriales et à la coopération des outre-mer dans leur environnement régional du 3 mai 2017.

* 28 Articles L. 3441-2, L. 4433-4-1, L. 7153-2 et L. 7253-2 du code général des collectivités territoriales.

* 29 Il s'agit de tous projets d'accord international portant sur l'exploration, l'exploitation, la conservation ou la gestion des ressources naturelles, biologiques et non biologiques, dans la zone économique exclusive de la République au large des côtes du territoire concerné (article L. 4433-15 du code général des collectivités territoriales) et tous projets d'accords concernant la coopération régionale en matière économique, sociale, technique, scientifique, culturelle, de sécurité civile ou d'environnement entre la République française et les États de la zone (articles L. 4433-4, L. 7153-1 et L. 7253-1 du code général des collectivités territoriales).

* 30 Article 76 quindecies , provenant de l'amendement n° II-1979 du Gouvernement adopté par l'Assemblée nationale.

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