B. LES CRÉDITS ALLOUÉS À LA MISSION « OUTRE-MER » EN LÉGÈRE DIMINUTION À PÉRIMÈTRE CONSTANT

La hausse de l'effort financier global de l'État en faveur des outre-mer permet de nuancer la diminution des crédits de la mission « Outre-mer » . Celle-ci ne rassemble en effet que les crédits destinés à des politiques spécifiques aux territoires ultramarins.

Ils ne représentent en 2020 que 11,6 % en autorisations d'engagement et 11,2 % en crédits de paiement de l'effort budgétaire de l'État en faveur des territoires ultramarins, et 9,6 % en autorisations d'engagement et 9,2 % en crédits de paiement de l'effort financier total de l'État en direction de ces territoires.

1. Une diminution des crédits de la mission « Outre-mer », qui s'explique principalement par des mesures de périmètre

Le projet de loi de finances pour 2020 présente une baisse des crédits de la mission « Outre-mer » de 3,96 % en autorisations d'engagement et de 6,45 % en crédits de paiement par rapport à 2019.

Cette diminution est toutefois due pour partie à des mesures de périmètre. À périmètre constant en effet, les crédits budgétaires alloués à la mission « Outre-mer » ne sont en diminution que de 1,3 % en autorisations d'engagement et 3,88 % en autorisations d'engagement .

Crédits alloués à la mission « Outre-mer »
dans le projet de loi
de finances pour 2020

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2019

PLF 2020

Évolution

LFI 2019

PLF 2020

Évolution

138 - Emploi outre-mer

1 780 782 734 €

1 746 993 038 €

- 1,90 %

1 784 063 456 €

1 750 273 760 €

- 1,89 %

123 - Conditions de vie outre-mer

880 583 381 €

808 191 775 €

- 8,14 %

791 633 472 €

659 194 487 €

- 16,73 %

Mission Outre-mer

2 661 366 115 €

2 555 912 813 €

- 3,96 %

2 575 696 928 €

2 409 468 247 €

- 6,45 %

Source : commission des lois du Sénat,
d'après le projet annuel de performances (PAP) 2020

Crédits alloués à la mission « Outre-mer »
dans le projet de loi de finances pour 2020 à périmètre constant
(mesures de périmètre neutralisées)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2019

PLF 2020

Évolution

LFI 2019

PLF 2020

Évolution

138 - Emploi outre-mer

1 780 782 734 €

1 746 993 038 €

- 1,90 %

1 784 063 456 €

1 750 273 760 €

- 1,89 %

123 - Conditions de vie outre-mer

880 583 381 €

879 682 886 €

- 1,10 %

791 633 472 €

725 414 598 €

- 8,36 %

Mission Outre-mer

2 661 366 115 €

2 626 675 924 €

- 1,30 %

2 575 696 928 €

2 475 688 358 €

- 3,88 %

Source : commission des lois du Sénat,
d'après le projet annuel de performances (PAP) 2020

Trois mesures de périmètre viennent en 2020 impacter les crédits de la mission « Outre-mer » .

Les deux principales mesures de périmètre viennent modifier l'action 06 « Collectivités territoriales » du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » .

En premier lieu, et conformément à l'article 23 du projet de loi de finances pour 2020 , la dotation globale d'autonomie au bénéfice de la Polynésie française , dont le montant est fixé à 90 552 000 euros depuis 2017, est remplacée par un prélèvement sur recettes 4 ( * ) . Ces crédits sortent donc de ceux comptabilisés au sein de la mission « Outre-mer » .

D'une compensation de l'arrêt des activités nucléaires
à un prélèvement sur recettes en faveur de la Polynésie française

Afin de compenser les effets économiques négatifs de l'arrêt des essais nucléaires décidé en 1995 et la baisse des ressources publiques qui en a résulté, une Convention pour le renforcement de l'autonomie économique de la Polynésie française a été signée le 9 août 1996 entre l'État et le territoire polynésien. Celle-ci a créé le fonds pour la reconversion de l'économie de la Polynésie française (FREPF), instrument de la compensation de la cessation de cette activité. Le fonds était doté chaque année de 150,92 millions d'euros, correspondant au niveau évalué des flux financiers qui résultaient des activités du centre d'expérimentation du Pacifique (CEP). La durée de vie de ce fonds était de 10 ans.

Une nouvelle Convention pour le renforcement de l'autonomie économique de la Polynésie française a été signée le 4 octobre 2002, soit quatre ans avant la fin programmée du FREPF. Celle-ci a créé la dotation globale de développement économique (DGDE), qui se substitue au FREPF. La DGDE n'était plus limitée dans le temps, mais son fonctionnement était néanmoins critiqué. Par ailleurs, de nature conventionnelle, elle n'offrait pas les mêmes garanties que les autres dotations aux collectivités territoriales en termes de stabilité et de pérennité.

En 2010, la DGDE a donc été réformée. Trois instruments ont été institués, leur montant total restant égal à 150,92 millions d'euros :

- la dotation globale d'autonomie (DGA), dont le montant est de 90,552 millions d'euros, constitue une dotation de fonctionnement de la Polynésie française, et est donc libre d'emploi. Elle fait l'objet de versements mensuels ;

- la dotation territoriale pour l'investissement des communes (DTIC), d'un montant de 9,06 millions d'euros, finance des projets visant à la mise en oeuvre des compétences communales en matière de distribution d'eau potable, d'assainissement et de traitement des déchets ;

- le troisième instrument financier (3IF), d'un montant de 51,31 millions d'euros, a vocation à financer les investissements nécessaires notamment à l'amélioration de la desserte routière, maritime et aéroportuaire.

La DGA était initialement indexée sur la dotation globale de fonctionnement (DGF). Elle a de ce fait subi d'importantes baisses, liées aux baisses de la DGF réalisées entre 2014 et 2017. En 2017 cependant, la DGA a été « sanctuarisée », l'article 136 de la loi de finances pour 2017 fixant son montant à son niveau historique de 90,552 millions d'euros (article L. 6500 du code général des collectivités territoriales).

Le projet de loi de finances pour 2020 propose de transformer la DGA en prélèvement sur recettes. Cette modification répond à une demande des Polynésiens, qui considèrent que cette transformation permettra de garantir le stabilité et la pérennité de leur dotation, sans qu'elle ne puisse subir d'aléas de gestion en cours d'année. Il importe toutefois de souligner que, depuis 2011 et la création de la DGA, celle-ci n'a jamais subi d'évolution en cours d'année : elle a toujours été versée au niveau indiqué au début de l'année budgétaire.

En second lieu, et conformément à l'article 21 du projet de loi de finances pour 2020 , le prélèvement sur recettes destiné à compenser les pertes de recettes résultant, pour la collectivité territoriale de Guyane, de la suppression de la part d'octroi de mer de la collectivité au profit des communes est remplacé par une dotation budgétaire au plus égale à 27 millions d'euros. Ces crédits entrent donc parmi ceux comptabilisés dans la mission « Outre-mer » . Le Gouvernement souhaite ici mettre en oeuvre une recommandation de la Cour des comptes, qui a estimé que la situation financière de la collectivité territoriale de Guyane nécessitait une double action, à savoir un soutien de l'État conditionné à une maîtrise par la collectivité de ses dépenses de fonctionnement, ceci afin d'éviter une nouvelle crise financière à court ou moyen terme. Le projet de loi de finances pour 2020 conditionne donc la poursuite de ce versement à une amélioration de la situation financière de la collectivité 5 ( * ) .

Ces deux mesures de périmètre ont pour conséquence une diminution des crédits alloués à la mission « Outre-mer » de 63 552 000 euros (-90 552 000 + 27 000 000) et expliquent en quasi-totalité la baisse observée de l'action 06 du programme 123.

Par ailleurs, et en accord avec les décisions prises lors de la réunion interministérielle du 19 mars 2019, les crédits du contrat de convergence et de transformation de la Guyane sont intégrées à compter de 2020 dans le périmètre du programme 162 « Interventions territoriales de l'État » de la mission « Cohésion des territoires » . Cela se traduit par une diminution des crédits de l'action 02 « Aménagement du territoire » de 7 211 111 euros en autorisations d'engagement et de 2 668 111 euros en crédits de paiement.

2. Une baisse des crédits en adaptation à la sous-exécution récurrente du programme 123 « Conditions de vie outre-mer »

La baisse des crédits de la mission « Outre-mer » ne se limite toutefois pas aux mesures de périmètre exposées ci-dessus. À périmètre constant, la baisse demeure de 1,30 % en autorisations d'engagement et de 3,88 % en crédits de paiement.

Une sous exécution inquiétante
du programme 123 « Conditions de vie outre-mer »

En 2018, les crédits consommés de la mission « Outre-mer » représentaient 101,45 % des crédits votés. Ce résultat dissimule deux évolutions contradictoires : le programme 123 « Conditions de vie outre-mer » est marqué par une sous-exécution (les crédits consommés correspondent à 93,2 % des crédits de paiement disponibles), tandis que le programme 138 « Emploi outre-mer » , qui consiste majoritairement en des dépenses de guichet non pilotables, est en sur-exécution (106 %).

Au sein du programme 123, la consommation des crédits relatifs au logement est particulièrement basse . En 2018, seuls 71 % des crédits disponibles ont été consommés, alors même que les crédits votés dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2018 étaient déjà en diminution par rapport aux crédits de 2017.

De même, les crédits du fonds exceptionnel d'investissement (FEI) font face à une sous-exécution alarmante . Les crédits consommés en 2018 ne représentent que 92 % des autorisations d'engagement et 81 % des crédits de paiement disponibles. Cette sous-consommation est inquiétante car elle intervient en 2018, c'est-à-dire avant que le budget de ce fonds soit substantiellement revalorisée à l'occasion du budget 2019.

La sous-exécution des crédits du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » est liée à plusieurs facteurs . Peuvent notamment être citées les difficultés d'ingénierie, l'inadaptation de certaines normes aux réalités locales, les difficultés foncières, et la situation financière des collectivités ultramarines, ces facteurs rendant plus difficile la conduite de projets.

• Programme 123 « Conditions de vie outre-mer »

Les crédits alloués au programme 123 « Conditions de vie outre-mer » sont en baisse de 8,14 % en autorisations d'engagement et de 16,73 % en crédits de paiement. À périmètre constant, les autorisations d'engagement sont stables (- 0,1 %), mais les crédits de paiement diminuent de 8,36 % par rapport à 2019.

Les crédits de l'action 04 « Sanitaire, social, culture, jeunesse et sports » diminuent de 70,01 % en autorisations d'engagement et de 73,35 % en crédits de paiement par rapport à 2019. Cette évolution négative s'explique par l'arrêt de la participation de l'État au financement du régime de solidarité de la Polynésie française (RSPF). La convention prévoyant cette participation ne couvrait que la période allant de 2015 à 2018 et n'a pas été reconduite au-delà de 2019. Selon les informations recueillies par votre rapporteur, des négociations sont en cours pour définir les nouvelles formes de participation de l'État à ce secteur.

La baisse des crédits alloués aux actions 01 « Logement » , 02 « Aménagement du territoire » et 08 « Fonds exceptionnel d'investissement » , est plus inquiétante.

Crédits alloués aux actions 01, 02 et 08 du programme 123
dans le projet de loi de finances pour 2020 à périmètre constant

Action

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2019

PLF 2020

Évolution

LFI 2019

PLF 2020

Évolution

01- Logement

222 041 643 €

215 041 643 €

- 3,15 %

219 554 467 €

190 325 308 €

- 13,31 %

02- Aménagement du territoire

184 970 970 €

204 089 881 €

+ 10,34 %

174 227 578 €

164 539 378 €

- 5,56 %

08- Fonds exceptionnel d'investissement

110 000 000 €

110 000 000 €

0,00 %

65 000 000 €

60 000 000 €

- 7,69 %

Source : commission des lois du Sénat, d'après le projet annuel de performances (PAP) 2020

Cette baisse, de 43,9 millions d'euros en crédits de paiement, tend à ajuster les ressources au rythme de la dépense observée au cours des dernières années. La diminution des crédits de paiement des actions 02 et 08 ne se retrouve pas dans les autorisations d'engagement, ce qui corrobore le caractère temporaire de cette réduction, due à une sous-exécution des crédits des années précédentes.

En ce qui concerne la ligne budgétaire unique , toutefois, les autorisations d'engagement sont également en baisse. Il a été indiqué à votre rapporteur que la volonté du Gouvernement était de maintenir le niveau des crédits de la ligne budgétaire unique à un niveau important , afin de conserver la capacité à répondre aux besoins considérables des territoires ultramarins en la matière. Il est ainsi prévu que s'ajoute aux 215 millions d'euros affectés à l'action 01 en projet de loi de finances initiale une partie du produit de cession des sociétés immobilières d'outre-mer (SIDOM). Le montant à ajouter serait de 12,5 millions d'euros. Selon ces informations, le montant effectivement disponible en autorisations d'engagement en 2020 serait alors de 227,5 millions d'euros.

Crédits alloués à la ligne budgétaire unique en autorisations d'engagement
(action 01 Logement du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » )

LFI 2019

PLF 2020

Montant effectivement disponible en 2020

Évolution 2019-2020

225,56 millions d'euros

215 millions d'euros

227,5 millions d'euros

+ 1,94 million d'euros

Source : commission des lois du Sénat, à partir des informations recueillies en audition

• Programme 138 « Emploi outre-mer »

Les crédits alloués au programme 138 sont également en diminution 6 ( * ) . Cette baisse résulte exclusivement de la réduction de 2,31 % 7 ( * ) des crédits alloués à l'action 01 « Soutien aux entreprises » . Les dépenses portées par cette action constituent toutefois des dépenses de guichet, visant à compenser les exonérations de charges sociales patronales prévues pour les entreprises ultramarines. Le budget présenté dans la mission « Outre-mer » est basé sur les prévisions de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) réalisées en juin 2019. Or, à ce stade, l'ACOSS ne bénéficie que d'un recul limité pour réaliser ses prévisions, puisque les entreprises n'ont adopté le dispositif défini en loi de financement pour la sécurité sociale pour 2019 que progressivement au cours de l'année.

Les crédits alloués à cette action sont donc destinés à évoluer en fonction des demandes effectivement réalisées par les entreprises en 2020.


* 4 Cette disposition reprend une disposition votée par les deux assemblées lors de l'examen de la loi n° 2019-707 du 5 juillet 2019 portant diverses dispositions institutionnelles en Polynésie française . Cet article a toutefois été censuré par le Conseil constitutionnel, qui indiquait que les critères de détermination des charges étaient insuffisamment définis. L'article 23 du PLF pour 2020 propose donc une définition desdites charges (« Les charges mentionnées au premier alinéa sont déterminées par référence au montant des flux financiers qui résultaient de l'activité du centre d'expérimentation du Pacifique. Ces flux financiers sont composés, d'une part, des recettes fiscales et douanières perçues par le territoire de la Polynésie française et, d'autre part, des dépenses liées à l'activité du centre d'expérimentation du Pacifique ayant un impact économique effectuées sur le territoire »).

* 5 L'article 21 du PLF pour 2020 indique ainsi que « pour l'exercice 2020, le versement par l'État de la dotation [...] est conditionné à la conclusion, avant le 20 décembre 2019, d'une convention d'objectifs et de performance entre l'État et la collectivité territoriale de Guyane ».

* 6 De 1,89% en crédits de paiement et 1,90 % en autorisations d'engagement.

* 7 En autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

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