III. UN MARCHÉ DE LA MUSIQUE EN MUTATION

A. LA PROGRESSION IRRÉSISTIBLE DU STREAMING

1. Une industrie qui a failli disparaitre

L'industrie musicale a été la première impactée par l'avènement de l'économie numérique, synonyme pendant de longues années d'une dégradation constante et inquiétante de la santé du secteur sous l'effet du piratage et de la captation de la valeur économique par l'amont de la filière. De 2002 à 2015, le chiffre d'affaires de la musique enregistrée a été divisé par trois , passant de 1,3 milliard d'euros à 426,4 millions d'euros.

L'industrie a depuis renoué avec la croissance, loin cependant des niveaux antérieurs. Selon les chiffres du syndicat national de l'édition phonographique (SNEP), la tendance positive sur le marché de la musique enregistrée se confirme en 2018. Après deux années de croissance significative (+ 5,4 % en 2016 et + 3,9 % en 2017), le marché a progressé de 1,8 % et atteint 735 M€ de chiffre d'affaires.

2. Le moteur du streaming

Le streaming est désormais le moteur de la croissance du marché et permet de compenser la baisse des autres segments .

Les ventes physiques représentent 43 % du marché, et reculent de 15 % en 2018. Il convient de mentionner le succès du vinyle, avec des volumes multipliés par 5 en 5 ans, pour 20 % des ventes physiques.

Les revenus issus du numérique (téléchargements, streaming, téléphonie mobile) représentent 57 % du marché. Ils ont progressé de 19 % en 2018 .

Le streaming continue d'afficher une forte croissance et progresse de 26 % en 2018 par rapport à 2017, ses revenus représentent à eux seuls 90 % des revenus du numérique et 51 % de l'ensemble du marché . C'est le streaming payant qui soutient cette croissance : les abonnements payants représentent 81 % des revenus du streaming, quand le streaming financé par la publicité ne représente que 10 % des revenus en 2018.

En 2018, 5,5 millions de Français étaient abonnés à un service de streaming musical, contre 4,4 millions en 2017. La question du modèle de rémunération des artistes fait actuellement l'objet de débats entre une distribution au « prorata » et « User Centric » (voir infra ).

En 2017, l'offre de streaming audio est dominée en France par la plateforme Deezer, avec 37,2 % de parts de marché, devant Spotify (24 %) et Apple Music (11,3 %).

3. Un « value gap » à régler dans la future loi audiovisuelle

Le dernier acteur est le streaming vidéo, notamment la plateforme YouTube. Le site représente 48 % des heures dédiées au streaming à la demande, mais ne compte que pour 11 % des revenus du streaming et 5,6 % de l'ensemble du marché, soit sensiblement le même montant que le vinyle.

La transposition de la directive sur les droits d'auteur, prévue dans le cadre du projet de loi audiovisuelle, devrait permettre de combler au moins partiellement cet écart entre écoute et revenus (dit « value gap » ), que votre Rapporteure pour avis estime choquant.

L'année 2018 confirme également le succès et la vitalité de la production musicale nationale puisque 19 des 20 premières places du classement « albums de l'année » concernent des artistes développés et produits en France. Aux côtés des artistes confirmés, 48 jeunes artistes classent un premier album dans les 200 meilleures ventes de l'année, dont 40 Français.

S'agissant de l'export des productions françaises, le Bureau export a décerné 63 certifications exports albums et singles. Si le nombre de certifications est stable par rapport à 2017 (66 en 2017), celles-ci concernent un plus grand nombre d'artistes, puisque 37 artistes reçoivent une certification cette année contre 26 l'année dernière.

Les droits d'auteur au niveau mondial

Le rapport annuel 8 ( * ) 2019 de la Confédération internationale des sociétés d'auteurs et compositeurs (CISAC) établit à 9,6 milliards d'euros la collecte mondiale au titre du droit d'auteur en 2017, en progression de 6,2 % sur un an, et de 28,2 % en quatre ans.

Le secteur musical représente la part la plus importante, avec 87 % des montants collectés , suivi de l'audiovisuel, la littérature, les arts visuels et le spectacle vivant.

Les revenus du numérique connaissent la plus forte croissance et s'établissent à 1,27 milliard d'euros , en hausse de 24 % sur un an. Avec 13,2 % des revenus, ils sont encore loin derrière les télévisions et les radios (40,6 % de la collecte).

Les auteurs du rapport déplorent que certains acteurs majeurs du numérique, comme YouTube, ne contribuent que trop médiocrement aux droits d'auteur .


* 8 https://fr.cisac.org/Actus-Media/Communiques-de-presse/Croissance-innovation-et-equite-la-CISAC-publie-son-Rapport-annuel-2019

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