EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 13 novembre 2019, la commission a examiné le rapport pour avis sur les mesures fiscales relatives à l'environnement et aux transports de la première partie du projet de loi de finances pour 2020.

M. Jean-François Longeot , rapporteur. - Il me revient de vous présenter les mesures fiscales relatives à l'environnement et aux transports du projet de loi de finances pour 2020 sur lesquelles notre commission s'est saisie pour avis.

Comme chaque année, le projet de loi de finances comporte un certain nombre de dispositions directement liées aux politiques publiques que nous suivons. Celui-ci ne déroge pas à la règle, puisqu'il contient plusieurs mesures importantes relatives aux transports et à la rénovation énergétique des bâtiments.

S'agissant de la fiscalité des transports, les quatre articles que je vais vous présenter (16, 18, 19 et 20) visent tous, d'une manière ou d'une autre, à augmenter les taxes sur le transport routier et sur le transport aérien.

Tout d'abord, le projet de loi de finances traduit les annonces faites par le Gouvernement en juillet dernier, à l'issue du deuxième Conseil de défense écologique, en prévoyant une diminution de 2 centimes d'euros par litre du remboursement de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sur le gazole dont bénéficient les entreprises de transport routier de marchandises - ce qui représenterait une hausse de la fiscalité sur ce secteur de 70 millions d'euros l'année prochaine et de 140 millions d'euros à partir de 2021 - et une augmentation des tarifs de la taxe de solidarité sur les billets d'avion (dite taxe « Chirac »), entre 1,50 et 3 euros par billet pour les vols intérieurs et intra-européens, et entre 9 et 18 euros pour les vols hors Union européenne, pour un produit supplémentaire de 180 millions d'euros par an.

Cette hausse des taxes sur le transport aérien et le transport routier permet de financer l'augmentation du budget de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf), qui s'élèvera à près de 3 milliards d'euros l'année prochaine, conformément à la trajectoire prévue par le projet de loi d'orientation des mobilités.

Mais l'on peut regretter que cette hausse de la fiscalité soit conçue uniquement dans une logique de rendement budgétaire, pour pallier le manque de moyens de l'État pour financer les infrastructures de transports, et qu'elle ne s'inscrive pas dans une réflexion de plus long terme sur la transformation de ces secteurs, pour les accompagner à réaliser leur transition énergétique en s'orientant vers des technologies moins émettrices de gaz à effet de serre.

Les transporteurs routiers comme les compagnies aériennes que j'ai rencontrés m'ont dit qu'ils étaient prêts à supporter une hausse de la fiscalité, à condition que les recettes soient utilisées pour les aider à réduire leurs émissions.

Il me paraît essentiel que le secteur du transport routier de marchandises puisse, comme celui de l'automobile, bénéficier d'un contrat de filière lui donnant de la visibilité sur l'évolution du cadre fiscal et réglementaire à venir et sur les dispositifs de soutien mis en oeuvre en parallèle.

Par ailleurs, je regrette que la solution retenue pour faire contribuer ce secteur au financement des infrastructures de transport repose essentiellement sur les entreprises françaises et non sur les transporteurs étrangers qui s'approvisionnent en carburant en dehors de France, et qui par conséquent continueront à utiliser et à dégrader les infrastructures sans jamais contribuer à leur entretien. Alors même que tout l'enjeu identifié lors des Assises de la mobilité était de faire payer les poids lourds étrangers en transit... c'est donc une véritable occasion manquée !

S'agissant du transport aérien, alors que les vols vers la Corse et vers les territoires ultra marins ainsi que les lignes d'aménagement du territoire devaient être exclus de la hausse de la taxe sur les billets d'avion dès son entrée en vigueur au 1 er janvier 2020, cette exemption s'appliquera finalement à une date ultérieure fixée par arrêté, le temps que la Commission européenne examine la conformité de cette disposition avec le droit de l'Union européenne. Mais la Commission européenne n'a été officiellement saisie que le 29 octobre dernier, il est donc à craindre que ces vols subissent la hausse de la taxation en janvier prochain, ce qui pénaliserait les voyageurs de ces territoires éloignés ou enclavés. Il y a donc eu un vrai manque d'anticipation du Gouvernement, s'agissant d'une mesure qui a été annoncée au début du mois de juillet...

Le projet de loi de finances prévoit par ailleurs de supprimer progressivement, entre 2020 et 2022, le tarif réduit de TICPE sur le gazole non routier (GNR), à l'exception de certains usages dont les usages agricoles.

Cette suppression est assortie de mesures d'accompagnement en faveur des secteurs concernés, comme la possibilité de plein droit de majorer le prix des contrats en cours, afin de pouvoir répercuter la hausse de la fiscalité, la création d'un dispositif de « suramortissement » pour l'acquisition d'engins non routiers utilisant des carburants alternatifs, ou encore l'application en contrepartie d'un taux très réduit de TICPE pour les travaux statiques ou de terrassement des secteurs économiques particulièrement exposés à la concurrence, comme la manutention portuaire ou l'industrie extractive.

La suppression du tarif réduit de TICPE sur le GNR était déjà prévue dans le projet de loi de finances de l'année dernière - avant d'en être retirée à la suite du mouvement des « gilets jaunes » -, mais elle devait s'appliquer de manière brutale, puisqu'elle n'était pas lissée dans le temps et qu'elle ne comportait pas de mesures d'accompagnement. Nous avions par conséquent adopté en commission un amendement pour la rendre progressive, en l'étalant sur quatre ans.

Cette année, le dispositif proposé prend en compte les critiques formulées l'année dernière, puisqu'il laisse le temps aux acteurs de s'adapter à la hausse de la fiscalité. Cela montre qu'en prenant le temps de la concertation, il est possible d'aboutir à des solutions de compromis acceptables !

J'en termine s'agissant des transports par l'article 18, qui prévoit une refonte du cadre fiscal applicable aux véhicules à moteur. À la suite du scandale provoqué par le « dieselgate », un nouveau cadre réglementaire européen relatif à la mesure des émissions des CO 2 des véhicules a été élaboré. Le nouveau cycle d'essai WLTP permet de mieux mesurer les émissions des véhicules, en étant plus proche de la conduite en conditions réelles, et conduit à réévaluer de 25 % en moyenne le niveau de ces émissions.

L'article 18 prévoit par conséquent de réviser le barème des taxes applicables aux véhicules pour tenir compte de cette augmentation des émissions constatées, et en profite pour simplifier le paysage fiscal en fusionnant la taxe fixe régionale et la taxe de gestion perçues lors de la délivrance du certificat d'immatriculation, et en intégrant dans le barème du malus automobile trois autres écotaxes sur les véhicules polluants (la taxe CO 2 pour les véhicules d'occasion, la taxe annuelle sur les véhicules particuliers les plus polluants, et le malus sur les voitures puissantes).

Par ailleurs, cet article durcit le barème du malus automobile en abaissant le seuil d'émissions à partir duquel il s'applique de 117 à 110 grammes de CO 2 par kilomètre. Le malus maximum passera en conséquence de 10 500 à 12 500 euros.

Enfin, le projet de loi de finances prévoit de supprimer le compte d'affectation spéciale « bonus-malus ». Or ce compte est un gage de transparence, puisqu'il affecte directement la recette du malus aux dispositifs de soutien à l'évolution du parc automobile que sont le bonus et la prime à la conversion. Par conséquent, je vous proposerai un amendement pour le maintenir.

Je viens maintenant à la réforme du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE). L'article 4 du PLF vise à transformer progressivement ce crédit d'impôt en aide financière directement perceptible directement au moment des travaux.

Le 1 er janvier 2020, le CITE sera remplacé par une prime de transition énergétique pour les ménages modestes et très modestes, versée par l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) lors de la réalisation des travaux et fusionnée avec les aides du programme « Habiter Mieux Agilité » de l'Agence. Les autres ménages continueront de bénéficier du CITE jusqu'au 31 décembre 2020 à l'exception des ménages les plus aisés - déciles de revenus 9 et 10 - qui en seront exclus.

À partir du 1 er janvier 2021, le CITE sera supprimé et la prime bénéficiera à tous les ménages modestes et intermédiaires.

Cette réforme, annoncée depuis plusieurs années, a la particularité de simplifier les choses tout en les complexifiant !

La transformation du CITE en prime présente l'avantage d'apporter une aide financière aux ménages dès la réalisation des travaux, sans que ceux-ci aient besoin de faire une avance de trésorerie, et permet de solvabiliser davantage les ménages modestes et très modestes.

Mais en même temps, elle rend le dispositif plus complexe, puisque désormais les aides à la rénovation ne seront plus calculées en appliquant un taux unique au prix des travaux réalisés, mais seront modulées en fonction de leur performance énergétique. Ainsi, à chaque type de travaux correspondra un montant d'aide différent, montant qui variera également en fonction des ressources des ménages.

Par ailleurs, le choix de recentrer les aides à la rénovation énergétique sur les ménages modestes, en excluant les ménages des déciles 9 et 10, pourrait conduire à freiner le rythme des travaux de rénovation énergétique, ce qui irait à l'encontre de l'objectif de rénovation de 500 000 logements par an que s'est fixé le Gouvernement. En effet, 50 % des travaux de rénovation éligibles au CITE ont été réalisés par ces ménages en 2017.

Lors de l'examen du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a par conséquent présenté un amendement permettant à ces ménages de bénéficier du CITE au titre des travaux d'isolation des parois opaques. Je vous proposerai d'aller plus loin, en permettant à ces ménages de continuer à bénéficier du crédit d'impôt lorsqu'ils réalisent des travaux de rénovation globale de leurs logements énergivores - étiquettes F ou G - permettant un gain énergétique important
- passage à une étiquette A, B ou C.

Par ailleurs, je vous proposerai plusieurs amendements pour revenir sur des restrictions qui sont apportées au CITE l'année prochaine, dans une logique budgétaire qui n'est pas compatible avec l'ambition d'accélérer la rénovation énergétique des bâtiments.

Pour terminer, je vous proposerai tout à l'heure, conjointement avec Didier Mandelli, deux amendements directement liés à nos travaux récents sur le projet de loi d'orientation des mobilités. Le premier vise à réintroduire un dispositif de financement au profit des communautés de communes exerçant la compétence d'organisation des mobilités, en leur allouant une fraction de TICPE. Le second vise à supprimer la baisse de 45 millions d'euros de la compensation que l'État verse aux autorités organisatrices de la mobilité (AOM), à la suite du relèvement du seuil de salariés à partir duquel les employeurs sont assujettis au versement mobilité opéré en 2016.

M. Claude Bérit-Débat . - Merci monsieur le rapporteur pour cette présentation. Nous partageons un certain nombre de vos analyses, notamment sur le fait que l'augmentation de la fiscalité sur les transports routiers et aériens ne permettra pas de financer des mesures pour aider ces secteurs à réduire leurs émissions.

Nous avons déjà dénoncé, lors de l'examen du projet de loi d'orientation des mobilités, la distorsion de concurrence que subissent les transporteurs nationaux qui supportent cette fiscalité par rapport à leurs homologues étrangers.

Nous soutiendrons les deux amendements que vous proposez en concertation avec M. Mandelli sur le financement des AOM qui vont dans le même sens que ceux que nous avons déposés lors de l'examen du projet de loi d'orientation des mobilités.

S'agissant de la transformation du CITE en prime prévue à l'article 4, nous saluons cette proposition, mais nous déplorons la réduction de l'enveloppe budgétaire qui lui est consacrée et les effets que cela va engendrer sur l'atteinte des objectifs de rénovation des logements.

En ce qui concerne la suppression progressive des tarifs de TICPE pour les carburants non routiers, nous partageons les nombreuses inquiétudes des acteurs concernés. La hausse brutale du prix risque d'avoir des répercussions fortes pour les entreprises. Nous allons donc proposer une suppression plus douce sur trois ans en reprenant l'amendement de nos collègues socialistes de l'Assemblée nationale.

Sur l'article 18 et le durcissement du barème du malus écologique, nous approuvons le principe mais nous nous inquiétons du reste à charge pour les ménages modestes et souhaitons qu'ils soient davantage accompagnés lors de l'achat de véhicules propres.

Par ailleurs, le groupe socialiste défendra en séance publique un amendement visant à réduire à 5,5 % la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) sur les transports du quotidien.

M. Olivier Jacquin . - J'apprécie le rapport qui vient d'être présenté. On peut se satisfaire que le principe « pollueur-payeur » avance un peu, même si cette avancée ne concerne pas le transport maritime.

Le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires a montré qu'il y avait un taux de fiscalité verte important dans notre pays, la question est de savoir comment utiliser ces recettes et comment accompagner les ménages en situation de fragilité.

L'augmentation de la taxation des poids lourds créera une distorsion de concurrence supplémentaire à l'égard des transporteurs nationaux. Il serait intéressant que notre commission se déplace un jour à Berchem au Luxembourg, où se trouve la plus grande station-service du monde, pour constater le pillage fiscal qui s'y organise au détriment de notre pays. C'est pour cette raison que j'ai proposé que l'écotaxe en Alsace soit également instaurée sur l'A 31, qui descend du Luxembourg vers le sud.

Plutôt que d'accentuer cette distorsion, une piste serait d'appliquer une taxe carbone aux donneurs d'ordres, afin de les inciter à recourir davantage aux transports les plus propres. La chaîne administrative est prête et ce système est beaucoup plus vertueux que celui proposé par le Gouvernement.

M. Jean-Pierre Corbisez . - Le compte d'affectation spéciale (CAS) « bonus-malus » récupère les malus et alimente le bonus et la prime à la conversion. L'année prochaine, les aides s'élèveront à 800 millions d'euros, dont la moitié au titre du bonus et l'autre moitié de la prime à la reconversion. Mais le bonus est réservé aux véhicules 100 % électriques et ne bénéficie pas aux véhicules à hydrogène.

Comment les ménages modestes peuvent-ils s'acheter un véhicule électrique qui coûte au moins 30 000 euros avec une prime à la reconversion de 5 000 euros seulement ?

Le compte d'affectation spéciale va être supprimé et ses lignes budgétaires noyées dans la mission « Écologie, mobilité et développement durable ». Le risque est donc que les recettes du malus ne servent pas qu'à financer la vente de véhicules propres.

Par ailleurs, comme l'a dit le rapporteur, nous allons, d'ici quelques semaines, voter l'application d'une nouvelle grille de malus. Le projet de loi de finances prévoit de réduire le seuil d'application du malus de 117 à 110 grammes de CO 2 par kilomètre.

Le Gouvernement entend appliquer au 1 er mars une autre grille du malus, calculée en fonction de la norme WLTP qui conduit à réévaluer à la hausse de 25 % les émissions des véhicules. Ainsi, un ménage achetant un véhicule au mois de janvier avec un malus écologique de 200 euros pourra, lorsqu'il le récupère au mois de mars, devoir acquitter un malus de 600 euros. En effet, l'application du malus écologique est basée sur la date d'immatriculation et non la date de commande du véhicule. J'invite donc mes collègues à bien regarder cet article 18 et à maintenir le compte d'affectation spéciale.

M. Guillaume Chevrollier . - Vous avez fait état d'une augmentation des recettes issues de la fiscalité écologique avec le constat que ces recettes vont alimenter le budget général et non des mesures écologiques. Comment améliorer le contrôle parlementaire pour permettre d'orienter effectivement ces financements vers de telles mesures ?

Je voudrais signaler que les professionnels du bâtiment et des travaux publics, surtout les petites entreprises, sont en grande difficulté malgré le lissage sur plusieurs années de la suppression du tarif réduit de TICPE sur le GNR.

Je souhaite également évoquer la contribution « éco-transport » déjà présentée par M. Jacquin. En tant que rapporteur, avez-vous entendu les porteurs de cette solution alternative qui consiste à faire payer les chargeurs ? Aujourd'hui, nous disposons des moyens techniques pour taxer les donneurs d'ordres, ce qui permettrait de faire prendre conscience du coût environnemental de la solution de transports. De plus, cela induirait des ressources financières intéressantes pour soutenir la rénovation des infrastructures. Je pense que c'est une solution intéressante et à creuser.

M. Guillaume Gontard . - La taxation sur l'aérien va dans le bon sens et je pense que l'on pourrait l'augmenter davantage. Sur la question du malus automobile, je trouve qu'on arrive au bout d'un système qui ne fonctionne pas, car il ne permet pas de baisser les émissions de CO 2 : les ventes de véhicules SUV ont été multipliées par quatre depuis 2010 avec des véhicules 50 % plus lourds et 80 % des véhicules ne supportent pas de malus écologique ou alors un malus inférieur à 500 euros. Par conséquent, je pense qu'il faut réfléchir à une taxe sur le poids des véhicules.

Sur le CITE, nous avions déjà fait des propositions dans le sens de sa transformation en prime les années précédentes, mais nous regrettons la baisse du budget qui lui est consacré. Pour rappel, en 2017, son montant s'élevait à 1,6 milliard d'euros. Nous sommes loin du compte en matière de rénovation et l'objectif de 500 000 logements rénovés par an paraît inatteignable.

Pour terminer, nous soutenons la mesure de la TVA à 5,5 % sur les transports du quotidien. Cette proposition est d'ailleurs une des recommandations du rapport de la mission d'information sur la gratuité des transports.

M. Benoît Huré . - Je suis en phase avec l'essentiel des propositions que notre rapporteur fait pour amender ce texte.

Je reste dans cette approche pragmatique : certes, il y a l'urgence climatique, mais il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Dans cette commission, nous avons une sensibilité aux enjeux climatiques. Mais je reste très réticent à certaines mesures d'application franco-française qui constituent des distorsions de concurrence par rapport aux autres pays européens, notamment la taxation des transports de marchandises ou des entreprises de BTP. Il convient d'agir au niveau européen plutôt qu'au niveau français. Les populations européennes sont plutôt favorables à ce genre de mesures ; il manque uniquement de la volonté politique.

Je suis également favorable à la TVA à 5,5 % sur les transports du quotidien.

Sur l'affectation de la fiscalité environnementale au budget général, je n'ai pas d'état d'âme : c'est toujours le même contribuable qui paye, qu'il s'agisse de taxes environnementales ou d'autres taxes, et le budget général sert aussi à financer d'autres politiques publiques.

M. Michel Vaspart . - Les engins de travaux publics sont fabriqués aux États-Unis ; je ne suis pas sûr qu'ils puissent être alimentés en carburants alternatifs.

Lors de l'audition du président suppléant du Conseil des prélèvements obligatoires, j'ai été étonné qu'il évoque un montant de 87 milliards d'euros de prélèvements obligatoires au titre de la fiscalité verte. C'est deux fois plus que l'Allemagne ou que l'Espagne et 55 % fois plus que le Royaume-Uni. Si nous continuons sur cette voie, nous allons connaître des problèmes : n'oublions pas que le mouvement des « gilets jaunes » a été déclenché en réaction à l'augmentation de la fiscalité. Il faut donc faire très attention aux propositions que nous sommes amenés à faire au Sénat.

M. Hervé Maurey , président . - Merci au rapporteur pour la qualité de son travail et, par avance, pour les amendements déposés visant à donner des moyens financiers aux intercommunalités afin qu'elles puissent réellement exercer leur compétence « mobilité ».

La fiscalité écologique est nécessaire pour assurer la transition écologique mais elle doit, d'une part, se faire sans augmentation globale de la pression fiscale et être réellement affectée à la transition écologique, de manière transparente et, d'autre part, faire l'objet d'un accompagnement social et territorial. En effet, le poids de la transition écologique diffère selon le niveau de ressources des ménages ainsi que selon les milieux ruraux et urbains.

M. Jean-François Longeot , rapporteur pour avis . - Il est important de discuter de la fiscalité environnementale au niveau européen, compte tenu des enjeux en termes de concurrence. Le ministre de l'économie a récemment rencontré ses homologues européens afin d'aborder la question de la taxation de l'aérien. Je crois qu'il faut éviter que la fiscalité écologique ne devienne un poids économique.

Pour répondre à M. Chevrollier, effectivement, la proposition d'instaurer une contribution sur les chargeurs est intéressante mais elle s'avère complexe à mettre en place. En effet, une telle taxe pourrait poser un problème d'équité fiscale, dans la mesure où il serait difficile de la percevoir lorsque le bénéficiaire est situé hors de France. Je vous invite à déposer un amendement en séance afin d'ouvrir le débat sur ce sujet et d'inviter le Gouvernement à apporter une réponse claire sur ce sujet.

Je signale à M. Bérit-Débat que les amendements que je vous proposerai permettent de répondre à certaines de vos préoccupations.

M. Hervé Maurey , président . - Avant que le rapporteur ne présente ses amendements, je vous signale que le débat sur la première partie du projet de loi de finances aura lieu vendredi 22, samedi 23 et lundi 25 novembre.

M. Jean-François Longeot , rapporteur pour avis . - Mon premier amendement vise à intégrer dans le projet de loi de finances un dispositif de financement au profit aux communautés de communes qui exerceront la compétence d'organisation des mobilités mais qui, en l'absence de services réguliers, ne percevront pas de versement mobilité, en leur allouant une fraction de TICPE pour financer la mise en place de services de mobilité.

Cette fraction serait calculée de manière à ce que les communautés de communes perçoivent un montant de 10 euros par habitant, c'est-à-dire le montant moyen que coûte la mise en place d'un « bouquet de services de mobilité », comme du transport à la demande, du covoiturage, ou des vélos en libre-service.

L'amendement DEVDUR.1 est adopté.

L'article 4 du projet de loi prévoit, dans le cadre de la réforme du CITE, de supprimer la possibilité pour les locataires et les occupants à titre gratuit de bénéficier du crédit d'impôt au titre des travaux de rénovation énergétique qu'ils réalisent dans leur habitation principale.

Une telle restriction va décourager la rénovation des logements en location, qui font pourtant l'objet d'un nombre de rénovations insuffisant.

D'après une enquête de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) publiée en octobre 2018, 24 % des travaux de rénovation réalisés entre 2014 et 2016 dans des maisons individuelles ont été menés par des locataires, et 76 % par des propriétaires occupants.

C'est pourquoi, l'amendement que je vous propose vise à maintenir l'éligibilité des locataires et des occupants à titre gratuit au CITE, afin de continuer à encourager la réalisation de travaux dans les logements loués.

L'amendement DEVDUR.2 est adopté.

M. Jean-François Longeot , rapporteur pour avis . - L'amendement DEVDUR.3 vise à maintenir l'éligibilité des chaudières gaz à très haute performance énergétique au CITE.

L'article 4 du projet de loi prévoit que seuls les ménages modestes et très modestes pourront continuer à bénéficier d'une aide à l'achat de tels équipements, à travers la prime de transition énergétique.

Or les chaudières gaz à très haute performance énergétique, lorsqu'elles remplacent des chaudières anciennes comme des chaudières au fioul, permettent des gains énergétiques importants, et constituent, notamment dans les habitats collectifs, une solution indiquée là où les chaudières à biomasse ou à énergie solaire peuvent représenter des investissements coûteux ou inadaptés.

L'amendement DEVDUR.3 est adopté.

M. Jean-François Longeot , rapporteur pour avis . - Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, l'article 4 du projet de loi de finances recentre les aides à la rénovation énergétique sur les ménages modestes, en excluant les ménages des déciles 9 et 10 du CITE.

Or cela pourrait conduire à freiner le rythme des travaux de rénovation énergétique l'année prochaine, puisque, comme le rappelle l'évaluation préalable annexée au projet de loi de finances, 50 % des travaux de rénovation éligibles au CITE ont été réalisés par ces ménages en 2017.

Lors de l'examen du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale, le Gouvernement a présenté un amendement permettant à ces ménages de bénéficier du CITE au titre des travaux d'isolation des parois opaques.

Cet amendement propose d'aller plus loin, en permettant à ces ménages de continuer à bénéficier du crédit d'impôt lorsqu'ils réalisent des travaux de rénovation globale de leurs logements énergivores (étiquettes F ou G) permettant un gain énergétique important (passage à une étiquette A, B ou C).

M. Claude Bérit-Débat . - Mon groupe votera contre cet amendement.

L'amendement DEVDUR.4 est adopté.

M. Jean-François Longeot , rapporteur pour avis . - Cet amendement vise à augmenter de 40 à 100 euros par équipement le montant du CITE dont les ménages peuvent bénéficier lorsqu'ils remplacement des fenêtres simple vitrage par des fenêtres à double ou triple vitrage.

En effet, ces travaux permettent de réaliser des gains énergétiques non négligeables lorsque les logements sont vétustes et peuvent constituer un point d'entrée des ménages dans la rénovation énergétique et conduire par la suite à la réalisation de travaux plus ambitieux.

Mme Michèle Vullien . - Je voterai contre cet amendement car lorsque les travaux portent uniquement sur le remplacement des fenêtres, cela ne sert à rien.

M. Jean-François Longeot , rapporteur pour avis. - L'Ademe a pourtant montré dans son étude que le remplacement du simple vitrage par du double vitrage permet des gains énergétiques importants.

Mme Michèle Vullien . - C'est faux !

M. Guillaume Gontard . - Dans le même sens de ce qui vient d'être dit, je pense qu'il faut encourager les rénovations globales des logements. Car même si les travaux isolés permettent un gain thermique, ils peuvent poser d'autres problèmes, notamment en termes de ventilation des logements.

M. Jean-François Longeot , rapporteur pour avis. - Oui, mais il est tout de même important de les faire.

M. Hervé Maurey , président. - J'observe que le Gouvernement a tenu, à cet égard, des propos contradictoires. La première année, on nous a expliqué que les travaux de remplacement des fenêtres étaient inutiles et désormais il semblerait que le discours inverse soit tenu.

L'amendement DEVDUR.5 est adopté.

M. Jean-François Longeot , rapporteur pour avis. - Cet amendement vise à augmenter les montants pouvant être déduits par les entreprises de l'impôt qu'elles acquittent au titre de l'amortissement de leurs véhicules à faibles et très faibles émissions, en portant le plafond du prix d'acquisition à partir duquel les charges ne sont pas déductibles pour l'établissement de l'impôt de 30 000 à 33 000 euros pour les véhicules à très faibles émissions et de 20 300 à 24 300 euros pour les véhicules à faibles émissions.

Il s'agit d'inciter fiscalement les entreprises à acquérir des véhicules électriques et hybrides afin d'accélérer le verdissement du parc automobile français.

L'amendement DEVDUR.6 est adopté.

M. Jean-François Longeot , rapporteur pour avis. - Comme je l'indiquais tout à l'heure, l'article 18 du projet de loi de finances prévoit d'adapter le cadre fiscal relatif aux véhicules à moteur suite au passage à la nouvelle réglementation en matière d'émissions WLTP.

Initialement envisagé au 1 er janvier 2020, le passage à la norme WLTP doit finalement être repoussé le temps d'adapter le système d'immatriculation des véhicules et de mettre en place un nouveau certificat de conformité électronique. L'article 18 prévoit ainsi une entrée en vigueur à une date fixée par arrêté, et au plus tard le 1 er juillet 2020.

Par conséquent, le barème du malus applicable au 1 er janvier 2020 sera remplacé au cours du premier semestre 2020 par un nouveau barème.

Or, bien qu'il s'applique à partir d'un niveau d'émissions plus élevé, ce nouveau barème ne permettra pas d'assurer la neutralité fiscale du changement de norme pour l'ensemble des véhicules. En effet, alors que dans l'ancien système, la valeur des émissions était mesurée par familles de véhicules, sur la base des émissions du véhicule représentatif de cette famille le plus favorable, la norme WLTP conduit à attribuer un niveau d'émissions à chaque véhicule, en fonction de ses caractéristiques.

Le passage en cours d'année au système WLTP conduira donc à une augmentation du montant du malus sur certains véhicules, ce qui sera source de complexité pour les professionnels et pour les consommateurs.

C'est pourquoi, le présent amendement vise à reporter au 1 er janvier 2021 l'entrée en vigueur de la norme WLTP.

L'amendement DEVDUR.7 est adopté.

M. Jean-François Longeot , rapporteur pour avis. - Cet amendement vise à supprimer la baisse de 45 millions d'euros de la compensation que l'État verse aux autorités organisatrices de la mobilité (AOM), à la suite du relèvement du seuil de salariés à partir duquel les employeurs sont assujettis au versement mobilité opéré en 2016.

Outre le fait qu'elle revient sur l'engagement de l'État à compenser la perte de recettes subie par les AOM, cette baisse va à l'encontre des objectifs de développement des mobilités affichés par le Gouvernement, en privant les autorités organisatrices de ressources importantes pour financer leur politique de mobilité, et elle pénalise les collectivités qui ont fait des efforts pour encourager l'installation d'entreprises et la création d'emplois.

L'amendement DEVDUR.8 est adopté.

M. Jean-François Longeot , rapporteur pour avis. - L'article 33 du projet de loi de finances entend supprimer le compte d'affectation spéciale « aides à l'acquisition de véhicules propres », afin d'intégrer les dépenses relatives au bonus automobile et à la prime à la conversion au sein du budget général de l'État.

Cette suppression rend toutefois moins lisible les montants dédiés au dispositif « bonus-malus », en mettant fin à l'affectation directe de la recette du malus au soutien à l'évolution du parc automobile.

L'amendement que je vous propose vise donc à maintenir le compte d'affectation spéciale « bonus-malus ».

L'amendement DEVDUR.9 est adopté.

La commission a autorisé la publication du rapport pour avis.

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