II. UNE TAXATION DU TRANSPORT AÉRIEN ET ROUTIER SANS ACCOMPAGNEMENT DES SECTEURS À RÉALISER LEUR TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

A. UNE HAUSSE DE LA FISCALITÉ SUR LE TRANSPORT ROUTIER DE MARCHANDISES ET SUR LE TRANSPORT AÉRIEN MAL ANTICIPÉE ET MAL ACCOMPAGNÉE

Le projet de loi de finances traduit les annonces du Gouvernement de juillet dernier , à l'issue du 2 e Conseil de défense écologique, relatives à la fiscalité des transports - il prévoit, à compter du 1 er janvier 2020 :

- de diminuer de 2 centimes d'euros par litre le remboursement de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sur le gazole dont bénéficient les entreprises de transport routier de marchandises 5 ( * ) , ce qui représenterait une hausse de la fiscalité sur ce secteur de 70 millions d'euros en 2020 et de 140 millions d'euros à partir de 2021 (article 19) ;

- d'augmenter les tarifs de la taxe de solidarité sur les billets d'avion (dite taxe « Chirac »), entre 1,50 et 3 euros par billet pour les vols intérieurs et intra-européens, et entre 9 et 18 euros pour les vols hors Union européenne, ce qui représenterait un produit supplémentaire de 180 millions d'euros par an (article 20).

Ces deux recettes seraient affectées à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) pour financer la hausse de ses dépenses, qui s'élèveront à près de 3 milliards d'euros en 2020, conformément à la trajectoire prévue par le projet de loi d'orientation des mobilités.

S'agissant du transport routier de marchandises, la commission regrette que la solution retenue pour faire contribuer ce secteur au financement des infrastructures de transport repose essentiellement sur les entreprises françaises et non sur les transporteurs étrangers qui s'approvisionnent en carburant en dehors de France, et qui par conséquent utilisent et dégradent les infrastructures sans contribuer à leur entretien. Lors du lancement des Assises de la mobilité, la ministre chargée des transports avait pourtant indiqué son souhait de « faire payer les poids lourds qui transitent par notre réseau sans participer à son financement » 6 ( * ) , un objectif qui avait été rappelé à plusieurs reprises au cours des débats relatifs au projet de loi d'orientation des mobilités.

La commission déplore par ailleurs que cette augmentation de fiscalité ne soit pas assortie d'un plan permettant d'accompagner le secteur du transport routier de marchandises pour réaliser sa transition énergétique et recourir à des véhicules moins émetteurs de gaz à effet de serre . Il est essentiel que ce secteur, comme celui de l'automobile à travers le contrat stratégique de filière, puisse bénéficier d'une visibilité sur la trajectoire fiscale et règlementaire envisagée ainsi que sur les dispositifs d'accompagnement pouvant être mis en oeuvre.

S'agissant du transport aérien, plutôt que d'introduire une véritable « éco-contribution » comme annoncé, le Gouvernement a fait le choix de majorer les tarifs de la taxe sur les billets d'avion, qui ne prend qu'imparfaitement en compte l'impact environnemental des vols puisque ses tarifs varient en fonction de la classe du billet (affaire, économique, premium) et de la destination du vol (à l'intérieur ou à l'extérieur de l'Union européenne).

Comme pour le secteur routier, il est regrettable que cette hausse de la fiscalité ne soit pas assortie d'une politique d'aide à la réduction des émissions de CO 2 du transport aérien , à travers notamment le soutien au développement d'une filière de biocarburants.

Par ailleurs, alors que les vols vers la Corse et vers les territoires ultra-marins ainsi que les lignes d'aménagement du territoire devaient être exclus de la hausse de la taxe sur les billets d'avion dès son entrée en vigueur au 1 er janvier 2020 , cette exemption s'appliquera finalement à une date ultérieure fixée par arrêté, le temps que la Commission européenne examine la conformité de cette disposition avec le droit de l'Union européenne.

La Commission européenne n'ayant été officiellement saisie que le 29 octobre dernier de la mesure législative, il est à craindre que les vols concernés subissent la hausse de la taxation en janvier prochain , ce qui pénaliserait les voyageurs de ces territoires éloignés ou enclavés. Cela traduit le manque d'anticipation du Gouvernement , s'agissant d'une mesure qui a été annoncée au début du mois de juillet.


* 5 Après remboursement, le tarif de TICPE dû par les transporteurs routiers sera de 45,19 c€/ L au lieu de 43,19 c€/ L actuellement (contre 59,40 c€/ L pour le tarif normal).

* 6 Interview d'Élisabeth Borne au Journal du Dimanche, 16 septembre 2017.

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