Avis n° 143 (2019-2020) de M. Philippe MOUILLER , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 21 novembre 2019

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N° 143

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2019

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2020 ,

TOME VII

SOLIDARITÉ, INSERTION ET ÉGALITÉ DES CHANCES

Par M. Philippe MOUILLER,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Alain Milon, président ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général ; MM. René-Paul Savary, Gérard Dériot, Mme Colette Giudicelli, M. Yves Daudigny, Mmes Michelle Meunier, Élisabeth Doineau, MM. Michel Amiel, Guillaume Arnell, Mme Laurence Cohen, M. Daniel Chasseing, vice - présidents ; M. Michel Forissier, Mmes Pascale Gruny, Corinne Imbert, Corinne Féret, M. Olivier Henno, secrétaires ; Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Stéphane Artano, Mmes Martine Berthet, Christine Bonfanti-Dossat, MM. Bernard Bonne, Jean-Noël Cardoux, Mmes Annie Delmont-Koropoulis, Catherine Deroche, Chantal Deseyne, Nassimah Dindar, Catherine Fournier, Frédérique Gerbaud, M. Bruno Gilles, Mmes Michelle Gréaume, Nadine Grelet-Certenais, Jocelyne Guidez, Véronique Guillotin, Victoire Jasmin, M. Bernard Jomier, Mme Florence Lassarade, M. Martin Lévrier, Mmes Monique Lubin, Viviane Malet, Brigitte Micouleau, MM. Jean-Marie Morisset, Philippe Mouiller, Mmes Frédérique Puissat, Marie-Pierre Richer, Laurence Rossignol, Patricia Schillinger, MM. Jean Sol, Dominique Théophile, Jean-Louis Tourenne, Mme Sabine Van Heghe.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 2272 , 2291 , 2292 , 2298 , 2301 à 2306 , 2365 , 2368 et T.A. 348

Sénat : 139 et 140 à 146 (2019-2020)

LES OBSERVATIONS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Réunie le 20 novembre 2019 sous la présidence de M. Alain Milon, président , la commission a examiné le rapport pour avis de M. Philippe Mouiller sur les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » du projet de loi de finances pour 2020.

Alors que le Gouvernement a engagé une concertation en vue d'une réforme de l'ensemble du système de minima sociaux, le rapporteur s'est attaché à examiner l'évolution et la pertinence des différentes allocations et aides financées par la mission, notamment l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et la prime d'activité, qui en mobilisent près de 80 % des crédits.

Les dépenses de la mission confirment leur dynamisme et leur caractère en partie imprévisible. Les crédits de paiement s'élèveront en 2020 à 25,5 milliards d'euros, soit 6,7 % de plus qu'en loi de finances initiale pour 2019. Compte tenu de l'ouverture de crédits supplémentaires de 839 millions d'euros figurant au projet de loi de finances rectificative pour 2019, cette évolution devrait toutefois être ramenée à 3,3 %. Ces crédits avaient bondi de 21,6 % entre 2018 et 2019 en raison notamment de la revalorisation exceptionnelle de la prime d'activité décidée à la suite de la crise des « gilets jaunes ».

Le rapporteur a salué l'effort consacré au financement de l'AAH ( programme 157 ), toutefois tempéré par une modification de son mode de calcul défavorable à certains allocataires en couple, ainsi que la revalorisation annoncée de l'allocation supplémentaire d'invalidité (ASI).

Au titre du programme 304 , qui connaît la plus forte croissance au sein de la mission, la compatibilité entre les différents objectifs de la prime d'activité a été améliorée au prix d'un effort budgétaire considérable, le montant de 9,5 milliards d'euros demandé pour 2020 étant assurément sous-évalué.

Le rapporteur a enfin relevé la modestie et la stabilité du programme 137 dédié à l'égalité entre les femmes et les hommes.

Suivant la proposition du rapporteur, la commission a adopté un amendement rétablissant à leur niveau de 2019 les crédits de l'aide financière à l'insertion sociale et professionnelle des personnes engagées dans le parcours de sortie de la prostitution (AFIS), un amendement créant un programme dédié à l'accueil des mineurs non accompagnés (MNA) ainsi qu'un amendement précisant le mode de calcul de l'ASI. Elle a ensuite donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » du projet de loi de finances pour 2020.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le taux de pauvreté s'est établi à 14,7 % de la population française en 2018, en augmentation de 0,6 point, selon les estimations provisoires publiées par l'Insee 1 ( * ) . En 2018, quelque 9,3 millions de personnes (contre 8,8 millions en 2017) vivaient ainsi en France sous le seuil de pauvreté défini comme égal à 60 % du niveau de vie médian. Dans le même temps, les inégalités, mesurées par l'indice de Gini, ont augmenté.

Depuis le début du quinquennat, plusieurs mesures ont pu fragiliser le pouvoir d'achat des Français les plus précaires, notamment le gel de l'aide personnalisée au logement (APL) et celui des allocations familiales. Quant à la réforme de l'assurance chômage, elle aura sans doute, selon les projections de l'Unédic, des effets plus durs que ceux initialement envisagés par le Gouvernement, dont l'incidence sur d'autres prestations sociales mériterait d'être évaluée.

Dans ce contexte, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », qui a vocation à financer des allocations et aides destinées aux publics les plus fragiles ainsi que des actions en faveur de la lutte contre la pauvreté, représente un poids budgétaire croissant. Les crédits de paiement demandés pour l'ensemble de la mission s'élèvent ainsi à 25,5 milliards d'euros pour 2020 , après 23,9 milliards d'euros en loi de finances initiale pour 2019.

Près de 80 % des crédits de la mission servent à financer deux dispositifs : l'allocation aux adultes handicapés (AAH), à hauteur de 10,5 milliards d'euros, et la prime d'activité, à hauteur de 9,5 milliards d'euros.

La mission finance en outre plusieurs autres dispositifs visant à garantir un revenu minimal à certaines populations : le revenu de solidarité active (RSA) recentralisé dans certaines collectivités d'outre-mer, ainsi que le « RSA jeune actif », versé aux personnes de moins de 25 ans sans enfant, pour lesquels 853,4 millions d'euros sont demandés pour 2020 ; l'allocation supplémentaire d'invalidité (ASI), pour laquelle 269,7 millions d'euros sont inscrits dans le projet de loi de finances et que le Gouvernement propose, à juste titre, de réformer et de revaloriser. On peut également mentionner l'aide financière à l'insertion sociale et professionnelle des personnes engagées dans un parcours de sortie de la prostitution (AFIS), dont la montée en charge reste trop modeste (1,2 million d'euros en 2020).

Elle soutient par ailleurs le revenu des travailleurs handicapés accueillis en établissement ou service d'aide par le travail (ESAT), à hauteur de 1,4 milliard d'euros, à travers la garantie de rémunération des travailleurs handicapés (GRTH) et l'aide au poste versée à ce titre.

Alors que le Gouvernement a engagé, dans le cadre de sa stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, une concertation en vue d'une réforme de l'ensemble du système de minima sociaux, il semble important à votre rapporteur pour avis d'examiner l'évolution et la pertinence de chacun de ces dispositifs.

Au sein du programme 157 (« Handicap et dépendance ») - dont les crédits s'élèvent à 12,2 milliards d'euros pour 2020 -, l'AAH a fait l'objet de revalorisations exceptionnelles en 2018 et 2019, tempérées par une modification de son mode de calcul défavorable aux allocataires en couple. Tandis que l'AAH a rejoint un niveau inédit depuis plus de trente ans par rapport au seuil de pauvreté, il convient de veiller à ce que la sous-revalorisation proposée pour 2020 ne devienne pas la règle, amorçant un nouveau décrochage du pouvoir d'achat des allocataires dans le temps.

Dans l'éventualité d'une intégration de l'AAH au sein du futur revenu universel d'activité (RUA), votre rapporteur tient à exprimer ses profondes réserves et à souligner les spécificités d'une allocation qui ne saurait être réduite à un minimum social de droit commun, tout en approuvant les objectifs d'en améliorer l'efficience et d'en corriger certains défauts.

Le programme 304 (« Inclusion sociale et protection des personnes ») connaît la plus forte croissance au sein de la mission ( 11,9 milliards d'euros demandés après 10,5 milliards en 2019), principalement en raison du changement de dimension de la prime d'activité, devenue un amortisseur monétaire majeur pour les ménages aux revenus modestes. Votre rapporteur avait exprimé ses doutes quant à l'efficacité de cette prestation au regard de son double objectif de lutte contre la pauvreté et d'incitation financière à l'activité. Au prix d'un effort budgétaire considérable, la revalorisation de la prime à la suite de la crise des « gilets jaunes » semble avoir amélioré la compatibilité entre ses différentes vocations, même si son impact sur l'emploi reste théorique.

Il est cependant permis de douter de la sincérité du montant demandé pour 2020 au titre de cette prestation (9,5 milliards d'euros), celui-ci étant inférieur aux crédits ouverts pour 2019 augmentés de l'ouverture de crédits demandée en projet de loi de finances rectificative (9,6 milliards d'euros).

Le programme 137 (« Égalité entre les femmes et les hommes ») reste doté de moins de 30 millions d'euros malgré les ambitions du Gouvernement en matière d'égalité entre les sexes et de lutte contre les violences faites aux femmes.

Enfin, le programme 124 , « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative » , financé à hauteur de 1,3 milliard d'euros (après 1,4 million d'euros en 2019) regroupe essentiellement des crédits de fonctionnement.

*

* *

Suivant la proposition de son rapporteur, la commission a adopté trois amendements :

- un amendement tendant à transférer 800 000 euros dédiés au « RSA jeune actif » (programme 304) afin de rétablir à leur niveau de 2019 les crédits de l'AFIS (programme 137) ;

- un amendement créant au sein de la mission un programme dédié à l'évaluation et à l'hébergement d'urgence des mineurs non accompagnés (MNA) ;

- un amendement modifiant, par coordination avec la réforme de l'ASI, les règles de calcul de cette allocation.

Elle a ensuite émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » du projet de loi de finances pour 2020.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. L'ÉVOLUTION GÉNÉRALE DE LA MISSION : VERS UN REVENU UNIVERSEL D'ACTIVITÉ ET UN SERVICE PUBLIC DE L'INSERTION PRIS EN CHARGE PAR L'ÉTAT ?

A. UNE MISSION ESSENTIELLEMENT CONSTITUÉE DE DÉPENSES DE SOLIDARITÉ EN AUGMENTATION RAPIDE

La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » du projet de loi de finances met en oeuvre les politiques publiques destinées à lutter contre la pauvreté, réduire les inégalités et protéger les personnes vulnérables. Elle finance diverses allocations et aides ainsi que des dispositifs visant à renforcer l'accès au droit et favoriser l'insertion socio-professionnelle des publics visés.

Elle se compose de quatre programmes représentant des charges budgétaires inégales :

- le programme 157 : « Handicap et dépendance » (12,2 milliards d'euros demandés pour 2020) ;

- le programme 304 : « Inclusion sociale et protection des personnes », dont le poids est croissant au sein de la mission (11,9 milliards d'euros demandés après 10,5 milliards en 2019) ;

- le programme 137 : « Égalité entre les femmes et les hommes », doté de moins de 30 millions d'euros ;

- le programme 124 : « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative », qui rassemble essentiellement des crédits de fonctionnement à hauteur de 1,3 milliard d'euros.

Répartition des crédits demandés pour 2020 par programme

Au total, les crédits demandés pour l'ensemble de la mission s'élèvent à 25,5 milliards d'euros pour 2020 en autorisations d'engagement (AE), après 23,9 milliards d'euros en loi de finances initiale pour 2019, soit une augmentation de 6,9 % qui intervient après une hausse de 21,6 % entre 2018 et 2019.

Évolution des crédits ouverts en loi de finances
pour la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » depuis 2014

(en milliards d'euros)

Données : Questionnaire budgétaire

Près de 80 % des crédits de la mission servent à financer deux dispositifs : l' allocation aux adultes handicapés (AAH) , à hauteur de 10,5 milliards d'euros, et la prime d'activité , à hauteur de 9,5 milliards d'euros. Après des revalorisations exceptionnelles des deux prestations en 2018 et 2019, entraînant notamment une forte croissance des dépenses au titre de la prime d'activité, leur montée en charge doit être ralentie en 2020 par des sous-revalorisations .

B. VERS UNE RÉNOVATION D'ENSEMBLE DES MINIMA SOCIAUX ET DES POLITIQUES D'INSERTION

Dans son discours du 13 septembre 2018 de lancement de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, le Président de la République a annoncé son intention de rénover en profondeur le système de minima sociaux, à travers la création d'un revenu universel d'activité (RUA) fusionnant « le plus grand nombre possible de prestations » et dont l'État pourrait être « entièrement responsable », parallèlement à la mise en place d'un service public de l'insertion . Cette réforme devrait faire l'objet d'un projet de loi en 2020 pour une entrée en vigueur d'ici 2022 ou 2023.

Pour piloter ce chantier, Fabrice Lenglart a été nommé, le 24 janvier 2019, rapporteur général à la réforme du revenu universel d'activité. Les travaux ont débuté en mars 2019 sous l'égide de Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, et d'Olivier Noblecourt, délégué interministériel à la prévention et à la lutte contre la pauvreté. Une concertation a été lancée le 3 juin 2019 pour permettre au Gouvernement de recueillir l'avis de l'ensemble des parties prenantes.

Une concertation sur le service public de l'insertion, qui constitue l'autre pilier de la réforme, a par ailleurs été lancée le 9 septembre 2019 par le ministère du travail et le ministère des solidarités et de la santé.

La concertation relative au revenu universel d'activité

La concertation lancée en juin 2019 en vue de la réforme du RUA consiste en un triple processus :

- Premièrement, une concertation institutionnelle organisée autour d'un comité national et de trois collèges opérationnels : un collège des associations, un collège des partenaires sociaux et un collège des territoires. Dans un second temps ont été constitués des collèges thématiques : un collège « jeunes », un collège « handicap » et un collège « logement ».

Cette concertation doit se composer de cinq phases successives abordant l'ensemble des aspects de la réforme :

1° Les constats (juin-juillet 2019)

2° Grands principes et objectifs de la réforme (septembre-octobre 2019)

3° Le périmètre de la réforme (novembre 2019)

4° Le parcours de l'allocataire (décembre 2019)

5° Gouvernance et financement (début 2020)

- Deuxièmement, une concertation grand public reposant notamment sur une consultation en ligne ouverte du 9 octobre au 20 novembre 2019.

- Troisièmement, une concertation citoyenne consistant à réunir, lors de journées organisées dans plusieurs villes sur le territoire, représentants des collectivités, associations, bénéficiaires et personnes concernées.

À l'issue de ce processus, un rapport public devrait être remis au Gouvernement en février 2020 .

Outre la réduction de la pauvreté, l'objectif poursuivi à travers la mise en place du RUA est de simplifier le système de prestations sociales de solidarité afin de renforcer sa cohérence, son accessibilité, son équité et sa lisibilité, et de garantir que la reprise d'un emploi procure toujours un gain pour encourager le retour à l'activité.

Le « socle » de la réflexion sur le RUA est actuellement constitué du revenu de solidarité active (RSA), de la prime d'activité et de l'aide personnalisée au logement (APL), cette dernière pouvant prendre la forme d'un « supplément logement ». En outre, deux autres prestations relevant de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » sont susceptibles d'être concernées en tant que minima sociaux : l'AAH et l'allocation supplémentaire d'invalidité (ASI).

Votre rapporteur pour avis souscrit aux objectifs de simplification et d'amélioration de l'efficience des minima sociaux .

Toutefois, si la fusion des différentes prestations citées peut permettre de les réformer dans la perspective d'une plus grande équité, une telle opération réalisée à budget constant ferait nécessairement un grand nombre de perdants et de gagnants . En effet, le système actuel étant le produit de l'histoire, chacun de ces dispositifs obéit aujourd'hui à ses règles propres. Le préalable à toute fusion, qui constitue un chantier de grande ampleur, est donc l'harmonisation des bases ressources . S'agissant de l'AAH, qui s'adresse à une population dont les besoins sont bien spécifiques, cette opération nécessite une vigilance particulière et rencontre nécessairement des limites ( cf. infra - II ) ; l'intégration de cette allocation dans le RUA créerait ainsi probablement plus de problèmes qu'elle n'en résoudrait. Quant à l'APL, dont les objectifs sont bien distincts de ceux d'un minimum social, son inclusion dans cette réflexion suscite de vives inquiétudes.

Se pose en conséquence la question du coût de cette réforme : en effet, une plus grande simplicité devrait augmenter le taux de recours. Ainsi, si l'on considère in fine qu'il n'est pas acceptable de mener cette opération à budget constant, on est fondé à se demander à combien s'élèvera la compensation versée aux « perdants ».

Par ailleurs, la question des droits et des devoirs des allocataires, qui apparaît comme une condition du lien entre l'individu et la collectivité, ne manquera pas d'être soulevée et pourrait être remise à plat à cette occasion. Si l'engagement de personnes qui n'ont pas d'alternative dans un processus contractuel doit être manié avec précaution, une forme de contrepartie pourrait consister en un réel accompagnement des allocataires selon leurs besoins.

Il convient d'observer que ce projet peut donner l'impression d'un retour à la situation antérieure à la création de la prime d'activité. Le RSA, tel qu'il fut créé en 2009 avec un volet « socle » et un volet « activité », visait en effet des populations très diverses au regard de leur insertion et de leur éloignement de l'emploi. En 2015, le « RSA-activité » était devenu un parangon du non-recours aux prestations sociales, avec un taux de recours estimé à 32 %. Cet échec semblait s'expliquer en partie par le caractère stigmatisant d'un dispositif intrinsèquement lié au « RSA-socle » et à l'ancien revenu minimum d'insertion (RMI) : avoir le sentiment d'être réduit à une situation d'assistanat pouvait en effet être mal vécu par un certain nombre de bénéficiaires potentiels qui travaillaient ou étaient proches de l'emploi 2 ( * ) .

À cet égard, votre rapporteur s'interroge sur le nom retenu pour désigner la future prestation fusionnée, puisqu'il ne s'agirait nullement d'un revenu universel 3 ( * ) - il resterait selon toute hypothèse accordé sous conditions de ressources - et que son versement ne saurait être nécessairement lié à l'exercice d'une activité professionnelle.

On peut enfin s'inquiéter de la gouvernance de cette nouvelle génération d'aide sociale et, plus particulièrement, de la perspective d'une recentralisation de cette politique par l'État, qui n'a, à l'heure actuelle, pas les moyens de ses ambitions au niveau local. Pour importants qu'ils soient, les sujets du financement et de la gouvernance ne seront abordés que dans la dernière phase de la concertation.

II. L'ALLOCATION AUX ADULTES HANDICAPÉS, UN REVENU AU CARREFOUR DE DEUX LOGIQUES

Le programme 157 (« Handicap et dépendance ») finance diverses actions en faveur de l'inclusion des personnes handicapées et des personnes âgées en perte d'autonomie. 86 % des crédits du programme sont dédiés au financement de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) .

A. BILAN DES REVALORISATIONS EXCEPTIONNELLES DE L'AAH COUPLÉES AUX ÉVOLUTIONS PARAMÉTRIQUES DE 2018-2019

1. Des revalorisations exceptionnelles couplées à des mesures d'économies

Créée en 1975 4 ( * ) , l'AAH est un revenu de solidarité destiné à des personnes handicapées âgées de vingt ans ou plus, résidant en France et en situation régulière, sous conditions de ressources.

Attribuée pour une durée de un à cinq ans par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH), elle est accordée dans deux cas :

- si le taux d'incapacité du demandeur est au moins égal à 80 % (« AAH-1 ») 5 ( * ) ;

- si le demandeur a un taux d'incapacité compris entre 50 % et 79 % assorti d'une « restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi » (« AAH-2 ») 6 ( * ) .

Depuis le 1 er janvier 2019, l'AAH peut être attribuée sans limitation de durée aux personnes qui présentent un taux d'incapacité permanente égal ou supérieur à 80 % et des limitations d'activité non susceptibles d'évolution favorable 7 ( * ) .

Son versement prend fin à partir de l'âge minimum légal de départ à la retraite, en cas d'incapacité de 50 % à 79 %. En cas d'incapacité d'au moins 80%, le bénéficiaire peut continuer à la percevoir au-delà de cet âge légal en complément d'un avantage vieillesse 8 ( * ) .

L'AAH est une prestation subsidiaire et différentielle : le droit à l'AAH n'est ouvert que lorsque la personne ne peut prétendre au versement d'une rente ou d'une prestation contributive d'un montant au moins égal à celui de l'AAH. L'AAH vient alors s'ajouter aux revenus touchés par l'allocataire sans que leur addition puisse excéder un montant maximal défini par décret.

La loi prévoit que le montant de l'AAH est revalorisé chaque année, au 1 er avril, à la hauteur de l'inflation 9 ( * ) . Conformément à l'engagement du Président de la République, l'AAH a cependant fait l'objet d'une revalorisation exceptionnelle en deux temps : de 819 euros en mai 2018, son montant maximum a été porté à 860 euros au 1 er novembre 2018, puis à 900 euros à compter du 1 er novembre 2019 10 ( * ) . Cet effort est sans précédent depuis le plan de revalorisation pluriannuel (2008-2012) décidé lors de la Conférence nationale du handicap de 2008.

Le coût de ces revalorisations exceptionnelles est évalué à 42 millions d'euros pour 2018, 512 millions d'euros pour 2019 et 362 millions d'euros pour 2020.

Parallèlement, les règles de prise en compte de la situation familiale des bénéficiaires de l'AAH ont été rapprochées de celles applicables aux bénéficiaires d'autres minima sociaux. Le coefficient multiplicateur pour calculer le plafond de ressources pour un allocataire en couple 11 ( * ) , égal à 2 jusqu'au 31 octobre 2018, a été réduit à 1,89 au 1 er novembre 2018 puis à 1,81 au 1 er novembre 2019 2 . Couplée avec la revalorisation de l'allocation, cette mesure a entraîné une diminution de 9 euros du plafond de ressources pour un allocataire en couple, alors que le plafond pour une personne seule augmentait de 81 euros.

L'économie qui en résulte est estimée à 12 millions d'euros en 2018, 157 millions d'euros en 2019 puis 287 millions d'euros en 2020.

Évolution du plafond des ressources mensuelles
pour le calcul du droit à l'AAH pour une personne en couple sans enfant

01/05/2018

01/11/2018

01/11/2019

Montant maximal de l'AAH

819 €

860 €

900 €

Coefficient multiplicateur

2,00

1,89

1,81

Plafond de ressources

1 638 €

1 625,40 €

1 629 €

En outre, la loi de finances pour 2019 12 ( * ) a prévu la simplification, à des fins de lisibilité et d'économies budgétaires, des dispositifs de soutien complémentaire aux bénéficiaires de l'AAH. Deux compléments de ressources, non cumulables, peuvent actuellement être versés aux allocataires qui remplissent des conditions précises :

- le complément de ressources (CPR) peut être attribué aux allocataires dont l'incapacité permanente est supérieure à 80 %, qui n'exercent pas d'activité professionnelle et qui disposent d'un logement indépendant 13 ( * ) . Son montant mensuel est forfaitaire et fixé à 179,31 euros ;

- la majoration pour la vie autonome (MVA) est versée aux bénéficiaires de l'AAH qui n'exercent pas d'activité professionnelle et qui disposent d'un logement indépendant pour lequel ils reçoivent une aide personnelle au logement (APL) 14 ( * ) . Son montant mensuel est de 104,77 euros .

À compter du 1 er décembre 2019, le CPR est supprimé au profit de la MVA , dont le montant est substantiellement inférieur et les conditions d'attribution plus larges. Cette dernière est déjà automatiquement attribuée par les organismes payeurs. Cette mesure représente une économie estimée à 5,7 millions d'euros en 2020 et les années suivantes.

Votre rapporteur pour avis s'était inquiété des conséquences de cette mesure, particulièrement pour les bénéficiaires du complément de ressources qui ne seraient pas éligibles à la majoration pour la vie autonome. Toutefois, il a été précisé que les actuels bénéficiaires du CPR pourront continuer de le percevoir après le 1 er décembre 2019 pendant une durée maximale de dix ans, y compris à l'occasion d'une demande de renouvellement. Pour les nouveaux allocataires qui auraient pu prétendre au CPR et devront se contenter de la MVA, il s'agit cependant d'un écart de montant de près de 75 euros qui entraîne une quasi-neutralisation de la revalorisation du montant maximum de l'AAH. En outre, les nouveaux bénéficiaires de l'AAH qui ne perçoivent pas d'APL 15 ( * ) ne pourront accéder à aucun complément de ressources .

2. Les conséquences de la modification des modalités d'attribution : la non-revalorisation de l'AAH de certains allocataires en couple

Le montant de l'AAH perçu par un allocataire est égal au plus petit montant entre le plafond de ressources pour une personne seule et sans enfant (900 euros) et la différence, tant que celle-ci est positive, entre le plafond correspondant à la situation familiale du foyer et ses ressources. Divers abattements spécifiques à l'AAH peuvent toutefois être pratiqués sur les revenus de l'allocataire ou de son conjoint afin de les intéresser à l'exercice d'une activité professionnelle. En particulier :

- une personne travaillant depuis plus de six mois en milieu ordinaire bénéficie d'un abattement de 80 % sur la tranche de ses revenus d'activité inférieure à 30 % du smic 16 ( * ) brut, et de 40 % sur la tranche au-delà de ce seuil 17 ( * ) ; les six premiers mois, ses revenus professionnels ne sont pas pris en compte pour le calcul de l'AAH et sont donc intégralement cumulables 18 ( * ) ;

- les ressources du conjoint, concubin ou partenaire de pacte civil de solidarité (PACS) font l'objet d'un abattement de 20 % 19 ( * ) .

Votre rapporteur pour avis avait identifié un risque concernant le nombre de bénéficiaires en couple qui, sous l'effet de la diminution du plafond de ressources, ne bénéficieraient pas de sa revalorisation individuelle.

Selon la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), 60 % des bénéficiaires de l'AAH en couple (soit 162 000 personnes représentant environ 14 % de l'ensemble des allocataires de l'AAH) auront bénéficié d'une revalorisation à plein à la suite de la réforme, les 40 % de bénéficiaires en couple restants (soit 108 000 personnes représentant 10 % de l'ensemble des allocataires) disposant au moins d'un montant d'AAH constant. Aucun allocataire ne supporterait de baisse de l'allocation du fait de cette réforme.

Pourtant, en théorie, le montant de l'AAH a pu diminuer pour certains allocataires en couple entre mai 2018 et novembre 2019 sous le seul effet de la diminution du plafond de ressources, malgré la double revalorisation du montant forfaitaire (par exemple, pour un allocataire sans revenu professionnel, en couple avec une personne rémunérée à un niveau supérieur au smic, comme dans le cas présenté dans le tableau ci-dessous).

En outre, si la revalorisation de la prime d'activité a pu dans certains cas compenser cette diminution, le couple de l'exemple ci-dessous n'y aurait pas droit, faute de revenus d'activité pour le bénéficiaire de l'AAH 20 ( * ) .

Exemple de situation dans laquelle le montant de l'AAH
diminue pour un allocataire en couple sans enfant du fait de la diminution
du plafond de ressources entre le 1 er mai 2018 et le 1 er novembre 2019

01/05/2018

01/11/2018

01/11/2019

Revenus d'activité de l'allocataire

0 €

0 €

0 €

Revenus d'activité du conjoint

1 300 €

1 300 €

1 300 €

Revenus du ménage pris en compte 21 ( * )

1 040 €

1 040 €

1 040 €

Montant forfaitaire de l'AAH

819 €

860 €

900 €

Coefficient multiplicateur

2,00

1,89

1,81

Plafond de ressources

1 638 €

1 625,40 €

1 629 €

Montant de l'AAH versé

598 €

585,40 €

589 €

Toutefois, votre rapporteur pour avis n'a pas identifié de situation dans laquelle un allocataire en couple aurait pu être exclu du bénéfice de l'AAH du seul fait de l'abaissement du plafond - hormis des cas où le montant servi avant la réforme aurait été inférieur à 10 euros.

En outre, lorsque les deux membres du couple sont allocataires de l'AAH, le montant maximum perçu continue de valoir deux fois le montant maximal pour une personne seule car l'AAH du conjoint n'entre pas dans le calcul de la base de ressources du ménage et l'allocation est calculée individuellement pour chaque membre du couple.

Il n'en reste pas moins que, toutes choses égales par ailleurs, une frange des bénéficiaires de l'AAH n'a effectivement tiré aucun bénéfice de la double revalorisation du montant maximal de l'allocation.

La méthode du Gouvernement consistant à compenser les augmentations de la prestation par des mesures paramétriques restrictives a pu contribuer à la perception mitigée de leur situation par les intéressés. Selon le Baromètre de la confiance 2019 d'APF France Handicap 22 ( * ) , 68 % des personnes concernées par le handicap interrogées déclarent que la revalorisation de l'AAH n'a rien changé pour elles, et 16 % estiment avoir perdu certains droits. 82 % des personnes concernées font état de difficultés pour s'en sortir avec les ressources de leur foyer (contre 81 % en 2018 et 79 % en 2017).

B. LES ÉVOLUTIONS PROPOSÉES POUR 2020 : FREINER LA HAUSSE DE L'AAH, REVALORISER L'ASI

1. Une « augmentation maîtrisée » de l'AAH

La revalorisation de l'AAH a accéléré le dynamisme des dépenses par deux canaux :

- l'augmentation du montant moyen mensuel de l'allocation (de 670 euros en décembre 2018 à 690 euros en décembre 2019) (« effet prix ») ;

- l'ouverture à un plus grand nombre de bénéficiaires du fait de la hausse du plafond de ressources (« effet volume »).

Le nombre de bénéficiaires, en particulier celui des bénéficiaires de l'« AAH-2 », a par ailleurs poursuivi son augmentation indépendamment des revalorisations. Au total, le nombre de bénéficiaires croîtrait de 1 161 279 au 31 décembre 2018 à 1 189 600 au 31 décembre 2019 selon les prévisions de la Drees 23 ( * ) .

Pour 2020, l'article 67 du projet de loi de finances prévoit une « augmentation maîtrisée » de plusieurs prestations sociales, parmi lesquelles l'AAH . Par dérogation à l'article L. 821-3-1 du code de la sécurité sociale, l'allocation sera ainsi revalorisée de 0,3 % au 1 er avril 2020 , ce qui portera son montant maximum à 902,70 euros . Cette mesure doit permettre de réaliser une économie de 0,1 milliard d'euros .

Les crédits demandés pour l'AAH s'élèvent ainsi à 10,563 milliards d'euros , soit une hausse de 2,7 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2019 . L'évolution de ces crédits est retracée dans le tableau ci-dessous.

Évolution des crédits demandés au titre de l'AAH

(en millions d'euros)

LFI pour 2018

LFR pour 2018

LFI pour 2019

PLF pour 2020

Crédits demandés
au titre de l'AAH

9 735 M€

9 735 M€

10 285 M€

10 563 M€

L'AAH a connu depuis trois ans une budgétisation de plus en plus fidèle aux engagements réels. Ainsi, en 2018, pour la première fois en cinq ans, aucune ouverture de crédits n'a été nécessaire concernant l'AAH en loi de finances rectificative. Une ouverture de crédits de 54,5 millions d'euros est toutefois demandée dans le projet de loi de finances rectificative pour 2019, imputable à la fois à l'AAH et à la garantie de rémunération des travailleurs handicapés admis en établissements et services d'aide par le travail (ESAT).

Au 1 er novembre 2019, le montant forfaitaire de l'AAH dépasse 80 % du seuil de pauvreté monétaire défini comme égal à 60 % du niveau de vie médian. Selon les calculs du rapporteur général à la réforme du revenu universel d'activité, l'AAH se situe ainsi à un niveau inédit depuis plus de trente ans par rapport au seuil de pauvreté , le minimum de 66 % ayant été atteint en 2008 24 ( * ) . Il convient de rappeler que les bénéficiaires peuvent cumuler ce montant forfaitaire avec d'autres prestations pouvant porter leur niveau de vie au-dessus du seuil de pauvreté.

Avec une prévision d'inflation de 1 %, la sous-revalorisation proposée aura pour effet, qui peut sembler injuste, d'atténuer dès 2020 l'amélioration du pouvoir d'achat des allocataires de l'AAH , enfin revenu à un niveau adéquat. Il est souhaitable que cette mesure dérogatoire ne devienne pas la règle afin d'éviter un nouveau décrochage de ce revenu par rapport au seuil de pauvreté.

Évolution du montant de l'AAH par rapport au seuil de pauvreté depuis 2008

Source : Commission des affaires sociales

2. Une réforme bienvenue de l'ASI
a) Une allocation différentielle au montant maximum découplé du plafond de ressources

Le programme 157 finance également l'allocation supplémentaire d'invalidité (ASI) , versée sous condition de ressources à des personnes soumises à une réduction d'au moins deux tiers de leur capacité de travail ou de gain, titulaires d'une pension de retraite ou d'invalidité 25 ( * ) et ne remplissant pas la condition d'âge pour bénéficier de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa).

À la différence d'autres minima sociaux, le plafond de ressources pour bénéficier de l'ASI diffère du montant maximal pouvant être versé, chacun d'eux étant fixé par décret 26 ( * ) :

- le plafond de ressources , fixé à l'article D. 815-19-1 du code de la sécurité sociale, s'élève en 2019 à 723,25 euros par mois pour une personne seule ;

- le montant maximal , fixé à l'article D. 815-19, est égal à 415,98 euros par mois pour une personne seule en 2019 ; cumulé avec le montant de la pension minimale d'invalidité (289,90 euros), il ne permet pas d'atteindre le plafond de ressources.

Ces montants n'ont évolué qu'avec l'inflation depuis 2009, en application stricte de l'article L. 816-3 du même code. Cependant, étant revalorisés indépendamment l'un de l'autre et non de manière différentielle, leur déconnexion a été croissante avec le temps . En outre, le minimum de ressources des personnes invalides a progressivement décroché des montants de l'AAH et de l'Aspa, lesquelles ont été revalorisés à plusieurs reprises.

Pour un allocataire donné, le montant de l'ASI est égal à la différence entre le plafond de ressources correspondant à la composition du foyer et le revenu initial du foyer, dans la limite du montant maximum. Les allocations logement et les prestations familiales sont exclues du calcul des ressources.

Par ailleurs, les bénéficiaires de l'ASI peuvent bénéficier des mêmes compléments de ressources que les allocataires de l'AAH ( cf. supra ).

Le nombre de bénéficiaires s'élève à 71 632 au 30 juin 2019 , contre 72 243 au 30 juin 2018 27 ( * ) . Ce nombre a diminué progressivement après avoir culminé, en 1985, à 139 200 personnes 28 ( * ) .

b) Une réforme initialement présentée dans le PLFSS

Initialement prévue à l'article 55 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2020, une réforme des modalités de calcul et de gestion de l'ASI a été inscrite à l'Assemblée nationale dans le PLF ( article 78 novodecies ).

Il s'agit :

- d'aligner, à l'instar des règles applicables à d'autres minima sociaux, le niveau de ressources garanti par l'ASI avec le plafond de ressources pour bénéficier de l'allocation ;

- de supprimer le mécanisme de recouvrement sur succession de sommes versées au titre de l'ASI, lequel peut s'avérer désincitatif alors que son rendement est très faible.

Le mécanisme de recouvrement sur succession de l'ASI

En application de l'article L. 815-28 du code de la sécurité sociale, les sommes versées au titre de l'ASI sont récupérées au décès de l'allocataire sur sa succession, si l'actif net successoral est au moins égal au seuil de recouvrement fixé à 39 000 euros.

Les sommes sont récupérées sur la partie de l'actif net qui dépasse le seuil de recouvrement, dans une limite correspondant au montant maximum récupérable par année d'allocation servie qui varie selon le nombre d'allocations dans le ménage 29 ( * ) .

L'organisme qui a payé l'allocation est chargé du recouvrement. L'action en recouvrement se prescrit par cinq ans à partir de la date d'enregistrement de tout document mentionnant la date et le lieu du décès et le nom et l'adresse d'un ayant droit.

Le Gouvernement annonce simultanément une revalorisation exceptionnelle de l'ASI pour porter réglementairement le plafond d'éligibilité à 750 euros à compter des allocations versées en avril 2020 (soit une augmentation de 3,7 %).

L'impact financier de ces mesures a été évalué par le Gouvernement à 11,8 millions d'euros à la charge de l'État en 2020, dont :

- 1,5 million d'euros du fait de la hausse du montant maximal de l'ASI à hauteur de la différence entre le plafond de ressources et le montant minimal de pension d'invalidité ;

- 10 millions d'euros à la suite de la revalorisation du plafond d'éligibilité de l'allocation ;

- 300 000 euros dus à la suppression de la récupération sur succession 30 ( * ) .

D'après les informations fournies à votre rapporteur pour avis, les crédits inscrits dans le texte déposé au titre du programme 157 intégraient une augmentation de 1,6 million d'euros au titre du financement de l'ASI
- soit une hausse de 0,6 %, correspondant à l'effet de l'indexation sur l'inflation couplée à une stabilité du nombre de bénéficiaires.

Par un amendement adopté à l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, 14 millions d'euros supplémentaires ont par la suite été mis au crédit du programme pour financer la réforme et la revalorisation de l'ASI.

Évolution des crédits au titre de l'ASI
et impact des mesures prévues dans le PLFSS pour 2020

(en euros)

LFI 2019

(AE = CP)

PLF 2020

(texte déposé)

PLF 2020

(texte adopté
par l'Assemblée nationale)

Écart
PLF 2020 - LFI 2019

Impact
des mesures annoncées
en PLFSS

254 100 000 €

255 702 457 €

269 702 457 €

15 602 457 €

11 800 000 €

Si les évolutions proposées sont souhaitables et cohérentes avec la récente revalorisation de l'AAH, votre rapporteur pour avis s'interroge donc sur la croissance des crédits proposés pour 2020 au regard de l'évaluation initiale.

En outre, il serait également intéressant de permettre un accès direct à l'AAH aux bénéficiaires d'une pension d'invalidité en modifiant les règles de subsidiarité entre l'AAH et l'ASI , prévues à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale. Actuellement, en effet, les personnes handicapées percevant une pension d'invalidité, avec des ressources mensuelles inférieures à 723,25 euros par mois pour une personne seule et remplissant les conditions pour bénéficier de l'AAH sont aujourd'hui contraintes de demander d'abord l'ASI, auprès de l'organisme chargé de payer la pension d'invalidité, puis l'AAH, auprès de la caisse d'allocations familiales. Ceci complique considérablement les démarches de personnes cumulant par ailleurs les difficultés.

3. Une progression des dépenses en faveur de l'emploi accompagné des personnes handicapées

• Votre rapporteur note avec satisfaction que les crédits dédiés à l'emploi accompagné sont renforcés en 2020 d'une enveloppe supplémentaire de 3 millions d'euros, après un abondement de 5 millions d'euros en 2019, portant le financement de l'État à près de 10 millions d'euros . Cette augmentation s'inscrit dans les engagements de la stratégie nationale pour l'autisme 2018-2022 , lancée le 6 avril 2018, dont l'un des axes vise à favoriser l'inclusion des adultes.

Parallèlement, la participation de l'Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés (Agefiph) est augmentée de 4,4 millions d'euros en 2019 à 6 millions d'euros en 2020, tandis que le Fonds pour l'insertion des personnes en situation de handicap dans la fonction publique (FIPHFP) mobilise un financement de 1,1 millions d'euros pour cette action - soit un financement total de plus de 17 millions d'euros. Leurs modalités de participation sont définies par une convention nationale entre l'État et les deux fonds.

Il convient de rappeler que les crédits ouverts en LFI pour 2018 avaient été sous-consommés : 4,5 millions d'euros avaient été versés aux agences régionales de santé (ARS), chargées de piloter la mise en oeuvre des dispositifs d'emploi accompagné, sur les 4,9 millions d'euros prévus, ce qui s'explique par un déploiement très progressif du dispositif. Cette sous-utilisation des crédits s'expliquerait par le délai nécessaire pour la mise en oeuvre du premier conventionnement en gestion.

L'accompagnement dans l'emploi des personnes handicapées

L'emploi accompagné a été créé par la loi « El Khomri » du 8 août 2016 31 ( * ) . Aux termes de l'article L. 5213-2-1 du code du travail, les travailleurs handicapés nécessitant un accompagnement médico-social pour s'insérer durablement sur le marché du travail peuvent bénéficier d'un dispositif d'emploi accompagné, comportant un volet médico-social et un soutien à l'insertion professionnelle , en vue de leur permettre d'accéder et de se maintenir dans l'emploi rémunéré. Sa mise en oeuvre comprend également un soutien de l'employeur. Il est mobilisé en complément des services, aides et prestations existants (Cap emploi, Pôle emploi, SAMETH 32 ( * ) , etc.).

Le dispositif d'accompagnement est mis en oeuvre, sur décision de la CDAPH, par une personne morale gestionnaire : établissement ou service d'aide par le travail (ESAT), centre de réorientation professionnelle ou centre de pré-orientation (CRP/CPO), service d'accompagnement à la vie sociale (SAVS) ou service d'accompagnement médico-social pour adultes handicapés (SAMSAH) ayant conclu une convention de gestion avec un opérateur du service public de l'emploi (SPE) ; ou toute personne morale, notamment un établissement ou service social ou médico-social (ESMS), ayant conclu une convention avec l'un de ces organisme et un opérateur du SPE.

L'accompagnement repose sur un intervenant unique auprès de la personne et de l'employeur, le conseiller en emploi accompagné , qui offre un soutien individualisé et, en tant que de besoin, un accompagnement continu.

Au 31 décembre 2018, 1 228 personnes étaient entrées en emploi accompagné, dont 1 019 au cours de l'année 2018, ce qui indique un réel décollage de ce dispositif. 72 % d'entre elles étaient sans emploi à leur entrée dans le dispositif 33 ( * ) . Leur accompagnement est assuré par 54 structures gestionnaires.

Les personnes avec des troubles psychiques, des déficiences intellectuelles ou des troubles du spectre autistiques représentaient 80 % des personnes accompagnées fin 2018 34 ( * ) .

• Pour leur part, les établissements et services d'aide par le travail (ESAT) accueillent au total plus de 119 000 travailleurs handicapés. Cette capacité est inchangée depuis 2013 et doit rester stable en 2020, le Gouvernement ayant fait le choix de poursuivre la consolidation du financement des places existantes. Le programme 157 contribue à soutenir ce mode d'exercice d'une activité professionnelle à hauteur de 1,375 milliard d'euros en 2020 à travers l'aide au poste au titre de la garantie de rémunération des travailleurs handicapés (GRTH) admis dans ces établissements (en hausse de 1,24 % par rapport à 2019).

En 2018, le montant de la GRTH a été augmenté via une majoration de l'aide au poste afin de neutraliser l'augmentation de la contribution sociale généralisée (CSG) 35 ( * ) . Le montant de la rémunération garantie est désormais compris entre 55,7 % et 110,7 % du smic , le montant maximal de l'aide au poste versée par l'État aux ESAT ayant augmenté de 50 % à 50,7 % du smic.

La garantie de rémunération des travailleurs handicapés (GRTH)

La GRTH se compose d'une part financée par l'ESAT, aussi appelée « part directe », qui doit être au moins égale à 5 % du smic, et d'une part financée par l'État égale au maximum à 50,7 % du smic. Si la personne exerce une activité à temps partiel, le montant de la rémunération garantie est réduit à due proportion.

Elle est versée dès l'admission en période d'essai du travailleur handicapé à condition qu'un contrat de soutien et d'aide par le travail ait été conclu. Ce contrat conditionne la mise en versement de l'aide au poste par l'Agence de services et de paiement (ASP) à l'ESAT accueillant le travailleur handicapé concerné.

La part prise en charge par les ESAT est laissée à l'appréciation de chaque établissement. En complément, l'aide au poste permet la compensation par l'État d'une partie des charges supportées par les ESAT au titre de la rémunération, des cotisations sociales afférentes, du financement partiel de la formation professionnelle continue et de la prévoyance des travailleurs handicapés admis dans ces établissements et services.

L'attention de votre rapporteur pour avis a été attirée sur l' articulation entre la rémunération directe versée par l'ESAT et l'AAH , celle-ci pouvant neutraliser les mesures mises en place pour améliorer le pouvoir d'achat des travailleurs handicapés. En particulier, de nombreux ESAT ayant tenté de proposer une prime d'intéressement à l'excédent d'exploitation ont constaté que les outils des Caf ne sont pas en mesure de prendre en compte ces dispositifs sans impact sur le calcul de l'AAH, contrairement à ce que prévoit la réglementation 36 ( * ) .

C. LES PERSPECTIVES : L'AAH EST-ELLE SOLUBLE DANS UN REVENU UNIVERSEL D'ACTIVITÉ ?

1. Un minimum social qui répond à des besoins spécifiques

En tant que minimum social, l'AAH est incluse dans la réflexion en cours sur la création d'un revenu universel d'activité (RUA). Dans cette perspective, le Gouvernement s'est fixé une ligne directrice : « l'ensemble des montants dédiés aujourd'hui aux personnes en situation de handicap doit continuer à bénéficier au secteur du handicap ». Ceci ne garantit pas que les bénéficiaires de l'AAH verront leurs droits maintenus à l'issue de la réforme.

En dépit du rapprochement amorcé ces dernières années, l'AAH conserve de nombreuses spécificités par rapport à un minimum social de droit commun , qui tiennent aux besoins particuliers du public visé. Fin 2017, 55 % des allocataires avaient un taux d'incapacité de 80 % ou plus et 45 % avaient un taux d'incapacité compris entre 50 % et 79 % assorti d'une restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi (RSDAE). 17 % étaient salariés, pour la plupart en ESAT 37 ( * ) .

Il s'agit notamment des mécanismes d'abattement , rappelés plus haut, applicables aux revenus de l'allocataire et à ceux du conjoint pour déterminer les ressources prises en compte. En particulier, l'abattement de 80 % sur la part des revenus de l'allocataire inférieurs à 30 du smic brut peut permettre à des personnes lourdement handicapées de bénéficier d'un intéressement à l'exercice d'une activité en milieu ordinaire sur une durée hebdomadaire réduite.

Il est à noter que les indemnités de fonction des élus locaux pourront également se cumuler avec l'AAH dans les mêmes conditions que les rémunérations tirées d'une activité professionnelle, un amendement au projet de loi relatif à l'engagement dans la vie locale et à la proximité de l'action publique ayant été adopté en ce sens au Sénat.

On peut par ailleurs mentionner :

- pour les allocataires travaillant en ESAT, la possibilité de cumuler intégralement la rémunération garantie avec l'AAH tant que le total ne dépasse pas 100 % du smic brut mensuel (1 521,22 euros) pour une personne seule ; au-delà, le montant de l'AAH est réduit à due concurrence ;

- la prise en compte de l'AAH en tant que revenu professionnel pour la détermination de la prime d'activité , sous réserve que les revenus professionnels mensuels de l'allocataire atteignent au moins vingt-neuf fois le smic horaire 38 ( * ) , soit 290,87 euros en 2019.

Les bénéficiaires de l'AAH bénéficient enfin de droits connexes spécifiques, tel le bénéfice de l'obligation d'emploi de travailleurs handicapés (OETH) 39 ( * ) .

2. Des marges d'optimisation du soutien apporté aux personnes handicapées à revenus modestes

Votre rapporteur pour avis est très réservé à l'égard d'une absorption de l'AAH dans le futur RUA et, plus généralement, de la convergence vers le droit commun de prestations qui ont initialement été conçues pour répondre aux besoins de publics spécifiques . En particulier, les économies d'échelle engendrées par la conjugalité peuvent difficilement être évaluées sans considérer la situation de handicap de l'un des membres du couple. Il en est de même de la prise en compte des revenus professionnels, s'agissant de personnes confrontées par construction aux plus grandes difficultés pour s'insérer ou se maintenir dans l'emploi.

En revanche, compte tenu des recoupements entre le handicap et l'invalidité, il semble pertinent d'envisager dans ce cadre une unification de l'AAH et de l'ASI , comme le suggère la Cour des comptes 40 ( * ) . Un tel regroupement permettrait de simplifier les démarches des allocataires, qui sont aujourd'hui contraints de demander l'ASI puis l'AAH quand ils en remplissent les conditions, l'AAH étant subsidiaire par rapport à l'ASI.

Dans le souci d'améliorer la situation des personnes invalides les plus modestes, il serait également intéressant d' inclure les pensions d'invalidité , inscrites dans une logique contributive mais très faibles lorsque l'invalidité survient en début de carrière, dans la réflexion sur la réforme des minima sociaux.

En outre, l'intégration de l'AAH dans cette réflexion peut permettre de corriger certains défauts de l'allocation, qui n'apporte pas à ses bénéficiaires une aide suffisamment individualisée.

L'AAH est une allocation différentielle de nature solidariste, non une prestation compensatoire du coût de la perte d'autonomie ; à ce titre, il est justifié que les ressources du foyer soit prises en compte dans la détermination du droit à l'allocation et de son montant. En revanche, que le niveau du soutien additionnel apporté aux personnes de conditions de vie modestes lorsqu'elles sont en situation de handicap dépende largement de la situation familiale des intéressés , comme tendent à le montrer les calculs de France Stratégie 41 ( * ) , ne répond à aucune logique évidente .

Il en va de même de l'intéressement à l'exercice d'une activité professionnelle par les allocataires de l'AAH. Les règles de cumul entre l'AAH et la prime d'activité 42 ( * ) peuvent avoir des effets contradictoires, comme tend à le montrer le graphique ci-dessous qui montre l'évolution du revenu global d'une personne seule en fonction de ses revenus d'activité exprimés en fractions du smic net.

Un allocataire de l'AAH est fortement encouragé à commencer une activité professionnelle en milieu ordinaire. En effet, les revenus professionnels ne sont pas pris en compte pendant les six premiers mois pour le calcul de l'AAH. Durant cette période, l'allocataire perçoit donc l'intégralité de son AAH. Après six mois, le revenu consolidé du travailleur handicapé peut être significativement réduit.

Note : le smic net mensuel vaut 1 203 euros.

Source : Commission des affaires sociales

Il apparaît que, sous l'effet combiné de l'AAH et de la prime d'activité, la courbe des revenus consolidés du bénéficiaire est presque horizontale à partir de 30% du smic, autour d'un revenu de 1 500 euros net ( cf . graphique ci-dessus). On en déduit qu' après six mois de travail en milieu ordinaire, une personne handicapée bénéficiaire de l'AAH est très peu rétribuée lorsque sa quotité s'approche d'un temps complet , à un niveau de salaire proche du smic. Il convient d'ajouter qu'une telle situation est par nature précaire puisqu'une personne exerçant une activité professionnelle pour une durée de travail supérieure ou égale à un mi-temps, sans rencontrer de difficultés disproportionnées liées au handicap pour s'y maintenir, n'est pas dans une situation compatible avec la reconnaissance d'une RSDAE et ne peut donc plus bénéficier de l'AAH si son taux d'incapacité est inférieur à 80 % 43 ( * ) , ce qui peut paradoxalement mettre en péril son insertion.

Enfin, si votre rapporteur est réservé à l'égard des propositions tendant à supprimer toute prise en compte des revenus du conjoint pour le calcul de l'AAH 44 ( * ) , cette suppression pourrait être envisagée pour les personnes bénéficiant ou ayant bénéficié d'une ordonnance de protection , afin de favoriser l'autonomie des personnes handicapées victimes de violence au sein de leur famille. Un récent rapport de la délégation aux droits des femmes du Sénat a, en effet, fait état d'une surexposition des femmes handicapées aux violences qui peut être aggravée par le manque d'autonomie financière de ces personnes 45 ( * ) . Plus généralement, la prochaine réforme pourrait constituer l'occasion d'introduire une simplification de la prise en compte des situations de rupture familiale , celles-ci entraînant le plus souvent des pertes de ressources préjudiciables aux personnes les plus précaires.

III. DES DÉPENSES D'INCLUSION EN FORTE CROISSANCE, UNE EFFICACITÉ AMÉLIORÉE

Le programme 304 (« Inclusion sociale et protection des personnes ») finance divers dispositifs concourant à la lutte contre la pauvreté et l'exclusion. 83 % des crédits du programme sont dédiés au financement de la prime d'activité.

A. LA PRIME D'ACTIVITÉ EST DEVENUE L'OUTIL PRIVILÉGIÉ DE SOUTIEN DU POUVOIR D'ACHAT DES TRAVAILLEURS MODESTES

La prime d'activité a été introduite par la loi dite « Rebsamen » du 17 août 2015 46 ( * ) , en remplacement de deux dispositifs dont elle est censée remplir simultanément les objectifs : le « RSA-activité » et la prime pour l'emploi. La prime d'activité fut initialement saluée comme mettant fin aux difficultés suscitées par la concurrence de ces deux prestations, dont on déplorait, pour le premier, des taux de recours insuffisants et, pour la seconde, un effet de saupoudrage préjudiciable à son efficacité.

Dans ses nouvelles modalités, la prime d'activité se donne simultanément pour mission de lutter efficacement contre la pauvreté et de fournir une incitation financière au retour à l'emploi des bénéficiaires que pourraient menacer les « trappes à inactivité » 47 ( * ) .

La prime d'activité s'est ainsi utilement éloignée de certains défauts du RSA-activité en s'ouvrant aux jeunes dès leurs dix-huit ans et en entérinant la non prise en compte du patrimoine non producteur de revenus ou encore le principe des « effets figés » 48 ( * ) .

1. Un changement d'échelle accéléré
a) Les mesures intervenues en 2019 : une revalorisation exceptionnelle en réponse à la crise sociale

Les évolutions les plus notables intervenues en 2019 au titre de la prime d'activité sont :

- la revalorisation exceptionnelle de 90 euros , à compter du 1 er janvier 2019 , du montant maximal de la bonification individuelle , passé de 70,49 euros à 160,49 euros 49 ( * ) .

Versé à chaque membre du foyer dont les revenus sont supérieurs à 0,5 smic, le montant du bonus est croissant jusqu'à 1 smic (contre 0,8 smic précédemment) où il atteint son point maximal ; il reste stable au-delà ;

- l'élargissement en conséquence du public éligible et l'amélioration du taux de recours (désormais supérieur à 80 %). Le nombre de foyers allocataires s'élève ainsi à 4,1 millions en mars 2019, soit une hausse de près de 52 % en un an .

En revanche, la prime d'activité n'a pas été revalorisée au 1 er avril à la hauteur de l'inflation, par dérogation à l'article L. 842-3 du code de la sécurité sociale.

Pour mémoire, le montant forfaitaire de la prime d'activité avait été revalorisé de 20 euros et porté à 551,51 euros à compter du 1 er août 2018 . Simultanément, la fraction des revenus professionnels du foyer prise en compte pour le calcul de la prestation est passée de 62 % à 61 % 50 ( * ) .

La création d'une seconde bonification individuelle d'un montant maximal de 30 euros, prévue à l'article 265 de la loi de finances pour 2019, n'a finalement pas été réalisée 51 ( * ) . En effet, à la suite de la crise des « gilets jaunes » et de la promesse du Président de la République d'augmenter le revenu net mensuel des travailleurs rémunérés au niveau du smic de 100 euros, il a été jugé plus efficace d'augmenter le montant maximal de la bonification existante.

De même, il a été décidé de suspendre la suppression de la prise en compte des rentes AT-MP et des pensions d'invalidité comme revenus professionnels dans le calcul du droit à la prime d'activité, initialement prévue dans la loi de finances pour 2018. Cette dernière mesure avait semblé à votre rapporteur pour avis particulièrement contestable 52 ( * ) .

La prime d'activité au croisement de deux logiques d'attribution

La formule de calcul de la prime d'activité emprunte aux deux logiques d'attribution des prestations sociales : la logique familiale et la logique individuelle .

Elle est initialement fondée sur un revenu minimal garanti , égal à un montant forfaitaire individuel dont le montant a été réévalué à 551,51 euros par un décret du 3 octobre 2018, augmenté d'une proportion des revenus professionnels du foyer, fixée par ce même décret à 61 % . Les ressources du foyer sont soustraites à ce revenu minimal garanti, et donnent ainsi le montant de la part familialisée de la prime d'activité .

S'y ajoute le montant de la bonification individuelle définie à l'article D. 843-2 du code de la sécurité sociale. Elle est versée à partir d'un revenu professionnel net égal à 0,5 smic, et croît proportionnellement à ce revenu jusqu'à atteindre un plafond de 160,49 euros à 1 smic net. Elle est constante au-delà.

La formule de la prime d'activité s'établit donc schématiquement comme suit :

Source : Commission des affaires sociales

Cette double logique d'attribution est la conséquence de la double mission initialement conférée à la prime d'activité. Cette prestation est donc au croisement de deux grands types de politique publique, dont la distinction tend à s'estomper : les politiques de lutte contre la pauvreté et les politiques de l'emploi . Traditionnellement, en effet, les politiques de lutte contre la pauvreté s'appuient sur le niveau de vie des foyers alors que les politiques de l'emploi s'intéressent aux situations individuelles.

b) Un calibrage insuffisant en 2020

Pour 2020, l'article 67 du projet de loi de finances prévoit une sous-revalorisation de plusieurs prestations sociales, parmi lesquelles la prime d'activité . Par dérogation à l'article L. 842-3 du code de la sécurité sociale, qui prévoit leur indexation sur l'inflation, le montant forfaitaire de la prime d'activité et le montant maximal de la bonification principale seront ainsi revalorisés de 0,3 % au 1 er avril 2020 , ce qui portera :

- le montant forfaitaire à 553,16 euros ;

- le montant maximal de la bonification individuelle à 160,97 euros.

Au 1 er avril 2020, la formule de calcul de la prime d'activité s'établira donc schématiquement comme suit :

L'évolution des crédits demandés au titre de la prime d'activité est retracée dans le tableau ci-dessous.

(en millions d'euros)

LFI
pour 2018

Exécution

2018

LFI
pour 2019

PLFR pour 2019

PLF
pour 2020

Crédits au titre de la prime d'activité

5 140 M€

5 600 M€

8 800 M€

9 560 M€

9 500 M€

Initialement prévus à 6 milliards d'euros dans le PLF pour 2019, les crédits alloués à la prime d'activité avaient été portés à 8,8 milliards d'euros en nouvelle lecture afin de permettre la revalorisation exceptionnelle du montant maximal de la bonification individuelle. Le montant prévu pour 2020 représente ainsi une hausse de 70 % par rapport aux dépenses de 2018 . Il vaut plus du double des dépenses constatées en 2016 , année du lancement de la prestation.

En outre, une ouverture de crédits supplémentaires de 758 millions d'euros est demandée dans le projet de loi de finances rectificative pour 2019, ce qui porterait le total ouvert pour cette année à près de 9,6 milliards d'euros ... soit un montant supérieur à celui anticipé dans le présent PLF. Il faut donc s'attendre à des dépenses encore nettement plus élevées en 2020.

c) L'évolution de la prime d'activité entre 2018 et 2019 : un effet maximal pour les bénéficiaires proches du smic, des incitations améliorées pour les couples

L'effet de la revalorisation de la prime d'activité au 1 er janvier 2019 diffère selon la composition du foyer bénéficiaire.

Pour une personne seule, l'impact de la revalorisation du montant maximal du bonus est très nettement concentré sur les revenus situés entre 1 et 1,2 smic , comme le montre le graphique ci-après. Cet impact est calculé, toutes choses égales par ailleurs, par la différence entre le montant de la prime d'activité après et avant la revalorisation du bonus, calculé en fonction des paramètres de 2019.

Note : Le smic net mensuel vaut 1 203 euros.

Source : Commission des affaires sociales

L'effort est ainsi porté sur les zones de rémunération considérées comme les plus touchées par le risque de « trappe à inactivité ».

La revalorisation du bonus amortit plus généralement la chute du montant de la prime d'activité au-delà d'un revenu de 0,5 smic, le maximum étant atteint à 0,4 smic, et prolonge son effet jusqu'à 1,4 smic. Dans le cas-type considéré ci-dessous, on prend en compte les allocations logement perçues par le bénéficiaires dans la limite d'un « forfait logement », celui-ci étant déduit du montant de la prime.

Source : Commission des affaires sociales

L'impact de la revalorisation a pu être encore plus marqué pour un couple. Dans le cas type ci-dessous, qui montre la variation de la prime d'activité en fonction de l'évolution du revenu de l'un des membres du couple, lorsque son conjoint est rémunéré au smic, l'effet est maximal autour d'un revenu de 0,7 smic (l'écart dépassant alors 100 euros) et se prolonge jusqu'à 1,2 smic. En effet, à partir de 0,5 smic, le couple perçoit deux bonifications individuelles. Le caractère incitatif de la prime d'activité est, dans ce cas, nettement amélioré.

Source : Commission des affaires sociales

Selon le rapport d'évaluation de la revalorisation exceptionnelle de la prime d'activité remis par le Gouvernement au Parlement en octobre 2019 53 ( * ) , 11 % des foyers bénéficiaires de la prime d'activité percevaient deux bonifications individuelles en mars 2019, contre 7 % en mars 2018.

2. Étude de cas : des incitations variables selon la composition du ménage et la répartition des revenus au sein du foyer

Depuis plusieurs années, la commission des affaires sociales poursuit une analyse de l'efficacité de la prime d'activité au regard de ses différents objectifs (lutte contre la pauvreté, incitation financière à l'exercice d'une activité professionnelle). Ce travail s'avère d'autant plus important au regard de la croissance très importante des dépenses consacrées à cet instrument.

Votre rapporteur avait eu, les années précédentes, l'occasion de s'interroger sur la compatibilité des deux objectifs assignés à la prime d'activité. Les doutes qu'il avait émis concernant l'atteinte conjointe d'un objectif de lutte contre la pauvreté et d'un objectif d'incitation financière à l'activité semblaient confirmés à l'issue des trois premières années d'existence de la prime.

Afin d'illustrer cette ambiguïté, votre rapporteur a choisi de se pencher à nouveau sur quatre cas types de bénéficiaires de la prime d'activité : les célibataires sans enfants , les familles monoparentales , les couples sans enfants et les couples avec deux enfants .

Méthodologie de l'étude

Compte tenu de l'objectif poursuivi - définir la finalité de la prime d'activité et déterminer s'il s'agit surtout d'un minimum social ou d'une incitation financière au retour à l'emploi - l'étude se limite aux revenus corrélés à l'activité du ménage qui les perçoit. Sont ainsi pris en compte les revenus d'activité et les revenus de remplacement dont la détermination intègre pour partie ces revenus d'activité. Ne sont donc pas prises en compte les prestations sociales dont l'attribution n'est pas directement corrélée à l'activité.

La base de ressources servant à l'attribution des revenus de remplacement se compose des revenus d'activité (exprimés en proportion du smic net) et de certaines prestations sociales assimilées à des revenus professionnels. Il s'agit, pour les ménages qui sont locataires de leur logement, d'un forfait sur l'aide personnalisée au logement (APL) perçue, ainsi que d'un forfait sur le complément familial (CF) majoré pour les ménages ayant charge d'enfant et d'un forfait sur l'allocation de soutien familial (ASF) pour les parents isolés. Ces forfaits sont décrits aux articles R. 844-3 et R. 844-4 du code de la sécurité sociale.

Le revenu de solidarité active (RSA) est calculé en tenant compte des différentes majorations de l'article R. 262-1 du code de l'action sociale et des familles en fonction de la composition du foyer. Quant à la prime d'activité (PA) , sa formule de calcul intègre la revalorisation de la bonification individuelle au 1 er janvier 2019. Les montants forfaitaires sont ceux en vigueur au 1 er avril 2019.

Les revenus consolidés , somme de la base de ressources et des revenus de remplacement, intègrent le facteur fiscal, dont les effets sont de deux natures :

- l'application du quotient familial, majoré dans le cas d'une famille monoparentale, et qui permet d'exonérer d'impôt sur le revenu (IR) la plupart des bénéficiaires de la prime d'activité concernés ;

- pour les bénéficiaires célibataires, l'entrée dans la première tranche de l'impôt sur le revenu (au taux d'imposition de 14 %) à partir d'un revenu mensuel net supérieur à 1 217 euros 54 ( * ) .

La comparaison de ces différents montants permet de déterminer l'impact de la prime d'activité, selon l'échelle de revenu sur laquelle son action est la plus forte.

a) Les bénéficiaires célibataires : un soutien au pouvoir d'achat des petits salaires

Le premier cas est celui d'un bénéficiaire célibataire sans enfants de la prime d'activité. Sa base de ressources, en plus de ses revenus d'activité, est augmentée d'un montant forfaitaire au titre des APL perçues. Il est par ailleurs assujetti à l'IR à partir d'un revenu égal à 1,1 smic net.

Source : Commission des affaires sociales

Un premier constat s'impose : les bénéficiaires célibataires, qui constituent la cible majoritaire de la prime d'activité, connaissent grâce à elle une augmentation significative de leur niveau de vie . Une prime d'activité de 130 euros peut ainsi être perçue par un bénéficiaire percevant un revenu équivalant à 1,1 smic, soit nettement supérieur au plafond de revenus du RSA.

Le montant de la prime d'activité est le plus important dans les zones de rémunération où elle assure le relai du RSA. Elle présente ainsi ses niveaux les plus élevés dans la zone comprise entre 0,3 et 0,7 smic, ce qui permet de lisser la sortie du RSA pour les bénéficiaires ayant augmenté leurs revenus professionnels.

C'est toutefois dans la zone comprise entre 0,8 et 1 smic que le gain marginal en termes de revenu disponible s'approche le plus de l'accroissement des revenus professionnels : dans le graphique ci-après, la courbe du revenu disponible est alors presque parallèle à celle des revenus professionnels. À l'intérieur de cette zone, on peut considérer que les travailleurs sont incités à trouver un emploi plus rémunérateur.

En revanche, l'effet incitatif de la prime d'activité se tasse nettement après 1,1 smic, comme l'indique le graphique. Sous l'effet de la ponction subie au titre de l'IR, le gain marginal est ainsi très faible à 1,2 et 1,3 smic , avant de se redresser et de se rapprocher de l'accroissement des revenus professionnels à 1,5 smic.

b) Les familles monoparentales avec un enfant : une prime d'activité légèrement plus incitative, un soutien plus marqué du pouvoir d'achat

Le deuxième cas est celui d'une famille monoparentale avec un enfant . La base de ressources inclut un montant plus important de revenus professionnels assimilés, composés de deux forfaits au titre de l'APL et de l'ASF.

Par rapport à la situation précédente, la prime d'activité d'une famille monoparentale connaît une décélération par rapport aux revenus d'activité plus tardive et atténuée , comme le montre le graphique ci-dessous. Le « point de sortie » de la prime d'activité est, en outre, déplacé après 1,7 smic.

Surtout, la prime d'activité apporte dans ce cas un soutien nettement plus marqué au pouvoir d'achat des petits salaires , avec un montant pouvant dépasser 420 euros pour un revenu professionnel équivalant à 0,6 smic (soit 722 euros net), au-delà du point de sortie du RSA.

Source : Commission des affaires sociales

c) Les couples sans enfants : la prime incite-t-elle à la biactivité ?

Le troisième cas est celui d'un couple sans enfants . Dans ce cas, les montants forfaitaires servant au calcul des revenus minimum garantis ne sont majorés que de 50 %, conformément au postulat des économies d'échelle engendrées par la conjugalité des bénéficiaires de minima sociaux. Cette modalité de calcul peut avoir d'importants effets, dès lors qu'un mécanisme d'incitation financière au retour à l'emploi est arrimé à une base calculée d'après les règles des minima sociaux.

Surtout, du fait de l'importance croissante prise par la bonification individuelle de la prime, son impact varie fortement en fonction de la situation de chacun des membres du couple.

Soit par exemple un couple sans enfants dont aucun des membres ne perçoit de revenus d'activité. Sous l'effet de la prime d'activité, l'incitation est alors nettement plus forte pour l'un des membres du couple à prendre un emploi rémunéré jusqu'à 1 smic qu'en l'absence de prime (et compte tenu du RSA), comme l'indique le graphique ci-dessous (c-1). Le soutien au pouvoir d'achat du couple est en outre important autour de 0,6 smic.

Source : Commission des affaires sociales

L'allure de la courbe est très différente si l'on fait varier les revenus d'un travailleur dont le conjoint est rémunéré au niveau du smic. Le montant de la prime d'activité perçue diminue alors lorsque les revenus professionnels du second travailleur augmentent ( cf . graphique ci-après, c-2) et le complément de revenu apporté par ce dernier s'avère inférieur en présence de la prime d'activité qu'en l'absence de prime. L'effet incitatif de la prime d'activité est alors très faible .

Source : Commission des affaires sociales

Cet effet faiblement incitatif, voire potentiellement désincitatif, s'explique en grande partie par les effets contradictoires de la formule de calcul de la prime d'activité, dont la composante individualisée ne compense pas la diminution de la composante familialisée au-delà d'un revenu d'activité total de 1,1 smic. Cet effet a toutefois été atténué par la revalorisation du bonus au 1 er janvier 2019 ( cf. supra ).

d) Les couples avec deux enfants : la taille du foyer restitue l'effet incitatif de la prime d'activité

Le quatrième cas est celui d'un couple biactif avec deux enfants. Les effets précédemment évoqués dans le cas d'un couple sans enfant s'y trouvent fortement atténués par l'augmentation de la base de ressources sous le double impact de revenus professionnels assimilés plus élevés et de revenus de remplacement majorés ( cf . graphique ci-après).

Source : Commission des affaires sociales

On observe, pour le cas des couples biactifs avec enfants, plusieurs différences par rapport aux couples biactifs sans enfant. La première est un décalage important des effets de la prime vers des niveaux plus importants de rémunération (jusqu'à 1,6 smic pour le travailleur dont le conjoint est rémunéré au smic).

La seconde est un écart plus important entre la courbe de revenu avec et sans prime d'activité. On constate ainsi l' effet plus incitatif de la prime pour une famille avec enfants .

En effet, les couples avec deux enfants bénéficiant d'un montant forfaitaire plus élevé (1 158,17 euros, contre 827,27 euros pour un couple sans enfants), l'effet des deux bonifications individuelles devient alors pleinement opérant. Un couple avec deux smic peut ainsi percevoir une prime d'activité de 277 euros, représentant 10 % de ses revenus consolidés.

Il convient également de mentionner l'application du quotient familial aux revenus fiscaux d'un couple biactif avec enfants. Ce dernier empêche l'entrée dans la première tranche de l'imposition sur les revenus de neutraliser les gains liés à la prime.

e) Conclusions : une amélioration de la compatibilité entre les objectifs de la prime d'activité

La prime d'activité semble être devenue pour le Gouvernement l'un des outils privilégiés de soutien du pouvoir d'achat des travailleurs les plus modestes. Par ailleurs, elle vise plus que jamais à inciter à l'activité de chacun des membres du foyer au moyen d'une bonification individuelle fortement revalorisée en 2019.

Par rapport aux premières années de fonctionnement de la prime d'activité, cette revalorisation semble avoir eu pour effet d'améliorer la compatibilité entre les deux objectifs de lutte contre la pauvreté et d'incitation à l'activité professionnelle. S'agissant du premier objectif, l'impact de la prime d'activité a bien été documenté : en 2016, le taux de pauvreté a ainsi baissé de 0,2 point par rapport à 2015 du fait principalement de la mise en place de cette prestation, selon l'Insee. En pratique, les associations remarquent que la prime touche bien les personnes proches du seuil de pauvreté mais non les personnes qui en sont les plus éloignées. Quant à l'objectif d'incitation à l'activité, l'effet réel sur l'emploi de la prime d'activité reste difficile à quantifier, faute de recul sur cette prestation.

Toutefois, certaines conclusions esquissées les années précédentes demeurent, notamment l' effet plus incitatif de la prime pour les familles monoparentales et les couples avec enfants sous le triple effet multiplicateur de l'augmentation de la base de ressources, du quotient familial et de la majoration du montant forfaitaire. Pour ces familles, il faut cependant prendre en compte un coût du retour à l'emploi qui peut s'avérer élevé (garde d'enfants).

S'agissant des couples, votre rapporteur souligne l' importance de la répartition des revenus au sein du foyer , compte tenu du poids croissant de la bonification individuelle.

Ces facteurs expliquent que la prime d'activité ait un effet faiblement incitatif pour certains couples sans enfant, bien que celui-ci ait été amélioré par la revalorisation du bonus. Quant aux célibataires sans enfants, l'étude révèle un net tassement de l'effet incitatif de la prime au-delà de 1,1 smic.

Une interrogation demeure donc quant à l'incitation de la prime à la biactivité , bien que la situation se soit améliorée en 2019. Selon l'évaluation par le Gouvernement de la revalorisation exceptionnelle de la prime d'activité, les couples biactifs percevaient un montant moyen de prime d'activité de 164 euros en mars 2019, alors que le montant moyen versé à l'ensemble des foyers bénéficiaires était de 186 euros.

Enfin, l'articulation entre les deux principales prestations financées par la mission « Solidarité » doit être examinée dans la perspective de la refonte des minima sociaux, les personnes concernées par le cumul de l'AAH et de la prime d'activité étant très peu rétribuées si leur salaire augmente après six mois en milieu ordinaire ( cf. supra , II).

Le rapport du Gouvernement précité fait état d'un recours amélioré à la prime d'activité, y compris pour des montants réduits. Ainsi, parmi les 1,25 million de foyers allocataires supplémentaires estimés en mars 2019, 550 000 sont des nouveaux éligibles, qui n'avaient pas de droits versables à la prime avant la réforme ; pour 57 % de ces foyers nouvellement éligibles, les revenus d'activité nets sont supérieurs à 1 500 euros par unité de consommation du foyer, alors que ce n'était le cas que pour 5 % des allocataires avant la réforme. Ceci a entraîné une modification du profil des bénéficiaires de la prime d'activité . Entre mars 2018 et mars 2019, la part de foyers bénéficiaires dont les revenus sont compris entre 1 250 et 2 000 euros par mois a augmenté de 39 % à 55 %. Les couples sont également plus représentés parmi les nouveaux recourants nouvellement éligibles.

Au prix d'un effort budgétaire élevé, la prime d'activité est devenue une prestation majeure. La poursuite de l'amélioration du taux de recours permettra à la fois de mieux anticiper son impact financier et d'en mesurer plus exactement les effets.

B. LE RSA OCCUPE UNE PLACE CROISSANTE AU SEIN DU PROGRAMME

Bien que le revenu de solidarité active (RSA) relève des conseils départementaux, le programme 304 participe à son financement. En effet :

- depuis sa création au 1 er septembre 2010, le « RSA jeune actif » est entièrement financé par l'État ;

- le financement du RSA a été recentralisé pour les départements de la Guyane et de Mayotte en 2019.

1. La recentralisation du RSA à La Réunion

Conformément aux annonces du Président de la République lors de son déplacement en Guyane d'octobre 2017, la loi de finances pour 2019 a recentralisé la compétence relative à l'attribution et au financement du RSA pour la collectivité territoriale de Guyane et le département de Mayotte 55 ( * ) . Les compétences relatives à l'instruction, l'attribution et l'orientation des bénéficiaires sont déléguées de droit à la Caf de Guyane et à la caisse de sécurité sociale de Mayotte. Des frais de gestion supplémentaires leur sont versés au titre de l'exercice de ces nouvelles compétences.

Afin de pouvoir financer intégralement le service de la prestation sur ces territoires, l'État a procédé à la reprise des financements historiques et des ressources d'accompagnement au titre des dépenses du RSA pour la collectivité de Guyane et le département de Mayotte à compter du 1 er janvier 2019.

Pour 2020, l'article 25 du projet de loi de finances prévoit une recentralisation du RSA à La Réunion . À compter du 1 er janvier, la Caf de La Réunion exercera les compétences d'instruction et d'attribution du droit. Comme en Guyane et à Mayotte, des frais de gestion supplémentaires lui seront versés. L'article 25 prévoit en outre une recentralisation du revenu de solidarité (RSO) en Guyane et à La Réunion 56 ( * ) .

Les crédits demandés au titre de 2020 prévoient un montant de 183,2 millions d'euros pour le financement du RSA recentralisé en Guyane et à Mayotte ainsi que du RSO en Guyane, contre 170,8 millions d'euros en 2019, soit une hausse de 7,3 %. Selon les informations fournies à votre rapporteur, le montant des prestations versées, de janvier à septembre 2019, au titre du RSA en Guyane et à Mayotte atteint 128,3 millions d'euros, soit 75,1 % des crédits ouverts en LFI 2019.

Évolution du nombre de bénéficiaires du RSA en Guyane et à Mayotte

S'agissant de la recentralisation du RSA et du RSO à La Réunion, 665,7 millions d'euros sont portés au crédit du programme 304. Cette nouvelle compétence est financée à hauteur de 607,4 millions d'euros par la reprise des recettes précédemment affectées au département de La Réunion. La compensation pour l'État devra faire l'objet d'ajustements ultérieurs, en loi de finances, afin d'arrêter le montant du droit à compensation définitif après avis de la commission consultative sur l'évaluation des charges.

Si elles se justifient par les difficultés rencontrées par les collectivités concernées, ces recentralisations peuvent être vues comme une expérimentation implicite d'une reprise en main plus large des minima sociaux par l'État , notamment dans la perspective de la création du RUA. Leur mise en oeuvre devrait donc faire l'objet d'un suivi attentif.

2. Des interrogations sur le « RSA jeune actif »

À sa création en 2009, le RSA s'adressait aux personnes âgées d'au moins 25 ans ou assumant la charge d'au moins un enfant né ou à naître.

À compter du 1 er septembre 2010, il a toutefois été étendu aux personnes de moins de 25 ans sans enfant, sous réserve de justifier de deux ans d'activité en équivalent temps plein au cours des trois années précédant la demande 57 ( * ) . Les périodes de chômage sont prises en compte dans la limite de six mois, de telle sorte que l'examen des conditions d'activité peut être examiné sur un maximum de trois ans et six mois. Pour les travailleurs indépendants, la condition d'activité est appréciée par référence au montant du chiffre d'affaires, qui doit atteindre un minimum variable selon le secteur d'activité 58 ( * ) .

Du fait de ces conditions très restrictives, le nombre de bénéficiaires de ce « RSA jeune actif » n'a cessé de diminuer depuis sa création (sauf entre 2014 et 2015). Cette baisse s'est nettement accélérée depuis 2016 ( cf . tableau ci-après). Elle semble s'expliquer par la création de la prime d'activité, ouverte à toute personne majeure non étudiante 59 ( * ) , mais aussi de la Garantie jeunes.

La Garantie jeunes

Relevant de la mission « Travail et emploi », la Garantie jeunes s'adresse aux jeunes de 16 à 25 ans, en situation de précarité et qui ne sont ni en emploi, ni en formation, ni en études 60 ( * ) . Elle consiste en un accompagnement vers l'emploi par les missions locales dans le cadre du parcours contractualisé d'accompagnement vers l'emploi et l'autonomie (PACEA), assorti d'une aide financière.

Accordée pour une durée d'un an renouvelable et d'un niveau équivalent au RSA, elle cible donc sensiblement le même public que le RSA jeune actif avec des conditions plus larges (il n'est pas nécessaire d'avoir travaillé pour en bénéficier). Après une période d'expérimentation dans plusieurs départements, la Garantie jeunes a été généralisée à toute la France au 1 er janvier 2017 61 ( * ) .

En 2019, les missions locales se sont engagées pour l'accompagnement de 100 000 jeunes bénéficiaires et cet objectif est reconduit en 2020.

Évolution du nombre de bénéficiaires du « RSA jeune actif »
et des crédits alloués à la prestation

Année

Crédits
ouverts en LFI

(en euros)

Dépenses
de prestation

(en euros)

Nombre de bénéficiaires

2011

75 000 000

25 907 769

9 172

2012

69 000 000

24 698 024

8 996

2013

27 000 000

24 183 153

8 150

2014

26 000 000

23 340 670

7 684

2015

26 000 000

23 092 433

7 694

2016

14 000 000

9 222 984

1 645

2017

10 000 000

5 789 376

1 028

2018

5 400 000

4 761 475

707

2019

1 700 000

NC

NC

Source : Questionnaire budgétaire / Cnaf et Caisse centrale de la MSA

Pour 2020, les crédits prévus au titre du RSA jeune actif s'élèvent à 4,5 millions d'euros , soit une hausse de 165 %. Votre rapporteur s'interroge sur l'hypothèse retenue pour 2020 alors que le nombre de bénéficiaires, désormais très réduit, aurait continué de diminuer en 2019.

Surtout, compte tenu de sa faible audience et de sa concurrence avec d'autres instruments, il est permis de s'interroger sur la pertinence de ce dispositif , qui ne semble pas avoir été développé de manière à être effectivement utilisé. Cette exclusion de fait des jeunes du principal minimum social semble de plus en plus fragile au regard du principe constitutionnel d'égalité.

L'ouverture aux jeunes adultes des minima sociaux est cependant un exercice complexe qui suppose de parvenir à cibler les jeunes de conditions de vie modestes, ceux-ci pouvant de surcroît constituer un public en grande rupture. De ce fait, les modalités de l'ouverture aux moins de 25 ans du futur RUA représentent un enjeu important qui fait l'objet d'une attention particulière de la part des acteurs de la solidarité.

C. MINEURS NON ACCOMPAGNÉS : UNE IMPLICATION PLUS FORTE DE L'ÉTAT RESTE ATTENDUE

1. Des dépenses qui explosent malgré un coût par mineur évalué en diminution

Le phénomène en accroissement continu de l'arrivée sur le territoire national de personnes se présentant comme mineurs non accompagnés (MNA) pose depuis plusieurs années un problème financier inédit .

Bien que relevant de la compétence départementale au titre de l'aide sociale à l'enfance (ASE), la prise en charge sociale des MNA doit nécessairement être précédée d'une phase d'évaluation de leur minorité et, partant, d'un hébergement d'urgence . Cette première étape de leur arrivée sur le territoire national, qui peut durer plusieurs semaines en fonction des délais de vérification de la minorité du jeune, fait l'objet d'un conflit de compétence entre l'État et les départements . Pour ces derniers, cette phase devrait en effet relever de l'État au titre de la politique migratoire.

Les crédits portés par les lois de finances depuis 2016 ont l'ambition d'alléger la charge des départements relative à cette phase d'évaluation de la minorité et de l'hébergement d'urgence. L'estimation de son coût global, en raison des délais variables et du défaut de consolidation des coûts, n'est pour l'heure possible que par déduction.

Estimation de la prise en charge de l'évaluation
et de l'hébergement d'urgence

2016

2017

2018

Coût de la prise en charge globale des MNA

(estimation de l'ADF 62 ( * ) )

1 milliard d'euros

1,25 milliard d'euros

2 milliards d'euros

- coût de la prise en charge au titre de l'ASE

(chiffres de la MMNA 63 ( * ) )

402,7 millions d'euros

(50 000 euros x 8 054 MNA)

745,4 millions d'euros

(50 000 euros x 14 908 MNA)

851,1 millions d'euros

(50 000 euros x 17 022 MNA )

= coût de la prise en charge de l'évaluation et de l'hébergement d'urgence

597,3 millions d'euros

504,6 millions d'euros

1 148,9 millions d'euros

Nombre d'évaluations

20 000

25 000

60 000 64 ( * )

Coût de l'évaluation

29 865 euros/an

82 euros/jour

20 184 euros/an

55,3 euros/jour

19 148 euros/an

52,46 euros/jour

Sources : ADF, MMNA, Commission des affaires sociales

À partir de l'estimation du coût global donnée par l'ADF, deux constats peuvent être tirés :

- le coût de l'évaluation et de l'hébergement d'urgence de tous les jeunes migrants se présentant comme mineurs reste extrêmement élevé , ce qui requiert une participation de l'État ;

- ce coût continue toutefois de diminuer en 2018, illustrant probablement la mobilisation de solutions d'hébergement plus efficientes .

Le nombre escompté de MNA à prendre en charge en 2019 n'est pas encore connu. L'ADF estime à 40 000 le nombre de MNA fin 2018 (dont 10 000 jeunes en accueil provisoire).

2. Une réforme de la participation financière de l'État
a) Un nouveau mode de calcul pour la participation forfaitaire de l'État

Un protocole d'accord conclu le 31 mai 2013 a initialement prévu la prise en charge par l'État d'une partie des dépenses supportées par les départements au titre de la période d'évaluation, à hauteur de 250 euros par jeune et par jour, dans la limite des cinq jours de recueil administratif provisoire prévus par le code de l'action sociale et des familles.

Cet accord a été consacré par la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfance 65 ( * ) puis le décret du 24 juin 2016 pris pour son application 66 ( * ) . Ces dispositions ont été appliquées aux évaluations réalisées jusqu'au 31 décembre 2018.

À la suite du nouvel accord intervenu le 17 mai 2018 entre le gouvernement et l'ADF , des réformes visant à renforcer l'appui de l'État aux départements dans l'exercice de leurs missions d'accueil des personnes se présentant comme MNA ont été engagées.

Le renforcement de l'appui opérationnel de l'État aux départements dans l'exercice de leurs missions d'évaluation de l'isolement et de la minorité des personnes se présentant comme MNA s'est traduit par la mise en place, conformément à la loi « Asile et immigration » du 10 septembre 2018 67 ( * ) , d'un outil d'aide à l'évaluation de la minorité (AEM), qui vise à éviter les présentations multiples, dans des départements différents, de personnes qui auraient déjà bénéficié d'une évaluation. Ce nouvel outil s'accompagne d'une mobilisation renforcée des préfectures pour communiquer aux départements les informations éventuellement connues des services de l'État et relatives à l'état civil de la personne se présentant comme MNA. L'objectif est de faciliter et de fiabiliser l'évaluation, par les départements, de la situation de ces personnes.

Dans le même sens, la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) a engagé la refonte de l'arrêté du 17 novembre 2016 fixant le référentiel national prévu à l'article R. 221-11 du code de l'action sociale et des familles, pour favoriser une harmonisation et une convergence vers les meilleures pratiques.

Sur le plan financier, le Gouvernement s'est engagé à renforcer la participation forfaitaire de l'État aux dépenses engagées par les conseils départementaux au titre de la mise à l'abri et de l'évaluation de ce public. Le nouveau barème a été établi en concertation avec l'ADF. Il prévoit, pour les évaluations réalisées à compter du 1 er janvier 2019 :

- une prise en charge de 500 euros par jeune au titre de l'évaluation sociale et d'une première évaluation de ses besoins en santé ;

- au titre de la mise à l'abri, 90 euros par jeune et par jour dans la limite de quatorze jours, puis 20 euros par personne et par jour dans la limite de neuf jours complémentaires ,

- soit un montant maximum de 1 940 euros par jeune , contre 1 250 euros sous le régime antérieur 68 ( * ) .

b) La reconduction de la contribution exceptionnelle de l'État aux dépenses d'aide sociale à l'enfance

L'aggravation notable du phénomène en 2017 a conduit l'État à apporter, en 2018, une contribution exceptionnelle aux dépenses d'ASE des départements ayant accueilli un nombre supplémentaire de MNA au 31 décembre 2017 par rapport au 31 décembre 2016 69 ( * ) . Ce montant a été fixé à 12 000 euros par jeune supplémentaire pris en charge par l'ASE, le total dépensé s'élevant à 96,2 millions d'euros (sur une enveloppe initiale de 66,8 millions d'euros), correspondant à la présence de 8 005 mineurs supplémentaires fin 2017 par rapport à la fin 2016.

Cette contribution partielle de l'État aux dépenses de l'ASE a été reconduite en 2019 suivant des modalités moins favorables 70 ( * ) . Elle est ainsi tombée à 6 000 euros par jeune pour 75 % des jeunes supplémentaires pris en charge par l'ASE au 31 décembre 2018 par rapport au 31 décembre 2017. Une enveloppe totale de 67,2 millions d'euros est prévue pour 2019 à ce titre ; la prévision de dépenses ne serait cependant que de 34 millions d'euros .

Pour 2020, le Gouvernement indique que cette contribution exceptionnelle de l'État sera une nouvelle fois reconduite, le mode de calcul arrêté en 2018 ayant été présenté comme pérenne. Au total, 162 millions d'euros sont prévus dans le PLF au titre des mineurs non accompagnés , ce qui inclut à la fois la participation forfaitaire aux dépenses d'évaluation et de mise à l'abri (à hauteur de 115 millions d'euros) et la contribution exceptionnelle aux dépenses d'ASE (à hauteur de 47 millions d'euros) - soit une hausse de 20,8 millions d'euros par rapport à 2019.

Évolution des crédits demandés au titre des mineurs non accompagnés

(en millions d'euros)

LFI
pour 2018

Exécution 2018

LFI
pour 2019

PLF
pour 2020

Crédits demandés et dépenses au titre des MNA

132

145,1

141,2

162

Les départements attendent une participation accrue de l'État au financement de l'accueil et de l'accompagnement des MNA au titre de la protection de l'enfance. En 2018, la participation de l'État n'a représenté au total que 7 % des dépenses engagées pour cette politique.

Le Gouvernement a cependant fait droit à une demande des départements en annonçant, le 6 novembre dernier, que dès janvier 2020 une modification réglementaire ferait reposer la répartition des MNA sur un critère de population générale et non plus sur celui de la population âgée de moins de 19 ans de la collectivité.

c) La création d'un programme spécifique dédié à l'évaluation et l'hébergement d'urgence des mineurs non accompagnés

L'Assemblée nationale a adopté, contre l'avis du Gouvernement, sept amendements identiques émanant de plusieurs groupes (La République en Marche, Les Républicains, UDI, Agir et Indépendants, Liberté et Territoires) tendant à créer, au sein de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », un programme spécifique consacré à l'évaluation et à l'hébergement d'urgence des MNA, le montant transféré (162 millions d'euros) étant égal à celui demandé par le Gouvernement au titre de cette politique dans le cadre du programme 304. Elle est toutefois revenue sur ce vote, à l'initiative du Gouvernement, dans le cadre d'une seconde délibération.

La nécessaire responsabilité de l'État dans la prise en charge d'un phénomène migratoire dont l'incidence sera durable sur la protection de l'enfance justifie pour votre rapporteur la création d'un programme identifié au sein de la loi de finances .

Votre rapporteur pour avis propose donc à nouveau la création d'un tel programme, crédité de 162 millions d'euros, soit le montant inscrit dans le PLF au titre de cette politique. Il est rappelé que le Sénat avait adopté, à l'initiative de votre rapporteur, un amendement au PLF pour 2019 allant dans le même sens, lequel avait été supprimé à l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.

D. LA STRATÉGIE DE PRÉVENTION ET DE LUTTE CONTRE LA PAUVRETÉ MOBILISE LES DÉPARTEMENTS

1. Les éléments de la stratégie

La stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes , lancée par le Président de la République le 13 septembre 2018, porte une double ambition :

- la prévention, afin que les enfants pauvres d'aujourd'hui ne soient pas les adultes pauvres de demain ;

- l'émancipation sociale par l'activité et le travail.

Elle s'articule autour de cinq engagements :

- l'égalité des chances dès les premiers pas pour rompre la reproduction de la pauvreté ;

- garantir au quotidien les droits fondamentaux de tous les enfants ;

- un parcours de formation garanti pour tous les jeunes ;

- assurer l'émancipation sociale par l'activité ;

- rendre les minima sociaux plus simples, plus lisibles et plus incitatifs à l'activité.

La traduction budgétaire de ces engagements dépasse largement les stricts contours de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » et s'inscrit dans une vision résolument interministérielle 71 ( * ) . Au sein du programme 304, l'action n° 19 a toutefois été dédiée à la stratégie interministérielle de prévention et de lutte contre la pauvreté.

Coordonnée par un délégué interministériel, elle est mise en oeuvre dans les territoires sous l'égide des préfets de région , auprès desquels sont nommés, depuis le 2 septembre 2019, dix-huit hauts-commissaires, dans le cadre de conférences régionales nourries par les travaux de quinze groupes de travail par région, et d'une contractualisation entre l'État et les collectivités territoriales chefs de file, en particulier les départements .

2. La mise en oeuvre de la stratégie en 2019
a) La concrétisation du processus de contractualisation avec les départements

La contractualisation d'appui à la lutte contre la pauvreté et d'accès à l'emploi s'établit avec les départements, chefs de file en matière d'action sociale, et certaines métropoles. La collectivité cofinance, à hauteur d'un minimum de 50 %, chacune des actions de la convention.

L'action 19 du programme 304 finance ainsi cette démarche à hauteur de 135 millions d'euros en 2019 , comprenant les crédits liés au fonds d'appui aux politiques d'insertion (FAPI). Créé par la loi de finances pour 2017 72 ( * ) , ce dernier vise à apporter un soutien financier aux départements qui s'engagent à renforcer leurs politiques d'insertion dans un cadre contractuel.

Les mesures qui en constituent le socle sont les suivantes :

- prévenir toute « sortie sèche » pour les jeunes sortant de l'ASE ;

- mettre l'accent sur l' insertion des bénéficiaires du RSA ;

- généraliser les démarches de premier accueil social inconditionnel de proximité et de référent de parcours .

Dans certains territoires, sont également financés la création ou le renforcement de maraudes mixtes associant les compétences de l'État en matière de logement, d'hébergement et de scolarisation et les compétences d'action sociale et de protection de l'enfance des départements, ainsi que le renforcement ou la création d'actions de terrain relevant de la prévention spécialisée.

Des actions, venant s'ajouter aux objectifs cités précédemment, sont également consacrées à des initiatives portées par les départements.

La quasi-totalité des départements (à l'exception des Yvelines et des Hauts-de-Seine, ainsi que de la collectivité d'outre-mer de Saint-Barthélémy) et certaines métropoles (Nantes et Toulouse) sont signataires d'une convention d'appui à la lutte contre la pauvreté et l'accès à l'emploi. Les conventions sont signées pour une durée de trois ans et feront l'objet d'un avenant annuel destiné à fixer le montant.

b) Quelques mesures d'investissement social

Outre la contractualisation, la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté porte des mesures d'investissement social à hauteur de 16 millions d'euros .

La mise en place des petits-déjeuners gratuits à l'école a bénéficié à plus de 100 000 élèves dès septembre 2019. À cette fin, un transfert de crédits d'un montant de 3 millions d'euros a été effectué à destination du programme 230 (« Vie de l'élève »), sous la responsabilité du ministère de l'éducation nationale et de la jeunesse. Cette mesure fera l'objet d'un complément de crédits par voie de transfert d'un montant de 2 millions d'euros.

En outre, les communes de moins de 10 000 habitants sont incitées à mettre en place une tarification sociale pour l'accès à la cantine : l'Agence de services et de paiement (ASP) verse une aide de deux euros par repas facturé à un tarif inférieur ou égal à un euros au sein d'un barème qui doit contenir au moins trois tarifs distincts. Le soutien de l'État bénéficie aussi aux communes et intercommunalités éligibles qui ont déjà mis en place une tarification sociale. À terme, la mesure a pour objectif de financer 140 repas par an pour 70 000 élèves dans les collectivités éligibles.

On peut également mentionner la généralisation des points conseil budget (PCB) avec, à terme, le déploiement de 400 structures dotées d'un forfait financier de 15 000 euros par an.

Il convient enfin d'ajouter 4 millions d'euros par an (2019-2022) pour le financement des points d'accueil écoute jeunes, portés par l'action 17 (« Protection et accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables ») du programme 304.

3. En 2020, une montée en charge de la contractualisation

En 2020, une enveloppe de 171 millions d'euros sera consacrée à la deuxième année de la contractualisation avec les collectivités territoriales chefs de file. Celle-ci inclut les crédits issus de la suppression du FAPI , représentant une enveloppe de 50 millions d'euros.

Considérant que le partenariat rénové entre l'État et les départements rend obsolète le cadre déterminé par l'article 89 de la loi de finances pour 2017, un amendement adopté par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement a en effet abrogé ces dispositions ( article 78 vicies du PLF ).

Par ailleurs, des mesures d'investissement social continuent à être financées en dehors du cadre contractuel à hauteur de 44 millions d'euros .

Au total, 215 millions d'euros seront ainsi consacrés à l'action 19 en 2020, après 151 millions d'euros en 2019.

Votre rapporteur estime que l'accent mis sur l'enfance de cet ensemble de mesures doit être salué car il marque l'ambition de cette stratégie de prendre le problème de la pauvreté à la racine. Le caractère épars de ces mesures peut toutefois susciter des doutes quant à leur impact réel. En outre, l'action 19 comportant peu de mesures monétaires mais principalement des mesures structurelles de long terme, elle n'a pas d'incidence directe sur le taux de pauvreté.

La volonté d'établir un rapport de confiance , en portant avec les acteurs territoriaux des objectifs dont les modalités de mise en oeuvre font l'objet d'une contractualisation, doit également être relevée. La création et l'animation par la délégation interministérielle d'un espace numérique de travail partagé avec les territoires peut à cet égard être mentionnée.

Toutefois, comme le rapporte l'ADF, plusieurs départements ont vu leurs relations avec l'État se durcir depuis le début du processus de contractualisation dans la mesure où des indicateurs nouveaux construits sans concertation, portant notamment sur les sorties de l'ASE, leur auraient été imposés. Plus généralement, la tendance à la contractualisation des politiques sociales est considérée avec inquiétude par les collectivités, lesquelles y voient le signe d'une volonté de recentralisation de la part du Gouvernement.

Il convient également de souligner l'effort considérable qui reste à la charge des départements , l'ADF avançant un montant total de 11 milliards d'euros pour 2019. Les dépenses supplémentaires exposées par les départements au titre de la stratégie pauvreté dans le cadre de la contractualisation ne sont exclues des dépenses réelles de fonctionnement prises en compte au titre du « Pacte de Cahors » 73 ( * ) que dans la limite du financement apporté par l'État.

Enfin, certains acteurs de terrain s'interrogent sur la cohérence de ces mesures avec l'ensemble de l'action gouvernementale, du gel des APL à la réforme de l'assurance chômage. Cette dernière représente également un point d'inquiétude majeur pour les départements, qui craignent qu'elle se traduise par une entrée beaucoup plus rapide des chômeurs dans le RSA et, in fine , par un transfert de l'assurance chômage vers des dépenses d'aide sociale.

Les contours du service public de l'insertion

La réforme annoncée du service public de l'insertion (SPI) illustre la volonté du Gouvernement de supprimer les cloisons et de fluidifier les parcours entre les politiques de lutte contre la pauvreté, l'accompagnement des bénéficiaires de minima sociaux et les politiques de l'emploi.

Cinq lignes directrices constituent le cadre de la concertation lancée le 9 septembre 2019, menée sous l'égide du ministère du travail et du ministère des solidarités et de la santé :

1. « L'activité d'abord » : priorité au retour à l'activité pour tous et sur l'ensemble du territoire.

2. « Universalité » : il s'agit de construire un dispositif dépassant les logiques statutaires.

3. « Efficacité » : priorité à des solutions d'accompagnement qui ont fait leur preuve dans un cadre d'évaluation partagé.

4. « Proximité » : chaque personne ayant besoin d'un accompagnement pourra identifier son SPI, qui devra concilier les dimensions « emploi » et « social ».

5. « Adaptabilité » : le SPI devra répondre aux particularités et aux choix de chaque allocataire, mais aussi proposer des services adaptés aux entreprises.

Comme l'a annoncé le Président de la République lors de la présentation de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, la création du SPI marquerait un réinvestissement par l'État du champ de l'insertion.

Avec le revenu universel d'activité, le SPI devrait constituer le second pilier d'une réforme annoncée pour 2020.

4. Le lancement de la stratégie de prévention et de protection de l'enfance

Le 14 octobre 2019, soit après le dépôt du PLF, Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, a présenté une stratégie de prévention et de protection de l'enfance pour la période 2020-2022 .

Là encore, le Gouvernement a choisi, pour déployer cette stratégie, une méthode de contractualisation pluriannuelle entre l'État et les départements. Cette contractualisation reposera sur quatre engagements assortis d'objectifs précis et d'indicateurs de résultats :

- « agir le plus précocement possible pour répondre aux besoins des enfants et de leurs familles » ;

- « sécuriser les parcours des enfants protégés et prévenir les ruptures » ;

- « donner aux enfants les moyens d'agir et garantir leurs droits » ;

- « préparer leur avenir et sécuriser leur vie d'adulte ».

Pour permettre la mise en oeuvre de ce processus, 30 millions d'euros supplémentaires ont été crédités, par un amendement adopté à l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, au titre de l'action 17 (« Protection et accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables ») du programme 304.

Cette ouverture de crédits appelle deux commentaires de votre rapporteur pour avis :

- d'une part, le montant inscrit au titre de la mission ne permet pas de retracer les 80 millions d'euros annoncés pour 2020 lors du lancement de la stratégie. En effet, selon les annonces du ministère des solidarités et de la santé, 30 millions d'euros inscrits dans le PLFSS doivent compléter 50 millions d'euros financés par le budget de l'État. Or, l'organisation d'un bilan de santé obligatoire pour chaque enfant entrant dans le dispositif de protection de l'enfance, prévue à l'article 35 du PLFSS pour 2020, sera financée par l'assurance maladie mais son impact sur les finances de la sécurité sociale serait nul la première année 74 ( * ) ;

- d'autre part, la méthode choisie semble corroborer les inquiétudes des départements quant à la généralisation de la méthode contractuelle, qui se veut fondée sur la confiance et le dialogue mais pourrait se traduire par une nouvelle forme de tutelle de l'État.

S'agissant du contenu de la stratégie, les associations regrettent l'absence de mesures d'ambition en faveur des jeunes majeurs sortant des dispositifs de protection de l'enfance : seules trois actions sont destinées à ces jeunes, qui reposent principalement sur l'accès au logement.

IV. LE LENT DÉPLOIEMENT DU PARCOURS DE SORTIE DE LA PROSTITUTION

En dépit des ambitions affichées par le Gouvernement en matière d'égalité entre les femmes et les hommes et de lutte contre les violences faites aux femmes, l'examen des crédits du programme 137 montre, une nouvelle fois, une stabilité à l'euro près entre 2019 et 2020 .

Les crédits demandés pour 2020 dans le texte déposé s'élevaient en effet à 29 845 831 euros, après 29 871 581 euros en 2019, la baisse nominale de 25 750 euros résultant d'une mesure de périmètre 75 ( * ) . À l'Assemblée nationale, un amendement du Gouvernement a toutefois rétabli ces 25 750 euros dans le budget du programme.

Il convient de rappeler que, malgré son intitulé, le programme 137 n'a pas vocation à rassembler toutes les mesures gouvernementales prises en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes 76 ( * ) . L'ensemble des missions budgétaires, chacune selon la politique publique touchée, a vocation à remplir cet objectif.

On peut cependant relever une baisse de 40 % de l'enveloppe dédiée à l'aide financière à l'insertion sociale et professionnelle des personnes engagées dans le parcours de sortie de la prostitution ( AFIS ), de près de 2 millions d'euros en 2019 à 1,2 million d'euros en 2020 .

L'aide financière à l'insertion sociale et professionnelle
des personnes engagées dans le parcours de sortie de la prostitution (AFIS)

Créée par la loi du 13 avril 2016 77 ( * ) , l'AFIS est prévue à l'article L. 121-9 du code de l'action sociale et des familles. Ses modalités de mise en oeuvre sont fixées par décret 78 ( * ) .

Cette aide concerne les personnes engagées dans le parcours de sortie de la prostitution et d'insertion sociale et professionnelle. Les bénéficiaires doivent justifier de ressources mensuelles, au sein du foyer, inférieures au montant forfaitaire du RSA 79 ( * ) et ne doivent pouvoir prétendre ni au RSA, ni à l'allocation pour demandeur d'asile (ADA). Le montant de l'allocation s'élève à 330 euros pour une personne célibataire sans enfant (cas de 74 % des bénéficiaires au 31 décembre 2018) et à 432 euros pour une personne avec un enfant à charge 80 ( * ) (21 %).

D'après les explications fournies à votre rapporteur, la montée en charge de l'AFIS se fait de manière plus lente que prévu en raison des délais nécessités par l'objectivation du phénomène au niveau local, la mise en place de commissions chargées de rendre un avis sur les demandes d'engagement dans un parcours de sortie de la prostitution et la procédure d'agrément des associations participant au dispositif par les services de l'État. La mise en place de cette aide s'est par ailleurs initialement heurtée à des difficultés juridiques en matière de droit des étrangers. Ses crédits ont ainsi été largement sous-consommés, ce qui justifie leur recalibrage ( cf . tableau ci-dessous).

Évolution des crédits demandés au titre de l'AFIS

(en millions d'euros)

LFI
pour 2018

Exécution 2018

LFI
pour 2019

PLF
pour 2020

Crédits demandés et dépenses au titre de l'AFIS

2,400 M€

0,645 M€

1,980 M€

1,188 M€

Selon l'enquête « flash » menée par le service des droits des femmes et de l'égalité (SDFE) auprès des déléguées départementales des droits des femmes et de l'égalité entre les femmes et les hommes sur la mise en oeuvre du parcours de sortie de la prostitution, au 31 mars 2019 :

- 62 commissions départementales avaient été installées sous l'autorité des préfets (contre 55 au 30 novembre 2018), dont 32 commissions avec examen de demandes (21 au 30 novembre 2018) ;

- 105 associations avaient été agréées pour la mise en oeuvre du parcours de sortie de la prostitution (85 au 30 novembre 2018) ;

- 183 parcours de sortie de la prostitution avaient été autorisés par décision préfectorale (113 au 30 novembre 2018) dans 32 départements .

Au 30 juin 2019, seules 135 personnes bénéficiaient ainsi de l'AFIS (contre 10 personnes fin 2017 et 108 fin 2018). Au 31 décembre 2018, les bénéficiaires étaient principalement de nationalité étrangère hors Union européenne (96 %). Il s'agissait à 95 % de femmes. Par ailleurs, ces personnes sont majoritairement (54 %) accueillies au sein de centre d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) ou d'hôpitaux 81 ( * ) .

Alors que 40 000 personnes seraient victimes d'exploitation sexuelle en France 82 ( * ) , votre rapporteur estime que l'effort en faveur de cette politique mérite d'être soutenu et que la forte réduction de l'enveloppe qui lui est consacrée constitue, à cet égard, un mauvais signal .

*

La commission a adopté, sur la proposition de son rapporteur, trois amendements tendant à :

- transférer 800 000 euros dédiés au « RSA jeune actif » (programme 304) afin de rétablir à leur niveau de 2019 les crédits de l'AFIS (programme 137) ;

- créer au sein de la mission un programme dédié à l'évaluation et à l'hébergement d'urgence des MNA par transfert de crédits du programme 304 à hauteur de 162 millions d'euros ;

- modifier, par coordination avec la réforme de l'allocation supplémentaire d'invalidité (ASI), les règles de calcul de cette allocation.

Suivant la proposition de son rapporteur, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » du projet de loi de finances pour 2020.

EXAMEN EN COMMISSION

___________

Réunie le 20 novembre 2019, sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission examine le rapport pour avis de M. Philippe Mouiller sur le projet de loi de finances pour 2020 (mission « Solidarité, insertion et égalité des chances »).

M. Philippe Mouiller , rapporteur pour avis sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » . - Les crédits de paiement de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » s'élèveront en 2020 à 25,5 milliards d'euros. Par rapport aux crédits ouverts par la loi de finances initiale pour 2019, ils traduisent une augmentation de 6,7 %, que l'on doit toutefois ramener à 3,3 %, compte tenu de l'ouverture de crédits supplémentaires de 839 millions d'euros figurant au projet de loi de finances rectificative pour 2019. Pour rappel, ces crédits avaient bondi de 21,6 % entre 2018 et 2019, en raison, notamment, de la revalorisation exceptionnelle de la prime d'activité décidée à la suite de la crise des « gilets jaunes ».

Près de 80 % des crédits de la mission servent à financer deux dispositifs : l'allocation aux adultes handicapés (AAH), à hauteur de 10,5 milliards d'euros, et la prime d'activité, à hauteur de 9,5 milliards d'euros. La mission « Solidarité » se distingue ainsi des autres missions du budget puisque le fait générateur de la dépense, étroitement lié au nombre de bénéficiaires potentiels des deux principales allocations de solidarité financées par l'État et à leur taux de recours, présente un caractère en grande partie non maîtrisable.

Le dynamisme budgétaire des crédits de solidarité se justifie par leur vocation à « redonner du pouvoir d'achat aux Français » et à « valoriser le travail », deux objectifs louables, mais qui n'ont jamais été cadrés par un pilotage précis. Il s'inscrit aussi dans un contexte d'augmentation de la pauvreté et des inégalités : le taux de pauvreté s'est établi à 14,7 % de la population française en 2018, en augmentation de 0,6 point, selon les estimations provisoires publiées par l'Insee, des estimations à nuancer, car elles ne tiennent pas compte de la baisse des loyers dans le parc social. En 2018, quelque 9,3 millions de personnes, contre 8,8 millions en 2017, vivaient ainsi en France sous le seuil de pauvreté. Dans le même temps, les inégalités, mesurées par l'indice de Gini, auraient augmenté.

Alors que le Gouvernement a engagé, dans le cadre de sa stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, une concertation en vue d'une réforme de l'ensemble du système de minima sociaux, il m'a semblé important d'examiner l'évolution et la pertinence des différentes allocations et aides financées par la mission.

Au sein du programme 157 relatif au handicap et à la dépendance, dont les crédits s'élèveront à 12,2 milliards d'euros en 2020, l'AAH a fait l'objet de revalorisations exceptionnelles en 2018 et 2019, tempérées par une modification de son mode de calcul défavorable à certains allocataires. En effet, le montant maximum de l'AAH a été revalorisé en deux temps : de 819 euros en mai 2018, il a été porté à 900 euros à compter du 1 er novembre 2019. Cet effort, qu'il faut saluer, est sans précédent depuis le plan de revalorisation pluriannuel 2008-2012. Mais, parallèlement, les règles de prise en compte de la situation familiale des bénéficiaires de l'AAH ont été durcies : le pourcentage de majoration pour calculer le plafond de ressources pour un allocataire en couple, égal à 100 % jusqu'au 31 octobre 2018, a été réduit à 81 % au 1 er novembre 2019. Couplée avec la revalorisation de l'allocation, cette mesure a entraîné une diminution de 9 euros du plafond de ressources pour un allocataire en couple. Il en résulte que, si 90 % des allocataires ont bénéficié à plein de la revalorisation, une frange des bénéficiaires de l'AAH n'en a effectivement tiré aucun bénéfice.

Bien qu'attaché à la prise en compte des revenus du conjoint dans la détermination du droit à cette allocation de nature solidariste, conformément à la position adoptée par la commission en octobre 2018, je considère que la baisse du plafond pour les allocataires en couple a été trop brutale, même si celui-ci reste élevé par rapport à celui qui est applicable à d'autres minima sociaux. La suppression du complément de ressources pour les nouveaux allocataires à compter du 1 er décembre 2019 contribue également à la perception mitigée de leur situation par les personnes concernées par l'AAH.

Je vous aurais proposé de revenir par amendement sur ces modifications des modalités d'attribution si celles-ci n'étaient pas de niveau réglementaire, ou soumises à l'article 40 de la Constitution.

Pour 2020, le projet de loi de finances prévoit une « augmentation maîtrisée » de l'AAH de 0,3 % au 1 er avril qui, avec une prévision d'inflation de 1 %, doit permettre de réaliser une économie de 100 millions d'euros. L'AAH a aujourd'hui rejoint un niveau inédit depuis plus de trente ans par rapport au seuil de pauvreté. Il convient de veiller à ce que cette sous-revalorisation proposée pour 2020 ne devienne pas la règle, amorçant un nouveau décrochage du pouvoir d'achat des allocataires dans le temps.

Par ailleurs, dans l'éventualité d'une intégration de l'AAH au sein du futur revenu universel d'activité, je tiens à souligner les spécificités d'une allocation qui ne saurait être réduite à un minimum social de droit commun. Il s'agit notamment des règles de prise en compte des revenus professionnels, s'agissant de personnes confrontées par construction aux plus grandes difficultés, voire à l'impossibilité de s'insérer ou de se maintenir dans l'emploi.

Je suis donc très réservé à l'égard d'une absorption de l'AAH dans une prestation universelle et, plus généralement, de la convergence vers le droit commun de prestations qui ont initialement été conçues pour répondre aux besoins de publics spécifiques. Toutefois, l'intégration de l'AAH dans la refonte des minima sociaux pourrait permettre de corriger certains défauts de l'allocation, qui n'apporte pas à ses bénéficiaires une aide suffisamment individualisée. En effet, le fait que le niveau du soutien additionnel apporté aux personnes de conditions de vie modestes lorsqu'elles sont en situation de handicap dépend largement de la situation familiale des intéressés, comme tendent à le montrer les calculs de France Stratégie, ne répond à aucune logique évidente. Il est par ailleurs possible de montrer que, sous l'effet des règles de cumul entre l'AAH et la prime d'activité, une personne handicapée bénéficiaire de l'AAH est très peu rétribuée lorsque sa quotité de travail s'approche d'un temps complet, à un niveau proche du Smic.

En outre, compte tenu des recoupements entre le handicap et l'invalidité, il semble pertinent d'envisager dans ce cadre une unification de l'AAH et de l'allocation supplémentaire d'invalidité (ASI). Cette dernière allocation fait l'objet d'une réforme initialement prévue par le Gouvernement dans le cadre du PLFSS : il s'agit, d'une part, d'aligner le niveau de ressources garanti par l'ASI avec le plafond de ressources pour bénéficier de l'allocation ; et, d'autre part, de supprimer le mécanisme de recouvrement sur succession des sommes versées au titre de l'ASI. Le Gouvernement annonce simultanément une revalorisation exceptionnelle de l'ASI pour porter par décret le plafond d'éligibilité à 750 euros à compter des allocations versées en avril 2020. L'impact financier de ces mesures est évalué par le Gouvernement à 14 millions d'euros à la charge de l'État en 2020.

Ces évolutions sont souhaitables et cohérentes avec la récente revalorisation de l'AAH. Il serait toutefois intéressant de permettre également, à des fins de simplification pour les allocataires, un accès direct à l'AAH aux bénéficiaires d'une pension d'invalidité en modifiant les règles de subsidiarité entre ces deux allocations.

Concernant la prime d'activité, je me suis, cette année encore, livré à un exercice d'évaluation de l'efficacité de la prestation au regard des deux objectifs de lutte contre la pauvreté et d'incitation financière à l'exercice d'une activité professionnelle.

Le calcul de la prime d'activité est complexe, car il emprunte aux deux logiques d'attribution des prestations sociales, la logique familiale et la logique individuelle.

La revalorisation exceptionnelle de 90 euros, à compter du 1 er janvier 2019, du montant maximal du « bonus » individuel, passé de 70,49 euros à 160,49 euros, a permis au Président de la République de tenir, en partie, son engagement d'augmenter le revenu net mensuel des travailleurs rémunérés au niveau du Smic. Initialement prévus à 6 milliards d'euros dans le PLF pour 2019, les crédits alloués à la prime d'activité ont donc été portés à 8,8 milliards d'euros en nouvelle lecture à l'Assemblée nationale afin de permettre cette revalorisation. Le montant de 9,5 milliards d'euros prévu pour 2020 représente ainsi une hausse de 70 % par rapport aux dépenses de 2018. C'est d'ailleurs plus du double des dépenses constatées en 2016, année du lancement de la prestation. En outre, une ouverture de crédits supplémentaires de 758 millions d'euros est demandée dans le projet de loi de finances rectificative pour 2019, ce qui porterait le total ouvert pour cette année à 9,6 milliards d'euros soit un montant supérieur à celui qui a été anticipé dans le présent PLF. Il faut donc s'attendre à des dépenses encore nettement plus élevées en 2020.

La prime d'activité est ainsi devenue une dépense majeure de soutien du pouvoir d'achat des travailleurs les plus modestes. Par rapport aux premières années de fonctionnement de la prestation, la forte revalorisation du bonus semble avoir eu pour effet d'améliorer la compatibilité entre les deux objectifs de lutte contre la pauvreté et d'incitation à l'activité professionnelle, même si son effet réel sur l'emploi reste difficile à quantifier.

Toutefois, certaines conclusions que j'ai esquissées les années précédentes demeurent, notamment l'effet plus incitatif de la prime pour les familles monoparentales et les couples avec enfants sous le triple effet multiplicateur de l'augmentation de la base de ressources, du quotient familial et de la majoration du montant forfaitaire. S'agissant des couples, il faut souligner l'importance de la répartition des revenus au sein du foyer, compte tenu du poids croissant de la bonification individuelle.

Il reste ainsi une interrogation quant à l'incitation de la prime à la biactivité, bien que la situation se soit améliorée en 2019. Selon l'évaluation par le Gouvernement de la revalorisation exceptionnelle de la prime d'activité, les couples biactifs percevaient un montant moyen de prime d'activité de 164 euros en mars 2019, alors que le montant moyen versé à l'ensemble des foyers bénéficiaires était de 186 euros.

Ce rapport remis au Parlement le mois dernier fait état d'un recours amélioré à la prime d'activité, y compris pour des montants réduits. Cela a pour effet de modifier le profil des bénéficiaires de la prime d'activité. Entre mars 2018 et mars 2019, la part de foyers bénéficiaires dont les revenus sont compris entre 1 250 et 2 000 euros par mois a augmenté de 39 % à 55 %. Les couples sont également plus représentés parmi les nouveaux « recourants » nouvellement éligibles.

La poursuite de l'amélioration du taux de recours, même si elle ne suffit pas à conclure sur son efficacité au regard de ses différents objectifs, permettra à la fois de mieux anticiper son impact financier et d'en mesurer plus exactement les effets.

S'agissant des crédits dédiés à la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté dans le strict cadre de la mission « Solidarité », une enveloppe de 171 millions d'euros sera consacrée en 2020 à la deuxième année de la contractualisation avec les collectivités territoriales chefs de file (départements et certaines métropoles), dans le cadre rénové proposé par le Gouvernement. Par ailleurs, des mesures d'investissement social - petits-déjeuners gratuits à l'école, tarification sociale pour l'accès à la cantine, etc. - continuent à être financées en dehors du cadre contractuel à hauteur de 44 millions d'euros. Au total, 215 millions d'euros seront ainsi consacrés à cette action en 2020, après 151 millions d'euros en 2019.

L'accent mis sur l'enfance doit être salué, car il marque l'ambition de cette stratégie de prendre le problème de la pauvreté à la racine. Le caractère épars de ces mesures peut toutefois susciter des doutes quant à leur impact réel. En outre, cette action comportant peu de mesures monétaires, mais principalement des mesures structurelles de long terme, elle n'a pas d'incidence directe sur le taux de pauvreté.

Il convient également de souligner l'effort considérable qui reste à la charge des départements, l'Assemblée des départements de France (ADF) avançant un montant total de 11 milliards d'euros pour 2019.

Telles sont mes principales conclusions sur les deux prestations les plus importantes de la mission, ainsi que sur la « stratégie pauvreté ».

J'en viens maintenant à trois autres sujets retracés par la mission « Solidarité » qui me semblent appeler une attention particulière.

Bien que le revenu de solidarité active (RSA) relève des conseils départementaux, le programme 304 participe à son financement. En effet depuis sa création au 1 er septembre 2010, le RSA jeune actif est entièrement financé par l'État ; par ailleurs, le financement du RSA a été « recentralisé » pour les départements de la Guyane et de Mayotte en 2019, et sa recentralisation à La Réunion est proposée au 1 er janvier 2020.

Les conditions pour bénéficier du RSA jeune actif sont très restrictives. De ce fait, le nombre de bénéficiaires n'a cessé de diminuer depuis sa création et particulièrement depuis 2016. Compte tenu de sa faible audience et de sa concurrence avec d'autres instruments - prime d'activité, Garantie jeunes -, il est permis de s'interroger sur la pertinence de ce dispositif.

L'ouverture aux jeunes des minima sociaux est un exercice complexe, qui suppose de parvenir à cibler les jeunes aux conditions de vie modestes. De ce fait, les modalités de l'ouverture aux jeunes de moins de 25 ans du futur revenu universel d'activité représentent un enjeu important, qui suscite des attentes particulières de la part des acteurs de la solidarité.

Par ailleurs, les crédits du programme 137 relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes sont une nouvelle fois reconduits en 2020 à l'identique, à l'euro près, de ceux de 2019, soit un peu moins de 30 millions d'euros, en dépit des ambitions affichées par le Gouvernement en la matière.

On peut cependant relever, au sein de ce programme, une baisse de 40 % de l'enveloppe dédiée à l'aide financière à l'insertion sociale et professionnelle (AFIS) des personnes engagées dans le parcours de sortie de la prostitution, qui chute de près de 2 millions d'euros en 2019 à 1,2 million d'euros en 2020. J'estime que l'effort en faveur de cette politique mérite d'être soutenu et doit faire l'objet d'un soutien politique plus marqué ; à cet égard, la forte réduction de l'enveloppe qui lui est consacrée constitue un mauvais signal.

C'est pourquoi je vous propose un amendement tendant à transférer 800 000 euros dédiés au RSA jeune actif du programme 304, afin de rétablir à un niveau légèrement supérieur à celui de 2019 les crédits de l'AFIS, prévus dans le programme 137.

Enfin, les mineurs non accompagnés (MNA) font, depuis plusieurs années, l'objet d'une attention politique et médiatique soutenue, dont le Gouvernement a tenu compte dans les crédits qu'il leur consacre pour 2020. Les crédits consacrés à l'accueil des MNA sont ainsi passés de 15,7 millions en 2017 à 132 millions en 2018, 141 millions en 2019 puis 162 millions pour 2020.

Une fois encore, ce chiffre ne révèle aucun transfert définitif de charges ni aucune modification des principes de prise en charge : il ne fait qu'apporter une aide ponctuelle, et encore loin d'être suffisante, aux conseils départementaux. Le défi budgétaire du flux en constante augmentation des MNA reste à relever ; le nombre d'évaluations se serait élevé à 60 000 en 2018 selon l'ADF.

Je me félicitais donc que l'Assemblée nationale ait adopté un amendement créant un programme budgétaire distinct au sein de la mission « Solidarité », exclusivement dédié à l'accueil des MNA. Elle est toutefois revenue sur ce vote, à l'initiative du Gouvernement, dans le cadre d'une seconde délibération. Je rappelle que notre commission avait proposé, l'an passé, un amendement allant dans ce même sens. Je vous proposerai d'adopter le même amendement afin d'inscrire dans la loi de finances la nécessaire coresponsabilité de l'État dans la prise en charge de ce phénomène.

À l'issue de cet examen, je vous propose de donner un avis favorable aux crédits de la mission.

Mme Laurence Cohen . - Nous constatons des hausses, mais elles sont à relativiser. Je pense à la suppression de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale (ONPES) et de l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP), car ce dernier couvre les violences faites aux femmes. Les baisses des subventions aux associations sont regrettables.

La prime d'activité ne déresponsabiliserait-elle pas les entreprises sur leur politique salariale ? Je pense notamment aux allégements de cotisations sociales sur les bas salaires.

Cette mission comprend également plusieurs mesures d'urgences sociales et économiques qui pèsent sur le budget du PLFSS. Pouvez-vous nous donner des précisions sur le revenu universel d'activité ? Comment se fait son accès ? Quelles modulations sont prévues ?

L'an dernier, nous avions été unanimes au sein de la commission pour dénoncer la baisse de l'AFIS, et je salue, monsieur le rapporteur, votre soutien en faveur de la sortie de la prostitution. Avez-vous eu des précisions sur la baisse de ces crédits ?

M. Jean-Marie Morisset . - Le plan Pauvreté sert à envoyer de l'argent vers l'hébergement d'urgence ou d'autres secteurs. Il faudrait faire le point. L'année dernière, 10 millions ont été pris dans le plan Pauvreté et transférés dans le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables ». Dans ce programme qui traite des actions d'urgence, on enlève 10 millions aux centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et on voit apparaître les 10 millions du plan Pauvreté.

Il faut être volontariste sur les mineurs non accompagnés. C'est un dossier que nous évoquons tous les ans, mais nous ne répondons pas aux besoins des départements.

M. René-Paul Savary . - Dans le PLFSS, une mesure affectait les départements : le départ en retraite modifié pour les bénéficiaires du RSA. S'agissant des MNA, il faudrait répartir les charges entre l'État et les départements sans tenir compte de l'âge.

M. Jean-Louis Tourenne . - Le titre de la mission est alléchant, mais, en réalité, aucune proposition n'est faite. Des mesures plus importantes doivent être proposées, car le plan Pauvreté est insuffisant.

Sous la pression des « gilets jaunes », la prime d'activité a été augmentée non pas de 100 euros - c'est une présentation trompeuse -, mais de 90 euros, car l'augmentation du Smic y a été intégrée. Cette prime n'est pas un moyen de lutter contre la pauvreté, car les plus modestes y échappent. En effet, seuls ceux qui ont un salaire la perçoivent. Les autres ne touchent rien du tout.

Les crédits dédiés à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants avaient été divisés par cinq l'année dernière. On ne peut pas imaginer dire à ceux qui sont déboutés du droit d'asile de rentrer chez eux sans mettre en place les moyens pour leur donner envie de s'y intégrer et d'y rester.

Sur la stratégie interministérielle de lutte contre la pauvreté, le discours est lénifiant. Il y a eu un plan Pauvreté et de grandes déclarations : l'an dernier, 150 millions d'euros avaient été accordés, mais le taux de pauvreté a augmenté et nous sommes à 14,7 %. Comment imaginer lutter contre la pauvreté avec 215 millions d'euros cette année ? C'est se moquer du monde ! Il y a une volonté de contractualisation avec les départements sur les épaules desquels on va mettre des charges supplémentaires. Ils seront déclarés coupables s'ils ne parviennent pas à remplir ces nouvelles obligations. En matière de supercheries, on atteint des sommets !

À partir du 1 er décembre, le complément de ressources d'un montant de 170 euros par personne sera supprimé. La garantie de ressources pour les personnes handicapées est en même temps supprimée, ce qui leur permettait d'avoir au minimum 930 euros environ par mois. Ce sont 67 500 allocataires de l'AAH qui vont voir leurs ressources diminuer en 2020. C'est inacceptable. Je refuse également la diminution du plafond de ressources. L'AAH est versée à des personnes qui n'ont pas la possibilité de travailler et d'avoir un revenu autonome.

Enfin, sur l'égalité hommes-femmes, je rappelle que tout budget qui n'augmente pas se traduit par sa diminution. Pour une grande cause nationale, c'est étonnant.

Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons pas accepter les propositions et nous voterons contre.

Mme Michelle Meunier . - Nous souscrivons à la sortie de la prostitution et nous demandons aussi une étude sur l'évaluation de cette loi de 2016. Là où les commissions départementales se réunissent, il y a des résultats. Mais se réunissent-elles partout ?

M. Michel Forissier . - Concernant la lutte contre la pauvreté, je suis surpris par les mécaniques qui se mettent en place. On a d'abord segmenté les catégories sans tenir compte du fait que la pauvreté sort des périmètres des quartiers prioritaires. Je pense aux retraités propriétaires d'une maison qui se retrouvent en état de pauvreté. Avec mes collègues Frédérique Puissat et Catherine Fournier, nous avons entrepris un travail sur les travailleurs des plateformes. Nous nous rendons compte que nous fabriquons des salariés pauvres, qui vont devenir des retraités pauvres. C'est l'échec de notre système professionnel avec des jeunes sans diplômes qui génère de la pauvreté. Nous avons entre 2 et 3 millions de jeunes entre 15 et 25 ans qui n'ont aucune solution. Aujourd'hui, les crédits sont tellement dispersés que je ne suis pas certain qu'ils arrivent au bon endroit. Je souhaiterais moins d'affichage et plus d'efficacité.

M. Guillaume Arnell . - La modification des conditions d'attribution de l'AAH durcit les critères d'éligibilité en fonction de la situation familiale. Serait-il possible de trouver des solutions et de discuter cette question en plénière ? Nous ne pouvons pas laisser cela ! C'est une mesure injuste.

Était-il impossible de financer l'AFIS autrement ? Il est difficilement compréhensible de prendre des crédits chez les jeunes actifs pour les mettre sur l'AFIS.

Concernant la reprise intégrale du RSA dans certains territoires ultramarins, puis de son extension en 2020 pour La Réunion, je rappelle que cette question concerne l'ensemble des territoires ultramarins. Comme il n'est pas fait mention d'une extension progressive, je m'interroge sur les bénéfices pour les autres territoires.

Mme Chantal Deseyne . - Les conditions d'attributions de l'AAH prennent en compte les ressources du conjoint. Cela est pénalisant pour les femmes handicapées en couple et victimes de violences.

M. Daniel Chasseing . - Je me réjouis de l'augmentation de la prime d'activité, qui est un soutien majeur au pouvoir d'achat des plus modestes. Nous sommes passés de 3 milliards en 2016 à 10 milliards d'euros cette année.

Concernant les règles de cumul de l'AAH avec la prime d'activité, avez-vous, monsieur le rapporteur, vu beaucoup de bénéficiaires de l'AAH travailler à temps plein ?

M. Philippe Mouiller , rapporteur pour avis . - Concernant la suppression de l'ONPES, le Gouvernement veut recréer un outil autour du Conseil national des politiques de lutte contre l'exclusion (CNLE), mais je n'ai pas plus d'indications sur cette fusion.

Concrètement, aujourd'hui, l'AFIS ne fonctionne pas, car il n'existe pas de volonté politique. Seules 135 personnes bénéficient de cette aide. Il nous semblait fondamental de réaligner les crédits et, en parallèle, de développer cet outil sur l'ensemble du territoire national.

Les équilibres budgétaires sont limités et nous n'avons pas eu le choix : nous avons pris sur le chapitre RSA pour doter l'AFIS. Je rappelle que le RSA jeune actif est sous-utilisé, et que d'autres outils, comme la Garantie jeunes, sont mieux mobilisés.

Le revenu universel d'activité est un grand chantier, mais nous n'y voyons pas clair malgré les grands discours et les concertations. Nous ne connaissons ni le périmètre ni le calendrier et nous ignorons si l'AAH et l'APL sont concernées. Une grande communication et une consultation ont été lancées. Sur le site Internet de la délégation interministérielle, vous pouvez donner votre avis. Le vrai débat est toutefois celui des moyens à engager. Quand on espère toucher un plus grand nombre d'ayants droit, on ne peut rester à budget constant. Il faut alors envisager des moyens supplémentaires, mais jusqu'où ? Je crois que l'arbitrage se situe à ce niveau-là.

Nous observons que de nombreuses politiques adoptent une démarche où les crédits sont diminués avant d'être réaffectés sur d'autres missions. Avec une même somme, on remplit trois cases ! Ce n'est pas spécifique au Gouvernement, mais cela rend difficile notre mission.

La mission mobilise 25 milliards d'euros, monsieur Tourenne, vous ne pouvez donc pas dire qu'il n'y a rien, mais notre rôle est de pointer les effets bénéfiques ainsi que les manquements et les injustices. Concernant la pauvreté, les outils développés permettent aux personnes pauvres de sortir de la tête de l'eau, mais les plus démunis n'ont pas de solution.

Le programme d'aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants a été amendé à l'Assemblée nationale et ses crédits, en augmentation, ont été abondés de 100 000 euros.

Je partage, monsieur Savary, vos remarques relatives aux MNA : le vrai débat est celui de l'âge.

L'égalité hommes-femmes bénéficie de nombreuses annonces de la part de la secrétaire d'État et nous avons retenu le chiffre de 1 milliard d'euros - j'ai eu du mal à le retrouver, car il est réparti au sein de plusieurs missions. Il faut être prudent lorsque l'on annonce des chiffres ! Toutefois, j'ai rencontré les acteurs de la cause et il y a une réelle volonté politique d'avancer sur ces sujets ; beaucoup d'opérateurs réorientent leurs missions autour de ces enjeux.

Le RSA recentralisé pourrait être développé sur l'ensemble des territoires ultramarins. Il n'y a toutefois pas d'automaticité, mais le Gouvernement procède en opportunité.

Dans les cas de situation difficile pour les conjoints en période de séparation ou en situation de maltraitance, des procédures peuvent permettre la séparation du calcul et la révision de l'AAH.

Le travail à temps complet des personnes handicapées en milieu ordinaire est marginal, mais on peut en trouver qui travaillent à domicile. C'est incompréhensible, mais lorsqu'ils ont la possibilité de se rapprocher d'un temps complet, ce qui représente une victoire pour eux, ils peuvent être pénalisés financièrement.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 38

ÉTAT B

M. Philippe Mouiller , rapporteur pour avis . - L'amendement II-82 a pour objectif de matérialiser un programme budgétaire exclusivement dédié au suivi des MNA. L'idée est d'affirmer le principe de la coresponsabilité de l'État et des départements dans la prise en charge de cette politique. Nous avions adopté un amendement similaire l'année dernière.

L'amendement II-82 est adopté.

M. Philippe Mouiller , rapporteur pour avis . - L'amendement II-83 prévoit de réaffecter 800 000 euros du RSA jeune actif à l'AFIS.

L'amendement II-83 est adopté.

Article 78 novodecies

M. Philippe Mouiller , rapporteur pour avis . - L'amendement II-84 de coordination précise le calcul de l'allocation supplémentaire d'invalidité.

L'amendement II-84 est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », ainsi qu'aux articles rattachés, sous réserve de l'adoption de ses amendements.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

I. LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

• Ministère des solidarités et de la santé

Olivier Noblecourt , délégué interministériel à la prévention et à la lutte contre la pauvreté

Fabrice Lenglart , rapporteur général à la réforme du revenu universel d'activité

• Direction générale de la cohésion sociale

Virginie Lasserre , directrice générale de la cohésion sociale

Cécile Charbaut , adjointe à la sous-directrice de l'inclusion sociale, de l'insertion et de la lutte contre la pauvreté

Jean-François Lhoste , adjoint à la sous-direction de l'autonomie des personnes handicapées et des personnes âgées

Sébastien Maria , adjoint au sous-directeur des affaires financières et de la modernisation

Katarina Miletic-Lacroix , cheffe de bureau budgets et performance

• Assemblée des départements de France (ADF)

Jean-Michel Rapinat , directeur des politiques sociales

Marylène Jouvien , chargée des relations avec le Parlement

• Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss)

Jérôme Voiturier , directeur général

Marie Lambert-Muyard , conseillère technique « Enfance, familles, jeunesse »

Manon Jullien , conseillère technique « Lutte contre l'exclusion »

• Fédération des acteurs de la solidarité (FAS)

Alexis Goursolas , responsable du service stratégie et analyse des politiques publiques

• Fondation de l'Armée du Salut

Samuel Coppens , directeur des relations publiques

• Union nationale des associations de parents, de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei)

Luc Gateau , président

Clémence Vaugelade, chargée de plaidoyer France

• Association des accidentés de la vie (Fnath)

Sophie Crabette , chargée de mission dans le cadre de l'action revendicative

M e Philippe Felissi , conseiller technique

• Association des paralysés de France (APF France Handicap)

Pascale Ribes , administratrice, secrétaire d'APF France handicap

Patrice Tripoteau , directeur général adjoint

• NEXEM

Marion Le Paul , directrice de la communication

Alexis Roger , adjoint à la direction du pôle « gestion des organisations »

Aurélie Sabatier , chargée des affaires publiques

II. ORGANISME AYANT TRANSMIS UNE CONTRIBUTION ÉCRITE

• Caisse nationale d'allocations familiales (Cnaf)


* 1 Cette hausse s'expliquerait en partie par la diminution des allocations logement dans le parc HLM en 2018, les niveaux de vie n'intégrant pas la baisse de loyer équivalente. En neutralisant l'effet de la baisse des allocations logement dans le parc social, cette hausse serait plus modérée.

* 2 Cf. rapport n° 501 (2014-2015) de Mme Catherine Procaccia, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 10 juin 2015.

* 3 Cette appellation, comme celle de revenu de base, désigne plus couramment les propositions visant à accorder de manière inconditionnelle à chaque membre de la société une dotation monétaire constituant un socle de protection minimal.

* 4 Loi n° 75-534 du 30 juin 1975 d'orientation en faveur des personnes handicapées.

* 5 Art. L. 821-1 du code de la sécurité sociale.

* 6 Art. L. 821-2 du code de la sécurité sociale. La restriction est substantielle lorsque le demandeur rencontre des difficultés importantes d'accès à l'emploi ne pouvant être compensées, notamment par des mesures d'aménagement du poste de travail ; elle est durable dès lors que sa durée prévisible est d'au moins un an à partir du dépôt de la demande d'AAH. La restriction substantielle et durable pour l'accès à l'emploi est reconnue pour une durée de un à cinq ans.

* 7 Décret n° 2018-1222 du 24 décembre 2018 portant diverses mesures de simplification dans le champ du handicap.

* 8 Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 prévoit de simplifier la transition vers la retraite des bénéficiaires de l'AAH en automatisant la liquidation de leur pension de retraite lorsqu'ils atteignent l'âge légal, sauf s'ils s'y opposent.

* 9 Art. L. 821-3-1 du code de la sécurité sociale.

* 10 Décret n° 2019-1047 du 11 octobre 2019 relatif à la revalorisation de l'allocation aux adultes handicapés et à la modification du calcul du plafond de ressources pour les bénéficiaires en couple.

* 11 C'est-à-dire marié ou lié par un pacte civil de solidarité, et non séparé, ou vivant en concubinage.

* 12 Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 - Article 266.

* 13 Art. L. 821-1-1 du code de la sécurité sociale.

* 14 Art. L. 821-1-2 du code de la sécurité sociale.

* 15 C'est-à-dire ceux qui ne supportent pas de dépenses de logement et pour lesquels l'effort en matière de logement est a priori le moins important.

* 16 Salaire minimum interprofessionnel de croissance.

* 17 Par conséquent, toute revalorisation du smic a pour effet d'augmenter la tranche prise en compte pour l'application de l'abattement de 80 %, si bien que le montant de l'AAH versé à un allocataire travaillant en milieu ordinaire augmente.

* 18 Art. D. 821-9 du code de la sécurité sociale.

* 19 Art. R. 821-4 du code de la sécurité sociale.

* 20 En application de l'article L. 842-8 du code de la sécurité sociale, le montant d'AAH perçu serait alors déduit de la prime d'activité et aurait pour effet de l'annuler.

* 21 Compte tenu de l'abattement prévu à l'article D. 821-9 du code de la sécurité sociale.

* 22 Consultation menée en mars 2019 auprès de 3 467 personnes en situation de handicap ou proches de personnes en situation de handicap.

* 23 Cf. projet annuel de performance, page 81.

* 24 Cf. Concertation sur le revenu universel d'activité - Fiche thématique handicap, 19 septembre 2019.

* 25 Les bénéficiaires doivent percevoir l'un des dispositifs suivants : pension d'invalidité, pension de réversion, pension d'invalidité de veuf ou de veuve, retraite anticipée (pour cause de carrière longue, de handicap, d'incapacité permanente ou au titre du dispositif de pénibilité créé par la réforme des retraites de 2014).

* 26 Art. L. 815-24 du code de la sécurité sociale.

* 27 Cf. projet annuel de performance.

* 28 Source : Drees.

* 29 6 939,60 euros pour une personne seule et 9 216,99 euros pour un couple de bénéficiaires.

* 30 Cf. évaluation préalable du PLFSS pour 2020 - article 55.

* 31 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels - article 52.

* 32 Services d'appui au maintien dans l'emploi des travailleurs handicapés.

* 33 Cf. projet annuel de performance.

* 34 Source : questionnaire budgétaire.

* 35 Décret n° 2018-194 du 21 mars 2018 relatif à la rémunération garantie aux travailleurs handicapés accueillis dans les établissements et services d'aide par le travail.

* 36 Art. R. 243-6 du code de l'action sociale et des familles et article R. 821-4 du code de la sécurité sociale.

* 37 Source : Drees.

* 38 À défaut, le montant de l'AAH est déduit de la prime d'activité.

* 39 Art. L. 5212-13 du code du travail.

* 40 Rapport annuel sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, Cour des comptes, 2019.

* 41 Cf. Concertation sur le revenu universel d'activité - Fiche thématique handicap, 19 septembre 2019.

* 42 Cf. infra (III) pour les modalités de calcul de la prime d'activité.

* 43 Art. D. 821-1-2 du code de la sécurité sociale.

* 44 Il est rappelé que la commission des affaires sociales a rejeté, en octobre 2018, une proposition de loi déposée par Mme Laurence Cohen et plusieurs de ses collègues tendant à supprimer la prise en compte des revenus du conjoint dans le versement de l'AAH.

* 45 Rapport d'information n° 14 (2019-2020) de M. Roland Courteau, Mmes Chantal Deseyne, Françoise Laborde et Dominique Vérien, fait au nom de la délégation aux droits des femmes, déposé le 3 octobre 2019.

* 46 Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l'emploi.

* 47 Cf. art. L. 841-1 du code de la sécurité sociale : « La prime d'activité a pour objet d'inciter les travailleurs aux ressources modestes, qu'ils soient salariés ou non-salariés, à l'exercice ou à la reprise d'une activité professionnelle et de soutenir leur pouvoir d'achat ».

* 48 Le montant de la prime d'activité étant réévalué chaque trimestre, les effets figés consistent à reporter, au trimestre suivant, l'impact sur le montant de la prime de tout changement de situation du foyer (variation des ressources, changement de situation professionnelle, etc.).

* 49 Décret n° 2018-1197 du 21 décembre 2018 relatif à la revalorisation exceptionnelle de la prime d'activité.

* 50 Décret n° 2018-836 du 3 octobre 2018 portant revalorisation du montant forfaitaire de la prime d'activité et réduction de l'abattement appliqué aux revenus professionnels.

* 51 Ce second bonus individuel, croissant entre 0,5 smic et 1 smic puis décroissant jusqu'à 1,2 smic, aurait dû être revalorisé par tranches de 20 euros en 2020 et en 2021 jusqu'à atteindre un montant maximal de 70 euros.

* 52 Un amendement adopté par l'Assemblée nationale en première lecture du projet de loi de finances pour 2019 a rétabli, jusqu'au 31 décembre 2024, cette modalité de détermination de la prime d'activité pour les seules personnes en ayant bénéficié au moins une fois entre le 31 décembre 2017 et le 31 décembre 2018. Elle est cependant supprimée pour les nouveaux allocataires à compter du 1 er janvier 2019.

* 53 En application de l'article 4 de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 portant mesures d'urgence économiques et sociales. Rapport d'évaluation de la revalorisation exceptionnelle de la prime d'activité, juillet 2019, DGCS, Drees, Cnaf, CCMSA.

* 54 Seuil d'exonération de l'impôt sur le revenu pour un contribuable célibataire en 2019.

* 55 Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019 - Article 81.

* 56 Le RSO, créé en décembre 2001, s'adresse aux résidents des départements et régions d'outre-mer, hors Mayotte, ainsi que à ceux de Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, âgés de 55 ans, percevant le RSA depuis au moins deux ans sans avoir exercé d'activité professionnelle et s'engageant à quitter définitivement le marché du travail. 8 800 personnes le percevaient en décembre 2017 (source : Drees).

* 57 Loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 - Article 135.

* 58 24 fois le montant forfaitaire mensuel du RSA pour les activités agricoles et 43 fois ce montant sur deux ans pour les activités non agricoles.

* 59 16 % des bénéficiaires de la prime d'activité ont moins de 25 ans en mars 2019. Bien que les deux prestations soient cumulables, une demande de prime d'activité n'entraîne pas automatiquement un calcul des droits au RSA par la caisse verseuse. En pratique, les bénéficiaires de la prime d'activité ne demandent pas systématiquement le RSA.

* 60 Il s'agit des NEET : « Not in Education, Employment or Training ».

* 61 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels - Article 46.

* 62 Assemblée des départements de France.

* 63 Mission Mineurs non accompagnés du ministère de la justice - Rapport annuel d'activité.

* 64 Estimation de l'ADF.

* 65 Loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfance - Article 48.

* 66 Décret n° 2016-840 du 24 juin 2016 pris en application de l'article L. 221-2-2 du code de l'action sociale et des familles et relatif à l'accueil et aux conditions d'évaluation de la situation des mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille.

* 67 Loi n° 2018-778 du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie - Article 51.

* 68 Décret n° 2019-670 du 27 juin 2019 relatif à la participation forfaitaire de l'État à la phase de mise à l'abri et d'évaluation des personnes se déclarant mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille et arrêté du 28 juin 2019 pris pour son application.

* 69 Arrêté du 23 juillet 2018 fixant le montant du financement exceptionnel de l'État pour la prise en charge des mineurs non accompagnés confiés à l'aide sociale à l'enfance sur décision de justice et pris en charge au 31 décembre 2017.

* 70 Arrêté du 27 août 2019 fixant le montant du financement exceptionnel de l'État pour la prise en charge des mineurs non accompagnés confiés à l'aide sociale à l'enfance sur décision de justice et pris en charge au 31 décembre 2018.

* 71 Cf. document de politique transversale « Inclusion sociale ».

* 72 Loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 - Article 89.

* 73 Pour les collectivités concernées, la croissance des dépenses de fonctionnement ne doit pas dépasser 1,2 %.

* 74 Cf. rapport n° 98 (2019-2020) de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020.

* 75 Certains moyens de fonctionnement courants ont été transférés au programme 354 (« Administration territoriale de l'État »).

* 76 Cf. document de politique transversale « Politique de l'égalité entre les femmes et les hommes ».

* 77 Loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées.

* 78 Décret n° 2017-542 du 13 avril 2017 relatif à l'aide financière à l'insertion sociale et professionnelle et décret n° 2017-1635 du 29 novembre 2017 précisant les conditions d'éligibilité à la prestation.

* 79 559,74 euros pour une personne seule au 1 er avril 2019.

* 80 Art. D. 121-12-14 du code de l'action sociale et des familles.

* 81 Source : questionnaire budgétaire.

* 82 Cf. 5 e rapport mondial de la Fondation Scelles, 2019.

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