Avis n° 143 (2019-2020) de M. Bruno GILLES , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 21 novembre 2019

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N° 143

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2019

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2020 ,

TOME I

ANCIENS COMBATTANTS, MÉMOIRE ET LIENS AVEC LA NATION

Par M. Bruno GILLES,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Alain Milon, président ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général ; MM. René-Paul Savary, Gérard Dériot, Mme Colette Giudicelli, M. Yves Daudigny, Mmes Michelle Meunier, Élisabeth Doineau, MM. Michel Amiel, Guillaume Arnell, Mme Laurence Cohen, M. Daniel Chasseing, vice - présidents ; M. Michel Forissier, Mmes Pascale Gruny, Corinne Imbert, Corinne Féret, M. Olivier Henno, secrétaires ; Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Stéphane Artano, Mmes Martine Berthet, Christine Bonfanti-Dossat, MM. Bernard Bonne, Jean-Noël Cardoux, Mmes Annie Delmont-Koropoulis, Catherine Deroche, Chantal Deseyne, Nassimah Dindar, Catherine Fournier, Frédérique Gerbaud, M. Bruno Gilles, Mmes Michelle Gréaume, Nadine Grelet-Certenais, Jocelyne Guidez, Véronique Guillotin, Victoire Jasmin, M. Bernard Jomier, Mme Florence Lassarade, M. Martin Lévrier, Mmes Monique Lubin, Viviane Malet, Brigitte Micouleau, MM. Jean-Marie Morisset, Philippe Mouiller, Mmes Frédérique Puissat, Marie-Pierre Richer, Laurence Rossignol, Patricia Schillinger, MM. Jean Sol, Dominique Théophile, Jean-Louis Tourenne, Mme Sabine Van Heghe.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 2272 , 2291 , 2292 , 2298 , 2301 à 2306 , 2365 , 2368 et T.A. 348

Sénat : 139 et 140 à 146 (2019-2020)

LES OBSERVATIONS DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Réunie le 20 novembre 2019 sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission a examiné le rapport pour avis de M. Bruno Gilles sur les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » du projet de loi de finances pour 2020 .

Votre commission a constaté que les crédits de la mission poursuivent leur baisse tendancielle liée à la démographie des bénéficiaires des dispositifs de réparation et de reconnaissance. Ils s'élèveraient en 2020 à 2,15 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2,16 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une baisse de 8,05 % et 6,17 % respectivement.

Votre commission regrette néanmoins que les économies permises par la disparition progressive des anciens combattants ne soient pas mobilisées au moins pour partie pour renforcer l'effort en faveur de la politique de mémoire à un moment où elle est particulièrement nécessaire.

Votre commission approuve la majoration des pensions versées aux conjoints survivants de grands invalides, dont le nombre de bénéficiaires est limité.

Elle espère que la commission tripartite associant le Gouvernement, des parlementaires et les associations du monde combattants annoncée par la secrétaire d'État auprès de la ministre des armées pourra effectivement trouver en 2020 un accord sur la revalorisation du point d'indice des pensions militaires d'invalidité, dont l'impact serait plus fort.

Votre commission est également favorable à l' article 73 E , ajouté par l'Assemblée nationale, qui vise à maintenir l' avantage tarifaire dont bénéficient les anciens combattants dans les transports ferroviaires .

Enfin, si la mobilisation de la trésorerie de l'ONACVG peut apparaître comme une mesure de bonne gestion en 2020, votre commission note qu'elle ne pourra pas être renouvelée pour les prochains exercices.

Suivant la proposition de son rapporteur pour avis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission ainsi que de l'article 73 E qui lui est rattaché.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Les crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ont la particularité de connaître une diminution tendancielle liée à la démographie des bénéficiaires des dispositifs qu'ils financent. Ils s'élèveraient en 2020 à 2,16 milliards d'euros, soit une baisse de 6,17 % par rapport à la loi de finances pour 2019.

Force est en effet de constater que, le temps faisant son effet, les témoins des grands conflits du XX ème siècle tendent à s'éteindre et auront totalement disparu à brève échéance. En dépit des nombreux engagements récents de nos forces armées sur des théâtres d'opérations extérieures, les effectifs de jeunes anciens combattants sont sans commune mesure avec ceux qui ont combattu en Algérie ou en Indochine.

Les dispositifs de réparation et de reconnaissance en faveur du monde combattant, notamment les pensions militaires d'invalidité et la retraite du combattant, représentent donc un coût chaque année moins important pour les finances publiques.

Dans ce contexte, il peut être pertinent d'étudier les demandes du monde combattant tendant à améliorer, pour un coût souvent dérisoire au regard des économies tendancielles, certains dispositifs.

Votre rapporteur salue donc la revalorisation annoncée des pensions versées aux conjoints survivants des grands invalides de guerre. Si le nombre de bénéficiaires sera nécessairement limité, il s'agit d'une mesure bienvenue.

L'article 73 E, inséré par l'Assemblée nationale, permet le maintien des avantages tarifaires sur le réseau ferroviaire dont bénéficient les anciens combattants.

L'annonce faite par la secrétaire d'État auprès de la ministre des armées de la tenue en 2020 d'une commission tripartite réunissant associations d'anciens combattants, l'État et des parlementaires pour se pencher sur la question de la revalorisation du point d'indice des pensions militaires d'invalidité, qui détermine le montant de l'ensemble des prestations en faveur du monde combattant, pourrait avoir un impact nettement plus fort.

Par ailleurs, la disparition des témoins de l'Histoire ne doit pas conduire à son oubli, et il est plus que jamais nécessaire d'oeuvrer en faveur de la transmission de la mémoire aux jeunes générations.

Votre rapporteur craint à cet égard que les crédits dédiés à la politique de la mémoire ne permettent pas de mener les actions ambitieuses et innovantes qui s'imposent.

Enfin, si la mobilisation d'une partie de la trésorerie de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) pour peut se justifier compte tenu de son ampleur, cette mesure ne pourra pas être reconduite lors des prochains exercices. Les crédits budgétaires dont la mission se passera en 2020 devront donc impérativement être inscrits dans les lois de finances des années à venir.

*

* *

Suivant l'avis de son rapporteur pour avis, la commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » du projet de loi de finances pour 2020 et de l'article 73 E rattaché.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. UNE BAISSE DES CRÉDITS DE LA POLITIQUE DE MÉMOIRE EN PARTIE COMPENSÉE PAR UNE MISE À CONTRIBUTION DE L'ONACVG

Les crédits du programme 167 - liens entre la Nation et son armée - baisseraient de 4,3 millions (- 12,8 %) d'euros pour s'établir à 29,4 millions d'euros. Cette évolution résulterait, d'une part, d'une augmentation des crédits dédiés aux liens entre l'armée et la jeunesse (+ 0,7 million d'euros), en lien avec l'augmentation de l'indemnité de transport versée dans le cadre de la journée « défense et citoyenneté » (JDC) et, d'autre part, d'une baisse de près de 5 millions d'euros (- 31 %) des crédits dédiés à la politique de mémoire 1 ( * ) . Cette baisse serait presque intégralement compensée par un prélèvement sur la trésorerie de l'office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONACVG).

Évolution des crédits de paiement du programme 167

Source : Projet annuel de performance

A. LES DISPOSITIFS EN FAVEUR DES LIENS ENTRE L'ARMÉE ET LA JEUNESSE NE CONNAITRAIENT PAS D'ÉVOLUTION MAJEURE

1. Une revalorisation bienvenue de l'indemnité de transport pour les jeunes participant à la journée Défense et citoyenneté

Les crédits de l'action 1 progresseraient de 3,69 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2019, passant de 17,79 millions d'euros à 18,45 millions d'euros.

Ces crédits servent essentiellement à financer l'organisation de la journée « Défense et citoyenneté » (JDC). Si le nombre de jeunes appelés à participer à la JDC baisserait légèrement en 2020 (766 382 jeunes contre 770 245 en 2019), le coût du dispositif progresserait en raison d'une réforme bienvenue de l'indemnité de transport versée aux jeunes. Selon les informations transmises à votre rapporteur par la secrétaire d'État auprès de la ministre des armées, cette indemnité, qui est de 8 euros actuellement, serait en 2020 de 20 euros pour les jeunes habitant à plus de 20 kilomètres du lieu de leur JDC et de 10 euros pour les jeunes habitant à moins de 20 kilomètres.

2. Une stabilité des crédits dédiés au service militaire volontaire

Le service militaire volontaire (SMV), destiné à favoriser l'insertion de jeunes de 18 à 25 ans, verrait sa dotation budgétaire maintenue à 2,5 millions d'euros, dont 1,8 million d'euros au titre des actions de formation professionnelle et 0,7 million d'euros au titre des actions de promotion du dispositif. Ces crédits permettraient d'accueillir 1 000 jeunes.

B. LA POLITIQUE DE MÉMOIRE DEVRA S'ACCOMMODER D'UNE POURSUITE DE LA BAISSE DES CRÉDITS QUI LUI SONT ALLOUÉS

Les crédits dédiés à la politique de la mémoire sont demeurés à un niveau élevé entre 2014 et 2018, en raison du coût des célébrations liées au centenaire de la première guerre mondiale.

Votre rapporteur notait à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2019 que la baisse des crédits, tempérées par certaines commémorations exceptionnelles, dépassait par son ampleur le simple effet de la fin du cycle du centenaire.

En 2020, les crédits dédiés à la politique de mémoire baisseraient à nouveau de près de 5 millions d'euros (- 31,19 %) pour s'établir à 10,95 millions d'euros. Cette baisse serait en partie compensée par un prélèvement sur la trésorerie de l'ONACVG, à hauteur de 4,41 millions d'euros.

1. L'absence de commémoration majeure en 2020

En 2019, le budget dédié aux commémorations tenait compte de l'organisation du 75 ème anniversaire des débarquements en Provence et en Normandie, à hauteur de 2 millions d'euros. Le budget dédié aux commémorations devait ainsi s'élever à 5,55 millions d'euros.

Les commémorations prévues en 2020 seraient nettement moins couteuses et représenteraient une dépense de 4 millions d'euros. Le projet annuel de performance (PAP) prévoit ainsi 2,4 millions d'euros au titre du défilé du 14 juillet, 1 million d'euros au titre des journées nationales commémoratives fixées par des textes législatifs ou règlementaires et 0,5 million d'euros au titre d'événements prévus en 2020 (80 ème anniversaire de l'appel du 18 juin 1940, 150 ème anniversaire de la bataille de Gravelotte et 70 ème anniversaire de la guerre de Corée. Enfin, 0,10 million d'euros sont prévus pour des manifestations ponctuelles liées à l'actualité.

Par ailleurs, 0,35 million d'euros seraient consacrés aux publications et actions pédagogiques, soit le même montant qu'en 2019.

2. Une réduction des subventions en faveur de projets mémoriels

Les subventions et transferts devaient représenter 2,7 millions d'euros en 2019, dont 0,6 million d'euros versés au GIP « Mission du centenaire » pour l'achèvement de sa mission avant sa dissolution. Ces crédits ne s'élèveraient qu'à 1,6 million d'euros en 2020, soit une baisse de 0,5 millions d'euros à périmètre constant.

Votre rapporteur ne peut que regretter la baisse de l'aide publique en faveur de projets mémoriels menés notamment dans le cadre de l'école.

3. Un transfert vers l'ONACVG d'une partie des dépenses en faveur de l'entretien des sépultures

L'achèvement du monument dédié aux soldats morts en opérations extérieures a nécessité en 2019 des crédits s'élevant à 1,2 million d'euros. Ce monument a été inauguré le 11 novembre 2019. Les crédits dédiés aux lieux de mémoire baisseraient ainsi de 1,03 million d'euros pour s'établir à 1,58 million d'euros. Ces crédits sont destinés au financement de l'entretien et de la rénovation des sépultures situées à l'étranger 2 ( * ) (1,4 million d'euros) et en outre-mer (0,1 million d'euros) ainsi que, marginalement, à des actions de valorisation des sites mémoriels (0,08 million d'euros).

Les sépultures situées en France et en Afrique du Nord sont à la charge de l'office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONACVG), qui percevrait à ce titre une subvention de 2,47 millions d'euros, contre 4,77 millions d'euros en 2019. Cette baisse serait en partie compensée par le prélèvement effectué sur la trésorerie de l'ONACVG.

Facteurs explicatifs de la baisse des crédits de l'action
« Politique de mémoire » dans le projet de loi de finances pour 2020

En M€

Crédits demandés en 2019

16

Moindre coût des commémorations propres à l'année

- en 2019 : 75ème anniversaire des Débarquements en Provence et en Normandie

- en 2020 : 150 ème anniversaire de la bataille de Gravelotte, 80 ème anniversaire de l'appel du 18 juin 1940, 70 ème anniversaire de la guerre de Corée

-2

Dissolution du GIP « Mission du centenaire »

-1

Achèvement du monument aux morts en Opex

-1

Baisse du soutien aux projets mémoriels de toute nature et aux actions d'enseignement de défense

-1

Baisse des subventions en faveur de l'entretien des sépultures

Compensée par le prélèvement sur la trésorerie de l'ONACVG

-1

Crédits demandés en 2020

11

Source : PAP, calculs du rapporteur

II. UNE BAISSE TENDANCIELLE DES DÉPENSES LIÉES AUX PENSIONS ET ALLOCATIONS AUX ANCIENS COMBATTANTS

Le programme 169 - Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant représente près de 95 % des crédits de la mission. Ces crédits baisseraient de plus de 125 millions d'euros en 2020 (- 5,8 %) 3 ( * ) et s'établiraient à 1,57 milliard d'euros. Ces crédits correspondent essentiellement au financement des pensions d'invalidité et des dispositifs de reconnaissance en faveur des anciens combattants.

Répartition par action des crédits du programme 169 (en M€)

A. LES DÉPENSES LIÉES AUX PENSIONS MILITAIRES D'INVALIDITÉ POURSUIVRAIENT LEUR BAISSE TENDANCIELLE

1. Une revalorisation de portée limitée des pensions en faveur des conjoints survivants d'invalides

Le nombre de bénéficiaires d'une pension militaire d'invalidité (PMI) continuerait de baisser à un rythme proche de 5 % par an et s'établirait, selon les prévisions du Gouvernement, à 186 369 au 31 décembre 2020 contre 196 260 au 31 décembre 2019. Ce nombre était de 206 676 fin 2018.

Les dépenses associées aux PMI baisseraient ainsi de 53,6 millions d'euros (- 5,6 %) pour s'établir à 911,69 millions d'euros.

Cette baisse est marginalement tempérée par une mesure de revalorisation des pensions versées aux conjoints survivants de grands invalides de guerre. Cette revalorisation bénéficierait à 461 personnes, pour un coût de 0,6 million d'euros.

Pour une revalorisation du point d'indice PMI

Les montants des pensions militaires d'invalidité, mais également d'autres prestations dont la retraite du combattant, sont calculés en fonction de la valeur d'un point d'indice mentionné à l'article L. 125-2 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG). La valeur de ce point est, au 1 er janvier 2019, fixée à 14,57 euros 4 ( * ) .

Conformément à l'article R. 125-1 du CPMIVG, la valeur du point d'indice est indexée sur l'indice des traitements bruts de la fonction publique de l'État. Au cours des dernières années, cette indexation a conduit à une progression du point d'indice moins rapide que l'inflation.

La secrétaire d'État auprès de la ministre des armées a annoncé la mise en place d'une commission tripartite réunissant le Gouvernement, des parlementaires et des représentants du monde combattant pour envisager une revalorisation du point d'indice PMI. Cette commission devrait être réunie dans le courant de l'année 2020. Votre rapporteur espère vivement que ses travaux permettront d'aboutir à une revalorisation substantielle des prestations versées aux anciens combattants, aux invalides de guerre et à leurs ayants droits.

Sans préjuger des conclusions de la commission tripartite, votre rapporteur considère par ailleurs que le point PMI pourrait être indexé sur l'inflation, afin que les prestations dont il détermine le montant évoluent avec le coût de la vie.

2. Une baisse du coût des droits liés aux pensions militaires d'invalidité

Les titulaires d'une PMI bénéficient de soins médicaux gratuits, d'une réduction tarifaire dans les transports ainsi que du financement du régime de sécurité sociale des pensionnés de guerre.

Les crédits dédiés à ces droits liés s'élèveraient en 2020 à 121,02 millions d'euros, soit une baisse de 8,4 millions d'euros par rapport à 2019.

L'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement créant un article additionnel 73 E tendant à préciser dans le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG) les conditions dans lesquels les pensionnés bénéficient de réductions dans les transports ferroviaires. Cette précision est rendue nécessaire par l'ouverture prévue à la concurrence et par la disparition du monopole de la SNCF 5 ( * ) .

Cet amendement n'entraîne pas de conséquences budgétaires, dans la mesure où les dépenses liées à la réduction tarifaire dans les transports avaient bien été budgétées, à hauteur de 1,8 million d'euros.

B. LE NOMBRE D'ANCIENS COMBATTANTS CONTINUERAIT DE DÉCROÎTRE

1. Une reprise de la baisse du nombre de bénéficiaires de la retraite du combattant

La qualité de combattant est reconnue aux militaires ayant servi, sous certaines conditions, aux cours de conflits armés dont les bornes chronologiques sont définies voie règlementaire. Cette reconnaissance donne lieu à la délivrance de la carte du combattant qui ouvre droit à un certain nombre d'avantages.

La retraite du combattant est une allocation d'un montant de 751,4 euros 6 ( * ) versée chaque année aux titulaires de la carte du combattant ayant atteint l'âge de 65 ans ou, sous conditions, de 60 ans.

Depuis le 1 er janvier 2019, les militaires ayant servi en Algérie après l'indépendance de ce pays survenue le 1 er juillet 1962 et jusqu'au départ définitif des troupes françaises, le 1 er juillet 1964, peuvent obtenir la carte du combattant, et donc la retraite du combattant.

Cette mesure, qui pourrait concerner au total 50 000 personnes, a freiné la baisse tendancielle du nombre de bénéficiaires de la retraite du combattant. En effet, 27 809 cartes avaient été délivrées à ce titre au 15 juillet 2019, les prévisions du Gouvernement s'élevant à 35 000 sur l'année 2019.

En l'absence de nouvelle mesure concernant les conditions de délivrance de la carte du combattant, la baisse du nombre de titulaires, devrait être à nouveau marquée en 2020. Ce nombre serait de 861 666 au 31 décembre 2020 contre 931 754 au 31 décembre 2019 (-7,5 %).

Les dépenses associées baisseraient ainsi de 48,3 millions d'euros pour atteindre 660,2 millions d'euros.

Évolution du nombre de bénéficiaires de la carte du combattant et des dépenses associées

Source : Projet annuel de performance

2. Une mesure fiscale en faveur des veuves d'anciens combattants

Aux termes de l'article 195 du code général des impôts (CGI ), les titulaires de la carte du combattant bénéficient, lorsqu'ils ont atteint l'âge de 74 ans, d'une demi-part fiscale supplémentaire au titre de l'impôt sur le revenu. La dépense fiscale représentée par cet avantage représenterait 540 millions d'euros en 2020, comme en 2019. Lorsque le titulaire de la carte du combattant vit en couple au regard du droit fiscal, le bénéfice de cette demi-part est, le cas échéant, laissé à son conjoint survivant. Une partie des associations d'anciens combattants voient une différence de traitement injuste entre les veuves d'anciens combattants en fonction de l'âge auquel leur conjoint est décédé.

L'article 58 quinquies , non rattaché à la mission et inséré par l'Assemblée nationale, prévoit une modification de l'article 195 du CGI afin que la demi-part fiscale soit attribuée, à partir de 74 ans, à toutes les personnes veuves dont le conjoint défunt avait bénéficié de la retraite du combattant.

Si votre rapporteur n'est pas défavorable à cette mesure, il note qu'il subsistera une différence entre les veuves dont le conjoint ancien combattant est décédé après 65 ans (ou 60 ans dans les cas où il remplissait les conditions pour bénéficier de la retraite du combattant à cet âge) et celle dont le conjoint est mort avant de bénéficier de la retraite du combattant.

Cette mesure doit entrer en vigueur le 1 er janvier 2021 et coûter 30 millions d'euros par an.

C. LES DÉPENSES LIÉES AUX DISPOSITIFS DE SOLIDARITÉ EN FAVEUR DU MONDE COMBATTANT ET DES RAPATIRÉS SE RÉDUIRAIENT

L'action 3 du programme 169 regroupe les crédits dédiés aux dépenses d'action sociale en faveur du monde combattant financées par l'État ainsi que les subventions versés à plusieurs opérateurs. Elles s'élèveraient en 2020 à 325,4 millions d'euros contre 335,5 millions d'euros en 2019.

1. Des dispositifs de solidarité de moins en moins coûteux

Le principal dispositif de solidarité en faveur des anciens combattants est la majoration des rentes mutualistes dont bénéficient les titulaires de la carte du combattant et du titre de reconnaissance de la Nation (TRN). Les bénéficiaires de cette majoration passeraient de 328 943 en 2018 à 314 445 en 2019 7 ( * ) . Les crédits correspondant diminueraient ainsi de 3,7 % pour s'établir à 226,1 millions d'euros.

Les autres éléments de dépenses d'action sociale financés par l'État seraient stables.

Votre rapporteur souhaite qu'une réflexion puisse être engagée sur l'attribution du TRN aux militaires engagés dans l'opération Sentinelle sur le territoire national. Une telle mesure aurait un coût budgétaire, notamment au titre de la majoration des rentes mutualistes, mais ce coût pourrait être limité par le fait qu'une partie importante des personnels militaires engagés dans cette opération est également amenée à être déployée en Opex et peut donc bénéficier de la carte du combattant à ce titre.

2. Un transfert vers l'ONACVG des actions en faveur des rapatriés

L'allocation de reconnaissance instituée par la loi du 23 février 2005 8 ( * ) , qui a fait l'objet d'une revalorisation en 2019, représenterait en 2017 la seule dépense inscrite au budget de l'État au titre de l'action 7 « Action en faveur des rapatriés ». Cette dépense progresserait nettement en 2020, passant de 13,7 millions d'euros à 18,6 millions d'euros.

Les autres aides et mesures en faveur des rapatriés, qui représentaient une dépense de 9,6 millions d'euros en 2019, seraient en 2020 prises en charge par l'ONACVG qui mobiliserait à cet effet une partie de sa trésorerie pour un montant équivalent.

D. LES OPÉRATEURS SERAIENT APPELÉS À UN EFFORT FINANCIER

1. Une mobilisation de la trésorerie de l'ONACVG dans un contexte d'interrogations sur l'évolution de cet opérateur

La subvention pour charges de services public (SCSP) versée à l'ONACVG serait en 2020 de 45,53 millions d'euros, ce qui constitue une baisse de près de 21 % par rapport à 2019.

Cette baisse serait compensée à hauteur de 9,94 millions d'euros par la mobilisation des excédents de trésorerie de l'opérateur. Si ce prélèvement n'est pas de nature à poser de difficulté particulière en 2020, il ne peut être qu'exceptionnel et ne pourra être réitéré en 2020.

Le solde de l'écart entre la subvention versée en 2019 et celle demandée pour 2020, soit 2,15 millions d'euros, correspondrait, selon le PAP, à la déflation des effectifs, l'établissement perdant 42 emplois en 2020 (33 ETPT) et à l'effort de mutualisation et de rationalisation des dépenses de fonctionnement.

La mobilisation des excédents de trésorerie de l'ONACVG :
une mesure de gestion budgétaire pertinente en 2020 mais qui doit être exceptionnelle

L'ONACVG bénéficie d'un excédent de trésorerie qui s'élèverait à 36,3 millions d'euros en 2019, soit près de 38 % des dépenses prévues au titre de l'année 2018 par le contrat d'objectifs et de performances.

Cet excédent fera l'objet d'un prélèvement présenté comme exceptionnel en 2020, à hauteur de 17,5 millions d'euros, visant à compenser partiellement la baisse de 23,39 millions d'euros des dotations versées par l'État à l'opérateur ainsi que la baisse des crédits de la politique de mémoire. Ce prélèvement se répartit ainsi :

- 9,94 millions d'euros destinés à compléter la subvention pour charges de service public (programme 169) ;

- 0,05 million d'euros consacrés au financement d'indemnités, pécules et frais de voyage sur les tombes (programme 169) ;

- 3,1 millions d'euros destinés au financement des actions en faveur des rapatriés (programme 169) ;

- 4,28 millions d'euros destinés à la rénovation des nécropoles et hauts-lieux de mémoire ;

- 0,13 million d'euros destinés à la valorisation des sépultures de guerre et des hauts lieux de la mémoire nationale (programme 167).

Votre rapporteur estime qu'il est de bonne gestion de réduire l'excédent de trésorerie de l'ONACVG. Au cours de son audition, la nouvelle directrice générale de l'organisme lui a d'ailleurs indiqué que ce prélèvement n'est pas de nature à remettre en question la capacité de l'opérateur à remplir ses missions.

Néanmoins, la mobilisation de cette ressource en lieu et place de crédits budgétaires ne peut être qu'exceptionnelle. À ce titre, votre rapporteur espère vivement que la secrétaire d'État auprès de la ministre des armées saura obtenir l'an prochain les crédits auxquels elle a renoncé pour 2020.

La négociation du nouveau contrat d'objectifs et de performances, qui doit aboutir courant 2020, devra être l'occasion de sanctuariser dans une logique pluriannuelle l'engagement financier de l'État auprès de l'ONACVG.

L'ONACVG fait face à la baisse tendancielle du nombre de ses ressortissants. Cette évolution conduit à des interrogations sur son organisation. Votre rapporteur demeure toutefois attaché au maillage territorial assuré par les offices départementaux. À ce titre, le projet porté par la nouvelle directrice générale de l'ONACVG ainsi que les engagements pris par la secrétaire d'État auprès de la ministre des armées au cours de son audition apparaissent rassurants.

Évolution prospective du nombre de ressortissants de l'ONACVG

Source : ONACVG

Par ailleurs, si ses ressortissants sont de moins en moins nombreux, l'action sociale que dispense auprès d'eux l'ONACVG n'en demeure pas moins nécessaire. Deux évolutions conduisent en effet à une précarisation de ses publics.

D'une part, les évolutions démographiques conduisent à ce que les veuves représentent une part croissante des ressortissants. Appartenant à des générations ayant connu un taux d'activité féminin relativement faible et ayant parfois joué un rôle d'aidant auprès de leur conjoint invalide de guerre, ces veuves n'ont souvent pas d'autre source de revenu que leur pension de réversion.

D'autre part, la professionnalisation de l'armée et l'augmentation du nombre de projections sur les théâtres d'opérations extérieurs fait apparaître des jeunes anciens combattants qui peuvent connaître des difficultés de réinsertion dans le monde du travail civil après avoir servi quelques années sous les drapeaux.

2. Une stabilité des crédits attribués aux autres opérateurs

La SCSP versée à l'Institut national des invalides (INI) serait stable, à 12,09 millions d'euros, soit le même niveau que depuis 2014. L'INI bénéficierait par ailleurs d'une subvention d'investissement de 13,7 millions d'euros, dans le cadre d'un plan d'investissement de 40 millions d'euros 9 ( * ) .

Le conseil national des communes compagnon de la libération percevrait enfin une dotation de 1,7 million d'euros, comme en 2019.

III. DES DISPOSITIFS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE SPOLIATIONS ANTISÉMITES EN VOIE D'EXTINCTION

Le programme 158, dont la gestion relève des services du Premier ministre, regroupe les crédits finançant les dispositifs d'indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale.

Ses crédits baisseraient de 12,4 millions d'euros et s'établiraient à 93,53 millions d'euros, dont l'essentiel correspond au financement des dispositifs d'indemnisation (91,36 millions d'euros).

Répartition des crédits du programme 158 (en M€)

Source : PAP

Les victimes de spoliations peuvent formuler une demande d'indemnisation devant la commission pour l'indemnisation des victimes de spoliations (CIVS).

Les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites ou d'actes de barbarie peuvent demander à bénéficier d'une rente, dont le montant, réévalué annuellement, sera de 615,08 euros par mois en 2020, ou d'une indemnité en capital d'un montant de 27 440,82 euros.

Du fait de la diminution régulière du nombre de crédirentiers et de nouvelles demandes d'indemnisation, les crédits du programme 158 connaissent une baisse tendancielle.

L'indemnisation des victimes de spoliations représenterait 6 millions d'euros pour 183 dossiers, dont 2,7 millions d'euros pour 18 dossiers identifiés comme étant à fort enjeu.

L'indemnisation des orphelins de victimes de persécutions antisémites représenterait 34,5 millions d'euros. Le PAP fait état de 10 nouveaux dossiers qui seraient traités en 2020, dont 5 demandes de rente et 5 demandes d'indemnisation en capital. Au total il y aurait, à la fin de l'année 2019, 4 658 crédirentiers indemnisés, pour un coût unitaire moyen de 7 381 euros.

L'indemnisation des orphelins dont les parents ont été déportés ou exécutés durant l'occupation représenterait 51 millions d'euros. 35 nouveaux dossiers seraient traités en 2020, dont 25 demandes de capital et 10 demandes de rente.

Dépenses d'intervention en faveur des victimes de persécutions antisémites
et d'actes de barbarie

Nombre de dossiers

Coût moyen unitaire annuel
en euros

Total en euros

Indemnisation des victimes
de spoliation

Dossiers à enjeu classique

165

20 000

3 300 000

6 000 000

Dossiers à fort enjeu

18

150 000

2 700 000

Indemnisation des orphelins
de victimes de persécutions antisémites

Crédirentiers
fin 2019

4 658

7 381

34 380 874

34 547 602

Nouveaux crédirentiers

5

5 905

29 524

Bénéficiaires d'un capital versé en 2020

5

27 441

137 204

Indemnisation des orphelins
de victimes de la barbarie

Crédirentiers
fin 2019

6 783

7 381

50 063 702

50 808 770

Nouveaux crédirentiers

10

5 905

59 048

Bénéficiaires d'un capital versé en 2020

25

27 441

686 021

91 356 372

EXAMEN EN COMMISSION

______________

Réunie le mercredi 20 novembre 2019, sous la présidence de M. Alain Milon, président, la commission procède à l'examen du rapport pour avis de M. Bruno Gilles sur la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » du projet de loi de finances pour 2020.

M. Bruno Gilles , rapporteur pour avis sur la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ». - Les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » visent principalement à financer les prestations de réparation, c'est-à-dire notamment les pensions militaires d'invalidité, les prestations de reconnaissance, notamment la retraite du combattant, l'indemnisation des victimes de persécutions antisémites et d'actes de barbarie, de manière plus marginale, un certain nombre d'actions mémorielles et de commémorations et les actions concourant à renforcer les liens entre la Nation et son armée.

Le temps faisant son effet, le nombre de bénéficiaires des dispositifs financés par cette mission décroît chaque année, entraînant une baisse mécanique des dépenses.

Les crédits demandés pour 2020 s'élèvent ainsi à un peu plus de 2 milliards d'euros, ce qui représente une baisse de 6 % par rapport aux crédits que nous avions votés l'année dernière.

Les marges de manoeuvre ainsi dégagées permettent au Gouvernement de donner satisfaction à certaines revendications du monde combattant. Cela a été le cas l'année dernière avec l'attribution de la carte du combattant aux militaires ayant servi en Algérie entre 1962 et 1964, demande qui avait été relayée par le Sénat. Le Gouvernement prévoyait que 35 000 demandes seraient formulées à ce titre en 2019, et il semble que cette prévision sera dépassée, en raison de la forte mobilisation des associations et de la réactivité des services instructeurs que nous pouvons saluer.

Cette année, un geste est fait en faveur des conjoints survivants de grands invalides de guerre, qui verraient leur pension revalorisée d'environ 1 300 euros par an en moyenne. Cette mesure ne concernerait toutefois que 461 personnes, pour un coût limité à 600 000 euros.

L'année 2020 devrait enfin voir la constitution d'une commission tripartite réunissant associations d'anciens combattants, parlementaires et représentants du Gouvernement afin d'envisager une revalorisation du point d'indice des pensions militaires d'invalidité, qui a évolué moins vite que l'inflation sur la période récente. Une telle revalorisation aurait un effet pour tous les bénéficiaires d'une pension militaire d'invalidité ou de la retraite du combattant. Nous suivrons donc avec intérêt les travaux de cette commission.

La baisse du nombre d'anciens combattants a par ailleurs un impact sur l'activité de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG). Comme nombre d'entre vous, je suis très attaché au maintien du maillage territorial permis par le réseau des offices départementaux. Si des inquiétudes ont pu naître à ce sujet, je dois dire que j'ai été rassuré par le discours de la nouvelle directrice générale de l'ONACVG, Mme Peaucelle-Delelis, qui a fait du maintien de la proximité l'un des axes de son projet, et il me semble que le Gouvernement, ou du moins Mme Darrieussecq, est sur la même ligne. Un nouveau contrat d'objectifs et de performance doit être conclu en 2020, qui traduira, je l'espère, cette orientation.

L'ONACVG verrait les crédits budgétaires qui lui sont attribués par l'État baisser de plus de 23 millions d'euros et cette baisse appelle des explications. Elle correspond à des efforts de rationalisation des dépenses et à une baisse des effectifs, des efforts cohérents avec ce qui est demandé à l'ensemble des opérateurs de l'État.

Par ailleurs, la baisse des dotations de l'État serait compensée par un prélèvement sur la trésorerie de l'opérateur, à hauteur de 17,5 millions d'euros. Cette mesure peut paraître acceptable en 2020, mais suscite des inquiétudes pour les années suivantes.

En effet, l'excédent de trésorerie de l'ONACVG s'élèvera en 2019 à 36 millions d'euros, soit environ 35 % de ses dépenses annuelles. Il ne m'apparaît donc pas déraisonnable que cet excédent soit apuré. Toutefois, cette mesure de gestion ne pourra pas être rééditée chaque année. Il faudra donc l'année prochaine et les années suivantes que la secrétaire d'État se batte pour obtenir à nouveau les crédits dont elle se prive cette année.

J'évoquerai à présent la politique de mémoire. Chacun sait combien cette politique est nécessaire, aujourd'hui plus que jamais, et la disparition progressive des témoins des grands événements de notre histoire ne doit surtout pas conduire à un oubli collectif. Les crédits qui lui sont consacrés baissent de 5 millions d'euros, soit plus de 30 %, mais cette baisse doit être nuancée, car elle s'explique en grande partie par des facteurs conjoncturels.

L'année 2019 a en effet été marquée par les célébrations du 75 e anniversaire des Débarquements et de la Libération, par l'achèvement attendu depuis longtemps du monument aux morts en Opex et par la dissolution du groupement d'intérêt public (GIP) « Mission du centenaire ».

Par ailleurs, une partie du prélèvement sur la trésorerie de l'ONACVG, soit 4,5 millions d'euros, sera consacrée à la rénovation, à l'entretien et à la valorisation des sépultures de guerre et des hauts lieux de mémoire. Si la baisse des crédits dédiés au soutien aux projets mémoriels et pédagogiques me paraît regrettable, elle ne représente en fait que quelques centaines de milliers d'euros.

La transmission de la mémoire passe également par la journée défense et citoyenneté (JDC), qui continue à être organisée chaque année pour plus de 760 000 jeunes avant d'être peut-être un jour intégrée dans le service national universel (SNU). J'approuve la mesure annoncée par le Gouvernement tendant à majorer l'indemnité de transport versée aux jeunes qui se rendent à leur JDC : celle-ci passerait de 8 euros à 10 ou 20 euros en fonction de la distance séparant le lieu du stage du domicile.

Il n'y a qu'un seul article rattaché à la mission sur laquelle nous nous penchons aujourd'hui. Il s'agit de l'article 73 E, issu d'un amendement du Gouvernement, qui vise à maintenir la réduction dont bénéficient les pensionnés du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre sur les tarifs des transports ferroviaires. En effet, les dispositions actuelles, qui ont vocation à être abrogées à la fin de l'année, mentionnent la SNCF, qui perdra bientôt son monopole pour le transport ferroviaire de voyageurs. Cet amendement n'a pas de conséquence budgétaire dans la mesure où les crédits nécessaires étaient déjà inscrits dans le projet de loi de finances.

Je souhaiterais enfin vous signaler un article non rattaché à la mission, qui a été inséré par l'Assemblée nationale, sur proposition de son rapporteur. L'article 58 quinquies tend à accorder la demi-part fiscale dont bénéficient les anciens combattants âgés d'au moins 74 ans aux veuves du même âge dont le défunt conjoint bénéficiait de la retraite du combattant. Cette mesure entrera en vigueur en 2021 et coûterait tout de même 30 millions d'euros par an. Je note que, si certaines associations d'anciens combattants réclamaient une mesure en ce sens, ce n'était pas l'une des plus importantes. Par ailleurs, cette mesure ne fait que déplacer la borne d'âge qui était critiquée par le monde combattant, et nous serons peut-être saisis dans quelques années de demandes de veuves dont le conjoint est mort à 64 ans, juste avant de bénéficier de la retraite du combattant.

En conclusion, malgré mon regret relatif à l'insuffisance des crédits de la politique de mémoire et ma vigilance quant aux crédits alloués à l'ONACVG, je vous propose de donner un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

Mme Sabine Van Heghe . - Ce rapport appelle plusieurs remarques de notre part notamment sur la baisse des crédits de 142 millions d'euros.

Le programme 167 consacré au financement de la journée défense et citoyenneté et aux actions de mémoire enregistre un repli de 12,8 %. Sur la politique de mémoire, on revient à l'étiage une fois les commémorations de la Grande Guerre terminées. Nous ne pouvons admettre que les crédits de la politique de mémoire soient aussi dépendantes des commémorations exceptionnelles.

Le programme 158 relatif aux indemnités accordées aux victimes d'actes de barbarie et de persécutions commis pendant l'occupation voit ses crédits baisser de 11,7 %. Cela pose un problème. L'an dernier, le Sénat avait voté l'extension de l'indemnisation des orphelins victimes d'actes de barbarie. Le projet de budget pour 2020 ne le permet pas.

Le programme 169 regroupe la plupart des crédits de la mission avec 2 milliards d'euros et enregistre une baisse de 5,8 %. En conséquence, les ressources prévues pour financer les pensions militaires d'invalidité et la retraite du combattant notamment sont réduites.

En outre, il n'y a pas de revalorisation des pensions militaires d'invalidité. Du fait des évolutions démographiques, la mission dégage des économies importantes. Cette sous-indexation des allocations des anciens combattants nous semble donc mesquine et injuste.

Les moyens de l'ONACVG, rattachés au programme 169, diminuent. On enregistrera 42 emplois supprimés en 2020, dont 25 dans les services départementaux. Il est pourtant impératif de conserver le maillage territorial de l'ONACVG afin de maintenir proximité et qualité de service. La dématérialisation ne doit pas servir de prétexte pour faire des économies au détriment de l'accompagnement du monde combattant.

L'argument de la baisse du nombre de ressortissants pour comprimer le budget de l'ONACVG n'est pas le bon. Entre 2012 et 2017, la majorité de gauche a augmenté chaque année de 1 million d'euros le budget de l'action sociale de l'ONACVG, pour le porter à 26 millions d'euros.

Enfin, la prise en charge psychologique et financière des victimes de terrorisme est l'une des nouvelles missions de l'ONACVG, et elle va malheureusement monter en charge. Cela nécessite d'augmenter le budget et non d'effectuer toutes ces coupes.

Mme Brigitte Micouleau . - Après avoir rencontré M. Serge Amorich, délégué de la Fédération nationale des rapatriés basé sur mon département, je souhaite revenir sur la légitime indemnisation des supplétifs civils de droit commun durant la guerre d'Algérie, car elle n'a toujours pas été acceptée par le Gouvernement : ce geste demandé est une aide unique et exceptionnelle de 4 106 euros par personne. À ce jour, ils ne sont plus que 25 et la somme totale nécessaire s'élèverait à 106 834 euros. M. Gireaud, rapporteur général du budget à l'Assemblée nationale a déposé un amendement, qui a été adopté en commission, puis retiré après les promesses de la secrétaire d'État. Or, les arguments de Mme Darrieussecq ne sont pas convaincants et il faut apporter une reconnaissance aux anciens supplétifs civils de droit commun.

M. Philippe Mouiller . -Nous déplorons la baisse des crédits consacrés à l'ONACVG. Le Gouvernement va puiser dans les réserves qui sont limitées.

Derrière la départementalisation se pose la question du désengagement de l'État, qui pourrait conduire à un transfert vers les conseils départementaux. J'aimerais avoir votre sentiment sur ce sujet.

Concernant la commission tripartite sur l'évolution du point d'indice PMI, avez-vous des informations relatives au calendrier ?

Nous sommes également inquiets au sujet du devoir de mémoire. Certains événements justifient les baisses de crédits, mais, dans cette période où il est important de se souvenir du passé, il aurait été intéressant de consentir un effort.

Enfin, lorsque l'on évoque les budgets consacrés aux indemnités ou aux allocations des conjoints survivants, il est important de ne pas oublier les interventions en opérations extérieures (OPEX).

M. Jean-Marie Morisset . - Vous nous avez rassurés, monsieur le rapporteur, sur le maintien des offices départementaux des anciens combattants (ODAC) dans nos départements, mais je vois se dessiner une transformation en service de l'État dans les préfectures. Il faut être vigilant.

Tous les ans, nous constatons une diminution des effectifs, mais il faudra que Bercy accepte, au moins une fois, de conserver un petit reliquat pour augmenter la retraite du combattant.

Mme Darrieussecq, lorsqu'elle a pris ses fonctions, nous avait rassurés, mais elle doit toutefois nous communiquer des informations plus précises sur la commission tripartite.

Mme Cathy Apourceau-Poly . - Le projet de budget pour l'an prochain perd 142 millions d'euros. Il s'établit à 2,16 milliards d'euros et seule une modique revalorisation de 600 000 euros est envisagée pour les anciens combattants. Elle permettra de revaloriser les pensions de 641 conjoints survivants de grands invalides. Ainsi, 125 millions d'euros seront économisés cette année sur le programme « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant ». Les associations d'anciens combattants et notamment la Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, Maroc, Tunisie de Paris (FNACA) nous ont interpellés sur le droit à réparation des anciens combattants et notamment sur la question de la demi-part des veuves d'anciens combattants.

Mme Pascale Gruny . - Nous devons être vigilants, car, chaque année, le budget baisse, et on nous dit que cela est lié à la diminution du nombre de ressortissants. Les commémorations de l'an dernier ont permis d'attirer beaucoup de jeunes autour des monuments et de transmettre cette mémoire. Il conviendrait de maintenir ce budget notamment pour les commémorations de la Seconde Guerre mondiale.

La directrice de l'ONACVG nous a rassurés. Elle souhaite conserver le maillage territorial. Nous n'ignorons toutefois pas que ce n'est pas elle qui décidera.

La retraite du combattant devrait aussi pouvoir être augmentée, car il s'agit d'un montant très faible.

M. Bruno Gilles , rapporteur pour avis . - Sur le programme 158, la baisse est cohérente avec la disparition du nombre de victimes. C'est la même chose pour le programme 169.

La revalorisation du point d'indice, et donc de toutes les prestations servies aux anciens combattants, sera l'objet de la commission tripartite dont nous espérons la mise en place dès 2020. Les parlementaires y siégeront et ce sera à nous de fixer des règles de revalorisation satisfaisantes. Il faudra tenter d'obtenir en séance la date de sa mise en place.

Sur les supplétifs civils de droit commun, la réponse de la ministre clôt le débat, car les cas ont été traités de manière personnalisée.

La nouvelle directrice générale de l'ONACVG nous a tous rassurés et affirmé son souhait de maintenir le maillage départemental des ODAC.

La revalorisation de la pension des veuves de grands invalides ne représentera en 2020 que 600 000 euros, mais l'Assemblée nationale a adopté un amendement concernant la demi-part des veuves qui coûterait 30 millions d'euros à partir de 2021.

Les crédits dédiés à la politique de mémoire s'élèveraient à un peu moins de 11 millions d'euros en 2020, soit une baisse de 5 millions par rapport à 2019. Elle s'explique par plusieurs facteurs conjoncturels. L'année 2019 a été marquée par le 75 e anniversaire des débarquements et de la libération du territoire national. Les commémorations prévues en 2020 seraient nettement moins coûteuses. Un demi-million d'euros avait été versé au GIP « mission du centenaire », désormais dissout : cette subvention n'est naturellement pas renouvelée en 2020. Enfin, en 2019, le monument aux morts en OPEX a été achevé.

L'ONACVG participera à hauteur de 4,4 millions d'euros au financement de la politique de mémoire au titre de la rénovation, de l'entretien et de la valorisation des sépultures de guerre et des hauts lieux de la mémoire nationale.

Ainsi, les crédits dédiés à la politique de la mémoire seraient en hausse. Il demeure cependant vrai que la diminution des crédits dédiés au soutien de projets mémoriels de toute nature est regrettable, mais cette baisse serait de l'ordre de 500 000 euros, qu'il convient de comparer aux 2,16 milliards de crédits de la mission.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » et de l'article 73 E rattaché.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

___________

• Fédération nationale André Maginot (FNAM)

Henri Lacaille , président fédéral

Alain Clerc , vice-président

• Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG)

Véronique Peaucelle-Delelis , directrice générale


* 1 La commission des affaires sociales avait noté à l'occasion de l'examen du PLF pour 2019 que l'ampleur de la baisse des crédits liés à la politique de mémoire dépassait nettement l'effet de la fin du cycle de commémorations du centenaire de la seconde guerre mondiale.

* 2 Hors Afrique du Nord.

* 3 La baisse des crédits du programme 169 explique 88 % de la baisse globale des crédits de la mission.

* 4 Arrêté du 23 octobre 2019 fixant la valeur du point d'indice de pension militaire d'invalidité au 1 er octobre 2017 et au 1 er janvier 2019 en application des articles L. 125-2 et R. 125-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre.

* 5 L'article 6 de l'ordonnance n° 2018-1135 du 12 décembre 2018 portant diverses dispositions relatives à la gestion de l'infrastructure ferroviaire et à l'ouverture à la concurrence des services de transport ferroviaire de voyageurs a notamment supprimé, à compter du 3 décembre 2019, la mention de réductions sur les tarifs de la SNCF, afin de tenir compte de l'ouverture à la concurrence du trafic ferroviaire.

* 6 Le montant de la retraite du combattant est fixé à 52 points d'indice PMI par l'article D. 321-1 du CPMIVG.

* 7 Les crédits budgétés permettent de rembourser les organismes mutualistes auxquels peuvent souscrire les anciens combattants. Les dépenses facturées en année N sont remboursées l'année N+1.

* 8 Loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés.

* 9 Ce plan a donné lieu à l'ouverture d'autorisations d'engagement à hauteur de 5 millions d'euros en 2017 et de 35 millions d'euros en 2019.

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