B. ACTION PUBLIQUE 2022 : UNE STRATÉGIE INCERTAINE

Cette difficile maîtrise des effectifs et de la masse salariale de l'État s'accompagne d'incertitudes concernant la stratégie du Gouvernement pour moderniser l'action publique.

1. Le rapport du Comité action publique 2022 : une occasion manquée

En octobre 2017, le Gouvernement a installé le Comité action publique 2022 (CAP 22), coprésidé par Mme Véronique Bédague-Hamilius (secrétaire générale de Nexity), MM. Ross McInnes (président du conseil d'administration de Safran) et Frédéric Mion (directeur de Sciences Po Paris).

Le Premier ministre avait fixé un objectif ambitieux : « réfléchir sans totems, sans tabous au rôle de l'État et de la sphère publique dans la France du XXI ème siècle, pour repenser les politiques publiques » 12 ( * ) .

Force est de constater que ces ambitions ont été revues à la baisse, tant pour des maladresses de forme que pour des difficultés de fond .

Sur la forme, le Comité action publique 2022 a rendu ses conclusions en juin 2018, avec quatre mois de retard par rapport au calendrier initial.

Pire, le Gouvernement n'a pas publié les travaux du comité, qui ont finalement « fuité » dans la presse en juillet dernier . De telles méthodes de communication interrogent, surtout pour un rapport visant à moderniser l'action publique tout en poursuivant les efforts de concertation.

En outre, comme le rappelle la Fédération nationale des centres de gestion (FNCDG), « il aurait été pertinent que les membres du comité puissent auditionner plus largement les acteurs de la scène publique locale afin de définir des préconisations plus proches des enjeux des maires » et des présidents des structures intercommunales 13 ( * ) . Le Comité action publique 2022 n'a reçu que huit employeurs territoriaux, sur un total de plus de 300 auditions .

Sur le fond, le rapport du comité affiche un triple objectif : conforter la qualité du service public, améliorer les conditions de travail des agents et réduire la dépense publique.

Ses propositions permettraient « d'améliorer les comptes publics d'une trentaine de milliards d'euros à l'horizon 2022 », sans précision sur les économies ainsi générés .

Le rapport du Comité action publique 2022

Le rapport examine, de manière plus précise, vingt-et-une politiques publiques très différentes les unes des autres (système de soins, enseignement supérieur, logement, audiovisuel public, etc .). À titre d'exemple, la réforme des hôpitaux fait l'objet d'un développement de quatre pages, qui peine à illustrer la complexité de cette problématique.

Très générales, les propositions du Comité action publique 2022 visent notamment à « refonder l'administration autour de la confiance et de la responsabilisation », à « se loger mieux à moindre coût » et à « aller vers une société zéro cash pour simplifier les paiements tout en luttant mieux contre la fraude fiscale ».

La ligne directrice du rapport consiste à « numériser » le service public pour mieux s'adapter aux besoins des usagers et en réduire les coûts . Pour les personnes les plus éloignées de l'outil informatique, le comité constate un « besoin d'accompagnement numérique », sans détailler les mesures à mettre en oeuvre.

2. Le Comité interministériel de la transformation publique (CITP) : des débuts timides

Lors du Comité interministériel de la transformation publique (CITP) qui s'est tenu le 29 octobre 2018, le Premier ministre a déclaré que le Gouvernement reprendrait entre 60 et 75 % des propositions du Comité action publique 2022. Il n'a toutefois pas détaillé la liste des préconisations retenues.

Si le Gouvernement a annoncé des mesures nouvelles pour moderniser le service public, d'autres mesures ne font que reprendre d'anciens engagements de l'État.

Les principales mesures annoncées lors du Comité interministériel
de la transformation publique (CITP) du 29 octobre 2018

Nouvelles mesures

- Rendre tous les services publics accessibles en ligne d'ici 2022 ;

- Créer, d'ici 2019, le site Vox usagers pour permettre aux usagers de partager leurs avis sur les services publics ;

- Améliorer les indicateurs de résultats et de qualité du service public , notamment pour les caisses de sécurité sociale, les préfectures et les consulats ;

- Mettre en place une université de la transformation publique pour mieux former les managers ;

- Créer une « Agence nationale des mobilités et des reconversions » pour accompagner les mobilités des fonctionnaires de l'État.

Rappel d'anciens engagements de l'État

- Lancer le Pass culture pour favoriser l'accès des jeunes aux activités culturelles ;

- Dématérialiser les listes électorales , à partir du répertoire électoral unique administré par l'INSEE ;

- Créer un service d'identité numérique, en développant l'application FranceConnect de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) ;

- Favoriser l'échange d'informations entre les administrations, en poursuivant la mise en oeuvre du programme « Dites-le-nous une fois » ;

- Rapprocher Pôle emploi et Cap emploi pour simplifier les dispositifs d'insertion dans l'emploi ;

- Maintenir le fonds pour la transformation de l'action publique pour financer les initiatives de modernisation des services publics (voir infra ).

Les perspectives de réforme des ministères et secrétariats d'État ont été fixées par les « plans de transformation ministériels » , annexés au relevé de conclusions du Comité interministériel de la transformation publique.

Ces feuilles de route sont toutefois peu précises et ne comportent aucun élément chiffré ni aucun objectif calendaire. À titre d'exemple, la moitié des ministères et secrétariats d'État se fixent une mission générique de « réformer l'administration territoriale, [d'] adapter les administrations centrales, [de] déconcentrer et [de] s'adapter aux enjeux du numérique ».

Beaucoup d'objectifs sont d'ailleurs liés à l'activité politique et administrative des ministères et des secrétariats d'État, non à la réforme de l'action publique . À titre d'exemple, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères doit « veiller à la mise en oeuvre du discours de la Sorbonne », « poursuivre la mise en oeuvre de l'accord de Paris » ou encore « promouvoir une approche rigoureuse et juste face au défi migratoire ».


* 12 Discours du Premier ministre lors du premier Comité interministériel de la transformation publique (CITP), 1 er février 2018.

* 13 Source : contribution écrite transmise à votre rapporteur.

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