II. UN BUDGET QUI MANQUE D'AMBITION AU REGARD DES DIFFICULTÉS RENCONTRÉES PAR LES FORCES DE SÉCURITÉ INTÉRIEURE

En dépit de l'augmentation, au cours des dernières années, du budget alloué aux forces de sécurité intérieure, les conditions d'emploi et de travail des policiers et gendarmes demeurent particulièrement dégradées.

Le projet de loi de finances pour 2019, pas plus que le précédent, ne traduit pourtant aucun engagement fort pour améliorer la capacité opérationnelle et les conditions de travail des forces de sécurité intérieure.

A. UNE STRATÉGIE D'EMPLOI EN FAVEUR DE LA SÉCURITÉ DU QUOTIDIEN QUI MASQUE UNE CAPACITÉ OPÉRATIONNELLE STRUCTURELLEMENT DÉFICIENTE

Guidée par la mise en place de la police de sécurité du quotidien, la politique d'emplois fixée par le projet de loi de finances pour 2019 risque de ne se traduire, dans la pratique, que par un saupoudrage d'effectifs sur le territoire , insuffisant pour combler une capacité opérationnelle déficitaire et renforcer la présence des policiers et gendarmes sur le terrain.

1. Une politique d'emplois guidée par la réforme de la police de sécurité du quotidien (PSQ)
a) La PSQ, réforme majeure du quinquennat en matière de sécurité intérieure

Lancée le 8 février 2018 par le ministre d'État, ministre de l'intérieur, la police de sécurité du quotidien constitue l'une des priorités gouvernementales du Gouvernement pour le quinquennat en matière de sécurité intérieure.

Élaborée sur la base des réflexions de terrain, recueillies dans le cadre de consultations tenues sur l'ensemble du territoire entre octobre et décembre 2017, cette réforme repose sur un postulat principal : replacer le service du citoyen au coeur de l'action des forces de l'ordre et mieux répondre aux défis de l'insécurité du quotidien, par une proximité renouvelée des forces, une disponibilité et une visibilité accrues au profit de la population.

Sa mise en oeuvre repose sur deux stratégies complémentaires :

- le développement, à l'initiative des acteurs locaux, d'actions immédiates sur l'ensemble du territoire , déclinant les principes de la sécurité du quotidien et adaptées aux réalités de chaque territoire ;

- la conduite d'une action renforcée dans certains territoires jugés prioritaires , en raison d'un niveau d'insécurité plus élevé.

Trente territoires ont ainsi été identifiés pour devenir, d'ici janvier 2019, des quartiers de reconquête républicaine (QRR). Ces quartiers devraient être dotés de moyens humains accrus (10 à 60 effectifs supplémentaires par quartier) et être prioritaires dans l'affectation d'équipements. Ils devraient également pouvoir bénéficier plus facilement de renforts réguliers de forces mobiles. Une trentaine de quartiers supplémentaires pourraient être créés d'ici la fin du quinquennat, portant leur nombre à soixante sur l'ensemble du territoire.

En parallèle, vingt groupements de gendarmerie ont été désignés comme devant être « mieux accompagnés » . De même que pour les quartiers de reconquête républicaine, ils devraient bénéficier d'un renforcement de leurs moyens humains, à hauteur de 500 équivalents temps plein sur l'ensemble du quinquennat.

Au-delà de ces actions, dix chantiers de modernisation ont été annoncés par le Gouvernement pour accompagner la mise en oeuvre de la PSQ.

Les dix chantiers de modernisation de la PSQ

1 - Renforcer la disponibilité par la poursuite et l'amplification du chantier de suppression des missions périphériques et de réduction des tâches administratives.

2 - Simplifier et dématérialiser la procédure pénale.

3 - Développer de nouveaux outils numériques opérationnels.

4 - Renforcer la protection des agents, préalable à une relation plus apaisée avec la population.

5 - Renforcer l'ancrage des policiers et des gendarmes dans leurs territoires d'affectation, notamment les plus difficiles.

6 - Adapter la formation des policiers et des gendarmes.

7 - Diversifier les modes d'accès aux forces de sécurité.

8 - Renforcer les capacités d'action des échelons territoriaux.

9 - Repenser la complémentarité avec les acteurs locaux de sécurité

10 - Développer des indicateurs qualitatifs pour mesurer l'insécurité et évaluer l'action des services.

b) Une allocation conséquente d'effectifs aux missions de sécurité du quotidien

En appui au déploiement de la police de sécurité du quotidien, un accent particulier est mis, dans le projet de loi de finances pour 2019, sur le renforcement des effectifs alloués à la lutte contre la délinquance quotidienne . Il s'agit d'ailleurs de la principale traduction budgétaire du déploiement de la PSQ pour le prochain exercice.

Dans la police nationale, malgré un engagement maintenu en faveur de la lutte contre le terrorisme (360 emplois supplémentaires) et contre l'immigration irrégulière (184 emplois supplémentaires pour la police aux frontières), une part significative des créations d'emploi sera ciblée sur les services de sécurité publique (831 postes supplémentaires). 260 emplois seront en outre affectés aux quartiers de reconquête républicaine, mis en place dans le cadre de la PSQ.

Action 01 - Ordre public et protection de la souveraineté
Action 02 - Sécurité et paix publiques
Action 03 - Sécurité routière
Action 04 - Missions de police judiciaire et concours à la justice
Action 05 - Missions de police et concours à la justice
Action 06 - Commandement, ressources humaines et logistique

Évolution 2018-2019 du plafond d'emplois
du programme 176 « Police nationale » par action (en ETPT)

Selon les informations communiquées par la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN), les nouveaux effectifs seront, selon la même orientation, principalement dédiés au renforcement des brigades territoriales .

En termes de catégories d'emplois, les variations d'effectifs en 2019, dans la police comme dans la gendarmerie, tendent à privilégier, comme au cours des précédents exercices, le renforcement des forces de sécurité opérationnelles , de manière à accentuer la présence sur le terrain.

Ainsi, dans la police, l'effort porte principalement sur les effectifs de gradés et gardiens de la paix (1 479 emplois supplémentaires), les personnels techniques (360 emplois supplémentaires) et les personnels scientifiques (200 emplois supplémentaires). La suppression de 399 effectifs est en revanche prévue dans les corps de conception, de direction et de commandement.

De la même manière, au sein de la gendarmerie, les créations de postes concerneront principalement la catégorie des sous-officiers (850 emplois supplémentaires), tandis que 346 postes d'officiers seront supprimés.

De manière complémentaire aux créations de postes, les deux forces ont engagé un processus de substitution des personnels des corps actifs par des personnels administratifs sur les fonctions de soutien , afin de renforcer leur capacité opérationnelle sur le terrain. À cette fin, des recrutements de personnels administratifs sont prévus pour l'exercice 2019, à hauteur de 177 dans la police nationale et de 84 pour la gendarmerie nationale.

2. Des recrutements difficiles dans les zones au niveau d'insécurité le plus élevé

En dépit des créations d'emplois ciblées sur la sécurité publique, la mise en oeuvre de la police de sécurité du quotidien risque de pâtir de la difficulté, notamment au sein de la police nationale, à affecter des effectifs opérationnels dans les circonscriptions présentant un niveau d'insécurité élevé et à les y fidéliser.

Au 31 août 2018, la direction centrale de la sécurité publique, rattachée à la direction générale de la police nationale (DGPN), dénombrait ainsi un déficit de 369 effectifs dans le corps d'encadrement et d'application 10 ( * ) , par rapport aux effectifs cibles. Loin d'être réparties sur l'ensemble du territoire, les vacances de postes sont concentrées sur certaines circonscriptions réputées comme chroniquement déficitaires, en raison de leur manque d'attractivité. Parmi les départements les plus touchés figurent, à titre d'exemple, le Nord (- 91 effectifs), le Rhône (- 84 effectifs), la Seine-Maritime (- 54 effectifs) ou encore le Val-d'Oise (- 38 effectifs).

Entendu par votre rapporteur, le directeur général de la police nationale, M. Éric Morvan, a indiqué qu'outre le manque certain d'attractivité de certaines circonscriptions de sécurité, les services de sécurité publique avaient également souffert d'une désaffection importante au cours des dernières années, directement liée à l'ouverture de nombreux postes dans le renseignement.

À ces difficultés de recrutement s'ajoute une difficulté à fidéliser les agents qui, de la même manière, affecte les zones les plus sensibles en termes d'insécurité et de délinquance. La région Ile-de-France est, à cet égard, emblématique. Malgré la création de dispositifs spécifiques de fidélisation, les services de sécurité publique peinent à maintenir leurs effectifs et sont contraints de recruter parmi les personnels sortis d'école, plus vulnérables et moins expérimentés.

3. La réforme des rythmes de travail : une bombe à retardement ?

Les réformes du temps de travail engagées au sein de la police et de la gendarmerie pourraient se traduire par une baisse conséquente de la capacité opérationnelle des deux forces et risquent d'obérer le renforcement des effectifs opérationnels par ailleurs engagé.

a) La réforme des cycles horaires au sein de la police nationale

L'organisation des temps de travail au sein de la police nationale a fait l'objet, depuis 2016, d'une importante réforme, impulsée par deux mouvements concomitants.

À la suite d'une mise en demeure de la France par la Commission européenne, il s'agissait en premier lieu de mettre les cycles de travail des agents en conformité avec les règles de temps de travail prévues par la directive européenne 2003/88/CE du 4 novembre 2003, à savoir une durée hebdomadaire maximale de travail de 48 heures, une durée de repos quotidienne de 11 heures consécutives et une période minimale de repos hebdomadaire de 35 heures consécutives.

En second lieu, la question de la réforme des rythmes de travail a été intégrée à la concertation sociale engagée en 2014 par la direction générale de la police nationale en vue d'améliorer les conditions de travail des agents et d'assurer une meilleure conciliation des impératifs d'efficacité opérationnelle et de prévention des risques psycho-sociaux.

À la suite d'une expérimentation conduite sur 16 sites pilotes, deux instructions modifiant l'instruction générale relative à l'organisation du travail dans la police nationale, l'une en date du 19 septembre 2016, l'autre du 4 mai 2017, de même qu'un décret daté du 30 janvier 2017 11 ( * ) , ont été pris de manière à exclure les cycles de travail incompatibles avec la législation européenne, tout en améliorant les conditions de travail et la qualité de vie des agents .

Les nouveaux cycles de travail au sein de la police nationale

Les cycles de travail au sein de la police nationale sont désormais au nombre de 5 12 ( * ) :

- le cycle « 4/2 classique » , qui était en vigueur avant la réforme, organise le travail en quatre vacations consécutives de matin ou d'après-midi, suivies de deux jours de repos ;

- le cycle « 4/2 compressé » repose sur une séquence de 3 vacations de matin ou d'après-midi suivies de 2 jours de repos, 4 vacations de matin ou d'après-midi puis 2 jours de repos ;

- le cycle « 4/2 panaché » se caractérise par 2 vacations de matinée, suivies de 2 vacations d'après-midi et de 2 jours de repos ;

- le cycle dit de la « vacation forte » repose sur trois vacations consécutives de matin ou d'après-midi, suivies de deux jours de repos. Il permet de réduire le nombre de week-ends travaillés à 1 sur 2, contre 5 sur 6 pour le cycle « 4/2 classique » ;

- le cycle « 2/2/3 » repose sur une séquence de 3 journées ou nuits de travail, 2 jours de repos, 2 journées ou nuits de travail, 2 jours de repos.

Si ces nouveaux cycles, entrés en vigueur le 1 er janvier 2017, n'ont, pour la majorité d'entre eux, aucune incidence en termes de capacité opérationnelle, tel n'est pas le cas du cycle dit de la « vacation forte » . Introduit à la demande des organisations syndicales, mais non nécessaire pour garantir le respect de la réglementation européenne, celui-ci est en effet très coûteux en effectifs , dans la mesure où il repose sur le roulement de quatre, et non plus de trois équipes.

Selon les informations communiquées à votre rapporteur, tous les services de police ne sont pas éligibles à l'application du cycle de la « vacation forte » : il ne concerne en effet que les services de sécurité publique assurant des missions de service général et exerçant leurs fonctions selon des plages horaires différentes d'un jour à l'autre, en brigades ou en horaires décalés.

Pour l'heure, la part des unités éligibles ayant adopté le régime de la « vacation forte » est évalué à 11,1 %, minimisant l'impact opérationnel de la réforme. Compte tenu de la satisfaction des personnels à l'égard de ce nouveau rythme de travail, sa généralisation à l'ensemble des unités de la sécurité publique n'est toutefois pas à exclure .

En dépit des affirmations du ministère de l'intérieur, qui minimise les projections d'extension de ce nouveau cycle, votre rapporteur observe que les modalités administratives de mise en oeuvre des cycles de travail, négociées au niveau départemental, au sein des comités techniques départementaux, pourraient d'ailleurs se révéler favorables à son extension.

Comme l'indiquait la Cour des comptes dans un référé de mars 2018 sur les rémunérations et le temps de travail dans la police et la gendarmerie nationales, « la DGPN espère limiter aux services les plus importants l'extension du cycle « à vacation forte » mais il est pour le moins incertain qu'elle y parvienne, tant ce nouveau cycle retient logiquement la préférence des gardiens de la paix et des gradés ».

Sur la base des résultats de l'expérimentation, qui ont permis d'évaluer à 8 % le pourcentage moyen d'effectifs supplémentaires, la direction générale de la police nationale estime que la généralisation du cycle de la « vacation forte » à l'ensemble des unités de sécurité publique éligibles entrainerait une baisse de capacité opérationnelle d'environ 4 160 équivalents temps plein, pour un coût financier estimé à 205 millions d'euros.

Dans une telle hypothèse, la quasi-totalité des créations d'emplois prévues sur la durée du quinquennat pour renforcer les services de sécurité publique seraient absorbées par les pertes d'effectifs engendrées par les nouveaux rythmes de travail.

Ces raisons ont conduit le directeur général de la police nationale à suspendre le déploiement de la réforme et à missionner, le 28 novembre 2017, l'inspection générale de la police nationale pour conduire un audit afin de mesure l'impact des nouveaux cycles de travail , dont les conclusions sont attendues en mars 2019.

Votre rapporteur regrette qu'une telle étude ne soit conduite qu'en aval de l'adoption du cadre réglementaire, alors qu'une étude d'impact en amont aurait pu se révéler utile pour mieux anticiper ses conséquences et les risques budgétaires qu'elle était susceptible d'engendrer.

b) La mise en conformité des règles de travail de la gendarmerie à la directive de 2003

En application des articles L. 4111-1 et L. 4121-5 du code de la défense, les militaires de la gendarmerie nationale ne sont pas soumis, au contraire des autres agents publics, à la réglementation sur le temps de travail applicable à la fonction publique, en raison du principe de disponibilité propre au statut militaire.

Les règles de la directive européenne sur le temps de travail de 2003 n'étant pas compatibles avec ce statut spécifique, la France avait, jusqu'à récemment, défendu devant les instances européennes un statut d'exception pour les forces militaires, dont la gendarmerie nationale.

Toutefois, l'engagement de procédures contentieuses et précontentieuses a conduit la gendarmerie à appliquer de manière partielle, à compter de septembre 2016, certaines dispositions de la directive 13 ( * ) . Est ainsi désormais appliquée aux militaires de la gendarmerie une période de repos journalier de onze heures consécutives, sous réserve d'adaptations pour des motifs opérationnels.

Selon les informations communiquées à votre rapporteur par la direction générale de la gendarmerie nationale, l'application a minima de la directive a d'ores et déjà généré une baisse importante de la capacité opérationnelle, évaluée à environ 4 000 équivalents temps plein travaillés (ETPT) , partiellement compensée par la mise en place d'un système d'astreinte.

Bien que le Gouvernement ait assuré qu'aucune disposition complémentaire ne serait appliquée à la gendarmerie nationale, de nombreuses incertitudes demeurent, notamment en raison des procédures contentieuses engagées, sans que les conséquences sur le plan opérationnel, notamment en termes de perte d'effectifs, aient été mesurées.

Comme l'indique la Cour des comptes dans son référé précité, « de telles incertitudes devraient être levées sans tarder car elles rendent difficile une programmation fiable des emplois de la gendarmerie à ses besoins opérationnels. [...] À ce jour, la réforme reste inachevée et porteuse de risques pour les finances publiques ».

4. La difficile résorption des « tâches indues »

De nombreux policiers et gendarmes continuent d'exercer des missions qui, généralement affectées aux forces de sécurité intérieure pour des raisons tenant à leur disponibilité, et désormais accomplies par habitude, ne relèvent pas pour autant des missions prioritaires des forces de sécurité intérieure.

De l'avis des agents comme de leur hiérarchie, ces missions périphériques, généralement désignées comme des « tâches indues », déstabilisent l'organisation des services et sont accomplies au détriment des missions principales confiées aux forces de sécurité intérieure.

Si plusieurs réformes ont d'ores et déjà permis de réduire leur périmètre, parmi lesquelles la réduction des gardes statiques ou encore le transfert aux services préfectoraux des missions de recueil des déclarations de perte de permis de conduire, ces missions continuent de mobiliser de nombreux effectifs , dans la police comme dans la gendarmerie, et réduisent la capacité opérationnelle des forces.

Or, il ne fait aucun doute que, dans un contexte budgétaire contraint, l'augmentation seule des effectifs ne saurait suffire à renforcer la capacité opérationnelle de la police et de la gendarmerie et permettre une présence accrue sur le terrain des forces de l'ordre.

Aussi, dans le cadre des chantiers accompagnant la mise en oeuvre de la PSQ, le ministère de l'intérieur a-t-il lancé une réflexion visant à conduire une analyse exhaustive de ces missions, en vue de procéder à des réorganisations destinées à concentrer les personnels actifs sur des missions de sécurité et au contact de la population.

Plusieurs représentants syndicaux ont toutefois indiqué à votre rapporteur qu'à ce jour, ces annonces ne s'étaient traduites par aucune avancée concrète. À l'instar de la commission sénatoriale d'enquête sur l'état des forces de sécurité intérieure, votre rapporteur pour avis juge indispensable qu'en parallèle du renforcement des effectifs, un groupe de travail commun à la police et à la gendarmerie soit mis en place afin d'établir un inventaire précis des missions périphériques non rattachables à une mission de sécurité publique, d'évaluer la charge opérationnelle induite et de définir un feuille de route pour leur transfert à d'autres administrations ou leur abandon.

5. Un objectif d'emploi élevé des réserves civile et opérationnelle, grevé par des dotations budgétaires contraintes

Dans un contexte sécuritaire tendu, les réservistes constituent une force de soutien essentielle aux effectifs engagés sur le terrain et permettent, en déchargeant policiers et gendarmes de certaines tâches, de faciliter leur mobilisation sur le terrain.

C'est ainsi qu'à la suite des attentats qui ont frappé la France en 2015, leur emploi s'est fortement accru, notamment grâce au renforcement des moyens de lutte contre le terrorisme.

Les réserves de la police et de la gendarmerie nationales

Instituée par la loi n° 2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, la réserve civile de la police nationale est composée :

a) d'une réserve statutaire, qui découle de l'obligation de disponibilité des policiers dans les cinq années suivant leur départ à la retraite et jusqu'à 65 ans ;

b) d'une réserve volontaire, ouverte, depuis la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, à tout citoyen âgé de 18 à 65 ans, sous réserve du contrôle de la capacité physique et morale que requiert un emploi dans la police nationale.

La loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste a élargi la réserve statutaire aux anciens adjoints de sécurité disposant de trois ans d'ancienneté et n'ayant pas fait l'objet d'une sanction disciplinaire.

Régie par les articles L. 4211-1 et suivants du code de la défense, la réserve opérationnelle de la gendarmerie comprend :

- une réserve volontaire, dite de premier niveau, composée de volontaires ayant signé un contrat d'engagement pour une période allant de un à cinq ans ;

- une réserve dite de second niveau, composée d'anciens militaires d'active soumis à une obligation de disponibilité de cinq ans.

Dans la police, le nombre de réservistes a augmenté de près de 32 % entre 2016 et 2017. Depuis le 1 er janvier 2018, plus de 1 000 contrats supplémentaires ont été signés. En parallèle, c'est également le nombre de vacations réalisées qui a fortement cru : il a ainsi augmenté de 44 % entre 2015 et 2016, puis de 43 % entre 2016 et 2017.

De la même manière, l'emploi des effectifs volontaires de la réserve opérationnelle de la gendarmerie a fortement augmenté au cours des dernières années, grâce à la hausse progressive des dotations budgétaires. Le nombre de réservistes volontaires est ainsi passé de 22 960 en 2015 à 29 847 en 2017, et leur nombre moyen de jours d'activités par an de 23,5 à 32,8 sur la même période.

Alors que se profile la mise en oeuvre de la police de sécurité du quotidien, les objectifs d'emploi de la gendarmerie demeurent élevés , pour favoriser la présence des forces sur le terrain. Ainsi, la gendarmerie nationale vise à maintenir son stock de réservistes à 30 000, avec un emploi journalier de 3 000 effectifs.

Le projet de loi de finances pour 2019 ne paraît toutefois pas à la hauteur de ces ambitions.

Au sein du programme 176 « Police nationale », le montant prévisionnel des crédits affectés au financement de la réserve civile est estimé à 31,9 millions d'euros, contre 30,6 millions d'euros en 2018. Il a toutefois été indiqué à votre rapporteur que le montant définitif du budget de la réserve civile ne serait défini qu'en début de gestion, en fonction des autres contraintes du programme. Compte tenu des mesures d'économies imposées sur le budget, votre rapporteur n'exclut pas que cette dotation prévisionnelle puisse être réduite.

S'agissant de la gendarmerie nationale, 98,7 millions d'euros sont fléchés dans le programme 152 sur le financement de la réserve opérationnelle volontaire. Une partie de ces crédits (19 millions d'euros) sera toutefois destinée à payer les réservistes mobilisés en fin d'année 2018, et qui n'auront pu être rémunérés sur l'enveloppe 2018, faute de crédits suffisants. En effet, fixés à 98,7 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2018, les crédits alloués à la réserve opérationnelle avaient été ramenés, en début d'exercice, à 70,7 millions d'euros à la suite de l'application d'une mesure de régulation, rendue nécessaire par la sous-dotation des crédits du titre 2.

Les crédits effectivement disponibles pour l'emploi de la réserve opérationnelle en 2019 s'élèveront donc à 79,7 millions d'euros, une enveloppe qui, au vu de l'exécution en 2018, se révèle très largement insuffisante pour répondre aux besoins d'emplois des réservistes de la gendarmerie.


* 10 Gardiens de la paix.

* 11 Décret n° 2017-109 du 30 janvier 2017 modifiant le décret n° 2002-1279 du 23 octobre 2002 portant dérogations aux garanties minimales de durée du travail et de repos applicables aux personnels de la police nationale.

* 12 L'application de ces cycles de travail concerne principalement les personnels exerçant leurs fonctions selon des plages horaires différentes d'un jour à l'autre, en brigades ou en horaires décalés. Ne sont en revanche pas concernés les personnels exerçant des missions de soutien ou de traitement judiciaire.

* 13 Instruction provisoire du 8 juin 2016 modifiant les règles relatives au temps de travail dans la gendarmerie nationale.

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