C. UN NIVEAU D'ACTIVITÉ QUI DEMEURE SOUTENU DEPUIS 2010 EN RAISON DU SUCCÈS DE LA QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITÉ QUI NE SE DÉMENT PAS

La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 28 ( * ) et la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 relative à l'application de l'article 61-1 de la Constitution ont rendu possible, à compter du 1 er mars 2010, la saisine a posteriori du Conseil constitutionnel par tout justiciable estimant qu'une disposition législative en vigueur porte atteinte aux droits et libertés constitutionnellement garantis.

Entre la première décision rendue, le 28 mai 2010, et le 16 novembre 2018, 744 décisions issues d'une question prioritaire de constitutionnalité ont été rendues , soit 4,5 fois plus que les décisions résultant d'une saisine a priori du Conseil sur la même période. Si l'on exclut les années 2010 et 2011 qui ont vu le lancement de la procédure, et qui, à ce titre, ne peuvent être considérées comme représentatives, le Conseil rend depuis six ans entre 60 et 80 décisions de ce type chaque année. Le Conseil constitutionnel rend ses décisions QPC dans un délai moyen de 74 jours (contre 78 jours en 2017), conformément au délai de trois mois fixé par la loi organique du 10 décembre 2009, malgré la hausse en parallèle, depuis dix ans, des décisions DC rendues à l'issue de saisines a priori . Ce délai peut être tenu parce qu'un certain nombre de règles sont scrupuleusement respectées : délai maximal des plaidoiries de 15 minutes, refus systématique des reports d'audience, etc.

Sur le plan statistique, votre rapporteur constate 29 ( * ) qu'il n'existe pas d'écart significatif dans les transmissions des QPC selon qu'elles émanent du Conseil d'État ou de la Cour de cassation.

La supposée réticence de la Cour de cassation à transmettre les QPC au Conseil constitutionnel entre 2010 et 2012 ne se vérifie plus. Certes, le nombre de QPC soulevées en 2016 devant le juge judiciaire, pour des raisons conjoncturelles, ayant été particulièrement important, l'activité en 2017 est revenue à un niveau plus proche des années antérieures. La Cour de cassation a ainsi transmis 28 QPC au Conseil constitutionnel en 2017, pour un total de 257 décisions rendues, soit, en valeur brute, un taux de transmission de 11 %. La seule évolution notable en la matière concerne la nature des contentieux faisant l'objet d'une QPC : depuis deux ans, la matière civile entraîne un nombre de QPC plus important que la matière pénale.

S'agissant des juridictions administratives, les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel ont rendu 751 décisions QPC, transmettant au Conseil d'État 54 décisions de ce type. Si l'on tient compte des 3 QPC en provenance des juridictions administratives spécialisées et surtout des 201 QPC introduites à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'État, ce sont en tout 258 QPC qui ont été enregistrées devant le Conseil d'État dont 238 ont pu être traitées et 54 renvoyées devant le Conseil constitutionnel, soit un taux brut de transmission de 22 %.

Ces taux bruts de transmission au Conseil constitutionnel par la Cour de cassation et par le Conseil d'État ne correspondent pas exactement aux chiffres de transmission retenus par le Conseil constitutionnel, ce dernier retraitant à juste titre les données pour tenir compte de l'appariement entre dossiers connexes.

Lors de son audition 30 ( * ) par votre rapporteur, le président du Conseil constitutionnel a insisté sur la nécessité de passer à une nouvelle étape. Il a ainsi indiqué qu'il envisageait de dresser un bilan plus complet de la QPC en 2020, à l'occasion des dix ans du mécanisme. Il s'agira de dresser une typologie de la QPC. D'un point de vue juridique, la QPC est largement analysée. Autrement dit, le mécanisme de filtre, tout en limitant les manoeuvres dilatoires, permet aux justiciables de voir leurs droits fondamentaux garantis par le Conseil constitutionnel.

Ce dernier souhaiterait aller plus loin en analysant de manière plus approfondie à cette occasion les caractéristiques au sens large de la QPC : Dans quelle mesure les avocats encouragent-ils leurs clients à y recourir ? Existe-t-il des zones géographiques plus enclines à soulever des QPC ? Pourquoi le contentieux en matière fiscale donne-t-il lieu à un nombre de QPC si important alors que le droit du travail, par exemple, entraîne moins de QPC ? Le président du Conseil constitutionnel a indiqué à votre rapporteur lors de son audition qu'il « souhaite vérifier jusqu'à quel point la QPC est devenue ce qu'on peut appeler une « question citoyenne », et s'il y a des améliorations à envisager. »


* 28 L'article 61-1 de la Constitution dispose que « lorsque, à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction, il est soutenu qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, le Conseil constitutionnel peut être saisi de cette question sur renvoi du Conseil d'État ou de la Cour de cassation qui se prononce dans un délai déterminé ».

* 29 Sur le fondement du rapport annuel d'activité du Conseil d'État, du rapport annuel d'activité de la Cour de cassation et des éléments fournis à votre rapporteur par les services du Conseil constitutionnel.

* 30 Audition de M. Laurent Fabius, président du Conseil constitutionnel, le lundi 19 novembre 2018.

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