C. LA COMMISSION NATIONALE DE CONTRÔLE DES TECHNIQUES DE RENSEIGNEMENT

La CNCTR, créée par la loi n° 2015-912 du 24 juillet 2015 relative au renseignement, a remplacé la commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité, avec un périmètre d'action élargi. Elle adresse un avis préalable au Premier ministre sur les demandes de mise en oeuvre de techniques de renseignement. Elle est en outre dotée de missions a posteriori : elle contrôle l'exécution des autorisations accordées par le Premier ministre et réalise des inspections au sein des services de renseignement.

La loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale, a intégré le renseignement pénitentiaire dans les services dits « du second cercle ». Ce renseignement pénitentiaire peut, en vertu de la loi n° 2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique, et pour des finalités propres (prévention des évasions ; sécurité et bon ordre dans les établissements pénitentiaires), être autorisé à recourir à certaines techniques de renseignement.

Ces nouvelles compétences n'ont pas engendré un surcroît d'activité pour la CNCTR, les demandes d'avis émanant du renseignement pénitentiaire étant peu nombreuses, tout comme celles émanant de TRACFIN et de la direction du renseignement militaire, cette dernière n'agissant pas sur le terrain intérieur.

Suite à la censure par le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2016-590 QPC du 21 octobre 2016, de l'article L. 811-5 du code de la sécurité intérieure, relatif à la surveillance et au contrôle des transmissions empruntant la voie hertzienne, la CNCTR a été chargée par le Conseil constitutionnel, pendant une période transitoire, de s'assurer qu'aucune technique relevant du droit commun applicable aux techniques de renseignement n'était mise en oeuvre dans le cadre de cette disposition. À ce titre, la CNCTR a entendu les chefs des services faisant usage de cette « exception hertzienne » et effectué des contrôles sur les sites d'interception afin de s'assurer que les prescriptions du Conseil constitutionnel étaient respectées.

Pour tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel du 21 octobre 2016 précitée, la loi n° 2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme a créé une nouvelle technique de renseignement consistant à intercepter les correspondances échangées exclusivement par voie hertzienne privative. La CNCTR exerce un contrôle a priori s'agissant des communications électroniques empruntant exclusivement des réseaux hertziens ouverts.

La loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 a précisé le champ des mesures pouvant être mises en oeuvre dans le cadre de la surveillance des communications électroniques internationales en autorisant des surveillances ciblées. Le contingentement prévu par le texte n'a pas encore été déterminé.

La loi a enfin consacré le contrôle a priori opéré par la CNCTR en matière d'autorisations d'exploitation des communications internationales interceptées alors que seul un contrôle a posteriori était exigé. L'autorité avait dès le mois de mars 2017 accepté à la demande du Premier ministre le renforcement du contrôle.

Enfin, en 2017, la CNCTR a autorisé le premier algorithme après un contrôle rigoureux, de sorte qu'à ce jour toutes les catégories de techniques de renseignement sont mises en oeuvre.

L'autorité a été saisie le 18 juillet 2017 d'une demande tendant à la première mise en oeuvre d'un traitement automatisé sur le fondement de l'article L. 851-3 du code de la sécurité intérieure. Par une décision classifiée du 26 juillet 2017, la CNCTR a constaté que le traitement présenté correspondait à la définition légale et que le recours à ce traitement ne porterait pas à la vie privée une atteinte disproportionnée à la menace terroriste qu'il s'agissait de prévenir. Néanmoins la CNCTR a émis un avis défavorable à la mise en oeuvre du traitement après avoir relevé que l'architecture générale ne respectait pas toutes les garanties préconisées par sa délibération du 28 juillet 2016 et fixées par le Premier ministre dans sa décision du 27 avril 2017.

Saisie le 25 septembre 2017 d'une demande rectificative, l'autorité a, par délibération classifiée en date du 5 octobre 2017, émis un avis favorable à une première mise en oeuvre du traitement pendant une durée limitée à deux mois. Un nouvel avis favorable a été rendu le 9 décembre 2017, sous réserve là encore que l'autorisation soit limitée à deux mois, puis le 8 février 2018 pour une poursuite de la mise en oeuvre du traitement pour une durée de quatre mois.

Globalement, l'activité de la CNCTR continue de croître, de 5 % en 2017, cette tendance se confirmant en 2018. L'autorité a rendu, en 2017, 70 432 avis préalables portant sur 30 116 demandes d'accès aux données de connexion en temps différé pour identification d'abonnés ou recensement de numéros d'abonnement, technique la moins intrusive ; 18 512 demandes d'accès à des données autres de connexion en temps différé (factures détaillées...) ; 3 751 demandes de géolocalisation en temps réel ; 8 758 demandes d'interceptions de sécurité ; 9 295 demandes portant sur d'autres techniques. 21 386 personnes ont été surveillées en 2017 (hausse de 5 %), dont 42,8 % pour le motif de terrorisme et 25,8 % pour crime organisé (essentiellement trafic de drogue).

Pour mémoire, le Premier ministre a toujours suivi les avis rendus par la CNCTR.

Son président, M. Francis Delon, estime que l'autorité pourra en 2019, à budget quasi constant, faire face à ses missions tout en s'interrogeant pour l'avenir compte tenu de l'augmentation constante du nombre de saisines. La CNCTR est composée de neuf membres dont trois y exerçant à temps complet, et d'un secrétariat de vingt personnes (y compris les trois membres à temps complet).

Pour ses contrôles a posteriori , la CNCTR dispose d'un accès permanent complet, direct et, pour certaines techniques, immédiat, aux relevés de mise en oeuvre, aux registres prévus par la loi, aux renseignements collectés ainsi qu'aux transcriptions et extractions effectuées par les services bénéficiaires. Les contrôles dans les services les plus importants que sont la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), sont passés de deux par mois en 2016 à un par semaine en 2017.

Les effectifs supplémentaires accordés en 2017 ont permis d'absorber l'élargissement du contrôle de la CNCTR sur la surveillance internationale. En ce domaine, le contrôle est réalisé a posteriori . Cependant, le Gouvernement a souhaité que le contrôle soit également exercé a priori , comme pour les autres techniques de renseignement. L'expérimentation menée par la CNCTR à partir du printemps 2016 s'est révélée concluante. La commission a approuvé en mars 2017 les conditions pérennisant ce contrôle a priori .

L'activité de la CNCTR, lorsqu'elle est saisie par des particuliers souhaitant vérifier qu'aucune technique de renseignement n'est ou n'a été irrégulièrement mise en oeuvre à son encontre, reste marginale. 54 réclamations ont été enregistrées en 2017, soit 5 de plus qu'en 2016.

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