CHAPITRE II : LES CRÉDITS CONSACRÉS AUX TRANSPORTS FERROVIAIRES, COLLECTIFS ET FLUVIAUX

A. LE TRANSPORT FERROVIAIRE : UN SECTEUR EN PLEINE MUTATION

1. La loi pour un nouveau pacte ferroviaire : une réforme ambitieuse

La loi n° 2018-515 du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire fait évoluer le secteur ferroviaire en profondeur.

Elle transforme en effet les établissements publics du groupe ferroviaire en sociétés anonymes à capitaux publics à compter du 1 er janvier 2020, et rattache la gestion des gares à SNCF Réseau , à travers une filiale dotée d'une autonomie organisationnelle, décisionnelle et financière. Elle met fin, à la même date, au recrutement au statut , une convention collective et le pacte social propre à la SNCF devant être négociés d'ici là.

Elle fixe les conditions de l'ouverture à la concurrence des services de transport de voyageurs, qui sera effective à partir de 2021 pour les services commerciaux. Pour les services conventionnés, elle sera possible à partir de 2020 et obligatoire pour les conventions de service public conclues à partir de 2024 (hors Ile-de-France), sauf lorsqu'il sera fait usage des dérogations prévues par le droit européen.

Dans cette perspective, la loi :

- précise les conditions du transfert des personnels en cas de changement d'attributaire d'un contrat de service public ;

- impose aux acteurs ferroviaires des obligations de transmission aux autorités organisatrices et aux candidats des données nécessaires à la préparation des appels d'offres ;

- oblige l'État à conclure des contrats de service public pour répondre aux besoins d'aménagement du territoire et préserver des dessertes directes sans correspondance par des services TGV ;

- prévoit le transfert des matériels roulants et des ateliers de maintenance majoritairement utilisés pour des services conventionnés aux autorités organisatrices, à leur demande ;

- prévoit une redéfinition du cadre de la tarification du réseau .

Plusieurs volets de cette réforme doivent être précisés par la voie d'ordonnances, que le Gouvernement devra présenter dans un délai de six ou douze mois après la publication de la loi.

Votre commission avait été particulièrement attentive, lors de l'examen de ce texte, à la préservation des dessertes TGV directes des villes moyennes, en obligeant l'État à conclure des contrats de service public incluant des services à grande vitesse. Dans cette perspective, il conviendra que l'État présente au Parlement le schéma national des services de transport mentionné à l'article L. 1212-3-1 du code des transports, prévu par la loi n° 2014-872 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire, mais jamais présenté à ce jour. Ce schéma fixe les orientations de l'État concernant les services de transport ferroviaire de voyageurs d'intérêt national et détermine en particulier, dans un objectif d'aménagement et d'égalité des territoires, les services de transport ferroviaire de voyageurs conventionnés par l'État.

2. Les mesures prises pour assainir la trajectoire financière de SNCF Réseau

Plusieurs mesures ont également été prises dans le cadre de ce nouveau pacte ferroviaire pour assainir la situation financière de SNCF Réseau , dont la dette financière s'élevait, au 31 décembre 2017, à 45,2 milliards d'euros en valeur de remboursement 4 ( * ) , en augmentation de 3,2 milliards d'euros par rapport à l'année précédente.

Cette augmentation s'explique, pour 2,3 milliards d'euros, par le déficit structurel du réseau existant, pour 200 millions d'euros par l'endettement contracté pour financer les projets de développement et pour 700 millions d'euros par des éléments conjoncturels. Cette dette devrait augmenter de l'ordre de 3 milliards d'euros en 2018. Le 6 septembre 2018, SNCF Réseau a été reclassé en administration publique par l'Insee, en accord avec Eurostat, à compter de l'année 2016, ce qui a pour conséquence d'intégrer la dette de SNCF Réseau au calcul de la dette publique.

À la fin du mois de mai 2018, au cours des débats concernant la loi pour un nouveau pacte ferroviaire, le Gouvernement a annoncé une reprise de 35 milliards de dette de SNCF Réseau en deux temps : 25 milliards d'euros en 2020, et 10 milliards d'euros en 2022. D'après SNCF Réseau, cette mesure devrait permettre d'alléger ses charges financières d'un milliard d'euros par an à partir de 2022.

En parallèle, la « règle d'or » de maîtrise de l'endettement de SNCF Réseau a été renforcée dans la loi pour un nouveau pacte ferroviaire.

De plus, l'État a demandé à SNCF Réseau des engagements de productivité supplémentaires par rapport à ceux contractualisés dans le contrat de performance signé avec l'opérateur en avril 2017, qui prévoyait 1,2 milliard d'euros de performance annuelle à horizon 2026. Ces efforts reposaient sur plusieurs leviers, tels que l'optimisation des achats, la modernisation des outils de gestion et d'exploitation du réseau, ou l'optimisation des processus et des outils industriels. Pour l'année 2018, les gains de productivité, de 276 millions d'euros, ont été supérieurs à ceux prévus par le contrat, de 176 millions d'euros.

Dans le cadre du nouveau pacte ferroviaire, 380 millions d'euros de productivité supplémentaires sont attendus en 2026, ce qui portera l'effort de productivité à plus d'1,6 milliard d'euros. Ces engagements reposent sur l'arrêt du recrutement au statut, la digitalisation, la dénonciation des accords locaux et la polyvalence.

La trajectoire financière de SNCF Réseau sera aussi impactée par la révision à la baisse de la trajectoire d'évolution des péages des activités commerciales (TGV et fret), que le Gouvernement souhaite limiter au niveau de l'inflation. Pour le fret, ce mécanisme est rendu possible par la prise en charge par l'État du manque à gagner dans le cadre de la compensation fret.

L'ensemble de ces éléments conduiront l'État à revoir le contrat de performance signé en 2017. D'après la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer, une première version consolidée de ce document devrait être disponible à l'horizon du début du deuxième semestre 2019.

Votre rapporteur pour avis approuve les mesures fortes prises pour assainir la situation financière de SNCF Réseau, indispensables à sa transformation en société anonyme et à la conduite d'une politique d'entretien et de modernisation plus ambitieuse, qu'il est désormais urgent de mettre en oeuvre.

3. L'enjeu de la régénération du réseau
a) Les lignes les plus circulées

Un audit externe sur l'état du réseau ferré national a été réalisé par un groupement d'experts internationaux, à la demande de l'État. Rendu en mars 2018, cet audit avait pour but de mettre à jour les évaluations relatives à l'état du réseau, d'évaluer les politiques de maintenance, d'estimer les besoins financiers liés au renouvellement des actifs et de porter un regard sur certaines pratiques industrielles structurantes.

Cet audit estime que « les efforts consentis depuis la fin des années 2000 permettent le rattrapage progressif du retard de renouvellement des voies et des appareils de voie des groupes UIC 2 à 6 ; sous réserve du maintien de l'effort financier, la substance de ce patrimoine devrait se stabiliser dès 2025 - 2030 (la part de linéaires « hors d'âge » devrait devenir marginale). En revanche, résoudre l'obsolescence des caténaires les plus anciennes, maîtriser le vieillissement des ouvrages d'art et moderniser la signalisation nécessiteront des niveaux d'investissements élevés au cours du prochain quart de siècle. »

En particulier, « l'écart entre les besoins théoriques de renouvellement des infrastructures des groupes UIC 2 à 6, LGV comprises et la trajectoire définie par le contrat de performance se monte à environ 520 millions d'euros par an (en euros constants aux conditions économiques 2017) en moyenne sur la période 2017-2026. »

Depuis, il a été décidé dans le cadre du nouveau pacte ferroviaire qu'à partir de 2020, SNCF Réseau investirait plus sur le réseau ferroviaire que ce que prévoit le contrat de performance, ces investissements supplémentaires devant atteindre le montant de 200 millions d'euros par an à partir de 2022.

Par ailleurs, le Gouvernement compte sur la mise en place d'une nouvelle politique de gestion de l'infrastructure plus efficace et adaptée, s'appuyant sur des leviers d'optimisation du système (par exemple, la commande centralisée du réseau), pour augmenter les performances du gestionnaire du réseau.

Votre commission estime que ce sujet devra continuer à faire l'objet d'une vigilance particulière, notamment lors de l'examen du volet programmation du projet de loi d'orientation des mobilités.

b) Les lignes de desserte fine du territoire

Les lignes UIC 7 à 9, de desserte fine du territoire, aussi appelées « petites lignes », doivent faire l'objet d'une évaluation par le Gouvernement d'ici juin 2019, en application de l'article 27 de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire.

Les lignes de cette catégorie utilisées pour le transport de voyageurs représentent 9 137 km sur les 28 364 km du réseau ferré national, soit un tiers du réseau. Elles accueillent 10 % des circulations nationales et 20 % des services régionaux. Deux tiers de ces lignes voient moins de vingt trains par jour.

Un état des lieux produit par SNCF Réseau à l'été 2018 fait le constat qu'environ 4 600 km de ces lignes subissent des ralentissements. En l'absence d'investissements de régénération, environ 4 200 km d'entre elles risquent de faire l'objet d'une suspension de circulation d'ici 2028. Près de 30 % des lignes de desserte fine du territoire sont dans un état fortement dégradé pour une partie de leurs composants.

Le besoin d'investissement pour remettre l'ensemble de ces lignes à niveau est évalué par le gestionnaire du réseau à environ 6,9 milliards d'euros dans les 10 ans, dont 2,7 milliards d'ici 2022.

La réalisation de ces investissements doit intervenir dans le cadre de la contractualisation entre l'État et les régions et dépendra de leurs capacités financières et des choix effectués. SNCF Réseau a d'ores et déjà mis en place une nouvelle approche méthodologique consistant à revisiter les besoins pour ajuster les caractéristiques de l'infrastructure au niveau du service attendu. Il a recensé plusieurs solutions techniques d'optimisation :

- l'accroissement de la capacité de la ligne pour faire circuler davantage de trains, afin d'améliorer la couverture des coûts de SNCF Réseau par des péages ;

- l'exploitation en navettes, avec un seul train qui fait des allers-retours, ce qui permet d'alléger significativement la signalisation ;

- la mise à voie unique des tronçons de double voie trop peu fréquentés, comme entre La Roche-sur-Yon et La Rochelle, avec une économie de 40 % à la clef par rapport au devis initial ;

- l'installation de systèmes d'électrification plus légers ;

- le choix d'un matériel roulant hybride, qui passerait avec des batteries là où il est particulièrement coûteux de (ré)installer une ligne aérienne ;

- des systèmes de signalisation numérique allégés : une adaptation de Nexteo, système de signalisation ne nécessitant pas de postes tous les 10 à 20 km, basé sur un contrôle informatisé indépendant des circuits de voie.

Un débat a également été ouvert sur l'externalisation de la gestion de certaines opérations, voire le transfert à des autorités organisatrices de transport.


* 4 Elle atteignait 46,6 milliards d'euros en norme IFRS (qui tient compte de l'ensemble des instruments financiers).

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