CHAPITRE I - LE BUDGET DE L'AGENCE DE FINANCEMENT DES INFRASTRUCTURES DE TRANSPORT DE FRANCE

L'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) est chargée depuis 2005 de financer, pour le compte de l'État, les projets d'infrastructures de transport, à partir de recettes affectées.  Son champ d'intervention a été élargi au fil du temps, puisqu'elle finance aussi, désormais, la part de l'État dans les contrats de plan État-régions (CPER), des investissements de régénération ou de sécurisation des réseaux routiers, ferroviaires et fluviaux, des projets de création ou de développement de transports collectifs et le renouvellement des matériels roulants des trains d'équilibre du territoire.

Ce mécanisme de financement répond à une logique de report modal, puisque les ressources de l'agence sont exclusivement issues de la route : il s'agit de la redevance domaniale et d'une fraction de la taxe d'aménagement du territoire, applicables aux sociétés d'autoroutes, d'une fraction de la taxe intérieure à la consommation sur les produits énergétiques (TICPE), d'une fraction du produit des amendes radar, et de la contribution exceptionnelle des sociétés d'autoroutes négociée dans le cadre du plan de relance autoroutier conclu en 2015.

LES RECETTES DE L'AFITF DEPUIS 2010

Recettes (en millions d'euros)

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019 1 ( * )

Taxe d'aménagement du territoire

539

542

535

538

571

555

512

516

472

523

Redevance domaniale

186

193

198

300

314

326

331

351

355

360

Amendes radars

126

177

272

170

203

233

333

409

450

500

TICPE

1139

763

1124

1028

1206

Plan de relance autoroutier

100

100

100

60

Droit d'entrée A63

400

Produits divers

25

1

2

1

35

35

Subvention budgétaire Programme 203

915

974

900

560

656

Subvention budgétaire (Plan de relance)

331

Total recettes hors avance France Trésor

2122

2287

1907

1568

1743

2354

2039

2400

2440

2684

Source : direction générale des infrastructures, des transports et de la mer.

LES DÉPENSES DE L'AFITF DEPUIS 2010

Dépenses (en millions d'euros)

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Routes

771

869

763

664

705

739

779

811

942

Ferroviaire

1031

688

643

729

668

705

820

960

1057

Fluvial

45

73

44

66

35

64

83

79

99

Portuaire et littoral

53

58

59

69

30

58

55

45

45

Transports collectifs

187

265

315

349

268

172

213

186

273

Divers (PEI Corse, aires de contrôle des poids lourds)

46

26

33

32

8

17

22

25

25

Total - hors frais financiers et hors indemnité versée à Écomouv

2133

1979

1857

1909

1714

1755

1972

2107

2440

Source : direction générale des infrastructures, des transports et de la mer.

L'Afitf a ainsi permis d'affecter des recettes régulières et prévisibles à des projets concernant les transports, qui s'échelonnent sur plusieurs années. Mais elle souffre depuis plusieurs années d'une inadéquation entre ses recettes et ses dépenses , liée aux reports successifs de l'entrée en vigueur de l'écotaxe, puis à son abandon. Elle a ainsi accumulé des restes à payer, qui s'élevaient à 12 milliards d'euros à la fin de l'année 2017.

Dans un référé du 10 juin 2016 déjà exposé dans les avis budgétaires consacrés aux crédits relatifs aux transports routiers et ferroviaires du projet de loi de finances pour 2018 2 ( * ) , la Cour des comptes a déploré cette accumulation de restes à payer, faisant peser « de sérieux doutes sur la capacité de l'Afitf à faire face à ses engagements. » Par ailleurs, elle a dénoncé le fait que les fonds de concours issus de l'Afitf comportent l'inconvénient de ne pas être directement soumis à l'autorisation parlementaire de la loi de finances.

Dans ce contexte, le Gouvernement a annoncé, en juillet 2017, une pause dans la réalisation des grands projets d'infrastructures, le temps de réévaluer les besoins et la stratégie de l'État dans ce domaine. Dans cet objectif, il a organisé à l'automne 2017 des Assises de la mobilité, et mis en place un Conseil d'orientation des infrastructures, présidé par Philippe Duron, qui a remis son rapport en février 2018.

Ce conseil a défini trois scénarios de programmation du financement des infrastructures.

LES TROIS SCÉNARIOS DU CONSEIL D'ORIENTATION DES INFRASTRUCTURES

Source : rapport du Conseil d'orientation des infrastructures.

Le projet de loi d'orientation des mobilités , issu de ces travaux, vise notamment à lever les critiques formulées à l'encontre de l'Afitf, en inscrivant dans la loi des éléments de programmation des dépenses de transport, qui devront être accompagnés des ressources correspondantes. Cette démarche doit permettre une meilleure soutenabilité de la trajectoire financière de l'agence, ainsi qu'une meilleure association du Parlement à sa détermination. Votre commission y sera particulièrement attentive.

Les restes à payer de l'agence devraient diminuer de 290 millions d'euros d'ici la fin de l'année 2018, en raison de cette pause. Parmi ces restes à payer, 5,7 milliards d'euros correspondent à des engagements liés à des contrats de partenariat, qui s'échelonnent nécessairement sur des durées plus longues.

Autre conséquence de l'inadéquation entre ses ressources et ses dépenses, l'agence a accumulé une dette vis-à-vis de SNCF Réseau, qui a progressivement été réduite ces dernières années, de 707 millions d'euros fin 2015 à 408 millions d'euros fin 2016, puis 221 millions d'euros fin 2017. D'après la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer, cette dette devrait être remboursée totalement en 2021.

Il peut également être signalé que l'agence a dû payer en 2018 7,8 millions d'euros de frais pour certaines conventions (LGV, TET), pour lesquelles elle n'a pas été en mesure de régler les appels de fonds dans les délais impartis, en particulier lorsque les dépenses qu'elle devait régler excédaient ses recettes budgétées.

Le budget de l'Afitf prévu pour 2019, de 2,684 milliards d'euros , est en augmentation de 10 %, soit 244 millions d'euros, par rapport à 2018.

D'après la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer, ce budget est adapté pour couvrir les prévisions de dépenses de l'établissement, moyennant toutefois l'échelonnement ou le report éventuels d'une année de certains engagements.

Si cette augmentation du budget de l'Afitf est bienvenue, vos rapporteurs relèvent que ce montant reste en-deçà des préconisations du scénario 2 du Conseil d'orientation des infrastructures , considéré comme le meilleur compromis possible entre les contraintes budgétaires actuelles et la nécessité d'investir dans la régénération et la modernisation des réseaux existants, et reposant sur un budget annuel de 3 milliards d'euros par an pour l'Afitf 3 ( * ) .

Il convient également de souligner que l'agence ne bénéficie que du solde du produit des amendes radar. En conséquence, en cas de recettes inférieures aux montants prévisionnels, ce manque à gagner devra lui être compensé.

Comme l'année dernière et comme il s'y était engagé, le Gouvernement a fourni la partie « dépenses » du budget de l'Afitf pour 2019 à titre prévisionnel, qui devra être confirmé lors de l'adoption définitive du budget de l'agence en décembre :

Dépenses prévisionnelles de l'Afitf en 2019 (en milliards d'euros)

Routes - Modernisation du réseau existant

0,52

Routes - Infrastructures nouvelles

0,49

Réseau ferroviaire

0,72

Trains d'équilibre du territoire

0,38

Voies navigables

0,11

Ports

0,04

Transports urbains

0,38

Intermodalité / Fret

0,02

Autres

0,02

Total

2,68

Même si le budget proposé pour l'Afitf pour 2019 reste contraint, vos rapporteurs pour avis en charge des crédits consacrés aux transports terrestres, Jean-Pierre Corbisez et Gérard Cornu, considèrent qu'il peut être accepté, compte tenu de son augmentation et des efforts réalisés pour assainir la situation de l'agence, et dans l'attente d'un examen plus approfondi de sa trajectoire financière dans le cadre du projet de loi d'orientation des mobilités.

En ce qui concerne le volet « ressources » de ce projet de loi, et les 500 millions d'euros de recettes supplémentaires à trouver, votre rapporteur Gérard Cornu est favorable à la mise en place d'une vignette sur les poids lourds, tout en appelant à la conception d'un mécanisme permettant de rendre cette taxation supportable pour les poids lourds français.


* 1 Budget prévisionnel.

* 2 « Projet de loi de finances pour 2018 : Transports ferroviaires, collectifs et fluviaux », avis n° 113 (2017-2018) du 23 novembre 2017, Tome V, fait par Gérard Cornu, et « Projet de loi de finances pour 2018 : Transports routiers », avis n° 113 (2017-2018) du 23 novembre 2017, Tome VII, fait par Jean-Pierre Corbisez.

* 3 Sur vingt ans, l'enveloppe prévue pour la période 2018-2022 étant de 2,9 milliards d'euros par an.

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