Avis n° 152 (2018-2019) de M. Jean-François LONGEOT , fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, déposé le 22 novembre 2018

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N° 152

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 novembre 2018

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) sur le projet de loi de finances , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, pour 2019 ,

TOME I

MESURES FISCALES RELATIVES À L'ENVIRONNEMENT

ET À L'ÉNERGIE

Par M. Jean-François LONGEOT,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Hervé Maurey , président ; MM. Claude Bérit-Débat, Patrick Chaize, Gérard Cornu, Ronan Dantec, Alain Fouché, Guillaume Gontard, Didier Mandelli, Frédéric Marchand, Mme Nelly Tocqueville, M. Michel Vaspart , vice-présidents ; Mmes Nicole Bonnefoy, Pascale Bories, MM. Jean-François Longeot, Cyril Pellevat , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Jérôme Bignon, Joël Bigot, Jean Bizet, Jean-Marc Boyer, Mme Françoise Cartron, M. Guillaume Chevrollier, Mme Marta de Cidrac, MM. Jean-Pierre Corbisez, Michel Dagbert, Michel Dennemont, Mme Martine Filleul, MM. Jordi Ginesta, Éric Gold, Mme Christine Herzog, MM. Jean-Michel Houllegatte, Benoît Huré, Olivier Jacquin, Mme Christine Lanfranchi Dorgal, MM. Olivier Léonhardt, Jean-Claude Luche, Philippe Madrelle, Pierre Médevielle, Louis-Jean de Nicolaÿ, Jean-Jacques Panunzi, Philippe Pemezec, Mme Évelyne Perrot, M. Rémy Pointereau, Mme Angèle Préville, MM. Jean-Paul Prince, Christophe Priou, Charles Revet, Mmes Nadia Sollogoub, Michèle Vullien .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 1255 , 1285 , 1288 , 1302 à 1307 , 1357 et T.A. 189

Sénat : 146 et 147 à 153 (2018-2019)

LES CONCLUSIONS DE VOTRE COMMISSION

LES CONCLUSIONS DE VOTRE COMMISSION

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable s'est réunie mercredi 7 novembre 2018 pour examiner le rapport pour avis de M. Jean-François Longeot sur les mesures fiscales relatives à l'environnement et à l'énergie du projet de loi de finances pour 2019.

La commission a souligné que les recettes supplémentaires issues de l'augmentation de la fiscalité énergétique , qui s'élèveront à près de 4 milliards d'euros l'année prochaine, et à plus de 15 milliards d'euros sur la période 2017-2022, devraient être utilisées afin de renforcer les dispositifs d'aide aux ménages leur permettant de réduire leur consommation d'énergies fossiles, et de financer des mesures visant à accélérer la transition écologique .

Par conséquent, elle a adopté un amendement du rapporteur pour avis visant à attribuer une part de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) aux collectivités territoriales compétentes en matière de transition écologique, en vue de les aider à financer et à mettre en oeuvre des projets de transition dans les territoires.

S'agissant de la réforme de la fiscalité des déchets , prévue aux articles 7, 8 et 59, la commission a considéré que la hausse prévue de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) relative aux déchets sur les installations de stockage et d'incinération devait s'accompagner d'une réduction plus forte et plus rapide du coût du tri et du recyclage des déchets , afin d'inciter les apporteurs de déchets à privilégier ces solutions.

C'est pourquoi elle a adopté deux amendements du rapporteur pour avis, dont l'un vise à créer un abattement de 50 % de TGAP sur les résidus de tri issus d'installations de tri performantes qui sont envoyés dans des installations d'incinération et de stockage, et l'autre à réduire dès 2019 le taux de TVA à 5,5 % sur les prestations de collecte séparée, de collecte en déchetterie, de tri et de valorisation matière des déchets.

La commission a par ailleurs considéré que la suppression du tarif réduit de TICPE relatif au gazole non routier (GNR) dès 2019 prévue à l'article 19 ne permettait pas aux entreprises de disposer de la visibilité nécessaire pour s'adapter, en particulier lorsque leurs contrats en cours ne comportent pas de clauses de révision des prix. Elle a par conséquent adopté un amendement du rapporteur pour avis visant à lisser cette suppression sur quatre ans , soit jusqu'en 2022.

Enfin, la commission a pris acte du prolongement du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) d'un an , prévu à l'article 57, en attendant la réforme de ce dispositif annoncée pour 2020, et a salué les mesures de simplification de l'éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ) prévues à l'article 58, en espérant qu'elles permettront d'accroître le recours des ménages à ce dispositif.

LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR POUR AVIS

Mesdames, Messieurs,

La fiscalité environnementale et énergétique constitue un instrument de politique publique permettant d'inciter les entreprises et les ménages à changer leurs modes de production et de consommation. Elle représente, chaque année, une part croissante des recettes de l'État .

Bien qu'elle ne figure pas dans le projet de loi de finances pour 2019, puisqu'elle a été adoptée dans la loi de finances pour 2018, la commission s'est intéressée à la hausse de la taxe carbone qui renchérit le coût des énergies fossiles , et qui engendre des recettes croissantes pour le budget de l'État.

Par ailleurs, la commission s'est saisie pour avis des mesures fiscales relatives à l'environnement et à l'énergie du projet de loi de finances pour 2019, dont certaines ont des conséquences financières substantielles :

- l'article 7 relatif à la taxe d'enlèvement des ordures ménagères ;

- l'article 8 relatif au volet « déchets » de la taxe générale sur les ordures ménagères ;

- l'article 19 visant à supprimer le tarif réduit de taxe sur le gazole non routier ;

- l'article 57 qui prolonge d'un an le crédit d'impôt pour la transition énergétique ;

- l'article 58 qui prolonge pour trois ans et aménage l'éco-prêt à taux zéro ;

- l'article 59 visant à réduire à 5,5 % le taux de TVA sur certaines prestations de gestion des déchets.

1. Les recettes supplémentaires issues de la hausse de la fiscalité énergétique doivent financer des mesures d'accompagnement des ménages ainsi que des projets de transition écologique dans les territoires

La contribution climat énergie (CCE) ou « taxe carbone » a été créée par la loi de finances pour 2014.

Il s'agit d'une composante carbone intégrée aux taux des taxes intérieures de consommation sur les énergies fossiles que sont la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel (TICGN) et la taxe intérieure de consommation sur les houilles, lignites et cokes, dite taxe intérieure de consommation sur le charbon (TICC).

Cette contribution est proportionnée au contenu en CO 2 des différents produits énergétiques soumis à taxation , et vient renchérir le taux des taxes intérieures de consommation (TIC) sur ces produits.

La loi de finances pour 2014 a fixé une trajectoire de hausse des tarifs des TIC pour les années 2014, 2015 et 2016 , selon l'évolution de la valeur d'une tonne de CO 2 suivante : 7 euros par tonne en 2014, 14,5 euros par tonne en 2015 et 22 euros par tonne en 2016.

La loi de finances rectificative pour 2015 a augmenté les tarifs des TIC applicables en 2017 sur la base d'une valeur de tonne de CO 2 égale à 30,50 euros .

La loi de finances pour 2018 a défini une nouvelle trajectoire d'augmentation de la taxe carbone jusqu'en 2022 : de 44,60 euros en 2018 à 86,20 euros en 2022.


Trajectoire d'évolution de la taxe carbone depuis 2014

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

Valeur de la tonne de CO 2

7

14,50

22

30,50

44,60

55

65,40

75,80

86,20

(en euros par tonne de CO 2 )


Source : loi de finances pour 2014, loi de finances rectificative pour 2015 et loi de finances pour 2018

Par ailleurs, dans la foulée du scandale des moteurs diesel truqués du constructeur automobile Volkswagen (« dieselgate ») révélé en septembre 2015, il a été décidé de procéder, en 2016, à un rapprochement progressif de la fiscalité du diesel et de l'essence afin de supprimer, à terme, l'avantage fiscal favorable au diesel qui a encouragé la diésélisation du parc automobile français.

Les taux de TICPE appliqués au diesel et à l'essence ont ainsi été modifiés par la loi de finances rectificative pour 2015 afin d'intégrer un rapprochement de la fiscalité sur ces produits en 2016 et en 2017 .

Le projet de loi de finances pour 2018 a poursuivi ce rapprochement , en vue d'atteindre un niveau de fiscalité identique d'ici 2021.

L'augmentation de la taxe carbone, couplée au rapprochement de la fiscalité du diesel et de l'essence, se traduira par une hausse des tarifs TICPE , de 12,73 centimes d'euro par litre sur l'essence et de 25,16 centimes d'euro par litre sur le gazole entre 2017 et 2022, et engendrera sur cette période des recettes supplémentaires estimées à 15,4 milliards d'euros.


Recettes fiscales de la révision des tarifs des taxes intérieures de consommation jusqu'en 2022

(en milliards d'euros)

2018

2019

2020

2021

2022

TICPE

Gazole

dont taxe carbone

dont rapprochement diesel/essence

2,4

1,3

1

4,3

2,4

1,9

6,2

3,4

2,8

8,0

4,3

3,7

8,9

5,2

3,7

Supercarburant

0,4

0,6

0,9

1,2

1,5

Fioul domestique

0,3

0,5

0,8

1,0

1,2

Gazole non routier

0,2

0,2

0,3

0,4

0,5

Fioul lourd

0,0

0,0

0,0

0,0

0,1

TICGN

Gaz naturel

0,6

1,3

1,9

2,4

3,0

TICC

Charbon

0,0

0,0

0,1

0,1

0,1

Total

3,9

7,0

10,1

13,2

15,4

Source : évaluation préalable annexée au projet de loi de finances pour 2018

L'année prochaine, les recettes supplémentaires sont estimées à 4 milliards d'euros . Comme l'illustre le tableau ci-dessous, ces recettes sont quasi-intégralement affectées au budget général :

Affectation des recettes de TICPE

(en milliards d'euros)

Exécution 2017

Prévision 2018

Prévision 2019

TICPE brute totale

30,5

33,8

37,7

Transfert aux collectivités territoriales

- 12,1

- 12,3

- 12,3

Transfert au CAS « Transition énergétique »

- 6,1

- 7,2

- 7,2

Transfert à l'AFITF

- 1,1

- 1,0

- 1,2

TICPE brute État

11,1

13,3

17,0

Source : Évaluation des voies et moyens (tome I) annexée au projet de loi de finances pour 2019

Compte tenu de l'augmentation rapide, depuis septembre 2017, du cours du pétrole , et de la hausse de la fiscalité sur les énergies fossiles, le prix des carburants et des combustibles a fortement augmenté au cours de cette année, ce qui est source de difficultés pour les ménages qui ont besoin de leur voiture particulière pour se déplacer et pour ceux qui se chauffent au fioul.

Cours du pétrole brut (Brent)

( en euros par baril )

Source : Insee

Face à cette augmentation rapide, les dispositifs existants pour accompagner les ménages à payer leurs factures énergétiques et à réduire leur consommation d'énergies fossiles sont insuffisants :

- le chèque énergie , dont le montant moyen passera de 150 euros à 200 euros l'année prochaine, devrait concerner 3,7 millions de personnes, pour un coût supplémentaire de 129 millions d'euros, lorsque l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie estime que 5,1 millions de ménages (et 12 millions d'individus) sont en situation de précarité énergétique ;

- le montant dédié au crédit d'impôt pour la transition énergétique , qui aide les ménages au titre des travaux de rénovation énergétique, a baissé de moitié en raison de l'exclusion de certains travaux de ce dispositif (voir infra ) ;

- les primes à la conversion des véhicules , si elles ont été élargies cette année, devraient concerner 250 000 véhicules en 2018, ce qui est peu rapporté au parc de véhicules diesel de 26 millions de véhicules, dont l'âge moyen ne cesse de reculer.

Par ailleurs, l'essentiel des recettes supplémentaires issues de l'augmentation de la fiscalité énergétique n'est pas alloué au financement de nouvelles mesures de transition écologique , mais abonde le budget général de l'État pour compenser d'autres mesures en faveur des entreprises ou des ménages.

Pourtant, les besoins de financement de cette transition sont importants, en particulier dans les territoires. C'est pourquoi, la commission a adopté un amendement DEVDUR.3 du rapporteur pour avis visant à attribuer une part de TICPE aux collectivités territoriales en vue de les aider à financer et mettre en oeuvre des projets permettant d'accompagner la rénovation énergétique des logements, de développer les énergies renouvelables ou encore de favoriser l'essor de mobilités durables. Plus précisément, cet amendement vise à allouer un montant de TICPE de :

- 10 euros par habitant aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ayant adopté un plan climat-air-énergie - ce montant serait de 5 euros par habitant pour la Métropole du Grand Paris, pour ses établissements publics territoriaux et pour la Ville de Paris ;

- 5 euros par habitant aux régions ayant adopté un schéma régional du climat de l'air et de l'énergie ou un schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires.

2. Une réforme de la fiscalité des déchets ambitieuse mais qui doit aller plus loin pour baisser le coût des opérations de tri et de recyclage
a) Des mesures positives permettant d'inciter les collectivités territoriales à mettre en place une part incitative de taxe d'enlèvement des ordures ménagères (article 7)

Les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) qui bénéficient de la compétence de la collecte et du traitement des déchets et des ménages peuvent financer les dépenses correspondantes par la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM) .

Définie aux articles 1520 à 1526 du code général des impôts, cette taxe est assise sur le foncier bâti : toutes les propriétés soumises à la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), ou qui en sont temporairement exonérées, sont aussi soumises à la TEOM.

Son montant varie en fonction de la valeur locative des propriétés et du taux fixé par les communes et les EPCI . Ce taux doit être fixé de manière à ne pas procurer de recettes supérieures au montant des dépenses exposées par la collectivité pour assurer le service de collecte et de traitement des déchets.

Sur délibération d'une collectivité locale, la TEOM peut comprendre une part incitative , qui doit être comprise entre 10 % et 45 % de son produit total, permettant de moduler la cotisation due par les contribuables en fonction de la quantité (exprimée en poids, en volume ou en nombre d'enlèvements) ou de la nature de déchets produits, ce qui encourage à la réduction et au tri des déchets.

Afin de limiter l'impact pour les contribuables de la mise en place de la part incitative, l'article 1636 B undecies du code général des impôts prévoit que le produit total de la TEOM ne peut excéder le produit total de la TEOM de l'année précédente l'application de celle-ci.

La TEOM est perçue pour le compte des collectivités locales par les services fiscaux de l'État , qui la leur reversent en prélevant 8 % de frais de gestion sur les sommes perçues (5,4 % de frais d'assiette et de recouvrement et 3,6 % en contrepartie des frais de dégrèvement et de non-valeurs qu'il prend à sa charge).

Afin de favoriser la mise en place par les collectivités territoriales de la part incitative de la TEOM , l'article 7 du projet de loi de finances pour 2019 prévoit :

- d'autoriser, la première année de l'institution de la part incitative, que le produit de total de la TEOM puisse excéder, dans une limite de 10 % le produit de la taxe de l'année précédente , afin de permettre la prise en compte du surcoût qu'occasionne la mise en place de la part incitative au démarrage ;

- de diminuer de 8 % à 3 % les frais de gestion perçus par l'État au titre des trois premières années au cours desquelles est mise en oeuvre la part incitative, afin d'absorber le surcoût qu'occasionne la mise en place de la part incitative sans augmenter la pression fiscale pesant sur les contribuables.

Par ailleurs, cet article prévoit d'autres aménagements de la TEOM visant à :

- inclure dans le champ de la TEOM les dépenses liées à la définition et aux évaluations des programmes locaux de prévention des déchets ménagers et assimilés ;

- préciser que les dépenses pouvant être prises en compte pour le calcul de la TEOM peuvent inclure les dépenses réelles d'investissements ;

- mettre à la charge des collectivités les dégrèvements faisant suite à la constatation par une décision de justice de l'illégalité de la délibération fixant le taux de la taxe.

En séance publique, l'Assemblée nationale a notamment adopté un amendement du rapporteur général Joël Giraud portant de trois à cinq ans le nombre d'années au cours desquelles les frais de gestion sont réduits de 8 % à 3 % à la suite de la mise en oeuvre d'une part de TEOM incitative.

Actuellement, seules 200 collectivités territoriales , représentant une population de cinq millions d'habitants, ont mis en place une TEOM incitative. 25 collectivités supplémentaires sont en train d'étudier cette mesure.

La TEOM incitative a pourtant des effets positifs , puisqu'elle se traduit tant par une baisse globale du volume de déchets, que par une baisse du volume des déchets non recyclables et par une augmentation du volume des déchets recyclés. Votre rapporteur pour avis salue donc les dispositions prévues par le présent article , qui devraient permettre d'inciter davantage de collectivités à mettre en place une part incitative de TEOM, sans accroître la pression fiscale sur les contribuables.

b) La hausse des taux de la taxe générale sur les activités polluantes relative aux déchets à compter de 2021 doit s'accompagner d'une réduction plus rapide du coût du tri et du recyclage des déchets (article 8)

La taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) contient plusieurs composantes, dont chacune constitue une taxe à part entière répondant à ses propres règles : la TGAP sur les déchets, sur les émissions polluantes, sur les lubrifiants, sur les lessives, et sur les matériaux d'extraction.

La composante « déchets » de la TGAP, définie aux articles 266 sexies à 266 duodecies du code des douanes, est due par les exploitants d'installations de stockage ou d'incinération des déchets dangereux et non dangereux.

Les exploitants sont tenus de répercuter cette taxe dans le prix payé par l'apporteur de déchet , c'est-à-dire la collectivité ou l'entreprise concernée.

L'article 266 nonies du code des douanes prévoit une augmentation progressive des taux de base de la TGAP « déchets » relative au stockage des déchets jusqu'en 2025 , tandis que les taux de base pour l'incinération des déchets sont fixes (hors augmentation liée à l'inflation).

Par ailleurs, des réfactions de taux sont prévues pour les installations présentant les performances environnementales les plus élevées.

L'article 8 du projet de loi de finances pour 2019 définit une nouvelle trajectoire d'augmentation de la fiscalité pesant sur le stockage et l'incinération de déchets à partir de 2021 et jusqu'en 2025 :

- s'agissant des installations de stockage , la trajectoire prévue est plus importante que celle actuellement définie dans le code des douanes. Le tarif de TGAP augmenterait progressivement pour atteindre 65 euros par tonne en 2025 pour toutes les installations autorisées 1 ( * ) , y compris les installations les plus performantes du point de vue environnemental (par exemple celles qui valorisent énergétiquement plus de 75 % du biogaz capté) ;

- s'agissant des installations d'incinération , le tarif de TGAP augmenterait progressivement pour atteindre 25 euros par tonne en 2025 pour toutes les installations autorisées, sauf celles réalisant une valorisation énergétique élevée pour lesquelles le tarif serait de 15 euros par tonne 2 ( * ) .

Par ailleurs, cet article supprime le taux réduit de TGAP dès 2019 sur les installations de stockage « dont le système de management environnemental a été certifié conforme à la norme internationale ISO 14001 », considérant que désormais toutes les installations doivent en principe respecter cette norme. Cela conduirait à une augmentation du tarif de TGAP de 33 euros par tonne en 2018 à 41 euros par tonne en 2019 pour environ 20 % des installations de stockage.

L'objectif visé par cet article est de faire en sorte que le coût du stockage et de l'incinération soit au moins équivalent à celui du recyclage , qui est aujourd'hui plus coûteux.

En effet, hors TGAP et hors TVA, le coût moyen du recyclage est actuellement de 144 euros par tonne , contre 105 euros par tonne pour l'incinération et 68 euros par tonne pour le stockage.

Par ailleurs, compte tenu des nombreuses réfactions de taux de TGAP qui existent pour différentes catégories d'installations , le taux moyen de TGAP payé par les installations de stockage est de 18 euros par tonne et celui sur les installations d'incinération est de 4,8 euros par tonne. Ces montants ne permettent donc pas de compenser l'écart de coût qui existe entre ces solutions et les opérations de recyclage des déchets.

La mesure prévue par le présent article représenterait un coût pour les collectivités de 104 millions d'euros en 2021 et de 210 millions d'euros en 2025 . Pour les entreprises, ce coût serait respectivement de 32 et de 57 millions d'euros. Ce chiffrage a été fait en prenant en compte la réduction attendue du volume de déchets à traiter dans les filières de stockage et d'incinération retenus dans la feuille de route pour l'économie circulaire.

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements du Gouvernement :

- un amendement qui exempte de TGAP les collectivités à l'occasion d'un transfert de déchets d'une ancienne décharge qui n'est plus exploitée vers une nouvelle installation de stockage ;

- un amendement qui créé un tarif réduit de TGAP « déchets » appliqué aux résidus de tri à haut pouvoir calorifique qui sont issus de centres de tri performants et qui sont incinérés dans des installations à haut rendement énergétique.

L'augmentation des tarifs de TGAP se traduira par un renchérissement progressif du coût du stockage et de l'incinération , ce qui doit constituer un signal-prix permettant de rendre les opérations de tri et de recyclage plus compétitives, et donc d'orienter davantage de déchets vers ces solutions.

Toutefois, afin d'accélérer la réduction du volume de déchets envoyés dans des installations de stockage et d'incinération, et de minimiser le coût pour les collectivités territoriales de la hausse de la TGAP sur ces installations, il convient de réduire plus rapidement encore le coût des opérations de tri et de recyclage .

C'est pourquoi, la commission a adopté un amendement DEVDUR.1 du rapporteur pour avis visant à appliquer un abattement de 50 % de TGAP sur les résidus de déchets non valorisables issus d'installations de tri, de recyclage et de valorisation performantes.

Ces résidus de tri, qui ne peuvent être valorisés et qui sont donc envoyés vers des installations de stockage ou d'incinération, sont actuellement soumis au même niveau de taxe que celui appliqué aux déchets envoyés vers ces installations.

Un abattement de 50 % de TGAP sur ces résidus permettrait donc de diminuer le coût des opérations de tri et de recyclage , et d'inciter les apporteurs de déchets à se tourner vers ces solutions. Une telle mesure serait particulièrement avantageuse pour les déchets des entreprises , qui peuvent générer jusqu'à 50 % de refus de tri.

Afin d'éviter que cet abattement ne constitue une incitation à ne pas trier ou à mal trier, l'amendement prévoit qu'il ne puisse bénéficier qu'aux installations performantes, dont le volume de résidus serait inférieur à un seuil fixé par arrêté .

Cet amendement va plus loin que l'amendement du Gouvernement adopté à l'Assemblée nationale qui instaure un tarif réduit de TGAP sur les seuls résidus de tri à haut pouvoir calorifique qui sont traités dans des installations de valorisation énergétique à haut rendement . Cette mesure est insuffisante compte tenu du fait que, dans de nombreux départements, soit il n'existe pas de solution d'incinération à haut rendement soit les capacités de ces incinérateurs sont saturées.

c) La réduction du taux de TVA pour les prestations de collecte, de tri et de recyclage de déchets doit entrer en vigueur dès 2019 (article 59)

Les prestations de collecte, de tri et de traitement des déchets font aujourd'hui l'objet d'une taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au taux réduit de 10 % en vertu de l'article 279 du code général des impôts. Ce taux s'applique indistinctement aux opérations de prévention ou de valorisation des déchets, et aux opérations d'élimination des déchets.

L'article 59 du projet de loi de finances pour 2019 prévoit de réduire à 5,5 % le taux de TVA sur les prestations de collecte séparée, de collecte en déchetterie, de tri et de valorisation matière des déchets à compter du 1 er janvier 2021.

Cela représenterait un coût pour l'État et, symétriquement, un gain pour les collectivités, estimé à 82 millions d'euros en 2021 .

Cette mesure va dans le bon sens , en permettant de réduire le coût des opérations de collecte, de tri et de recyclage des déchets pour les collectivités territoriales et les entreprises.

Afin que ce signal positif soit envoyé le plus tôt possible, la commission a adopté un amendement DEVDUR.2 du rapporteur pour avis visant à mettre en oeuvre ce taux réduit de TVA dès 2019 .

Par ailleurs, une telle réduction permettrait de compenser l'augmentation des tarifs de TGAP sur certaines installations de stockage dès 2019. En effet, si l'article 8 du projet de loi de finances prévoit une augmentation des tarifs de TGAP à partir de 2021, il supprime par ailleurs dès 2019 le taux réduit de TGAP dont bénéficient les installations de stockage répondant à la norme ISO 14001 . Cela conduira à une augmentation du tarif de TGAP de 33 euros par tonne en 2018 à 41 euros par tonne en 2019 pour environ 20 % des installations.

3. La suppression du tarif réduit de TICPE sur le gazole non routier : une nécessaire progressivité dans le temps pour donner de la visibilité aux entreprises

L'article 265 du code des douanes prévoit que les engins mobiles non routiers bénéficient d'un tarif de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) réduit par rapport aux usages routiers, de :

- 18,82 centimes d'euro par litre pour le gazole non routier (GNR), contre 59,4 centimes d'euro par litre pour les usages routiers ;

- 3,86 centimes d'euro par litre pour le gazole non routier utilisé dans le secteur agricole .

D'après l'étude d'impact annexée au projet de loi de finances, les usages non agricoles des carburants non routiers concernent principalement le secteur du bâtiment et des travaux publics (37 %), le transport ferroviaire non électrifié (6 %) et d'autres secteurs de l'industrie, du commerce et du transport (57 %).

Les secteurs éligibles à la consommation du gazole non routier paient directement le tarif de TICPE réduit lors de l'achat de leur carburant - celui-ci fait l'objet d'un marquage et d'une coloration particulière et fait l'objet d'un circuit de distribution distinct du gazole routier.

Le secteur agricole bénéficie d'un tarif de TICPE très réduit au moyen d'un remboursement par rapport au tarif du gazole non routier pour les autres usages. Ce remboursement intervient l'année suivant la demande de remboursement, et nécessite de présenter l'ensemble des factures d'achat.

L'article 19 du projet de loi de finances pour 2019 supprime, à compter de 2019, les tarifs réduits de TICPE sur le gazole non routier, à l'exception du gazole utilisé par le secteur agricole et par les entreprises ferroviaires.

Le secteur agricole bénéficierait, à compter de 2021, du tarif réduit de TICPE directement lors de l'achat de carburant , en se voyant réserver le circuit de distribution du gazole non routier tracé. Les entreprises de transport ferroviaire bénéficieraient d'un remboursement de la différence entre le prix du gazole et le tarif réduit de TICPE qui leur est appliqué.

Cette mesure représenterait un montant supplémentaire de TICPE de 980 millions d'euros en 2019 .

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté :

- un amendement du Gouvernement qui exonère de TICPE les combustibles utilisés dans le cadre de la navigation fluviale , à l'exception de la navigation de plaisance privée ;

- un amendement du rapporteur général Joël Giraud qui autorise les entreprises ferroviaires à acquérir du gazole normalement réservé à un usage agricole pendant une période transitoire d'un an , avant de bénéficier du remboursement a posteriori de la TICPE sur le gazole.

La suppression du tarif réduit de TICPE sur le GNR impacterait au premier plan le secteur des travaux publics , et en particulier la filière des terrassiers et des routiers qui utilisent de gros engins de chantier fonctionnant au GNR. La Fédération nationale des travaux publics (FNTP) estime que sur le milliard d'euros de taxe supplémentaire, 500 millions pèseront directement les travaux publics , ce qui pénaliserait de nombreuses PME spécialisées dans les travaux publics.

Certaines de ces entreprises pourront répercuter cette hausse du prix des carburants dans leurs contrats en cours , qui contiennent des clauses de révision des prix. Mais beaucoup d'autres n'ont pas inséré de telles clauses dans leurs contrats et subiront donc la hausse de la TICPE de plein fouet.

La suppression du tarif réduit de fiscalité sur le gazole non routier peut se justifier pour des raisons environnementales . Elle va dans le sens de la politique menée de suppression progressive de l'avantage fiscal qui est octroyé à la consommation de ce carburant et de renchérissement du coût des énergies fossiles pour inciter au changement de comportements.

Toutefois, la suppression brutale du tarif réduit de TICPE sur le GNR ne laisse pas la possibilité aux entreprises concernées d'anticiper la hausse de fiscalité et de s'y adapter , en remplaçant par exemple leurs flottes de véhicules par des motorisations moins polluantes.

C'est pourquoi, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a adopté un amendement DEVDUR.4 du rapporteur pour avis visant à rendre progressive la suppression du tarif réduit de TICPE sur le gazole non routier , en l'étalant sur quatre ans, soit jusqu'en 2022.

4. Les ajustements des dispositifs fiscaux de soutien à la rénovation énergétique des logements
a) La prolongation d'un an du crédit d'impôt pour la transition énergétique... avant sa refonte en 2020 ? (article 57)

Le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), prévu à l'article 200 quater du code général des impôts, a pour objectif de soutenir les travaux de rénovation énergétique des logements privés .

Ce crédit d'impôt permet aux contribuables, sous certaines conditions, de bénéficier d'une réduction de leur montant d'impôt sur le revenu ou d'un remboursement au titre des dépenses qu'ils effectuent pour l'amélioration de la qualité énergétique de leur logement.

Afin de s'assurer que les travaux menés conduisent effectivement à une réduction de la consommation énergétique des bâtiments, un critère d'éco-conditionnalité a été mis en place depuis le 1 er janvier 2015 : pour être éligibles au dispositif fiscal, certains trava ux doivent être réalisés par une entreprise « reconnue garante de l'environnement » (RGE), répondant à des critères précis de qualification et possédant un signe de qualité délivré par un organisme accrédité de qualification ou de certification ayant signé une convention avec l'État.

Le CITE s'applique aux dépenses payées au titre de l'acquisition d'équipements, matériaux ou appareils listés par le code général des impôts (chaudières à haute performance énergétique, pompes à chaleur, etc.)

Le taux du crédit d'impôt s'élève à 30 % de la dépense réalisée au titre de l'acquisition des équipements, matériaux, appareils ou de la réalisation d'un diagnostic de performance énergétique.

Le montant des dépenses ouvrant droit au CITE est plafonné . Il ne peut excéder, au titre d'une période de cinq années consécutives pour un même logement, la somme de 8 000 euros pour une personne seule ou de 16 000 euros pour un couple soumis à imposition commune . Ces deux montants sont majorés de 400 euros par personne à charge.

L'article 57 du projet de loi de finances pour 2019 prolonge d'un an, soit jusqu'au 31 décembre 2019, le crédit d'impôt pour la transition énergétique, pour un coût de 865 millions d'euros .

Il maintient ainsi la réforme du CITE intervenue à l'occasion du projet de loi de finances pour 2018, qui avait exclu de ce dispositif les portes et fenêtres et volets isolants ainsi que les chaudières au fioul à très haute performance énergétique au 1 er juillet 2018.

Cette réforme a conduit à réduire de moitié le coût du CITE , qui était de 1,67 milliard d'euros en 2016, et qui devrait atteindre 865 millions d'euros l'année prochaine.

Afin de rendre ce dispositif plus efficient, une nouvelle réforme de ce crédit d'impôt est envisagée . Elle devait initialement avoir lieu en 2019, mais elle a finalement été reportée à 2020. Il s'agirait, de faire évoluer ce dispositif sur deux points :

- le CITE ne serait plus déterminé, comme actuellement, en fonction du prix des travaux ou des équipements, mais en fonction des économies d'énergie effectivement permises par les travaux réalisés . Un barème permettrait de classer les équipements en fonction de leur impact sur l'environnement, et l'aide serait forfaitisée en fonction de ce barème ;

- pour les ménages modestes, le crédit d'impôt serait transformé en aide directe lors de la réalisation de travaux . Il s'agirait de solvabiliser plus rapidement ces ménages qui, même lorsqu'ils bénéficient des aides du programme « Habiter Mieux » de l'Agence nationale de l'habitat (Anah), ont un reste à charge d'environ 20 à 30 %.

Votre rapporteur pour avis partage les objectifs de cette réforme qui est d'accroître l'efficience du crédit d'impôt et d'aider les ménages modestes à entreprendre des travaux de rénovation par une aide directe, et espère que celle-ci pourra aboutir en 2020 comme prévu.

b) Des simplifications de l'éco-prêt à taux zéro bienvenues pour accroître le recours à ce dispositif (article 58)

L'éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ) , prévu à l'article 244 quater U du code général des impôts, permet aux établissements de crédit et aux sociétés de financement de bénéficier d'un crédit d'impôt 3 ( * ) au titre des prêts à taux d'intérêt nul qu'elles octroient afin de financer les travaux de performance énergétique des logements.

Ces prêts peuvent être accordés :

- à des propriétaires , occupants ou bailleurs ;

- aux personnes physiques et aux sociétés civiles non soumises à l'impôt sur les sociétés membres d'un syndicat de copropriétaires , au titre de travaux réalisés sur des parties et équipements communs ou sur des parties privatives en cas de travaux d'intérêt collectif (travaux d'économie d'énergie ou de réduction des émissions de gaz à effet de serre) ;

- à des syndicats de copropriétaires pour financer ces mêmes travaux d'intérêt collectif réalisés sur les parties privatives et les travaux réalisés sur les parties et équipements communs de l'immeuble lorsqu'au moins 75 % des quotes-parts de copropriété sont compris dans des lots affectés à l'usage d'habitation ou destinés à être utilisés en tant que résidence principale.

Sont éligibles à l'éco-PTZ :

- les bouquets de travaux, constitués d'au moins deux catégories de travaux listés par l'article 244 quater U du GCI (les travaux d'isolation thermique, les travaux d'installation de chauffage utilisant une source d'énergie renouvelable, etc.) ;

- les travaux permettant d'améliorer la performance énergétique du logement et ayant ouvert droit à une aide accordée par l'Agence nationale de l'habitat (Anah) au titre de la lutte contre la précarité énergétique ;

- les travaux permettant d'atteindre une performance énergétique globale minimale du logement ;

- les travaux de réhabilitation de systèmes d'assainissement non collectif par des dispositifs ne consommant pas d'énergie.

Les travaux ouvrant droit à l'éco-PTZ sont soumis à un critère d'éco-conditionnalité des entreprises , qui doivent être labélisées « RGE ». Le montant de l'éco-PTZ ne peut excéder 30 000 euros par logemen t.

L'article 58 du projet de loi de finances pour 2019 vise à prolonger pour trois ans l'éco-PTZ et à simplifier ce dispositif pour accroître son utilisation. Pour cela, il prévoit notamment de :

- réviser la condition d'ancienneté des logements : seraient éligibles les logements achevés depuis plus de deux ans à la date de début d'exécution des travaux (actuellement seuls les logements achevés avant le 1 er janvier 1990 en métropole et avant le 1 er mai 2010 dans les territoires d'outre-mer sont éligibles) ;

- supprimer la nécessité, pour les logements individuels d'engager un bouquet de travaux composé d'au moins deux interventions . Désormais, un éco-PTZ pourra être octroyé pour financer une seule action de rénovation ;

- allonger le délai de remboursement de l'avance remboursable sans intérêt de 120 mois à 180 mois .

- supprimer le seuil imposant, lors de travaux effectués par des syndicats de copropriété, qu'au moins 75 % des quotes-parts de copropriété soient compris dans des lots affectés à l'usage d'habitation.

- permettre à un logement ayant bénéficié d'un éco-PTZ de bénéficier d'un éco-PTZ complémentaire dans un délai de cinq ans à compter de l'avance initiale et pour un montant cumulé maximal de 30 000 euros.

L'objectif de cette mesure est d'atteindre un volume de 50 000 éco-PTZ distribués en 2019 . Le nombre de prêts émis actuellement est assez faible , puisque 24 300 éco-PTZ ont été consentis en 2017 , contre plus de 71 000 lors du démarrage du dispositif en 2009.

TRAVAUX EN COMMISSION

I. EXAMEN DU RAPPORT

Réunie le mercredi 7 novembre 2018, la commission a examiné le rapport pour avis sur les mesures fiscales relatives à l'environnement et à l'énergie du projet de loi de finances pour 2019.

M. Hervé Maurey , président . - C'est la deuxième fois que notre commission entend un rapport pour avis sur des mesures figurant dans la partie « recettes » du projet de loi de finances (PLF). L'impact de la fiscalité écologique est au coeur de l'actualité, et une table ronde sur la question suivra immédiatement notre débat sur ce rapport.

M. Jean-François Longeot , rapporteur pour avis . - Comme l'année dernière en effet, notre commission s'est saisie pour avis des mesures fiscales du PLF relatives à l'énergie et à l'environnement. La fiscalité énergétique et environnementale est très discutée en ce moment, du fait de la hausse importante du prix des carburants et du fioul domestique, dont elle est pour partie responsable. Cela dit, la taxe carbone, qui pèse sur les énergies fossiles et fait le plus débat, ne figure pas dans le PLF 2019, puisque c'est la loi de finances de l'année dernière qui a fixé sa trajectoire d'augmentation jusqu'en 2022 et prévu la poursuite d'une hausse qui a démarré en 2014.

Outre l'augmentation de la taxe carbone, il a été décidé de procéder au rapprochement progressif de la fiscalité applicable à l'essence et au diesel, ce qui se traduit par une hausse supplémentaire de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) portant sur le gazole. Cette hausse de la fiscalité sur les énergies fossiles est importante : l'année prochaine, les recettes supplémentaires de TICPE s'élèveront à 3,7 milliards d'euros et, entre 2017 et 2022, ce sont 15,4 milliards d'euros de taxes supplémentaires qui auront été ajoutés.

Cette hausse pose deux questions. D'abord, que faire des recettes issues de la hausse de la fiscalité énergétique ? Actuellement, la quasi-totalité est affectée au budget général de l'État et ne finance pas de nouvelles mesures pour la transition énergétique. Dès lors, comment justifier l'augmentation de la fiscalité par des arguments écologiques ? Pourtant, les besoins de financement sont importants, en particulier dans les territoires, qui sont aux avant-postes de la transition énergétique. C'est pourquoi je vous proposerai un amendement visant à attribuer une part de la hausse de la TICPE aux collectivités territoriales. Un tel amendement avait déjà été adopté l'année dernière par le Sénat, et le Gouvernement avait indiqué qu'il réfléchirait à la question. Je crois qu'il est important de continuer à l'interpeller sur ce sujet. Il en va de la crédibilité et de l'acceptabilité des hausses de taxe.

Deuxième question : quelles mesures de compensation pour aider les entreprises et les ménages à changer de comportement ? Il existe plusieurs dispositifs pour aider les ménages, mais ils ne sont pas suffisants. Le chèque-énergie, par exemple, qui bénéficie aux ménages modestes pour payer leur facture énergétique, passera l'année prochaine de 150 à 200 euros en moyenne, ce qui représente un effort budgétaire supplémentaire de 129 millions d'euros. Le montant dédié au crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), qui aide les ménages à financer des travaux de rénovation énergétique, a baissé de moitié, en raison de l'exclusion de certains travaux de ce dispositif. Quant aux primes à la conversion des véhicules, qui ont été élargies cette année, elles devraient concerner 250 000 véhicules en 2018, ce qui est peu, rapporté au parc de 26 millions de véhicules diesel, dont l'âge moyen ne cesse de reculer.

Les mesures fiscales à caractère environnemental du PLF 2019 figurent aux articles 7, 8 et 59 relatifs à la fiscalité des déchets, à l'article 19 relatif à la suppression du tarif réduit de TICPE sur le gazole non routier (GNR) et aux articles 57 et 58 relatifs aux dispositifs fiscaux visant à favoriser les rénovations énergétiques des logements que sont le CITE et l'écoprêt à taux zéro (éco-PTZ).

Les articles 7, 8 et 59 proposent une réforme importante de la fiscalité des déchets. Cette réforme repose sur trois mesures, qui faisaient partie des préconisations de la feuille de route pour l'économie circulaire (FREC) du Gouvernement présentée au mois d'avril 2018.

Le premier volet de cette réforme, prévu à l'article 7 du PLF, favorise la mise en place par les collectivités territoriales d'une part incitative de taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM).

Actuellement, les collectivités territoriales, compétentes en matière de collecte et de traitement des déchets, peuvent instaurer une part incitative de TEOM comprise entre 10 % et 45 % du produit total, ce qui permet de moduler la contribution due par les ménages en fonction de la quantité ou de la nature de déchets produits. Afin de limiter l'impact pour les contribuables de la mise en place de la part incitative, la loi prévoit que le produit total de la TEOM ne peut excéder le produit total de la TEOM de l'année précédant la mise en place de la part incitative.

Or, la mise en place d'une TEOM incitative engendre des surcoûts pour les collectivités les premières années, par exemple pour équiper de puces les bacs. Le PLF prévoit par conséquent d'autoriser, la première année de l'institution de la part incitative, que le produit total de la TEOM puisse excéder le produit de la taxe de l'année précédente dans une limite de 10 %.

Pour ne pas accroître la pression fiscale pesant sur les contribuables, l'article 7 du PLF diminue de 8 % à 3 % les frais de gestion de la taxe prélevés par l'État au cours des trois premières années au cours desquelles est mise en oeuvre la part incitative. L'Assemblée nationale a porté cette durée à cinq ans.

Actuellement, seules 200 collectivités, représentant une population de 5 millions d'habitants, ont mis en place une part incitative de TEOM, et 25 collectivités supplémentaires sont en train d'étudier cette mesure. Les résultats observés sont positifs puisque la mise en place d'une TEOM incitative induit à la fois une baisse globale du volume de déchets, une baisse du volume des déchets non recyclables et une augmentation du volume des déchets recyclés.

La mesure prévue, combinée aux aides versées par l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) dans le cadre du fonds déchets, doit inciter davantage de collectivités à passer le cap. Cela dit, l'aspect financier n'est pas le seul frein à la mise en place d'une TEOM incitative : celle-ci peut aussi avoir des effets redistributifs entre ménages et pénaliser les familles nombreuses. C'est un point sur lequel de nombreuses collectivités sont vigilantes.

Le deuxième volet de la réforme de la fiscalité des déchets concerne la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). L'article 8 définit une nouvelle trajectoire d'augmentation du volet « déchets » de la TGAP pesant sur les installations de stockage et d'incinération des déchets à partir de 2021 et jusqu'en 2025.

Le tarif de TGAP augmenterait progressivement pour atteindre 65 euros par tonne en 2025 pour toutes les installations de stockage autorisées, y compris les installations les plus performantes du point de vue environnemental, et il augmenterait progressivement pour atteindre 25 euros par tonne en 2025 pour toutes les installations d'incinération autorisées, sauf celles réalisant une valorisation énergétique élevée, pour lesquelles le tarif serait de 15 euros par tonne.

L'objectif est que le coût du stockage et de l'incinération soit au moins équivalent à celui du recyclage, qui est aujourd'hui, paradoxalement, plus coûteux : hors TGAP et hors TVA, le coût moyen du recyclage est de 144 euros par tonne, contre 105 euros par tonne pour l'incinération et 68 euros par tonne pour le stockage.

Par ailleurs, compte tenu des nombreuses réfactions de taux de TGAP qui existent pour différentes catégories d'installations de stockage et d'incinération, le montant moyen de TGAP acquitté est de 18 euros par tonne pour les installations de stockage est de 4,8 euros par tonne pour les installations d'incinération. Ces montants ne compensent pas l'écart de coût entre ces solutions et le recyclage des déchets.

C'est pourquoi l'article 8 prévoit de supprimer d'ici 2025 la plupart de ces réfactions. L'augmentation des tarifs de TGAP se traduirait par un coût supplémentaire pour les collectivités, estimé à 104 millions d'euros en 2021 et 210 millions d'euros en 2025. Pour les entreprises, ce coût serait respectivement de 32 et 57 millions d'euros. Cette estimation a été faite en prenant en compte la réduction attendue du volume de déchets qui seront traités dans les filières de stockage et d'incinération dans les années à venir.

L'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement créant un tarif réduit de TGAP pour les résidus de tri issus de centres de tri performants et qui sont incinérés dans des installations d'incinération à haut rendement énergétique. Cela doit encourager encore davantage les collectivités et les entreprises à envoyer les déchets vers des centres de tri et de recyclage. Je vous propose un amendement pour aller plus loin et prévoir un abattement généralisé de TGAP de 50 % pour les résidus de tri issus de centres de tri performants qui sont envoyés vers des centres de stockage et d'incinération.

Enfin, le troisième volet de la réforme de la fiscalité des déchets, à l'article 59, consiste à ramener à 5,5 % le taux de TVA sur les prestations de collecte séparée, de collecte en déchetterie, de tri et de valorisation de la matière des déchets à compter du 1 er janvier 2021. Il s'agit encore d'une mesure visant à rendre le coût du recyclage moins élevé que celui du stockage et de l'incinération. Cela représenterait un coût pour l'État, et symétriquement un gain pour les collectivités, estimé à 82 millions d'euros en 2021. Je vous propose là aussi un amendement pour avancer cette baisse du taux de TVA à 2019.

L'article 19 supprime à compter de l'année prochaine les taux réduits de TICPE sur le GNR dont bénéficient les secteurs d'activité qui utilisent des engins non routiers.

Deux secteurs continueraient de bénéficier de ces taux réduits : le secteur agricole, par le biais d'un remboursement de la différence entre le prix du gazole et le tarif réduit dont il bénéficie jusqu'en 2021, puis directement lors de l'achat de carburant à compter de cette date, et les entreprises de transport ferroviaire. Et l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement qui exonère de TICPE les carburants utilisés dans le cadre de la navigation fluviale, à l'exception de la navigation de plaisance privée.

La suppression du tarif réduit de TICPE sur le GNR représenterait une recette supplémentaire pour l'État de près de 1 milliard d'euros en 2019.

Cette mesure aura d'abord un impact sur le secteur des travaux publics, et en particulier sur la filière des terrassiers et des routiers, qui utilisent de gros engins de chantier fonctionnant au GNR. La fédération nationale des travaux publics estime que, sur le milliard d'euros supplémentaire de taxe, 500 millions d'euros pèseront directement sur les travaux publics, ce qui viendrait pénaliser de nombreuses PME spécialisées. Si certaines de ces entreprises pourront répercuter cette hausse du prix des carburants dans leurs contrats en cours, qui contiennent des clauses de révision des prix, beaucoup d'autres n'ont pas inséré de telles clauses dans leurs contrats et subiront la hausse de la TICPE de plein fouet.

La suppression du tarif réduit de fiscalité sur le GNR peut se justifier pour des raisons environnementales. Elle va dans le sens de la politique de suppression progressive de l'avantage fiscal octroyé à la consommation de ce carburant et de renchérissement du coût des énergies fossiles pour inciter au changement de comportements. Toutefois, sa brutalité ne laisse pas la possibilité aux entreprises concernées d'anticiper la hausse de fiscalité et de s'y adapter, en remplaçant par exemple leurs flottes de véhicules par des motorisations moins polluantes. C'est pourquoi je considère que cette suppression doit être progressive, et vous propose un amendement la lissant sur quatre ans.

Les articles 57 et 58 portent sur les dispositifs fiscaux visant à soutenir la rénovation énergétique des logements.

L'article 57 prolonge jusqu'au 31 décembre 2019 le CITE, qui aide les ménages à financer les travaux de rénovation énergétique dans leurs logements. Il maintient le CITE dans son périmètre issu de la loi de finances pour 2018, qui avait exclu de ce dispositif les portes, volets et fenêtres, ainsi que les chaudières au fioul. L'exclusion de ces équipements a conduit à réduire de moitié le coût du CITE, qui était de 1,6 milliard d'euros en 2016 et qui sera l'année prochaine de 865 millions d'euros.

Afin de rendre ce dispositif plus efficient, une nouvelle réforme est envisagée, qui devait initialement avoir lieu en 2019, mais sera finalement reportée à 2020. Il s'agirait de faire évoluer ce dispositif sur deux points. Premièrement, le CITE ne serait plus déterminé en fonction du prix des travaux ou des équipements mais en fonction des économies d'énergie effectivement permises par les travaux réalisés. Un barème permettra de classer les équipements en fonction de leur impact sur l'environnement, et l'aide sera forfaitisée en fonction de ce barème. Deuxièmement, pour les ménages modestes, le crédit d'impôt sera transformé en aide directe lors de la réalisation de travaux. Il s'agit de solvabiliser plus rapidement ces ménages qui, même lorsqu'ils bénéficient des aides du programme « Habiter mieux » de l'Agence nationale de l'habitat, ont un reste à charge d'environ 20 à 30 %.

Enfin, l'article 58 simplifie l'éco-PTZ et le prolonge de trois ans. Ce dispositif permet aux établissements de crédit de bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des prêts à taux zéro qu'ils octroient aux propriétaires de logements et aux syndicats de copropriété afin de financer des travaux d'amélioration de la performance énergétique des logements.

Afin d'encourager l'accès à l'éco-PTZ, cet article prévoit, entre autres, de supprimer la nécessité d'engager un bouquet de travaux pour bénéficier du prêt, de réviser la condition d'ancienneté des logements afin que soient éligibles tous les logements achevés depuis plus de deux ans à la date de début d'exécution des travaux ou encore d'allonger le délai de remboursement du prêt de dix à quinze ans.

On peut espérer que ces mesures de simplification permettront à ce dispositif d'être davantage sollicité qu'il ne l'est aujourd'hui, puisque seuls 24 300 prêts ont été consentis en 2017, contre 71 000 lors du démarrage du dispositif en 2009. Il faudra en particulier que les banques, qui considèrent que la rémunération qu'elles tirent de ce dispositif est faible, jouent le jeu et proposent cet instrument financier aux ménages.

M. Hervé Maurey , président . - Merci. Vos propositions vont dans le bon sens.

M. Michel Vaspart . - La suppression du taux réduit de TVA sur le GNR est un gros problème, et le rapporteur a raison de proposer de l'étaler dans le temps, pour faire passer la pilule. La transition énergétique est une chose, mais à quoi bon parler d'anticipation pour les entreprises s'il n'y a pas de solution de rechange ? Allons-nous remplacer un bulldozer par 50 ouvriers munis de pelles ? D'ailleurs, ces prélèvements ne sont nullement affectés à la transition énergétique. La population va finir par se réveiller... J'ajoute que, tôt ou tard, cette augmentation sera répercutée sur les clients, qui sont, pour 60 %, des collectivités territoriales. Il ne s'agit certes pas d'une hausse considérable, mais c'est une hausse supplémentaire !

M. Claude Bérit-Débat . - Je partage ces interrogations, notamment sur l'impact de la hausse sur les collectivités territoriales. Les propositions du rapporteur vont dans le bon sens, en effet. Dans nombre de départements, on recyclait les plastiques durs. La baisse du prix du pétrole a rendu le plastique neuf moins cher que le recyclé. Résultat : les entreprises ont arrêté leur activité, et la solution redevient l'enfouissement - sauf à se substituer à ces entreprises. Oui, en matière d'aide à la rénovation énergétique, une vraie prime est préférable à un crédit d'impôt, car beaucoup de ménages ne paient pas d'impôt. Nous le demandons depuis longtemps.

M. Joël Bigot . - L'effort de traitement des déchets repose essentiellement sur les particuliers et les collectivités territoriales. Il faudrait penser davantage à la responsabilité élargie des producteurs, d'autant que le développement du e-commerce et, corrélativement, du suremballage, nous conduira à traiter de plus en plus de contenants. Même si le producteur a tendance à répercuter toute hausse sur le consommateur, une TGAP amont devrait être mise en place.

Actuellement 5 millions d'euros de foyers sont assujettis à une TEOM incitative, et l'effet est visible : cela fait baisser le tonnage dans des proportions considérables. L'objectif du Gouvernement est d'atteindre 15 millions de foyers. Il faudra accompagner cet effort, en aidant notamment les collectivités territoriales dans la transition. Cette évolution générera la création de nouvelles filières, qui nous permettront de sortir de l'alternative malsaine entre stockage et incinération. Une TGAP sur les produits non recyclables devrait aussi y aider, mais il faut prévoir des mesures d'accompagnement pour les particuliers, si nous voulons assurer l'acceptabilité sociale de cette transition. La redevance incitative fonctionne évidemment mieux dans les zones d'habitat individuel que collectif - et la catégorie de population la plus rétive au tri des déchets est celle des étudiants vivant en centre-ville !

M. Gérard Cornu . - Je partage l'opinion du rapporteur et l'avis de M. Vaspart : sur la hausse de la TICPE, les Français ne sont pas dupes. On leur dit que c'est une mesure pour la transition énergétique, mais les recettes n'y sont pas affectées ! Avec, en plus, la hausse du cours du Brent, nos compatriotes en ont assez, surtout dans les zones rurales où, faute de moyens de transport collectif adéquat et vu le prix des voitures électriques, ils n'ont pas d'autre choix que d'utiliser leur véhicule personnel. Une partie du territoire se sent délaissée, et le Sénat doit s'en faire le porte-parole. Les amendements du rapporteur vont dans le bon sens. Nous devons veiller à l'amélioration de notre réseau ferroviaire, et surtout de ses petites lignes. Il faudrait inscrire cette préoccupation dans l'amendement qui parle de « développer des mobilités propres », car le train en est une, globalement, et il faut inciter nos concitoyens à le prendre.

M. Guillaume Gontard . - Oui, nous devons organiser le transfert vers de nouvelles mobilités, mais ce n'est pas une raison pour fermer des lignes ferroviaires ! La hausse du coût du GNR aura surtout un impact sur les petites communes, et tout particulièrement en montagne, car les engins de déneigement consomment ce carburant. Je m'étonne que l'éco-PTZ puisse, à l'avenir, concerner aussi les bâtiments datant de deux ans, ce qui me semble absurde.

M. Alain Fouché . - Les propositions de notre collègue Jean-François Longeot sont intéressantes. Mais on peut craindre une répercussion sur les travaux des collectivités territoriales de la hausse du coût du GNR. Il existe des ententes très fortes entre les groupes de travaux publics, et les coûts augmentent sans cesse.

M. Cyril Pellevat . - En montagne, le GNR est utilisé par les engins non seulement de déneigement, mais aussi de damage. Il y a des investissements massifs dans nos stations. Le Gouvernement souhaite accueillir 100 millions de touristes dans les années à venir. Or les effets négatifs des mesures prises en matière fiscale sont de plus en plus problématiques. Je ne suis pas certain qu'un échelonnement sur quatre ans suffise.

M. Jérôme Bignon . - L'augmentation des prix sur les produits carbonés entraîne une baisse automatique et immédiate de la consommation. Mais la taxe est très difficile à supporter. Le véritable problème, c'est son utilisation, compte tenu de l'état des finances de notre pays. Si nous reportons les mesures qui s'imposent, la marche sera encore plus difficile à franchir par la suite. Nous avons des responsabilités vis-à-vis de nos électeurs et de nos enfants.

M. Olivier Jacquin . - Je suis sensible à la baisse de la TGAP sur les combustibles solides de récupération, les CSR. Dans mon département, un important industriel a pour projet de passer du charbon à ces CSR, pour une puissance de 110 mégawatts et 220 000 tonnes. Ces combustibles issus d'un tri de très bonne qualité sont beaucoup utilisés en Europe, mais peu en France. Il est important de baisser significativement la TGAP pour certaines industries consommant beaucoup d'énergie. Je pense à Solvay, qui produit du bicarbonate de soude, un composé quasi écologique utilisé en santé dans de nombreuses industries.

Ne légiférons pas à la petite semaine. Voilà quelques semaines, nous nous émouvions tous des rapports du GIEC. Aujourd'hui, nous sommes confrontés à nos concitoyens qui peinent à boucler leur budget. Gardons une ligne claire et le sens de l'avenir. La lutte contre le réchauffement climatique est une priorité. La fiscalité verte, qui permet de faire payer les externalités négatives, est une nécessité. Elle doit non pas être punitive, mais permettre à chacun de s'adapter. L'idée d'affecter une fraction de fiscalité écologique aux collectivités territoriales me semble intéressante. J'aimerais avoir des précisions à cet égard.

Nous devons également poursuivre les efforts en matière d'habitat, notamment s'agissant des logements inchauffables qui sont des passoires énergétiques. Je pense par exemple au dispositif Habiter Mieux, qui est compliqué, mais permet d'obtenir de vrais résultats.

Allons plus loin aussi sur les mobilités. Selon une association que nous avons auditionnée, le chèque énergie devrait être porté à 600 euros pour compenser véritablement l'augmentation des prix de l'énergie. Il faut préférer une prime à la mobilité plutôt qu'à la conversion des véhicules, dont les effets sont limités. Je reviens aussi sur nos débats à propos du ferroviaire : le fait qu'il soit aujourd'hui plus facile de traverser la France en avion avec des compagnies low cost qu'en train pose tout de même question. Il faut trouver des solutions pour favoriser des modes vertueux de mobilité, malgré les textes nationaux et internationaux qui interdisent de taxer le kérosène.

M. Guillaume Chevrollier . - L'augmentation importante de la TGAP suscite des inquiétudes dans le secteur du bâtiment. Certes, nous sommes tous favorables à l'économie circulaire et au recyclage. Mais il n'y a pas forcément d'entreprise capable de recycler à proximité partout ; le maillage territorial de points de collecte est assez inégal dans notre pays. Évitons de brutaliser des entreprises du bâtiment pour lesquelles la mesure pourrait entraîner des surcoûts. Il faut une progressivité pour tenir compte de cette réalité. L'important, c'est le changement des comportements.

M. Christophe Priou . - Nos concitoyens peuvent adhérer à la transition écologique sous réserve que nous fassions preuve de beaucoup de pédagogie. J'aimerais avoir les lumières de notre rapporteur pour avis sur la centrale qui va fermer en Loire-Atlantique - cela représente 1 500 emplois -, ainsi que sur l'affectation des crédits liés à l'abandon de l'aéroport Notre-Dame-des-Landes ; il faut veiller à ce qu'ils soient inscrits le plus tôt possible au budget.

M. Jordi Ginesta . - L'écologie est devenue un superbe alibi pour augmenter les taxes ou en produire d'autres. Pourtant, selon les ingénieurs d'EDF, on ne peut pas injecter plus de 30 % d'électricité provenant de ressources renouvelables dans le réseau ; au-delà, les variations de tension ne sont plus acceptables par le réseau, puisqu'il n'y a pas un flux continu de production d'électricité. C'est pourquoi les Allemands ont remis en service les centrales à charbon, qui polluent beaucoup plus que nos centrales nucléaires. Il faut avoir des considérations techniques, et pas seulement politiques ; en politique, il y a toujours une part de rêve...

M. Hervé Maurey , président . - Je souhaite faire trois remarques.

D'abord, la fiscalité écologique a pour objectif non pas de fournir des recettes, mais de faire évoluer les comportements. Mais, pour cela, encore faut-il pouvoir choisir entre plusieurs options. Or, en milieu rural, la voiture est souvent le seul choix possible.

Ensuite, il y a un problème de lisibilité entre les recettes qui sont censées aller à l'écologie et leur affectation réelle. Aujourd'hui, il y a un compte d'affectation spéciale qui ne représente que 7 milliards d'euros sur 38 milliards d'euros de TICPE, et ces 7 milliards d'euros servent uniquement à financer la différence de prix pour les énergies renouvelables. Cela finance donc des actions passées, et non des actions futures.

Enfin, une part de cette TICPE doit absolument aller aux collectivités locales, qui ont un rôle important à jouer en matière de transition écologique. Nous devons militer en ce sens, et l'amendement de M. le rapporteur pour avis est tout à fait pertinent.

M. Jean-François Longeot , rapporteur pour avis . - Nous allons faire des recherches pour répondre à la question de M. Priou, mais, a priori , les crédits concernés devraient être affectés au budget général.

Notre collègue Jordi Ginesta soulève un véritable problème sur les baisses de tension électrique. Nous devons faire preuve de vigilance dans tous les départements sur ce que fait ENEDIS. Ce n'est pas notre collègue Patrick Chaize, ancien directeur du syndicat intercommunal d'électricité de l'Ain, qui me contredira.

M. Patrick Chaize . - On ne peut pas accepter sur un réseau de transports plus de 30 % de la capacité en énergies renouvelables, qui sont des énergies temporaires. Il faut pouvoir assurer l'alimentation en énergie du pays.

M. Jean-François Longeot , rapporteur pour avis . - Je proposerai un amendement pour mettre en place un reversement de TICPE aux collectivités territoriales. J'espère qu'il y aura un fléchage des crédits. L'augmentation des taxes peut effectivement être comprise si celles-ci sont bien affectées aux économies d'énergie. Mais si elles ne contribuent pas à la transition écologique, c'est plus ennuyeux.

Les entreprises de travaux publics sont inquiètes, notamment par rapport aux contrats qu'elles ont avec les collectivités locales : s'il y a une clause de révision des prix, cela risque de représenter un coût supplémentaire pour les collectivités locales ; s'il n'y en a pas, ces entreprises continueront de fournir leurs prestations, mais en perdant de l'argent, ce qui n'est probablement pas leur objectif... C'est pourquoi nous sommes favorables à un étalement sur quatre ans.

Le prêt à taux zéro est élargi dans le PLF afin que davantage de ménages y aient recours. L'important est que cet outil soit véritablement connu et que les banques jouent le jeu.

Quel serait l'objectif d'une prime à la mobilité ? Favoriser les changements dans les modes de déplacement, en valorisant le covoiturage, le train ou le vélo ?

M. Olivier Jacquin . - C'est bien cela. Il y a eu un amendement à l'Assemblée nationale pour encourager le recours aux autres modes en cas, par exemple, de non-remplacement d'un deuxième véhicule.

M. Jean-François Longeot , rapporteur pour avis . - Mes deux premiers amendements portent sur la fiscalité des déchets. Ils visent à réduire plus rapidement le coût du tri et du recyclage des déchets, afin de favoriser ces opérations par rapport au stockage et à l'incinération.

L'amendement n° 1 vise à appliquer un abattement de 50 % de TGAP sur les résidus de déchets non valorisables issus d'installations de tri, de recyclage et de valorisation performantes. Il s'agit de diminuer le coût des opérations de tri et de recyclage en réduisant le montant de TGAP dû sur les résidus qui ne peuvent pas être valorisés et sont donc envoyés vers des installations de stockage ou d'incinération.

Leur appliquer, comme il est prévu dans le projet de loi de finances, une taxe du même niveau que celui qui est appliqué aux déchets envoyés vers des installations de stockage ou d'incinération conduirait à renchérir le coût des opérations de tri et de recyclage. Cette mesure est particulièrement importante pour les déchets des entreprises, qui peuvent occasionner jusqu'à 50 % de refus de tri. Afin d'éviter que cet abattement ne constitue une incitation à ne pas trier ou à mal trier, il ne pourra bénéficier qu'aux installations performantes, dont le volume de résidus est inférieur à un seuil fixé par arrêté.

Cet amendement va plus loin que celui du Gouvernement, adopté à l'Assemblée nationale, visant à instaurer un tarif réduit de TGAP sur les seuls résidus de tri à haut pouvoir calorifique traités dans des installations de valorisation énergétique à haut rendement. Une telle mesure est insuffisante, car, dans de nombreux départements, soit il n'existe pas de solution d'incinération à haut rendement, soit les capacités de ces incinérateurs sont saturées, ce qui conduit ces résidus à être orientés vers des installations de stockage.

Je vous propose donc d'élargir cette réduction de TGAP sur les résidus, afin de faire en sorte que davantage de déchets soient orientés vers le tri et le recyclage.

M. Jean-Michel Houllegatte . - Les installations de tri, de recyclage et de valorisation considérées comme performantes font-elles l'objet d'un label ?

M. Jean-François Longeot , rapporteur pour avis . - Cela sera défini par arrêté.

M. Jean-Michel Houllegatte . - Il serait dommage que, pour bénéficier de cet abattement, des opérateurs puissent faire transiter par des unités de recyclage des déchets n'ayant pas vocation à être recyclés.

M. Jean-François Longeot , rapporteur pour avis . - Il s'agira d'installations dont le refus de tri est inférieur à un certain niveau.

Mme Françoise Cartron . - J'aimerais avoir un peu plus d'explications sur la taxe additionnelle prévue à titre de compensation dans le texte de l'amendement.

M. Hervé Maurey , président . - Il s'agit du gage sur le tabac, qui est utilisé pour éviter de se voir opposer l'article 40 de la Constitution.

L'amendement DEVDUR-1 est adopté.

M. Jean-François Longeot , rapporteur pour avis . - Dans le même esprit que l'amendement précédent, l'amendement DEVDUR-2 vise à appliquer un taux réduit de TVA de 5,5 % aux opérations de prestation de collecte séparée, de collecte en déchetterie, de tri et de valorisation matière des déchets dès 2019, et non en 2021, comme le prévoit le projet de loi de finances.

Si le projet de loi de finances prévoit que l'augmentation des tarifs de la TGAP sur les installations d'incinération et de stockage ne s'effectue qu'à partir de 2021, il supprime dès 2019 le taux réduit de TGAP dont bénéficient les installations de stockage répondant à la norme ISO 14001. Cela conduira à une augmentation du tarif de TGAP de 33 euros par tonne en 2018 à 41 euros par tonne en 2019 pour environ 20 % des installations.

Au-delà de cette question, réduire la TVA dès 2019 permettrait de réduire le coût des opérations de tri et de recyclage, donc de favoriser plus rapidement les solutions préconisées.

M. Claude Bérit-Débat . - Le taux réduit de TVA ne peut s'appliquer que lorsqu'il est fait appel à des prestataires extérieurs. Les collectivités qui travaillent en régie - il y en a beaucoup - ne seront par définition pas concernées. Elles seront donc pénalisées, alors que beaucoup sont vertueuses.

M. Jean-François Longeot , rapporteur pour avis . - Disons plutôt qu'elles ne seront pas avantagées.

Mme Michèle Vullien . - Quel est le coût de cette baisse de la TVA et, plus généralement, de l'ensemble des dispositions proposées dans les amendements que nous examinons ?

M. Jean-François Longeot , rapporteur pour avis . - La mesure de baisse de la TVA représente un coût d'environ 80 millions d'euros.

L'amendement DEVDUR-2 est adopté.

M. Jean-François Longeot , rapporteur pour avis . - L'amendement DEVDUR-3 vise à attribuer une fraction de TICPE aux collectivités territoriales qui sont compétentes pour mettre en oeuvre des politiques de transition énergétique.

Il s'agit d'attribuer aux EPCI ayant adopté un plan climat-air-énergie une fraction de TICPE égale à 10 euros par habitant, et aux régions ayant adopté un schéma régional du climat de l'air et de l'énergie ou un schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires une fraction s'élevant à 5 euros par habitant, afin de les aider à financer leurs mesures de transition énergétique.

Cet amendement avait été déjà été examiné et adopté par le Sénat lors du dernier budget. Je pense qu'il est important que, cette année encore, nous puissions envoyer un message clair au Gouvernement sur la nécessité d'allouer une partie de la hausse de la fiscalité sur les énergies fossiles à la transition énergétique. Sans cela, je crains que cette hausse ne soit ni comprise ni supportée par nos concitoyens.

La transition énergétique n'est possible que grâce à la mobilisation des territoires. Il est donc important que les collectivités territoriales bénéficient des ressources suffisantes pour mettre en oeuvre leurs projets de transition, qu'il s'agisse d'améliorer l'efficacité énergétique des logements ou de développer la production d'énergies renouvelables.

M. Gérard Cornu . - Cet amendement va dans le bon sens. Mais il concerne les EPCI. Or, pour passer de la voiture au transport ferroviaire, il faut sauvegarder les petites lignes ou les lignes à faible fréquentation, ce qui est du ressort de SNCF Réseau ou des régions. Le transfert de TICPE n'ira pas vers les régions. Il faut, me semble-t-il, adresser un message fort aux territoires sur les transports, comme nous l'avons fait sur le logement.

M. Jean-François Longeot , rapporteur pour avis . - Précisément, nous proposons un reversement de 10 euros par habitant aux EPCI et 5 euros par habitant aux régions, afin que les régions puissent investir dans le ferroviaire ou la transition énergétique.

M. Claude Bérit-Débat . - Je trouve qu'il s'agit d'un excellent amendement, avec des contreparties. Ceux qui seront vertueux peuvent bénéficier du dispositif.

M. Hervé Maurey , président . - Personnellement, je regrette un peu que les communes ne puissent pas en bénéficier pour les travaux d'économie d'énergie. Nous devons aider les communes dans lesquelles des bâtiments anciens sont des passoires énergétiques à réaliser les travaux nécessaires.

L'amendement DEVDUR-3 est adopté.

M. Jean-François Longeot , rapporteur pour avis . - L'amendement DEVDUR-4 vise à rendre progressive la suppression du tarif réduit de TICPE sur le gazole non routier, en l'étalant sur quatre ans, soit jusqu'en 2022.

Comme pour la taxe carbone, le rapprochement de la fiscalité du diesel et de l'essence ou la hausse de la TGAP, une progressivité est absolument nécessaire pour donner de la visibilité aux entreprises et leur permettre de s'adapter, en renouvelant par exemple leurs parcs de véhicules. Sans une telle progressivité, la suppression du tarif réduit de TICPE sur le GNR perd son caractère incitatif pour ne s'apparenter qu'à une mesure de rendement budgétaire pur.

Mme Michèle Vullien . - Je m'abstiendrai. Il faut savoir ce que l'on veut : on ne peut pas tenir de grands discours sur la transition écologique et dire « non » à tout.

M. Jean-François Longeot , rapporteur pour avis . - Nous ne sommes pas systématiquement contre toute augmentation. Mon amendement vise non pas à supprimer la hausse, mais à la rendre progressive. Quand une mesure figurant dans un budget voté en fin d'année prend effet au 1 er janvier suivant, le couperet est terrible.

M. Frédéric Marchand . - Cet amendement répond parfaitement à la nécessité de pédagogie que nous évoquions : comme l'énonce un vieil adage, c'est en passant par le réel qu'on va vers l'idéal.

M. Jean-Michel Houllegatte . - Avec un tel amendement, on est bien dans l'adaptation face aux changements climatiques.

M. Patrick Chaize . - J'irai à rebours des arguments de notre collègue Jean-François Longeot. Rendre la hausse de TVA progressive, c'est tout de même en accepter le principe. Or, ce que je trouve ennuyeux, c'est que cette hausse s'applique également à des entreprises - je pense par exemple aux petites entreprises ou moyennes entreprises de terrassement - n'ayant pas d'autre choix que le gazole non routier.

L'amendement DEVDUR-4 est adopté.

M. Jean-François Longeot , rapporteur pour avis . - Pour terminer, je vous indique que je vous présenterai à l'occasion d'une prochaine réunion de commission un amendement visant à permettre une meilleure répartition des recettes de l'IFER éolien entre les collectivités. Cet amendement n'ayant pas d'impact sur le solde budgétaire de l'année prochaine, il doit être présenté lors de l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances.

M. Hervé Maurey , président . - Cet amendement sera le bienvenu. Au demeurant, une telle mesure faisait partie des propositions du groupe de travail mis en place par Sébastien Lecornu ; il est donc étonnant de ne pas la retrouver dans le projet de loi de finances.

La commission a autorisé la publication du rapport pour avis.

II. TABLE RONDE SUR LE FINANCEMENT DE LA TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

Réunie le mercredi 7 novembre 2018, la commission a organisé une table ronde autour de M. Benoît Leguet, Directeur général de I4CE (Institute for Climate Economics), M. Dominique Bureau, Délégué général du Conseil économique pour le développement durable (CEDD) et M. Nicolas Garnier, Délégué général d'AMORCE (association nationale des collectivités, des associations et des entreprises pour la gestion des réseaux de chaleur, de l'énergie, et des déchets).

M. Hervé Maurey , président . - Nous poursuivons cette matinée par une table ronde relative au financement de la transition énergétique. Je remercie nos invités pour leur présence : M. Benoît Leguet, Directeur général du think tank I4CE (Institute for Climate Economics), M. Dominique Bureau, Délégué général du Conseil économique pour le développement durable (CEDD) et président du Comité pour l'économie verte et M. Nicolas Garnier, Délégué général d'AMORCE (Association nationale des collectivités, des associations et des entreprises pour la gestion des réseaux de chaleur, de l'énergie, et des déchets).

Cette table ronde a pour objectif de mettre en perspective deux sujets qui sont au coeur des réflexions sur la transition énergétique : d'une part, le rôle de la fiscalité énergétique et environnementale, et en particulier de la taxe carbone, avec la question de savoir si celle-ci vise véritablement à inciter au changement de nos modes de production et de consommation, ou s'il s'agit plutôt d'un « greenwashing » permettant de faire rentrer des recettes supplémentaires sous couvert de favoriser l'environnement; d'autre part, les besoins de financement de la transition énergétique, et en particulier les moyens qui doivent être mobilisés dans les territoires pour permettre la mise en oeuvre de projets de transition.

Au croisement de ces deux sujets, se trouvent la question de l'utilisation des recettes de la fiscalité énergétique et environnementale, et celle du montant que l'on consacre aux politiques de transition énergétique.

Il nous paraissait d'autant plus important de pouvoir échanger sur cette question qu'elle est, vous avez tous pu le constater, de plus en plus prégnante dans le débat public.

L'augmentation du prix des carburants et des combustibles fossiles, qui est pour partie due à la hausse de la taxe carbone ces dernières années, suscite en effet des inquiétudes et du mécontentement chez nos concitoyens. Des manifestations sont ainsi prévues le 17 novembre, et le mouvement risque de s'amplifier. En effet, nous ne sommes pas au bout de nos « peines », si j'ose dire, puisque la trajectoire votée lors du dernier budget prévoit que la valeur de la tonne de CO 2 , qui sert de base au calcul de la taxe carbone, atteigne 47,5 euros l'année prochaine et 86,2 euros en 2022. Elle était de 7 euros par tonne en 2014.

À cette trajectoire s'ajoute le rapprochement progressif de la fiscalité applicable à l'essence et au diesel, qui se traduit par une hausse supplémentaire de la TICPE sur le gazole.

Jean-François Longeot le rappelait à l'instant, les recettes supplémentaires issues de la hausse des taxes sur les énergies fossiles devraient représenter un montant de 15,4 milliards d'euros sur la période 2017-2022.

Si l'on prend pour point de départ l'année 2014, date à laquelle la taxe carbone a été instaurée, ce sont plus de 20 milliards d'euros de taxes supplémentaires qui seront prélevées sur la consommation des énergies fossiles d'ici 2022.

Ce constat appelle plusieurs questions : premièrement, quel prix faut-il donner au carbone pour inciter à la réduction de la consommation d'énergies fossiles et au développement des énergies propres ? Quel impact la hausse de la taxe carbone a-t-elle sur les comportements des entreprises et des ménages et sur la consommation d'énergies fossiles ?

Deuxièmement, que faire des recettes issues de cette fiscalité ? Aujourd'hui, les recettes supplémentaires de TICPE abondent en quasi-totalité le budget général de l'État, et ne sont que marginalement affectées à la transition énergétique.

Troisièmement, quels sont les besoins de financement des politiques de transition énergétique, en particulier dans les territoires, pour pouvoir atteindre nos objectifs climatiques ?

Lors de la précédente table ronde consacrée à la programmation pluriannuelle de l'énergie, le délégué général de l'Ademe a clairement indiqué qu'il fallait donner aux collectivités territoriales davantage de moyens pour accompagner la rénovation énergétique des logements, pour financer le développement des énergies renouvelables ou encore pour favoriser l'essor de mobilités durables. D'ailleurs, notre commission a adopté ce matin à l'unanimité un amendement portant sur la TICPE, afin qu'une partie des recettes supplémentaires perçues soit reversée aux collectivités territoriales. En effet, ces dernières ont la charge d'accompagner la transition énergétique, sans toutefois en avoir les moyens.

Que pensez-vous par conséquent de l'idée d'attribuer aux collectivités territoriales une fraction des recettes issues de la taxe carbone pour mener ces politiques de transition et aider les ménages et les entreprises à s'orienter vers des comportements plus vertueux ?

Voilà les points sur lesquels nous souhaiterions avoir un éclairage. Je vous laisse la parole pour un propos introductif.

M. Benoît Leguet, Directeur général du think tank I4CE (Institute for Climate Economics). - I4CE est un think tank français sur la transition énergétique fondé en 2015 par la Caisse des dépôts et l'Agence française de développement. Nous avons été rejoints, depuis, par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), la Banque de France et la Caisse de dépôts et de gestion du Maroc. Nous travaillons sur les questions économiques et financières liées à la transition énergétique, avec un présupposé : permettre que la transition écologique se passe du mieux possible. Nous essayons de favoriser le débat public. Tous nos travaux sont disponibles sur notre site internet. Nous ne sommes pas là pour prendre des décisions à la place des uns ou des autres, mais pour donner les informations nécessaires aux différentes parties prenantes.

En ce qui concerne le juste prix du carbone, je vous renvoie à la commission Quinet et à la présentation que fera tout à l'heure Dominique Bureau.

En matière de fiscalité carbone, je souhaite faire passer quelques idées. Comme tout le monde, je lis les journaux, j'écoute la radio, et j'entends beaucoup d'interrogations et de débats autour de ce sujet. En revanche, je n'entends aucun débat sur l'utilisation des recettes issues de cette fiscalité, qui me semble pourtant une question légitime.

M. Hervé Maurey , président . - Nous avons évoqué ce sujet ce matin. C'est un point au coeur de nos préoccupations.

M. Benoît Leguet . - La question importante est de savoir quoi faire de ces milliards d'euros supplémentaires levés avec la réforme fiscale en cours. À mon avis, il faut laisser derrière nous le débat sur le montant de la taxe carbone. De mon point de vue, une taxe carbone élevée est nécessaire pour atteindre les objectifs de l'Accord de Paris. La question est plutôt de savoir si l'on veut atteindre ces objectifs. Mais, il est certain que si l'on veut les tenir, il faut une taxe carbone.

Toutefois, s'il s'agit d'une condition nécessaire, elle est loin d'être suffisante. En effet, il faut coupler cette hausse de la fiscalité avec un certain nombre de dispositifs, et avec des annonces politiques sur la fin de subventions ou de technologies : on peut penser par exemple aux annonces sur la fin des véhicules thermiques.

En outre, des incitations sur les financements publics mais aussi privés vers un certain nombre de pratiques et de technologies seront nécessaires. Or, pour inciter ces investissements privés, il faut envoyer des signaux-prix lisibles par les acteurs économiques, ce qui nécessite de s'inscrire dans une trajectoire de long terme.

Au-delà d'être nécessaire, la fiscalité carbone me semble efficace, à la condition qu'elle soit combinée avec des mesures d'accompagnement. La taxe carbone permet de réduire les émissions ; elle n'est pas une taxe de rendement. C'est avant tout une taxe incitative qui a vocation à réduire les émissions et à favoriser les investissements bas-carbone sur le long terme.

Lorsque l'on commence à donner un prix au carbone, et comme les émissions mettent du temps pour diminuer, la puissance publique voit apparaître des recettes fiscales supplémentaires. Se pose alors la question de leur utilisation. Cette « rente fiscale » donne des leviers pour générer une réforme fiscale.

Nous allons publier à la fin de l'année un rapport sur l'utilisation des recettes de la taxe carbone dans plusieurs pays étrangers. En effet, nous ne sommes pas le seul pays à avoir mis en place un prix du carbone et à se poser la question de l'utilisation de l'argent récolté. Je vais vous donner quatre exemples très contrastés : le Québec, la Suède, l'Irlande et la Suisse.

Certains pays préfèrent alléger la charge de la dette, d'autres préfèrent investir dans des investissements verts, d'autres encore cherchent à réformer leur fiscalité. Le trait commun à toutes ces expériences est la transparence sur l'utilisation des recettes.

Comment la taxe carbone s'insère-t-elle dans une réforme fiscale plus large ? J'évoquerais l'exemple de la Colombie britannique, qui a pris l'engagement de redistribuer à la population et aux acteurs économiques toutes les recettes issues de la fiscalité sur le carbone, afin que celle-ci soit neutre en revenu. 15 % de la rémunération du ministre des finances était d'ailleurs conditionnée à l'atteinte de cet objectif.

Trois leçons peuvent être tirées pour la France de ces expériences étrangères : tout d'abord, il convient d'accompagner les ménages et les entreprises. Ensuite, pour dire les choses de manière provocante, toutes les recettes ne sont pas destinées à financer la transition énergétique. Il ne s'agit pas d'une taxe de rendement, mais d'une taxe devant inciter au changement de comportement. Les expériences étrangères le montrent. Enfin, une clarté sur la réforme et sur l'utilisation des recettes de la taxe carbone est indispensable. On entend parfois aujourd'hui en France qu'elles sont utilisées pour baisser le coût du travail, d'autre fois pour baisser la taxe d'habitation. Pour moi, l'essentiel est d'expliquer la réforme fiscale qui est en train de se produire, de faire du reporting et de faire preuve de transparence.

M. Dominique Bureau, Délégué général du Conseil économique pour le développement durable (CEDD). - Je vais revenir sur le lien entre la fiscalité écologique et le financement des investissements verts. L'Accord de Paris comprend un engagement visant à limiter l'augmentation des températures à deux degrés. Pour tenir cet engagement, il faudra faire des efforts considérables, structurels. Or, les modifications de comportement dans l'utilisation des transports, de l'énergie ou encore dans l'agriculture ne peuvent se faire sans nouveaux investissements.

La liste des nouveaux investissements « verts » nécessaires dans les transports, l'industrie, l'énergie ou encore l'agriculture est longue. Certes, l'investissement public, notamment des collectivités territoriales, est important. Mais les deux gros porteurs de projets sont les entreprises et les ménages, c'est-à-dire des acteurs privés. Dès lors, la question qui se pose est de savoir comme réorienter l'investissement privé vers la transition énergétique.

L'OCDE a défini un cadre d'actions pour l'investissement vert. Il s'agit souvent d'investissements risqués, avec de longues maturités, et qui nécessitent par conséquent des instruments de financement appropriés. C'est tout l'enjeu des obligations vertes. Les anglais distinguent le financing et le founding . Le founding , c'est le fait d'avoir un business model : pour qu'un investisseur privé investisse, il faut qu'il ait un retour sur investissement. Or, en matière de transition énergétique, le retour sur investissement lié à la diminution des émissions de CO 2 n'apparaît que s'il existe un prix du carbone. Sans tarification du carbone, l'investissement vert demeure non rentable et ne se fait pas. On insiste souvent sur le prix du carbone pour modifier les comportements mais l'essentiel est de rendre rentable l'investissement vert.

En outre, il ne s'agit pas, avec la taxe carbone, d'augmenter les prélèvements obligatoires. Philippe Aghion a démontré dans ses travaux sur l'innovation qu'il existe une dépendance temporelle : les gens continuent d'améliorer ce qui existe, plutôt que de développer des technologies de rupture. De manière schématique, lorsque l'on sait faire une bougie, on n'essaye pas d'inventer l'ampoule électrique. Pour qu'une transformation se fasse, il faut des incitations très fortes, et un prix du carbone suffisamment élevé et anticipé à long terme pour diriger les investissements vers le bas-carbone.

L'objectif du prix du carbone est de modifier les comportements et de permettre un retour sur l'investissement. En aucun cas, il s'agit d'opérer un transfert de pouvoir d'achat des contribuables vers la sphère publique de manière à financer un programme de dépenses. L'enjeu est de réintroduire les coûts sociaux dans les arbitrages privés en responsabilisant les agents et en les incitant à modifier leurs comportements.

La trajectoire française de la taxe carbone a été rappelée par le président Maurey. Si on appliquait cette trajectoire, la France serait un pays relativement exemplaire. Pour autant, ce que nous avons constaté, avec Bénédicte Peyrol, à l'occasion du rapport que nous avons rédigé dans le cadre du Comité pour l'économie verte, c'est qu'il convient de renforcer la lisibilité de la fiscalité verte. Nous proposons pour cela de créer un « jaune budgétaire ». En effet, si l'on ne sait pas comment sont utilisées les recettes de cette fiscalité, on ne peut pas avoir de débat. Or l'utilisation de ces recettes résulte d'un choix politique, et doit donc être transparente.

Il n'y a pas de théorie économique sur l'utilisation de la fiscalité écologique incitative. Cette recette est - pour ainsi dire - inattendue. Lorsque vous payez votre prix du pain, cela permet aux gens qui le fabriquent de vivre. Il est normal de payer le carbone comme on paye le pain. Par contre, s'agissant de l'utilisation de la recette, les économistes auraient tendance à dire deux choses.

Premièrement, il faut accompagner la réforme fiscale lorsqu'il y a une distorsion importante, ce qu'ils appellent un « double dividende ».

Deuxièmement, cette fiscalité ne doit pas servir à financer des mesures déjà obtenues par d'autres instruments. Il existe par exemple des instruments de redistribution dans l'économie. Aussi, pour moi, il n'est pas utile de multiplier ces instruments. Pour autant, il y a une petite spécificité avec la fiscalité énergétique, car les gens touchés ne peuvent être classés dans des déciles de revenus. Les groupes ruraux sont plus touchés que les groupes urbains.

Toutefois, il n'y a pas de théories définitives, et il convient de regarder les situations au cas par cas. Si nous étions un pays de plein emploi, et dans lequel le marché du logement fonctionnait parfaitement, la question d'une généralisation de l'aide mise en place dans les Hauts-de-France ne se poserait pas. En effet, le fait pour les gens de travailler à 30 kilomètres de leur lieu de domicile serait un choix totalement libre de toute contrainte et donc la puissance publique n'aurait pas de raisons d'intervenir. Mais, il est évident que le marché du logement n'est pas parfait et que nous ne connaissons pas le plein emploi.

Aussi, la manière d'utiliser la recette fiscale est un choix politique qui tient compte des idées générales que je viens de présenter, mais aussi du contexte particulier et évolutif. En Colombie britannique, la première tentative pour favoriser l'acceptabilité d'une fiscalité verte s'est faite par la mise en place de compensations.

M. Nicolas Garnier, Délégué général d'AMORCE . - Je vous remercie pour votre invitation. AMORCE a été créée pour une raison de fiscalité écologique, en 1987, par des élus locaux. Quinze ans plus tard, nous avons atteint l'objectif que nous nous étions fixé à l'époque, grâce à la mise en place, à l'initiative du Sénat, d'une TVA réduite sur les réseaux de chaleur.

Nous étions un certain nombre à participer à la commission Rocard. 99 % des débats au sein de cette commission ont alors été consacrés à la trajectoire du prix du carbone. Nous étions quelques-uns seulement à évoquer la question de la redistribution et de l'affectation des ressources. La position adoptée à l'époque par la commission Rocard était sibylline.

Aujourd'hui, personne ne conteste que la fiscalité verte a été mise en place pour atteindre un objectif environnemental. Dans le capharnaüm actuel, il est important de le rappeler. En outre, cette fiscalité s'inscrit dans un panel d'autres mesures, comme des obligations, des interdictions ou encore des accompagnements. Il serait probablement dangereux de tout faire porter sur la fiscalité écologique et de croire qu'en augmentant progressivement cette fiscalité, la planète irait mieux un jour.

Cette fiscalité, ainsi que la manière dont on l'utilise, doivent faire l'objet d'un travail de comparaison. Je comprends votre difficulté à examiner le projet de loi de finances : il est très difficile d'identifier les recettes et les dépenses liées à la transition écologique.

À titre anecdotique, nous avons essayé de nous mettre d'accord sur ce que générait la fiscalité carbone, avant le début de cette réunion. Nous avons mis un certain temps avant de tomber sur les mêmes chiffres. À l'Assemblée nationale, il n'y avait pas deux députés qui donnaient le même chiffre sur ce que rapporte la fiscalité carbone. Le chiffre que je vous propose - et ce n'est qu'une proposition - est de 8 milliards d'euros pour cette année, et de 9,8 milliards d'euros pour l'année prochaine. La question à régler est celle de savoir si ces dix milliards d'euros vont servir en tout ou partie à accompagner la transition énergétique. Aujourd'hui, la réponse est clairement non. Lorsque l'on regarde l'évolution des différents dispositifs d'accompagnement - que ce soit le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), les tarifs d'achat et compléments de rémunération pour les énergies renouvelables, les éco-prêts, ou encore le fonds chaleur de l'Ademe, nous ne voyons pas d'évolutions majeures. Il n'y a pas dix milliards d'euros en plus, je ne suis même pas sûr qu'il y ait un milliard d'euros supplémentaire...

Dans le projet de loi de finances, il existe des « OVNI », comme le compte d'affectation spéciale (CAS) pour la transition énergétique. Nous rêvons tous que ce CAS présente l'état des recettes et des dépenses de la transition énergétique, or il n'en recense qu'une toute petite partie. C'est donc un véritable jeu de piste pour essayer de comprendre le niveau des prélèvements de fiscalité énergétique - sur la TICPE au sens large peut-être 20 milliards d'euros, sur la part carbone peut-être 7, 8 ou 10 milliards d'euros - et ensuite comment ils sont utilisés.

Vous le savez, la loi organique relative aux lois des finances (LOLF) interdit l'affectation de recettes aux dépenses. En revanche, rien n'interdit de comparer le niveau de prélèvements d'un côté, et le montant des mesures d'accompagnement de l'autre, et de voir s'il y a une cohérence entre les deux dynamiques.

En réalité, on aimerait que la fiscalité écologique soit utilisée trois fois : une première fois, pour accompagner la transition écologique, une deuxième fois pour assurer un rendement financier, et une troisième fois pour permettre un accompagnement social. Je rejoins d'ailleurs M. Leguet pour dire qu'il n'est pas absurde que la fiscalité carbone soit affectée à d'autres causes que la transition, car il y a un certain nombre de missions d'intérêt général et de services publics qui n'ont pas leurs recettes propres. Mais ce qui est gênant aujourd'hui, c'est l'absence de débat sur l'utilisation des recettes de la fiscalité énergétique.

Enfin, il y a besoin de mécanismes de redistribution sociaux, en particulier en faveur d'un certain nombre de captifs. Se focaliser uniquement sur le monde rural est un peu caricatural. Dans les faits, les captifs sont ceux qui consomment de l'énergie pour se transformer ou se chauffer, et qui ne peuvent pas changer de solutions, sauf à des tarifs rédhibitoires par rapport à leur pouvoir d'achat, qu'ils soient urbains ou ruraux. En ZUP, certaines personnes sont aussi confrontées à des factures de chauffage ou de déplacement très importantes. Le chèque-énergie pose question, car c'est un peu un pansement sur une jambe de bois. Imaginons que demain ce chèque augmente de 50 euros. La facture moyenne pour le chauffage en France est de 1 000 euros. Qui serait crédible en défendant une telle augmentation ?

Le vrai enjeu est celui de la précarité et de la rénovation énergétiques. Parmi les objectifs de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, un objectif n'a non seulement pas été tenu, mais connaît par ailleurs une tendance inverse, c'est celui qui prévoit une baisse de 15 % des précaires énergétiques d'ici 2020. Nous sommes actuellement en augmentation de 0,5 %. La plupart des dispositifs que nous avons inventés sont des dispositifs de compensation de la précarité énergétique, qui laissent les personnes dans la même situation.

L'enjeu aujourd'hui est de redonner un corps politique à la fiscalité écologique, sans quoi celle-ci apparaît comme bête et méchante, ce qui se traduit par des mouvements comme les « bonnets rouges » et un rejet de cette fiscalité. Or, je crois qu'il s'agit d'un outil efficace, qui est d'abord là pour atteindre des objectifs environnementaux, ensuite pour aider les plus pauvres et les captifs, et enfin, pour financer d'autres causes.

Je viens d'apprendre que vous venez d'adopter un amendement visant à attribuer une fraction de TICPE aux collectivités territoriales : c'est la proposition que porte AMORCE depuis dix-sept ans. Toute consommation d'énergie, toute émission de gaz à effet de serre est faite sur un territoire, toute baisse de la consommation sera faite sur un territoire. Dès lors, pourquoi la fiscalité écologique n'est-elle affectée qu'à des causes nationales ? La route est encore longue pour que cette proposition législative soit définitivement adoptée. J'attire votre attention sur un chausse-trappe : il ne faudrait pas que cette fraction soit attribuée en compensation de la disparition de la taxe d'habitation, sans quoi il n'y aurait en réalité pas de financements supplémentaires pour la transition énergétique.

M. Hervé Maurey , président . - Je vous remercie pour ces présentations. Pour mémoire, cet amendement avait déjà été adopté par le Sénat l'année dernière, mais il n'avait pas été repris à l'Assemblée nationale. À l'époque, le Gouvernement nous avait dit qu'il réfléchissait en vue de proposer des solutions d'ici le prochain budget. Un an s'est écoulé et rien n'est venu. Aussi, nous reprenons cette initiative.

L'État partage la responsabilité de la transition écologique avec les collectivités territoriales. La moindre des choses est qu'il partage le surplus de recettes généré par la taxe carbone.

Je retiens de vos interventions que, de toute évidence, il y a besoin d'une transparence sur l'utilisation des recettes qui fait défaut aujourd'hui. En outre, et plus important encore, la fiscalité écologique devrait au moins principalement - si ce n'est uniquement - être destinée à financer des actions de transition écologique, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Mme Nelly Tocqueville . - Avant de poser ma question, je souhaite indiquer à M. Bureau que les gens qui habitent à 30 kilomètres des centres urbains ne le font pas toujours par choix, mais par contrainte, compte tenu du coût du foncier.

M. Dominique Bureau . - Mes propos ont été mal compris, c'est exactement ce que j'ai voulu dire. Dans un monde, qui n'est pas le monde français, dans lequel il n'y aurait aucune contrainte ni sur l'emploi, ni sur le logement, les citoyens n'auraient pas à se poser cette question.

Mme Nelly Tocqueville . - Vous avez mentionné l'innovation comme nécessaire pour améliorer ce qui existe. Cela passe par le financement de la recherche. En effet, ce sont les acteurs de la recherche qui ont pour mission d'anticiper des problématiques auxquelles nous sommes brutalement confrontés aujourd'hui, mais qui nous étaient annoncées depuis des décennies. La recherche française fondamentale est d'excellence. Est-il envisagé, ou serait-il judicieux d'envisager, d'affecter à la recherche une part des recettes de la fiscalité carbone ?

M. Éric Gold . - Plusieurs acteurs ou activités sont exonérés de la contribution climat-énergie, partiellement ou totalement. Si certaines exonérations sont prévues par des directives européennes, la plupart sont définies à l'échelle nationale, souvent à la suite de pressions de corporations. Je m'interroge sur ces exonérations. N'y a-t-il pas de meilleurs signaux à envoyer en matière de transition écologique ? Ces exonérations sont-elles opportunes au regard du message pédagogique que l'on souhaite porter pour inciter à la modification des comportements ? Une taxation complète, combinée à des mesures d'accompagnement et de redistribution pour les acteurs les plus fragiles, ne serait-elle pas plus adaptée ?

Mme Angèle Préville . - Je partage votre point de vue sur la transparence, la justice et l'efficacité des mesures à prendre. J'en suis persuadée : il s'agit d'un problème politique. Je suis très dubitative en revanche sur les initiatives privées. A-t-on le temps d'attendre qu'elles se mettent en place ? De mon point de vue, il y a des mesures radicales à prendre. Par ailleurs, j'aimerais en savoir plus sur les initiatives étrangères prises en matière de fiscalité écologique.

M. Guillaume Chevrollier . - On voit bien que le sujet est la construction d'une stratégie de transition écologique de long terme. Cela fait un certain temps que l'opinion publique est sensibilisée au sujet. Toutefois, comment concrètement faire accepter aux gens les changements nécessaires ? L'augmentation des taxes vertes est ressentie comme une brutalité, et pose la question de l'acceptabilité et du consentement à l'impôt. Aujourd'hui, l'impact sur le pouvoir d'achat est réel, et malgré des efforts de pédagogie, cette hausse reste mal ressentie par nos concitoyens.

Il est par ailleurs nécessaire d'avoir une convergence européenne sur la fiscalité énergétique. On le voit, l'augmentation de la fiscalité sur le carburant en France provoque des déplacements dans les zones frontalières. En 2019, le litre de gazole français sera vendu plus cher que dans les pays voisins : 30 centimes de plus par rapport à l'Espagne, 24 centimes de plus par rapport à l'Allemagne et 16 centimes de plus par rapport au Luxembourg.

M. Frédéric Marchand . - J'ai compris que des efforts de pédagogie sur la fiscalité écologique étaient nécessaires. Il existe également d'autres modes de financement de la transition énergétique, développés par les collectivités.

Je souhaite avoir l'avis des intervenants sur ce qui est mis en place en matière de financement participatif. La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte permet aux collectivités de participer au capital de SA ou de SAS dont l'objet est la production d'énergies renouvelables. Il y a une certaine appétence de nos concitoyens. Que pensez-vous de ces initiatives ?

M. Claude Bérit-Débat . - Nous avons bien compris qu'une fiscalité écologique est nécessaire, à condition qu'elle soit bien expliquée et transparente. J'aimerais avoir davantage d'informations sur ce qui se fait à l'étranger.

Pour rebondir sur ce que vient de dire M. Marchand, beaucoup de collectivités interviennent directement, notamment pour lutter contre la précarité énergétique, contre les passoires thermiques, en accompagnant les mesures prises par l'Ademe ou par l'Agence nationale de l'habitat (Anah). Cela justifie le fait que l'on attribue aux collectivités une part de TICPE.

Mme Pascale Bories . - La fiscalité doit être incitative et transparente. Vous avez évoqué l'achat du pain. Je pense que l'achat de pain va devenir plus compliqué pour un nombre important de personnes, car son prix augmentera en raison de la hausse du coût des carburants qui se répercutera sur son coût de fabrication et de livraison. C'est une illustration de l'impact qu'aura cette hausse sur l'ensemble des paniers de consommation pris en compte dans le calcul de l'inflation. Je ne sais pas si le Gouvernement a bien pris conscience de l'ensemble des conséquences de la hausse de cette fiscalité.

Certains dispositifs fiscaux mis en place sont bien acceptés, comme le bonus-malus automobile. Pourrait-on généraliser ce type d'outil, qui présente l'intérêt supplémentaire de suivre l'évolution technologique ? On le voit sur les voitures : au fur et à mesure, il y a davantage de malus sur les véhicules fortement consommateurs d'énergie fossile et on oriente progressivement le bonus vers les véhicules électriques ou vers d'autres véhicules peu polluants. Pourrait-on prévoir un tel dispositif pour d'autres équipements, comme les chaudières, les techniques d'isolation de façade, les réseaux de chaleur, ou les produits fortement consommateurs d'énergie fossile ?

M. Guillaume Gontard . - L'enjeu le plus important est la rénovation énergétique et la manière d'aller vers une sobriété énergétique. Il me semble - et cela a été rappelé ce matin - que les territoires sont au coeur de cette transition énergétique. Un certain nombre de programmes particulièrement intéressants et pertinents ont été mis en place localement, par exemple des projets de plateformes d'aide à la rénovation énergétique. Ces plateformes fonctionnent très bien mais elles nécessitent un financement.

Mme Christine Lanfranchi Dorgal . - M. Garnier a parlé de captifs. Je voudrais parler au nom des ménages à faibles revenus. Leurs dépenses d'énergie sont certes moins importantes que celles des ménages aisés, mais elles pèsent plus fortement dans leurs budgets. La compensation qui va leur être accordée semble être insuffisante, d'autant plus que ces ménages sont également en situation de précarité dans d'autres domaines : le logement, l'habillement... Le montant de ce chèque énergie n'est-il pas une hypocrisie ? Ne doit-on pas traiter ce problème de façon plus importante et mener une vraie politique sociale ?

J'ai été maire d'une ville et présidente d'une communauté de communes. Nous sommes très actifs sur les territoires face à la précarité énergétique. Mais les captifs, que sont les ménages à faibles revenus, ne peuvent pas supporter le montant du reste à charge des travaux après subvention. Il existe d'autres aides versées par des organismes, mais les procédures pour les percevoir sont longues. Il ne faut pas que des gens restent sur le bord de la route et que la fiscalité écologique devienne une politique qui favorise les gens aisés. Lorsque l'on donne un chèque de 150 euros à quelqu'un qui dispose de 800 ou 900 euros de revenus, comment fait-il pour se chauffer ?

M. Olivier Jacquin . - Cette table ronde arrive à un très bon moment. J'apprécie beaucoup les propos qui ont été tenus sur la nécessité de s'attaquer à la précarité énergétique.

Pour revenir sur les captifs, ceux éloignés de leur travail, nous rendrons demain, avec nos collègues Michèle Vullien, Françoise Cartron, Didier Rambaud et Alain Fouché de la délégation à la prospective, un rapport sur les nouvelles mobilités. Nous nous sommes interrogés sur les politiques d'urbanisme. Des mobilités pas chères, conjuguées au prix du foncier, contribuent à répartir les populations aux alentours des grandes agglomérations, presque à les ségréger en fonction de leurs revenus. Cela pose des questions de mixité et de cohésion sociales.

Je constate que la problématique de la régulation du prix du foncier est cruciale. Dans le VIème arrondissement de Paris, l'un des plus chers de France, le prix du mètre carré est supérieur à 10 000 euros, il donc nécessaire d'avoir au moins un revenu de 3 000 euros pour y dormir. La régulation du prix du foncier, qui serait le seul moyen d'éviter ce problème, n'est pas mise en oeuvre, alors que nous disposons d'un très grand nombre d'outils.

Je suis frontalier du Luxembourg. Le dumping fiscal de ce pays sur le gasoil est choquant et crée des dérives importantes. Le combat de la fiscalité écologique doit être européen.

En outre, M. Bureau, vous avez indiqué qu'il n'existait pas de théorie économique sur l'usage des recettes de la taxe carbone. Toutefois, vous n'avez pas dit qu'il ne fallait pas comptabiliser les externalités négatives et positives des différents modes d'utilisation des carburants fossiles. Nous devons réguler la main invisible du marché, qui est aveugle sur ces questions de temps long. Je m'interroge beaucoup sur le transport aérien qui se démocratise, et dont le bilan carbone est catastrophique. Je m'interroge notamment sur le fait qu'il soit moins cher de recourir à des vols intérieurs low cost que de prendre le train.

La décarbonation progressive de nos modes de déplacement fait que les recettes de fiscalité écologique vont se tarir. Comment l'anticiper pour permettre à cette fiscalité de rester dynamique ?

Enfin, je souhaite souligner la faiblesse dans nos politiques d'accompagnement de l'industrie. Si l'habitat est accompagné et que l'on réfléchit sur les mobilités, le secteur industriel est, lui, oublié.

M. Jordi Ginesta . - Je souhaite remercier les orateurs pour leur franchise, car ils nous disent qu'ils ne savent pas quoi faire de l'argent issue de la fiscalité énergétique. Pour moi, la meilleure façon de redistribuer cet argent, c'est de ne pas le prendre ! En effet, on ne redistribue jamais autant que ce que l'on prend, en raison des frais de gestion.

Le flou autour de l'affectation des recettes n'est peut-être pas tout à fait involontaire. Il permet au Gouvernement de les affecter selon son bon plaisir, ou selon les nécessités qu'il a désignées. Vous avez parlé, par exemple, de la réduction de la taxe d'habitation, dont vous faites d'ailleurs la critique et je vous suis sur ce sujet. Mais c'est un débat qui concerne les classes aisées et supérieures. Pourquoi punir des gens qui n'ont de toute façon pas le choix de se véhiculer ou de se chauffer ? N'y a-t-il pas là une démonstration du décalage entre une grande partie de la France et ceux qui sont censés nous gouverner ?

M. Jean-Michel Houllegatte . - Jusqu'à ces derniers jours, j'étais assez optimiste. Je considérais ainsi qu'il restait certes quelques irréductibles climatosceptiques, mais que la très grande majorité de la population s'était approprié les enjeux climatiques et avait conscience de la nécessité de mener des actions de transition énergétique. Mais, le manque de transparence, pour reprendre l'article du Monde d'hier, fait que l'on risque de passer du mouvement des « bonnets rouges » à celui des « gilets jaunes ». À ce titre, il y a urgence à clarifier les choses.

La LOLF ne nous donne-t-elle pas des outils pour le faire ? Au moment des débats sur la LOLF, le Sénat s'était opposé à la suppression des comptes d'affectation spéciale. Il y en a un sur la transition énergétique. Ne pourrait-on pas l'utiliser pour appliquer la LOLF jusqu'au bout et fixer des objectifs quantifiés, des indicateurs de performance et des mesures d'évaluation relatifs à l'utilisation de cet argent ?

Peut-on dire que le Gouvernement met en oeuvre dans le cas présent des mesures de redistribution ? Je parlerai plutôt de mesures correctives. Il convient de mettre en place des mesures pour aider ceux qui sont pénalisés par cette transition énergétique.

Mme Marta de Cidrac . - Je vous remercie pour ces exposés très clairs. Pensez-vous aujourd'hui que nous avons en France une stratégie environnementale poursuivant des objectifs clairement édictés ? Il est nécessaire de mettre en place un accompagnement social au profit des citoyens directement impactés par un certain nombre de taxes. M. Leguet, vous avez parlé de taxes incitatives. Mais, souvent ces dernières sont perçues comme des taxes punitives, et elles ne sont donc pas comprises.

L'illisibilité de l'utilisation des recettes prélevées a été évoquée. Cela nous interpelle. Enfin, il a été indiqué un manque de business model .

Tout cela révèle une question éminemment politique : où est notre stratégie ? Pensez-vous que nous en avons une ? Si c'est le cas, pouvez-vous nous indiquer la perception que vous en avez ?

Vous indiquiez que votre think tank avait pour rôle de permettre aux décideurs de prendre des décisions. Pensez-vous être entendus ?

Mme Françoise Cartron . - Je vous remercie pour l'organisation de cette table ronde, qui nous aide à fixer les points de débat. Vous avez expliqué les objectifs environnementaux de cette taxe. Je souhaite insister à nouveau sur les personnes captives du fait de leurs revenus. Je pense en particulier aux personnes âgées qui vivent dans des maisons des années 1980 très mal isolées. Malgré tout ce qui est mis en place, elles n'ont pas toujours les moyens de s'inscrire dans des dispositifs d'aide. Nous mettons en place des plans d'accompagnement, mais il existe des logements dans lesquels vivent des personnes qui n'arrivent pas à se chauffer en raison d'un manque de moyens.

Si aujourd'hui, il y a une très forte cristallisation sur l'essence, c'est que cette augmentation arrive au moment où se font les approvisionnements en fioul, notamment dans ces habitations. Quel plan d'ampleur peut-on mettre en place pour favoriser réellement la rénovation de ces habitations ? J'ai été maire d'une commune périurbaine, qui a connu un développement massif de l'habitat individuel dans les années 1975 -1980, et dont l'isolation thermique est une catastrophe.

Mme Nicole Bonnefoy . - Je partage l'idée selon laquelle il faut un projet politique, et que ce dernier doit être expliqué de manière claire, pour que chacun puisse se l'approprier. Je ne suis pas sûre que, sur le terrain - et pour y être suffisamment -, chacun se soit approprié la transition énergétique. La taxation du carburant est vécue comme une taxe supplémentaire.

Cela m'amène à la question de la taxation des poids lourds. Dans mon département, les particuliers vont être taxés à la pompe pour faire un plein. Or, sur les routes nationales - deux traversent mon territoire - on voit des files entières de poids lourds en transit. Je n'admettrai pas qu'il y ait une taxation sur les particuliers et pas sur les marchandises en transit.

M. Joël Bigot . - Nous sommes dans un climat anxiogène. On cultive des paradoxes : la nécessité d'avoir une transition écologique, alors même que l'acceptabilité sociale n'est pas au rendez-vous. Dans les différentes mesures que vous avez préconisées, je souhaite savoir quels sont les leviers prioritaires à actionner. En outre, pouvez-vous nous faire part des expériences étrangères ? Les collectivités territoriales sont au premier rang pour connaître la difficulté de vie de nos concitoyens. Elles sauront identifier les opportunités écologiques. L'Ademe, de mon point de vue, doit avoir un rôle central de grand organisateur et de planificateur territorial de la transition énergétique.

M. Nicolas Garnier. - Je pense que vous avez dit l'essentiel. La fiscalité verte doit être un projet politique avec des objectifs, des principes et des moyens d'évaluation. Un projet politique doit être compréhensible et accepté. Derrière cela se trouve une question de gouvernance.

Vous avez voté, il y a quatre ans, des objectifs, par exemple 32 % d'énergies renouvelables en 2030, 500 000 logements rénovés par an, - et nous vous y avons encouragé. Mais, je me demande comment l'évaluation a été faite à l'époque pour pouvoir dire où placer le curseur. Si vous fixez un objectif avant de concéder, finalement, qu'on ne l'atteindra jamais, alors cet objectif n'a aucune valeur, d'autant plus si cela n'a aucune conséquence.

Il y a donc un enjeu, au niveau de la gouvernance, de savoir si les objectifs sont bien définis. Si vous ne disposez pas des moyens pour les atteindre, alors cela ne sert à rien de les voter, car ils ne sont pas crédibles. Si vous faites du management dans une entreprise et que vous dites à un salarié que rien ne se passe s'il n'atteint pas son objectif, alors cela devient compliquer à gérer.

Je rejoins ce qui a été dit sur la transparence. Le projet de loi de finances, en l'état actuel, est incompréhensible. À une époque, on évoquait l'opportunité de créer une loi de financement de la transition énergétique, mais cette idée, qui impose de modifier la Constitution, n'a pas prospéré.

En revanche, l'idée que le CAS transition énergétique soit un vrai compte d'affectation spéciale regroupant l'ensemble des recettes et des dépenses liées à la transition me plait.

Nous n'avons pas évoqué la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). Le sujet est exactement le même : la TGAP « déchets » est aujourd'hui un instrument budgétaire, et non un instrument écologique. On taxe, en bout de chaîne, des collectivités sur des déchets qui ne sont pas recyclables, et qui vont ensuite répercuter ce prélèvement sur la taxe d'enlèvement des ordures ménagères. Cela n'a aucun intérêt, sauf pour Bercy : in fine, les déchets se retrouvent en décharge, car ils ne sont pas recyclables, et la TGAP augmente.

La transparence consiste à indiquer ce que sont les recettes, à s'interroger si on taxe la bonne personne - est-ce que cela a du sens de taxer les ménages lorsqu'on leur propose des voitures qui toutes, depuis vingt ans, font du 9 litres aux cents kilomètres - et au bon niveau - la taxation est aujourd'hui aveugle vis-à-vis des revenus.

Je vous invite à demander au Gouvernement des outils d'évaluation des mesures. Une étude a-t-elle été menée afin de savoir combien l'État a dépensé d'argent pour la rénovation énergétique, ou encore combien de logements ont été rénovés et d'émissions de CO 2 ont été évitées ? De même, il s'agirait de savoir combien ont été dépensés en faveur de l'éolien, et combien de kilowattheures ont été ainsi produits et d'émissions carbone évitées. Aujourd'hui, ces outils n'existent pas. Aussi, lorsque je vois lors des débats parlementaires des demandes d'augmentation de 3% du crédit d'impôt sur la transition énergétique (CITE) sur les fenêtres, ou au contraire une diminution de ce crédit d'impôt sur les chaudières, je me dis que vous naviguez à vue.

L'arbitrage politique a été fait. Il y a bien 10 milliards d'euros de recettes qui sont arrivés dans les caisses de l'État, sans pour autant entraîner une augmentation des crédits consacrés à la transition énergétique. Ce qui est choquant, c'est l'absence de débat démocratique autour de cet arbitrage.

Il est aujourd'hui impossible, par la loi, d'augmenter le fonds chaleur de l'Ademe, puisque la mission « Écologie » du projet de loi de finances détermine le montant du budget de l'Ademe de manière globale. Augmenter le budget de l'Ademe ne permet pas d'augmenter les aides au développement de la chaleur renouvelable. Pourtant, la chaleur est le premier poste de consommation énergétique de ce pays. La question à laquelle nous sommes confrontés n'est pas de savoir comment on produit de l'électricité, mais plutôt comment on se chauffe et on se déplace.

Pour produire environ 10 térawattheures d'électricité renouvelable, on a mis 7 milliards d'euros sur la table, à travers la contribution spéciale au service public de l'électricité (CSPE). Or, pour essayer d'atteindre un objectif similaire en matière de chaleur renouvelable, on a consacré à peine 220 millions d'euros. Pourquoi ne développe-t-on pas la chaleur renouvelable en France, alors que la plupart des pays d'Europe investissent dans les réseaux de chaleur ? Près de 300 collectivités de plus de 10 000 habitants n'ont aucun réseau de chaleur. Aujourd'hui les taux de retour sur investissement (TRI) pris en compte pour les investissements dans ces réseaux sont beaucoup plus faibles que les TRI pris en compte pour faire un parc photovoltaïque. Dès lors, ces réseaux ne sont pas assez compétitifs et perdent des clients.

M. Benoît Leguet . - Le bon critère pour l'évaluation de la taxe carbone n'est pas forcément qu'un euro perçu soit égal à un euro redistribué. Il ne s'agit pas d'une taxe de rendement, mais d'une taxe dont l'objectif est d'inciter à des changements de comportements, et à produire de l'investissement bas carbone.

Il y a des éléments de pilotage qui existent, mais qui ne sont pas forcément connus. L'article 174 de la loi de transition énergétique oblige l'administration à remettre chaque année au Parlement un rapport évaluant les investissements publics et privés en faveur de la transition énergétique, ainsi que leur adéquation avec les objectifs fixés par la loi. Nous allons présenter ce rapport à l'Assemblée nationale le 29 novembre prochain. Cela permet d'examiner de façon rétrospective les investissements concourant à la transition énergétique. Je peux d'ores et déjà vous annoncé que nous avons comptabilisé 32 milliards d'euros en 2016. L'objectif est de comparer ce chiffre à ce qu'il faudrait investir pour atteindre nos objectifs de transition énergétique.

Cela me permet de faire le lien avec l'interrogation sur l'existence d'une stratégie claire sur le climat. Ce qui est sûr, c'est que nous avons une stratégie nationale bas carbone, et que cet article 174 existe. Il faut simplement utiliser le cadre qui existe déjà.

Nous essayons de voir dans quels secteurs ont lieu les investissements bas carbone, qui sont les porteurs de projets, d'où vient l'argent, et par quel type d'instruments - dette, equity , subventions - est-ce financé.

Le CAS transition énergétique ne liste pas toutes les dépenses et recettes consacrées à la transition écologique. Nous aimerions contribuer à réduire ce manque d'information. Nous allons développer très prochainement un projet de « green budget », afin d'évaluer la « verdeur » du projet de loi de finances, en listant les dépenses budgétaires, les dépenses fiscales environnementales, et en essayant de trouver un indicateur d'efficacité de ces dépenses, qui ne sera pas forcément la tonne de CO 2 . En effet, la plupart des personnes ont tendance à calculer les euros dépensés par tonne de CO 2 , et à comparer les options, en commençant par le moins cher, pour aller ensuite vers le plus cher, ce qui est selon moi la meilleure façon d'aller dans le mur. Il y a besoin parfois de choisir des options coûteuses dès le début si l'on ne veut pas échouer sur le long terme.

En ce qui concerne l'existence d'une source de revenus qui va se tarir, nous avons en effet un problème à moyen terme. Si on suit les objectifs de la loi de transition énergétique et l'Accord de Paris, il n'y aura plus d'énergie fossile à terme. Mais je fais confiance à l'ingéniosité du législateur pour trouver de nouvelles bases taxables. Autrefois on taxait bien la forme des moustaches ou la largeur des façades sur rue. Le bonus-malus sur les véhicules a été évoqué. Pour moi, il ne s'agit pas d'un bon exemple. En effet, cela n'a d'effet qu'à un moment, en l'occurrence à l'achat du véhicule. Une fois cet achat fait, il n'y a plus d'impact sur la quantité de carburant consommée. Aujourd'hui, plus des deux tiers des véhicules achetés en France sont des véhicules classe B ou plus, en termes d'émissions de gaz à effet de serre. Le vrai enjeu est de passer à 0 % de classe B ou plus, ce à quoi la fiscalité carbone peut aider.

Je fais une petite incidence sur le prix de la baguette. Bien évidemment, la fiscalité va conduire à une modification des prix relatifs. À mon avis, ce n'est pas le prix de revient de la baguette qui va être affecté en premier, mais un certain nombre de comportements. Aujourd'hui, les gens prennent leur voiture pour faire 5 kilomètres, brûlant ainsi 25 centilitres d'essence pour acheter une baguette qui vaut un euro. Où est le vrai coût ? Est-ce dans l'augmentation du prix de la baguette, ou dans l'utilisation de la voiture ? Y a-t-il une façon de s'organiser différemment pour aller acheter le pain sans utiliser la voiture ? Je pose une question ouverte qui n'appelle pas de réponse aujourd'hui. Lorsque j'étais petit, j'habitais en Haute-Marne, il n'y avait pas de boulangerie dans le village et on vivait très bien car un camion faisait une ronde. Il y a certainement un besoin d'investissements. On peut inciter les particuliers à acheter une voiture électrique, une trottinette, à se déplacer à pied... mais de nouveaux modes d'organisation doivent être trouvés au niveau territorial. Cela ne veut pas dire une décroissance ou une perte de bien-être.

M. Dominique Bureau . - Vous nous avez interrogés sur le financement de la recherche. J'ai été directeur du service en charge de la recherche au ministère de l'environnement, et je suis d'accord avec vous : il y a besoin de recherche, à la fois en amont, mais aussi lors des phases de déploiement. Je siège au conseil scientifique de l'Institut national de la recherche agronomique (Inra). Celui-ci nous a récemment présenté un programme de recherche prioritaire sur les pesticides. La première version soumise portait uniquement sur les technologies. On s'est rendu compte que cela n'allait pas, car les programmes de recherche doivent anticiper la manière dont on permet la transition. Cela me permet d'insister sur la nécessité d'assumer que cette transition écologique résulte d'un partenariat public-privé. Il y a besoin d'investissements publics, notamment par les autorités locales, mais on fait fausse route si on pense que l'on peut régler la transition énergétique uniquement en se fondant sur l'investissement public. La rénovation des bâtiments relève aussi des comportements des agents privés.

En ce qui concerne les exonérations, et au-delà de la question posée, nous avons aujourd'hui plusieurs difficultés sur la stratégie menée en matière de fiscalité écologique. Tout d'abord, il faut faire accepter des trajectoires de fiscalités incitatives qui sont mises en place avec difficulté. Par ailleurs, il existe un certain nombre d'exemptions, qui sont gênantes car les acteurs exemptés sont justement des pollueurs. On taxe donc durement des gens qui polluent peu, et moins ceux qui polluent beaucoup, ce qui est inéquitable.

En ce qui concerne la transparence, je vais vous présenter cinq propositions du rapport que nous avons réalisé avec Bénédicte Peyrol. Nous proposons tout d'abord de créer un « jaune budgétaire » consacré à la fiscalité environnementale afin de donner une vision intégrée de la manière dont les instruments votés lors des lois de finances concourent à la prévention des atteintes à l'environnement. Il s'agit de vérifier que cette fiscalité est bien incitative. Je veux souligner qu'aujourd'hui, nous avons la capacité de faire de l'analyse coûts-bénéfices et de montrer qu'il existe un retour pour l'investissement. L'OCDE développe des instruments tout à fait intéressants pour faire le suivi des politiques, de manière plus efficace que la LOLF d'ailleurs.

Par ailleurs, nous recommandons de décrire le développement de la fiscalité environnementale et le programme envisagé de réduction des dépenses fiscales dommageables à l'environnement dans les lois de programmation des finances publiques . La fiscalité écologique doit être pensée sur une période pluriannuelle. Ce qui compte pour faire évoluer les comportements est le prix anticipé, plutôt que le prix actuel.

En outre, il faut intégrer systématiquement dans les présentations budgétaires de la fiscalité environnementale l'évaluation des impacts et les principes retenus pour l'utilisation de ses recettes. Pour assurer l'adhésion des acteurs, il conviendrait de créer un moment annuel de concertation dédié à l'investissement et à la fiscalité verte.

Nous proposons également d'élaborer à l'horizon 2021 des indicateurs de suivi. Enfin, nous proposons de favoriser une meilleure communication, vis-à-vis des contribuables et des collectivités territoriales, sur les enjeux et l'utilisation des recettes des taxes environnementales afin d'en renforcer l'acceptabilité sociale et de concrétiser le pacte fiscal écologique. Cela concerne également les PME, afin qu'elles comprennent à quoi sert la fiscalité verte et ce qu'elles peuvent faire.

Je souhaite apporter une nuance sur la question de la concurrence européenne. La fiscalité verte mise en place actuellement doit nous permettre de tenir les objectifs fixés dans un cadre européen. Nous ne sommes pas dans une situation où nous sommes seuls à mener cette politique. Chaque pays européen dispose d'un budget carbone à respecter. La question posée est de savoir comment atteindre cet objectif - d'ailleurs insuffisant pour limiter la croissance des températures à 2 degrés. Cela n'empêche pas que les problèmes frontaliers que vous évoquez sont importants.

Nous savons que lorsqu'une ressource est gratuite, elle est gaspillée. Marcel Boiteux, ancien président d'EDF, disait que « le système de prix permet d'orienter en faveur des solutions qui gaspillent le moins de ressources lorsqu'il s'agit de raretés non marchandes. L'écotaxe semble le moyen le plus adapté pour rendre compatible la poursuite de la croissance économique et la préservation des libertés » . Il ne faut pas faire croire que l'on va respecter notre budget carbone avec un prix nul du carbone.

Marcel Boiteux insistait également sur le fait que, pour la compétitivité économique, l'instrument le plus efficace est la fiscalité. En effet, elle est libératoire : soit vous avez des solutions pour faire à moindre coût que la taxe, soit vous payez la taxe. Ainsi, vous n'êtes jamais devant un mur, contrairement à la réglementation qui, lorsqu'elle n'est pas respectée, peut provoquer des fermetures d'entreprise. La fiscalité permet de laisser un libre choix technologique pour atteindre l'objectif. Des études de l'OCDE montrent que cela permet de diminuer par quatre le coût pour la collectivité pour atteindre un objectif environnemental donné. C'est donc l'instrument le moins punitif que l'on puisse imaginer, et en plus il fonctionne.

A contrario , la situation actuelle de dérive de la trajectoire des émissions de CO 2 s'explique par la baisse du prix du pétrole, qui s'est traduit par un relâchement des comportements.

Dans le rapport que j'évoquais se trouve, en annexe, une proposition d'un nouveau type de compte d'affectation spéciale pour les mesures de prévention. La raison est simple : la fiscalité incitative pour faire de la prévention est très différente dans sa nature des taxes contributives. Dans un cas, il y a des dépenses à financer, dans l'autre cas, on souhaite orienter les comportements.

Il faut avoir conscience que tout le monde n'est pas captif. Croire le contraire risque de conduire à des erreurs de politiques. En outre, dans le contexte actuel, il s'agit plutôt d'une question générale de pouvoir d'achat. Certes, tout le monde est un peu touché avec la fiscalité verte. Mais certains groupes sociaux sont plus touchés que d'autres. Aussi, si l'on veut cibler les politiques, il faut examiner ce fait de près.

Enfin, la Suède a mis en place une taxe incitative pour conserver le signal-prix incitatif, tout en remboursant au prorata les entreprises concernées. Elle fonctionne comme un bonus-malus, mais en évitant les pièges de ce dernier.

M. Benoît Leguet . - Le financement participatif contribue à l'effort de pédagogie. Mais lorsque l'on regarde ce qui est financé, on constate que sont des projets d'énergie renouvelable, notamment d'électricité renouvelable. Je ne veux pas que l'on réduise les problèmes de transition énergétique à l'énergie renouvelable. Lorsque l'on regarde les besoins d'investissement pour la transition énergétique, il s'agit surtout de la rénovation énergétique des bâtiments. Or, dans ce domaine, ce n'est pas l'argent qui manque : les Français dépensent chaque année 50 milliards d'euros pour l'amélioration de leurs logements. Mais ils ne le dépensent pas sur la rénovation thermique mais sur de l'aménagement intérieur et le bien-être. Ce qui fait défaut, c'est donc la pédagogie et l'incitation. Les autres secteurs pour lesquels l'investissement est insuffisant sont les véhicules bas-carbone et les réseaux de chaleur.

Mme Nicole Bonnefoy . - Vous n'avez pas évoqué la question de la taxation des poids lourds.

M. Dominique Bureau . - Je peux simplement vous dire que j'ai passé une bonne partie de ma vie administrative à essayer de mettre en place une telle taxation.

M. Hervé Maurey , président . - Je vous remercie pour vos interventions et vos réponses. Vous avez beaucoup enrichi notre réflexion. Vous allez certainement susciter chez mes collègues un certain nombre de questions à l'intention de M. François de Rugy que nous recevons cet après-midi.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

LES AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

Amendement DEVDUR-1

Article 8

I. - Après l'alinéa 25

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« 1... Aux réceptions de résidus issus des installations de tri, de recyclage et de valorisation performantes, dans la limite de 50 % de la quantité de ces résidus reçue par une installation visée au a du 1 du I du présent article.

« Les installations de tri, de recyclage et de valorisation performantes s'entendent comme celles dont les proportions de déchets identifiés comme des résidus sont inférieures ou égales à des seuils fixés, selon la nature et les caractéristiques des déchets, par arrêté conjoint des ministres chargés du budget et de l'environnement ; »

II. - Alinéa 36, tableau, onzième ligne

Supprimer cette ligne.

III. - Alinéas 46 à 51

Supprimer ces alinéas.

IV. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes résultat pour l'État du présent article est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Objet

Cet amendement vise à instaurer un abattement de 50 % de taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) sur les résidus de déchets non valorisables issus d'installations de tri, de recyclage et de valorisation performantes.

L'objectif est de diminuer le coût des opérations de tri et de recyclage en réduisant le montant de TGAP dû sur les résidus qui ne peuvent pas être valorisés et qui sont donc envoyés vers des installations de stockage ou d'incinération.

Cet abattement ne pourra bénéficier qu'aux installations performantes, dont le volume de résidus est inférieur à un seuil fixé par arrêté.

Cet amendement va plus loin que l'amendement du Gouvernement adopté à l'Assemblée nationale en première lecture qui instaure un tarif réduit de TGAP sur les seuls résidus de tri à haut pouvoir calorifique qui sont traités dans des installations de valorisation énergétique à haut rendement. Une telle mesure est insuffisante compte tenu de l'absence, dans de nombreux départements, de solution d'incinération à haut rendement, ou de la saturation des capacités de ces incinérateurs, qui conduisent à ce que ces résidus soient orientés vers des installations de stockage.

Amendement DEVDUR-2

Article additionnel après l'article 8

Après l'article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le code général des impôts est ainsi modifie' :

1° L'article 278-0 bis est complété' par un M ainsi rédigé' :

« M. - Les prestations de collecte séparée, de collecte en déchetterie, de tri et de valorisation matière des déchets des ménages et des autres déchets que les collectivités mentionnées a` l'article L. 2224-13 du code général des collectivités territoriales peuvent, eu égard a` leurs caractéristiques et aux quantités produites, collecter et traiter sans sujétions techniques particulières, ainsi que les prestations de services qui concourent au bon déroulement de ces opérations. » ;

2° Le h de l'article 279 est ainsi rédigé :

« h. Lorsqu'elles ne relèvent pas du taux réduit prévu au M de l'article 278-0 bis du présent code, les prestations de collecte et de traitement des déchets des ménages et des autres déchets que les collectivités mentionnées a` l'article L. 2224-13 du code général des collectivités territoriales peuvent, eu égard a` leurs caractéristiques et aux quantités produites, collecter et traiter sans sujétions techniques particulières, ainsi que les prestations de services qui concourent au bon déroulement de ces opérations ; ».

II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Objet

Cet amendement vise appliquer un taux réduit de TVA de 5,5 % aux opérations de prestation de collecté séparée, de collecte en déchetterie, de tri et de valorisation matière des déchets dès 2019, et non à compter de 2021 comme le prévoit l'article 59 du projet de loi de finances pour 2019.

L'article 8 du projet de loi de finances prévoit une augmentation des taux de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) due par les installations d'incinération et de stockage à compter de 2021, et une suppression, dès 2019, du taux réduit de TGAP dont bénéficient les installations de stockage répondant à la norme ISO 14001, ce qui conduira à augmenter le taux de TGAP de 33 euros par tonne en 2018 à 41 euros par tonne en 2019 pour environ 20 % de ces installations.

Réduire le taux de TVA sur les opérations de tri et de recyclage dès 2019 permettrait par ailleurs de réduire plus rapidement l'écart de coût entre ces opérations et les solutions de stockage et d'incinération.

Amendement DEVDUR-3

Article additionnel après l'article 8

Après l'article 8

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Une fraction du produit, revenant à l'État, de la taxe intérieure de consommation prévue à l'article 265 du code des douanes est attribuée à la métropole de Lyon, à la Ville de Paris, et aux établissements publics ayant adopté un plan climat-air-énergie territorial en application de l'article L. 229-26 du code de l'environnement.

Cette fraction est calculée de manière à ce que le montant versé à la métropole de Lyon et à chaque établissement public s'élève à 10 euros par habitant. Par exception, cette fraction est calculée pour être égale à 5 euros par habitant pour la Métropole du Grand Paris, à 5 euros par habitant pour les établissements publics territoriaux de la Métropole du Grand Paris et à 5 euros par habitants pour la Ville de Paris.

II. - Une fraction du produit, revenant à l'État, de la taxe intérieure de consommation prévue à l'article 265 du code des douanes est attribuée aux collectivités territoriales ayant adopté un schéma régional du climat, de l'air et de l'énergie en application de l'article L. 222-1 du code de l'environnement ou un schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires en application de l'article L. 4251-1 du code général des collectivités territoriales.

Cette fraction est calculée de manière à ce que le montant versé à chaque collectivité s'élève à 5 euros par habitant.

III. - Les modalités d'attribution de la fraction prévue aux I et II du présent article sont fixées dans un contrat conclu entre l'État et la collectivité territoriale ou l'établissement public concerné, la région pouvant être cocontractante des contrats conclus avec la métropole de Lyon, la Ville de Paris, ou avec les établissements publics de son territoire.

IV. - La perte de recettes résultant pour l'État des I et II est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Objet

Cet amendement vise à attribuer une fraction de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) aux collectivités territoriales qui sont compétentes pour mettre en oeuvre des politiques de transition énergétique.

Il s'agit d'allouer :

- un montant de 10 euros par habitant aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ayant adopté un plan climat-air-énergie (ce montant serait de 5 euros par habitant pour la Métropole du Grand Paris, pour ses établissements publics territoriaux et pour la Ville de Paris);

- un montant de 5 euros par habitant aux régions ayant adopté un schéma régional du climat de l'air et de l'énergie ou un schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires.

Cet amendement a déjà été examiné et adopté par le Sénat en première lecture de l'examen du projet de loi de finances pour 2018.

La transition énergétique nécessite de mobiliser des ressources importantes pour mettre en oeuvre des projets permettant d'améliorer l'efficacité énergétique des logements, de développer la production d'énergies renouvelables, de réduire la volume des déchets produits ou encore de développer les mobilités propres. Afin d'amplifier la mise en oeuvre de la transition énergétique dans les territoires, les collectivités territoriales compétentes doivent bénéficier de ressources supplémentaires.

La hausse de la taxe carbone et le rapprochement de la fiscalité sur l'essence et le gazole conduisent à une forte augmentation des recettes de la fiscalité sur les énergies fossiles. Entre 2017 et 2022, cette augmentation est évaluée à 15,4 milliards d'euros. Il est nécessaire qu'une partie de ces recettes soit affectée à des mesures de transition énergétique.

Amendement DEVDUR-4

Article 19

I. - Alinéas 3 à 17

Remplacer ces alinéas par huit alinéas ainsi rédigés :

a) La trente-troisième ligne est ainsi rédigée :

«

-destiné à être utilisé comme carburant sous condition d'emploi ;

20

Hectolitre

18,82

35,58

49,88

65,14

78,23

» ;

b) La quarante-et-unième ligne est ainsi rédigée :

«

---sous condition d'emploi ;

30 bis

100 kg nets

15,90

20,21

24,52

28,83

33,13

» ;

c) La quarante-sixième ligne est ainsi rédigée :

«

---sous condition d'emploi ;

31 bis

100 kg nets

15,90

20,21

24,52

28,83

33,13

» ;

d) La cinquante-deuxième ligne est ainsi rédigée :

«

---sous condition d'emploi ;

33 bis

100 kg nets

15,90

20,21

24,52

28,83

33,13

» ;

II. -  Alinéas 24 et 25 et 43 à 87

Supprimer ces alinéas.

Objet

Cet amendement vise à rendre progressive la suppression du tarif réduit de taxe intérieure de consommation sur le gazole non routier (GNR) prévue par l'article 19 du projet de loi de finances pour 2019, en l'étalant sur quatre ans.

Comme pour la taxe carbone, le rapprochement de la fiscalité du diesel et de l'essence ou la hausse de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), une progressivité est nécessaire pour donner de la visibilité aux entreprises et leur permettre de s'adapter, en renouvelant par exemple leurs parcs de véhicules.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mardi 23 octobre 2018 :

- Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) : M. Fabrice Boissier , directeur général délégué ;

- Fédération nationale des travaux publics (FNTP) : MM. Julien Guez , directeur général, et Jean-Christophe Angenault , directeur de cabinet ;

- Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP) : MM. Arnaud Mathieu , adjoint à la sous-directrice du financement et de l'économie du logement et de l'aménagement, et Louis de Franclieu , chef du bureau du budget du logement et de l'aménagement.

Mercredi 24 octobre 2018 :

Table ronde du groupe d'études économie circulaire sur la fiscalité des déchets :

- Direction générale de la prévention des risques (DGPR) : Mme Anne-Luce Zahm , cheffe du bureau de la planification ;

- AMORCE : M. Nicolas Garnier , délégué général ;

- Direction de la législation fiscale (DLF) : M. Matthieu Deconinck , chef du bureau « politiques sectorielles et taxes sur les transactions ».


* 1 Actuellement, ce taux est de 41 euros par tonne pour les installations qui ne bénéficient pas de réfaction. La trajectoire prévue par le code des douanes vise un taux de 48 euros par tonne en 2025.

* 2 Actuellement, ce taux est de 15 euros par tonne pour les installations qui ne bénéficient pas de réfaction et de 9 euros par tonne pour les installations réalisant une valorisation énergétique élevée.

* 3 Le montant du crédit d'impôt correspond à « l'écart entre la somme actualisée des mensualités dues au titre de l'avance remboursable sans intérêt et la somme actualisée des montants perçus au titre d'un prêt de même montant et durée de remboursement, consenti à des conditions normales de taux à la date d'émission de l'offre de prêt ne portant pas intérêt ».

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